[ Clos ] Une abîme de rage... [Solo]

[Lehna]

[Contrainte n°9 : Insister sur un sentiment particulier.]


Lehna continuait d’avancer à travers la forêt, suivant le chemin indiqué par l’enfant qu’elle avait croisé précédemment. Saphir était sortie de sa pokéball et marchait tranquillement à côté de sa maitresse, se dégourdissant les jambes. Certes, elle n’appréciait pas beaucoup cette neige froide contre ses pattes fragiles, mais cela faisait quelques temps qu’elle n’avait pas pu s’étirer et profita de l’occasion, au détriment de ses coussinets.

Si Lehna avait étudié la carte du monde par cœur, connaissant les moindres climats, faunes, flores, elle était en revanche beaucoup moins à l’aise sur le terrain, qu’elle empruntait pour la première fois. Même si elle ne voulait pas se l’avouer, elle n’avait aucun sens de direction, et n’avait aucune idée d’où se trouvait le nord ou le sud. Elle se contentait d’essayer d’avancer en ligne droite, pensant arriver ainsi à son lieu de destination sans soucis.

Mais bien sûr, elle se leurrait.
Soudain, la végétation s’éclaircit, les arbres étaient de moins en moins serrés les uns aux autres, et la neige se faisait plus rare.
Puis il y eut le grand bleu.

Sans le savoir, Lehna avait marché jusqu’au bout du continent, et était maintenant en haut d’une falaise, faisant face à la mer.
Alors c’était donc ça qu’on appelait l’océan ?
La princesse devait avouer n’avoir jamais vu autant d’eau de toute sa vie. La vague s’étendait jusqu’à l’horizon, et il n’y avait rien qui la tâchait, rien qui ne l’abimait. Juste une immense quantité d’eau, scintillante et profonde, parfaite.
Lehna ne s’était jamais sentie aussi insignifiante de toute sa vie. Une boule se forma dans sa gorge, et elle pensait qu’elle allait se sentir mal. Le monde était beaucoup plus grand et imposant qu’elle ne le pensait, elle n’aurait jamais imaginé une telle scène, mais dans ses rêves les plus fous. Elle avait l’impression d’être écrasée sous un poids terrible, le poids de l’univers même, un poids qu’elle trouvait insupportable. Cette eau si parfaite et paisible semblait la narguer, essayant de lui rappeler sa véritable place dans le monde. Elle avait l’impression que les paillettes qui s’illuminaient sur l’eau lui parlaient.
« Regarde, et observe ce qu’est vraiment la perfection. »
Comment osaient-elles ? Elle était parfaite, Lehna, ou du moins se considérait comme telle, ayant compris le véritable sens de la vie, chose que même l’océan lui même, dans toute sa splendeur et majestueuse ne pouvait lui faire changé d’avis. La boule dans sa gorge était devenu un nœud au niveau de son ventre, mais elle n’allait pas se laisser faire. Elle allait montrer à l’univers qu’elle valait même mieux que lui, et que la plénitude n’était qu’une illusion comme tous les autres idéaux de ce monde. Liberté, bonheur, bien-être, rien de tout cela n’était réel, il n’y avait que la souffrance qui était concrètement présente, et elle allait le prouver. Elle allait le mettre au pas, cet océan, comme elle l’avait fait avec toutes les autres personnes qui avaient tentés de se mettre sur son chemin.

À côté, Saphir regardait sa maitresse, triste pour elle. Cette colère qu’elle ressentait semblait ne jamais s’apaiser, et le chat avait parfois l’impression que sa maitresse allait devoir porter ce fardeau toute sa vie. D’un regard, elle comprit le message de Lehna et rentra dans sa pokéball, se mettre à l’abri. Plissant les yeux, Lehna se mit à courir en direction de la falaise, s’élançant de celle-ci. Dés qu’elle fut assez proche de l’eau, elle fit tournoyer ses bras de manière à maitriser l’eau se trouvant sous elle pour amortir sa chute. Elle n’avait pas l’habitude de contrôler les flux de courant et de vagues, mais elle n’en avait que faire, en quelques minutes à peine, elle se tenait debout, sur l’océan, entourée d’une eau qu’elle dominait parfaitement. Certes, elle ne pouvait pas tout soumettre d’un coup, mais cette petite tape devrait lui faire comprendre qui était le maître ici. Elle leva la tête pour regarder l’immensité bleue, puis lâcha un rire moqueur.

Là-bas ! Il y avait une macule sur la perfection, une belle saleté que l’océan avait tenté de lui cacher précédemment. Cela ressemblait à une île de loin, et cela prouvait que cette sainteté de l’univers n’était en vrai qu’une fraude. Asservissant l’eau, elle s’élança à l’abordage de la tâche.