[ Clos ] [Mini-Event Jirachi] Sous les larmes du ciel [Peter]

[Yûn]

Uroko étant dans l’incapacité de voler, à cause de son aile endommagée, l’apprentie du Dragon Master se retrouvait une fois de plus juchée sur la dame des dunes de son mentor. Celle-ci suivait sans peine le Dragon doré de son partenaire humain, se contentant de battre occasionnellement ses ailes membraneuses. Les deux créatures mythiques se laissaient porter par les courants, ce qui était beaucoup moins fatiguant.
Ils avaient quitté la Caverne où nombre de Dragons s’étaient établis depuis quelques heures. Le duo survolait une nouvelle fois les terres de cet étrange îlot suspendu dans les airs. Plus pour longtemps cependant, ils rejoindraient bientôt les contrées bien rattachées à la Terre Mère par des liens de feu et de roche. Mais pour le moment, ils n’en étaient pas là.

Soudain, alors que le voile nocturne s’abattait doucement sur la voûte, Yûn eut comme un malaise. Enfin, il ne venait pas d’elle à proprement parler. Ce trouble émanait de la sphère accrochée à sa ceinture. Et elle le ressentait à travers tout son être.
Sunagon dut aussi se rendre compte que quelque chose n’allait pas, car elle poussa un léger cri en direction du Champion aux Dragons. Le duo entama alors une descente en spirale, avant de se poser sans heurt sur les rives d’un lac dépourvu de la moindre ride. A peine eut-elle touché terre que la jeune fille saisit le globe contenant son compagnon et activa le processus d’ouverture. Comme d’habitude, un flot lumineux se déversa, éclairant violemment la pénombre qui, peu à peu, se répandait sur le monde. Néanmoins, la créature qui apparut sur la berge était penchée, pliée en deux, les dents serrées. L’une de ses ailes était en berne, et il la soutenait difficilement avec son bras.
Yûn s’approcha de son Dragon, inquiète.

« Uroko, ça va ?
- Ca pourrait aller mieux. Mon aile et ma queue me lancent. »

Il n’avait pas fini sa phrase que la douleur se manifesta une nouvelle fois. Une douleur sourde, pas suffisamment franche pour l’exprimer d’un cri, mais pourtant bien présente. La Terrosienne la ressentit, certes pas aussi intensément, mais tout de même. Il semblerait que son entraînement et l’exercice dans l’antre des Dragons portait de plus en plus ses fruits. Malheureusement… Elle ne pouvait rien faire pour venir en aide à Uroko. Encore une fois.

Yûn se tourna vers son maître. Elle savait que le Drattak humanoïde ne portait pas le Nalcien dans son cœur. Mais, s’il y avait quoi que ce soit pour le soulager…

« Sensei… »

A ce moment-là, la nuit avait fait son œuvre. Le Soleil s’était effacé totalement, jusqu’au petit matin. Laissant place à une averse des plus étranges. Les infinies servantes de la reine d’argent filaient dans le ciel, par milliers. Elles se reflétaient dans les eaux du lac, alors que, dans ce dernier, on apercevait de légères lumières orangées tout au fond. Mais la jeune fille était trop préoccupée par le sort de son partenaire pour s’émerveiller de ce spectacle féerique.

[Peter]

Après leur rencontre avec des Dragons encore inconnus, Peter et son apprentie avaient quitté la caverne, sans aucun doute « grandis » par cette expérience. La Terrosienne avait prouvé sa valeur et avait réussi, non sans mal, à se faire accepter par les habitants des lieux ; quant au Dragon Master, il avait déjà tissé un lien fort avec un Solochi aveugle, qu'il était persuadé de retrouver sur son chemin à l'avenir. Cependant, le temps passé dans l'antre de l'épreuve n'avait pas permis à Uroko de récupérer totalement des blessures infligées par son premier contact avec le continent flottant. Ainsi, la jeune élève avait dû compter, une fois de plus, sur la créature à l'aspect rappelant une libellule pour pouvoir voler aux côtés de son maître. Bien sûr, Sunagon ne lui en voulait pas, pas plus que le champion nalcien. La Libégon pouvait voler vite et plutôt longtemps, et c'était un Pokémon de Peter, soumis à un rude et quotidien entraînement. Mais si le Drattak avait pu recevoir les premiers soins (et le Nalcien ignorait comment, mais cela ne le regardait pas, après tout), il était loin d'être guéri, et sa douleur était si intense qu'elle alerta Yûn et sa monture qui, d'un cri bref, avertit son dresseur du problème. Le Dragon Master, qui avait aussi ressenti le malaise d'Uroko, effleura le cou de Kairyuu, qui descendit rapidement pour se poser.

Il commençait à faire plutôt sombre, et Peter s'en moquait pour le moment, mais l'endroit était plutôt agréable. Un lac immense s'étalait devant eux, et de nombreux arbres entouraient l'eau d'une pureté et d'une clarté surprenantes. Loin, très loin, de l'autre côté, une cascade semblant venir de nulle part se déversait paresseusement, et le fracas que l'on pouvait attendre d'un tel processus n'était qu'un doux ronronnement pour ceux qui auraient dû contempler ce spectacle époustouflant. Mais ce n'était clairement pas le moment de s'émerveiller : l'hybride de Yûn venait de jaillir de sa capsule, en affichant une expression qui indiquait sans doute possible qu'il n'était pas au mieux de sa forme. En effet, il affirma qu'il avait mal dans l'aile, et à la queue, séquelles de son « crash » sur Tenkei. Aussitôt, Yûn se tourna vers Peter, en l'appelant d'un air quasi implorant. Le champion hocha la tête, puis s'approcha d'Uroko.

« Je sais que je suis loin d'avoir une place de choix dans ton échelle d'estime, mais je vais essayer de faire quelque chose. »

Peter était parfaitement conscient de l'animosité du Drattak envers lui, mais il le savait suffisamment intelligent pour ne pas se débattre avec quelqu'un qui tentait de l'aider. De plus, si le Nalcien n'était pas Guérisseur, il avait une connaissance suffisante de l'anatomie des Dragons et de leur fonctionnement pour déceler une quelconque anomalie. S'il détectait le moindre problème, il serait en mesure d'en atténuer les effets. Alors, doucement, le fils de l'Eternarien des Cieux posa ses mains sur l'aile meurtrie de la créature, puis les déplaça lentement, en silence, comme s'il « écoutait » la vie qui circulait en lui. Bien sûr, la blessure était visible de l'extérieur, et Peter soupçonnait une fracture ou, du moins, un os déplacé. La chair était légèrement gonflée, là où le mal avait été fait. Mais la persistance de la douleur signifiait qu'il y avait quelque chose d'anormal ailleurs dans le membre.

Au bout d'un moment, l'homme ferma les yeux, pour les rouvrir quelques secondes après. En un point précis, le flux vital était détourné, et s'écoulait dans le mauvais sens. Ayant découvert l'origine des élancements, Peter appuya en douceur, ses paumes pressées contre la chair du Dragon. Il rencontra une résistance, mais insista légèrement, et il sentit la « boule d'énergie » rebelle céder et reprendre son activité normale. Bien sûr, les connaissances en médecine ne permettaient pas aux Erasiens d'en haut ou d'en bas de comprendre scientifiquement ce qu'ils faisaient en guérissant les blessures, et le champion nalcien, n'en étant pas un, était carrément hors catégorie. Mais l'opération eut l'effet escompté : après un pic de douleur, Uroko ne sentirait plus rien. Il faudrait encore quelques heures, voire quelques jours, avant que son aile ne soit de nouveau utilisable, mais le plus dur était passé.

L'Eternarien entreprit ensuite de s'occuper de l'appendice caudal d'Uroko. Ayant sans doute subi le même sort, il avait un aspect similaire, avec un gonflement localisé. Peter répéta les mêmes gestes, puis exerça une pression, de la même manière. Une fois qu'il eut terminé, il sourit à Yûn, puis, comme souvent, leva les yeux vers le firmament, là où il se sentait le mieux... Et constata que la voûte, parsemée d'étoiles, n'était pas immobile. Enfin, pas exactement. Si le « fond » était en stase, certains points lumineux, eux, laissaient des traînées brillantes derrière eux. En parcourant la toile céleste du regard, il s'arrêta finalement sur une forme à cinq branches, qui s'éloignait d'eux lentement. Alors, en silence, il leva un peu son bras gauche, à l'extrémité duquel son index se tendit pour lui indiquer la direction des cieux. Le Dragon Master invitait son apprentie à contempler ce magnifique spectacle, qui ne se produisait qu'une fois tous les mille ans, et auquel ils avaient la chance d'être conviés. Une promesse de bon augure, en perspective.

[Yûn]

L’hybride n’avait eu d’autre choix que de mettre une fois de plus sa fierté de côté. Pour deux raisons. L’une plutôt physique, car la douleur ne faisait qu’amplifier, se répandant à travers ses autres articulations comme une vague sauvage. Son aile entière le meurtrissait, mais il sentait que quelques unes de ses vertèbres et la naissance de sa seconde membrane sanglante étaient elles aussi victimes de ces méfaits. Quant à sa queue, elle était complètement paralysée, traînant lourdement au sol sans qu’il puisse ne serait-ce qu’en soulever le bout. Il s’était déjà évanoui une fois à cause de ce mal qui le rongeait, il ne souhaitait pour rien au monde revivre cela.
Le deuxième motif, cette fois-ci, était plutôt d’ordre personnel. Il s’était fait une promesse qu’il entendait bien tenir, surtout que les événements de la Caverne lui avaient montré qu’ils arrivaient bientôt à la fin de son apprentissage. Une preuve supplémentaire était qu’elle avait été capable de déceler sa souffrance sans qu’il ne soit réellement présent. Chose que, jusqu’à présent, elle n’avait été capable que de deviner légèrement, contrairement au Champion aux Dragons. Aussi, se montrer ouvertement en désaccord avec Yûn, sur l’intervention du Dragon Master, était tout sauf un bon calcul de sa part.

Tout cela ne l’empêcha pas de poser un regard méfiant sur le mentor de sa protégée, en particulier lorsqu’il approcha ses mains de ses blessures. Il frémit et serra les crocs lorsque le Nalcien entra en contact avec les zones gonflées et sensibles. Son cœur s’emballa légèrement, son souffle se fit plus bruyant, au fur et à mesure que Peter s’activait. Mais il ne dit rien. Pas même un grondement de douleur ou de colère ne s’échappa de sa gorge. Et pourtant, Arceus savait que tout cela le faisait souffrir.
Soudain, le Dragon Master exerça une pression sur le point le plus douloureux. Uroko ferma subitement les yeux en serrant de plus belle ses dents aiguisées, alors que sa respiration se bloqua. Il demeura ainsi durant les quelques instants où Peter appuyait sur l’origine de sa blessure. Enfin, l’homme fasciné par les Dragons ôta ses mains, emmenant avec lui une partie du mal qui pesait sur le Drattak, permettant à ce dernier de recouvrer un souffle normal.
L’opération sur la queue fut moins pénible. Peut-être parce que, mine de rien, il était plus attaché à ses ailes ? Il y avait aussi que les muscles et les os de ces membres dont il avait toujours rêvé étaient à la fois puissants et fragiles. Le moindre petit travers clouait littéralement au sol la créature imposante.

Quelques instants passèrent, et Peter avait achevé sa besogne. Certes, l’hybride avait encore mal, mais ce n’était rien comparé à ce qu’il avait éprouvé auparavant. Il considéra celui qui venait de le soulager, et ouvrit la bouche, comme pour dire quelque chose… Mais se ravisa et détourna la tête. Yûn remarqua qu’il paraissait un peu troublé, comme s’il ignorait de quelle manière il devrait réagir.

Mais elle n’eut pas l’occasion d’y réfléchir davantage. Son maître lui fit signe de s’intéresser à la voûte. Ce qu’elle fit. Ce n’est qu’à ce moment-là qu’elle put enfin contempler le spectacle surnaturel qui s’offrait à eux.

Spoiler:

Lluvia de Estrellas

Le ciel versait des larmes de lumière, dont l’éclat faisait ressortir l’argent des longs et fins cheveux de la Terrosienne. Elles traversaient le firmament perlé de points scintillants, profitant de leur éphémère liberté avant de s’évanouir dans les airs. Il ne restait d’elles qu’une trace blanche, imprimée dans les rétines de leurs spectateurs, qui se détachait du décor d’encre pendant quelques secondes.
Et ce processus enchanteur se répétait à l’infini, au rythme des fragments d’étoiles qui exécutaient un cycle à l’apparence immuable.

La dernière fois que Yûn avait vu une pluie d’étoiles filantes, elle était très petite. Elle s’en souvenait car son père était encore là. C’était lui qui les lui avait montrées. Il l’avait réveillée en pleine nuit et l’avait emmenée au dehors de leur petite maison. C’était la première fois qu’elle avait vu le monde dans sa face cachée. Tout était bien plus calme qu’en journée, où les bêtes ne cessaient de courir, crier, et faire d’autres choses encore.
Ils avaient marché un petit moment, ensemble, elle dans les bras de son père. Puis, ils s’étaient allongés dans l’herbe, la tête levée vers les étoiles. Il lui avait demandé de ne plus faire de bruit, disant avec un doux sourire qu’elle allait les effrayer sinon. Garder le silence était quelque chose de pénible pour un enfant, surtout lorsqu’il fallait en plus attendre et qu’on ne savait pas pourquoi. Pourtant, la Terrosienne avait réussi à résister à la tentation.
C’est là que, devant ses yeux émerveillés et étonnés d’enfant, elle avait vu une des étoiles se décrocher du ciel pour s’enfuir. Une autre l’avait suivie, puis d’autres encore.
Au début, elle avait eu un peu peur. Elle croyait que le ciel était en train de s’effondrer ! Mais son père l’avait aussitôt rassurée en lui prenant la main. Puis, dans un murmure à peine audible, il lui avait raconté que, si on souhaitait très fort quelque chose pendant une telle nuit, les étoiles entendaient cette prière et exauçaient le vœu.

Ses iris gris admirant toujours les étoiles facétieuses, l’apprentie du Dragon Master eut un sourire triste en repensant à tout cela. C’était l’un de ses souvenirs les plus précieux.
En revanche, elle ne gardait pas en mémoire ce point lumineux plus important que les autres. Pourtant, elle n’aurait pu le manquer puisque, contrairement aux larmes célestes, il se déplaçait plus lentement et, surtout, semblait échapper aux ténèbres qui engloutissaient les étoiles tombées. De plus, en y regardant bien, il lui semblait distinguer la silhouette d’une créature. S’agissait-il encore d’un prodige de la Nature, dont elle n’avait pas la connaissance ?

« Sensei » Demanda-t-elle dans un murmure, de peur de briser la quiétude de la scène. « Quelle est cette étoile ? »

[Peter]

Comme prévu, les manipulations de Peter causèrent une grande douleur à Uroko, mais ce ne fut que pour mieux le laisser apprécier la vague de calme et de soulagement qui déferla en lui par la suite. Quand Peter eut terminé, le Drattak sembla vouloir lui dire quelque chose, mais se ravisa et détourna la tête, ce qui fit sourire le Dragon Master. Il avait sans doute failli dire merci, et s’était retenu au dernier moment, parce que quand même, il n’allait pas remercier le pseudo-Dragon, quoi. La pluie d’étoiles filantes était déjà assez surprenante comme ça, pas besoin d’en rajouter en fichant le monde à l’envers. Mais la réaction prouvait quand même qu’il y avait du progrès, et sans le dire, le champion nalcien en fut néanmoins content. Il n’espérait pas obtenir un jour quoi que ce soit d’amical de sa part, mais s’il cessait déjà de le voir comme un rival à abattre, c’était une bonne chose.

Courants… Stream of Consciousness…

Alors que son élève, répondant à son invitation, levait les yeux pour contempler le spectacle, Peter se perdit dans un souvenir à la fois doux et douloureux, exactement comme celui dans lequel Yûn venait de se plonger. Il était là, tout au bout du pic rocheux sur lequel était perchée la maison familiale, à Eternara. Le château du Temple dans lequel il allait vivre, plus tard, n’était qu’une demeure trop grande pour deux personnes, et pleine de souvenirs, pour Polydora, d’un mari défunt, et d’une silhouette vague pour le jeune garçon de douze ans. Alors, ils s’étaient installés là, pour être plus près du commerce de sa mère, et pour s’éloigner le plus possible de cet endroit pourtant entouré de Dragons sauvages, mais rassurants. Et un soir, sa mère était venue le voir, alors qu’il était assis, comme toujours, au bord du rocher taillé en pointe, les pieds dans le vide, à regarder le ciel.

Pourtant, cette fois, elle ne l’avait pas grondé. Au lieu de ça, elle s’était rapprochée en silence, puis assise près de lui, à la grande surprise de l’enfant qui n’en était déjà plus tout à fait un depuis longtemps, malgré l’amour et la protection féminine dont il bénéficiait. Il avait compris très jeune que l’absence de son père et le chagrin dissimulé de sa mère étaient étroitement liés, et il soupçonnait que son départ n’avait pas été normal et facile à accepter.

Ce soir-là, il avait eu des réponses. Sa mère lui avait raconté comment son père, un homme bon et intègre, avait quitté ce monde par chagrin, dévasté par la perte d’un être cher. Elle ne lui avait cependant pas expliqué la position qu’il occupait, au sein des dirigeants d’Eternara, ni son amour des Dragons, que Peter avait toujours aimés, sans savoir réellement pourquoi il était attiré par cette espèce de Pokémon en particulier. Mais il avait appris la raison de sa mort… Et les circonstances qui l’entouraient.

L’Eternarien des Cieux, selon Polydora, avait été emporté par une pluie d’étoiles filantes. Et le soir de ces révélations, les astres brillaient en chutant par dizaines.

« Regarde bien, mon chéri. Parmi ces étoiles qui dansent, il y a ton Papa, et son Pokémon. Je suis sûre qu’ils te regardent, maintenant. »

Maintenant, hein… Quand il y repensait, il se disait que son père ne l’avait sans doute jamais réellement vu, de son vivant. Il avait toujours chez lui le journal qu’Hector, l’ancien champion de Geffen, lui avait donné, et qui contenait les écrits du père de ce dernier, ami de longue date de l’Eternarien des Cieux. Bien des mois, voire des années s’étaient écoulés depuis qu’il avait obtenu ce trésor, mais il ne l’avait lu qu’à moitié, n’osant pas le dévorer, comme si ce geste était une insulte à sa mémoire. Mais il avait suffisamment avancé dans sa lecture pour avoir appris qu’en vérité, le Nalcien s’était laissé mourir (ce qu’il savait déjà, donc), mais aussi que sa mort avait laissé derrière lui une femme déshonorée, lui qui faisait partie de l’élite des Dragonniers. Presque vingt ans plus tard, il avait deviné, plus que découvert, grâce au journal, qu’il était responsable de l’assassinat de Polydora… Et cela, il le gardait au fond de lui, comme le pire de ses crimes, la plus grosse souillure de son âme, son pire démon, qui le hantait depuis si longtemps. Il s’en était toujours tenu pour responsable, en fait, mais voir ces mots couchés sur le papier, couplés à ces images qui s’imposaient parfois à son esprit, l’avait conforté dans sa conviction déjà profonde.

Mais au milieu de la myriade de traînées éphémères, dans laquelle, pensa-t-il, son père se trouvait, il y en avait une, plus brillante que les autres, qui formait une silhouette à cinq branches, et qui venait de s’éloigner, doucement. Sa jeune apprentie acheva de le tirer de ses réminiscences en lui demandant ce qu’était cette étoile pour le moins singulière. Devant la naïveté et l’ignorance de Yûn, Peter sourit, non pas parce qu’il se moquait d’elle, mais parce qu’il l’enviait un peu de ne pas savoir certaines choses. L’ignorance était souvent une protection naturelle et efficace contre les douleurs qui assaillaient l’être humain, tout comme les Pokémon… Et il y avait très longtemps que le Dragon Master l’avait perdue de manière cruelle et brutale.

Levant son bras droit pour le poser en douceur sur l’épaule de Yûn, le champion nalcien répondit, dans un murmure :

« Yûn, ce n’est pas vraiment une étoile, même si ça y ressemble beaucoup. C’est Jirachi, le Génie des Vœux, un Pokémon de légende dont on dit qu’il n’apparaît sur Erasia qu’une fois tous les mille ans pour exaucer les souhaits des êtres vivants. Il est réputé lunatique et facétieux, mais si ton vœu est sincère et réalisable, il n’y a aucune raison pour qu’il te le refuse. »

Peter, lui, avait bien sûr un souhait sincère, mais une part en était impossible, ce qui, pour lui, signifiait qu’il n’avait pas le droit de le formuler. Il avait un fardeau, et devait continuer à vivre avec. Pourtant, il y avait autre chose, en cet instant, qu’il voulait vraiment, pour quelqu’un qui le méritait tellement plus que lui. Alors, il se tut, laissant son élève réfléchir à ce qu’elle pourrait demander à Jirachi, tandis qu’il contemplait toujours la voûte étoilée.

[Yûn]

« Un souhait… ? » Répéta la Terrosienne.

Ainsi, ce que lui avait raconté son père n’était pas qu’une histoire pour enfants. Il y avait véritablement une légende autour des étoiles filantes.
Yûn reporta son attention sur la toile mouvante du ciel. Un vœu… Que pourrait-elle bien demander ? Rien ne lui venait à l’esprit !

De son côté, le Drattak humanoïde observait les deux humains, un peu à l’écart. Il n’avait jamais entendu parler de cette histoire de souhait. Encore une facétie des bipèdes… Voilà ce qu’il se serait dit en temps normal. Mais il sentait, au loin, l’aura fabuleuse que dégageait le Génie des Vœux. Cette créature était bien un Légendaire, il ne pouvait s’y tromper. Et même s’il ne portait pas le Dragon Master dans son cœur, il savait que ce dernier n’était pas du genre à délivrer des informations fausses, et encore moins à inventer ce genre de conte dégoulinant de féerie et de bonne volonté. Il restait qu’il voyait mal comment un Dieu pouvait s’intéresser à ce point à eux, des mortels aussi éphémères que des insectes, en particulier pour des affaires aussi futiles. Comme si ces êtres célestes souhaitaient faire preuve de générosité envers eux… La bonne blague !

Pourtant, malgré toutes ces pensées assez acerbes, le dragon d’azur et de sang ne pouvait s’empêcher de réfléchir, à l’image de sa protégée, à la prière qu’il pourrait adresser à la divinité. La seule chose qu’il voulait, c’était se séparer au plus vite de ce pseudo-Dragon. Mais même cela lui semblait idiot. Parce qu’il le sentait : ils approchaient de l’objectif, son souhait se réaliserait dans quelques mois, quelques semaines peut-être. Tout dépendrait de Yûn, mais aussi de lui. S’il poursuivait ses efforts dans ce sens, ils parviendraient rapidement à son but.
Et il ne voyait vraiment pas comment l’intervention de ce Jirachi (si tel était son nom) pourrait arranger les choses. Peut-être les accélérer ? Peuh ! Autant s’en sortir par soi-même ! Sinon, cela serait comme s’ils avaient triché. Et il était strictement hors de question d’offrir ce plaisir au Nalcien, qu’il reste encore davantage auprès de lui.

Comme si elle avait perçu sa conclusion, la jeune fille aux cheveux couleur de Lune se tourna vers lui.

« Qu’est-ce que tu souhaiterais, toi ? »

Uroko la considéra un instant, puis le Champion aux Dragons. Finalement, il détourna la tête et répondit, sur un ton légèrement présomptueux.

« J’ai pas besoin de l’aide d’un Dieu. Si je veux quelque chose, je l’obtiendrai par moi-même.
- … Tu m’aides pas vraiment, là… »

L’apprentie du Dragon Master se remit à la contemplation de la voûte, toute à sa réflexion.
Plusieurs minutes supplémentaires d’interrogation passèrent, puis elle sembla avoir enfin trouvé quoi demander.

« Si j’avais un vœu à formuler, ce serait de pouvoir être utile… »

Elle se tut un instant. Elle n’avait formulé que la première partie de sa prière au ciel. Elle hésitait à poursuivre devant son maître.
Mais après quelques instants de doute, elle poursuivit. En se tournant légèrement vers le fils de l’Eternarien des Cieux.

« Mais… Ce que je voudrais vraiment… C’est vous rendre fier de moi, Sensei. »

Yûn avait prononcé cela avec assurance. Pourtant, une fois les mots sortis de leur cage, elle se sentit parfaitement ridicule. Elle détourna la tête et baissa le regard, les joues rougies par la honte.

« Dé… Désolée… Oubliez ce que j’ai dit… »

Derrière elle, le gijinka avait manqué de s’étrangler en entendant la fin de son vœu.

[Topic clos pour moi ^^]

[Peter]

Fidèle à lui-même, le Drattak humanoïde restait un peu à part, en observant Yûn et son maître. Ce dernier, sentant le regard brûlant et désapprobateur d’Uroko, se détourna de la voûte céleste, et il comprit que dans l’esprit de l’hybride, ça devait gamberger sévèrement… Et Peter ne fut pas le seul à s’en apercevoir. En effet, la Terrosienne imita son mentor et se mit à le regarder, avant de poser la question fatidique du contenu de son vœu. Bien sûr, le fier Dragon répondit, gonflé d’orgueil, qu’il se débrouillerait lui-même s’il venait à désirer quelque chose, ce qui laissa Yûn perplexe, mais ne dérouta pas le Dragon Master plus que ça : c’était bien son genre, après tout.

En revanche, les quelques minutes de silence qui suivirent le (court) dialogue laissèrent place au souhait de la jeune femme, souhait qui, lui, surprit le champion nalcien… Enfin, surtout la seconde partie, en fait. Heureusement que son élève avait détourné le regard, les joues rouges, après sa déclaration pour le moins étonnante, car dans le cas contraire, elle aurait pu voir les yeux ronds comme des billes de son maître… Et le sourire qui avait remplacé la stupeur d’abord peinte sur son visage. Derrière elle, Uroko avait émis un borborygme trahissant bien le sentiment qu’avait suscité le vœu de sa chère protégée, mais pour le moment, Peter n’en avait cure.

Le fils de l’Eternarien des Cieux s’avança en silence vers son élève, lui posa la main droite sur l’épaule, et se servit de la gauche pour relever le menton de la jeune femme. Un sourire plus large que le précédent étirait désormais ses lèvres, et il posait sur elle un regard bienveillant. Il lui dit alors doucement :

« Tu n’as pas besoin de formuler un tel vœu… Ce serait du gâchis, parce que je suis déjà fier de toi. »

Sachant bien que le Drattak serait vite à court de patience et n’hésiterait pas à lui sauter dessus s’il restait ainsi plus longtemps, il s’éloigna, puis posa sa main sur le « bras » de son Dracolosse, qui souffla doucement. Et lui… De quoi avait-il besoin ? Sachant qu’il avait la vie devant lui pour expier tous ses crimes, et qu’il n’avait pas le droit de se libérer de ses vieux démons, il reporta ses pensées sur sa jeune apprentie, à côté de lui. Ces derniers mois, il n’avait été préoccupé que par son entraînement, à sa demande, pour qu’elle s’améliore sur la voie des Dragons. Et il se rendit compte que pendant la durée de son séjour au château, il avait relayé ses inquiétudes et ses cauchemars au second plan… Mais il n’osa pas la remercier à ce sujet, préférant occulter tout ce qui constituait les pans douloureux de son passé.

Ainsi, il se mit à fixer une étoile, un peu plus grosse et lumineuse que les autres, et il lui adressa le vœu muet pour son élève : il désirait qu’elle réalise ses rêves et réussisse dans ses projets, quels qu’ils soient, avec plus de ferveur encore s’ils concernaient les Dragons, que Peter aimait tant, et qui avaient tant fait pour lui.

TERMINE

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