[ Clos ] Le jour de l'aigle [Solo/Contrainte]

[Catarina]

¨***Le jour de l’Aigle ***"

Les décorations apparaissaient sur les murs des bâtisses de Linaewen depuis déjà quelques jours et la ville, déjà magnifique en temps normal s’était parée de ses plus jolis atours. Étranger ou non tous tombaient sous le charme de la magnifique ville, les habitants de la tribu de l’air n’y faisant pas exception. C’est avec des étoiles dans les yeux que Catarina, après une journée de voyage, arriva enfin dans la somptueuse cité où résidaient les Chevaliers Ailés, alias les défenseurs de Tenkei. Sur ses îles surélevées, les ruines cédaient le pas aux habitations décorées et le centre de la ville débordait d’animation. Les Pokémons se mélangeaient aux humains comme un balai céleste alors que les petits et les grands s’arrêtaient aux étals des marchands pour acheter nourriture, souvenirs et s’échanger les dernières nouvelles. Catarina  tentait de trouver sa place dans cette agitation perpétuelle, de faire son chemin à travers le dédale de la ville. Elle, comme tant d’autres, était venue prendre part aux célébrations et c’était avec envie qu’elle regardait les hommes et femmes, habillés d’une souple et légère armure de cuir, qui marchaient joyeusement dans la ville en attendant leur adoubement.

D’ailleurs, en ce moment, elle suivait un groupe hétéroclite de jeunes personnes qui marchaient joyeusement, parlant de leur épreuve dans la caverne, de leurs combats… pourtant, n’était-ce pas des informations qui devaient rester… secrètes? Enfin, rien n’empêchait Catarina de glaner de l’information pour cette épreuve qu’elle voulait passer dans quelques années non?  Mais quelque chose attira encore plus son attention.

-Et Suleva? Avez-vous à quelle vitesse elle a tiré son aiguille du jeu?

Suleva? Pour pouvait bien être cette jeune fille? À la mention de ce nom, on aurait dit que la tension avait monté d’un cran dans le groupe. Pourtant, ils continuaient à parler d’une voix joyeuse et anodine, mais… était-ce de l’envie qu’elle entendait dans leurs voix?


-Elle est ressortie de la Grotte en moins de quelques heures! J’ai entendu les instructeurs, dit une jeune femme en baissant la voix.  Et ils n’ont jamais vu de personnes se sortir de l’Épreuve avec un tel brio, si rapidement.

-Je n’aurais jamais permis à une jeune de vingt ans de passer l’épreuve. Elle a beau être un génie du maniement de l’air et des armes, mais quand même. Ça aurait tellement pu mal finir… Je ne sais pas ce à quoi le Chef  a pensé.

¤20 ans. Voilà que Catarina s’immobilisa. Quelque chose clochait, c’était comme un pincement au cœur, un inconfort qui venait de la prendre. Elle n’entendit pas le gros commerçant la dépasser en jurant. Voyons, reste immobile dans la foule, c’était dangereux! Pourtant, tel un rocher qui émergeait d’un vif courant d’eau, Catarina resta immobile, une minute et puis deux avant de tranquillement se remettre en mouvement. Le groupe qu’elle suivait était déjà rendu loin, mais elle était trop occupée à jongler avec ses émotions. Est-ce que c’était de la jalousie qu’elle ressentait? Cette envie de soudainement se mettre à courir, de vouloir bouger plus vite, cette envie de faire demi-tour et de marcher à contre-courant? Non, c’était plus profond. Sa gorge se serrait, elle manquait d’air. Elle voulut augmenter la cadence, mais la foule la retenait, elle se sentait emprisonnée. Son visage se tordit un peu sous l’effet de l’angoisse alors que ses pensées se bousculaient trop rapidement pour qu’elle ne puisse en saisir la signification.

*20 ans… Déjà Chevalier Ailé… Un génie… sorti de l’épreuve en moins de deux…*

Enfin, elle parvint à se sortir de la foule, à s’extirper de la masse compacte formée d’humains, de corps et de chaleur. Elle fit quelques pas de plus pour s’éloigner encore de cette marée humaine. Elle était dans une ruine décorée aux couleurs de sa tribu. Le brouhaha semblait filtré par ces lourdes pierres, les murs à moitié démolis. Sa présence fit fuir un groupe de Roocool et de deux brasillions qui avaient élu domicile dans ces ruines.  Enfin, elle trouva une pierre ronde pour y poser ses fesses. Le sentiment qu’elle n’arrivait pas à identifier était toujours présent, lui serrant le cœur et la gorge à la fois.  Elle regarda ses mains, tout simplement, comme si quelque chose s’échappait d’elle. Pour se réconforter, elle chercha sa Shianova à sa hanche mais les armes avaient été mises de côté pour cette cérémonie. Le pincement de cœur se propagea. Pourquoi réagissait-elle ainsi? Elle qui assistait depuis des années à la cérémonie avec joie et fierté, qui regardait son père distribuer les plumes aux nouveaux défenseurs d’Alyphir.  Elle qui rêvait d’être dans le groupe, de gagner cette accréditation et de défendre à jamais son peuple contre toute menace, surtout Érasienne.  Mais elle en était tellement loin. Elle avait eu 19 ans cette année, 19 années bien faites et elle était si loin de son but. Manier l’épée, elle le savait,  depuis la mort si tragique de ses parents qu’elle s’adonnait quotidiennement au maniement de sa Shianova . Les progrès qu’elle avait fait étaient énormes…  

*,Mais pas assez!*  

Voilà où le bât blessait. La plus jeune qui allait mériter le titre de Chevalier Ailés avait à peine un an de plus qu’elle. Et cette jeune fille avait réussi le test avec un brio sans précédent. Et elle, là-dedans? Elle pouvait à peine porter le titre de guerrière selon les standards de sa tribu alors ne parlons pas de celui de Maître des Lames. Ce titre, elle ne le portait pas encore. Pourquoi n’était-elle pas meilleure? Comment pourrait-elle le devenir? Pourquoi n’était-elle pas Suleva? Si seulement sa mère l’avait laissée manier l’épée quand elle était petite, elle aurait facilement pu dépasser cette petite pimbêche (qu’elle ne connaissait pas, mais bon, ce devait être une pimbêche). Elle se leva brusquement, chassant le petit Émolga qui s’était approché curieusement d’elle.  Sans le moindre avertissement, elle fit quelques moulinets avec une épée imaginaire avant de se cogner le pied sur une roche. Aoutch. Elle se laissa tomber à même le sol. Non, les choses n’avançaient pas assez vite et voilà que le sentiment d’urgence qu’elle ressentait depuis tout à l’heure se transforma en impuissance.  Catarina resta à même le sol de longues minutes, minutes se changeant en une heure. Elle essayait de mettre en ordre ses pensées de retrouver le courage. Oui, ses parents étaient morts, mais ils avaient vaillamment protégé le continent flottant. Et il n’y avait aucune raison pour qu’elle ne puisse pas en faire de même.  ¤

Enfin, elle trouva le courage de se remettre sur ses deux pieds et pour quitter les ruines. Note discordante dans la joie ambiante, Catarina refit le chemin inverse pour sortir de la ville. Son humeur n’était plus aux festivités, mais plutôt au calme et à la tranquillité. Elle quitta donc la ville pour se faire un campement à l’extérieur, ne sentant même pas le lourd regard qui la suivait alors qu’elle quittait Linaewen.