[ Clos ] Entre tes mains ton destin, mets les voiles dès ce matin ! [Peter]

[Eeva Slanzar]

Après la Cérémonie annuelle, Eeva, le regard tourné vers la mer, avait dû faire un crochet par l’Arène. Il se trouvait que pendant son absence, son stagiaire avait trouvé le moyen de mettre le feu au Jardin d’Été. La championne avait donc dû orchestrer les réparations et après quoi, elle était revenue dans la région de Comodo. Après de longs mois de travail constant, la rousse avait décidé de s’octroyer quelques jours de vacances, ce qui expliquait sa présence ici, dans une tenue aussi décontractée, la changeant de son rigide uniforme qu’elle portait dans l’Arène. Affublée d’un débarder rouge, d’un pantalon gris-brun et de ses bottes à boucle, les cheveux lâchés au vent, la femme se tenait sur une barrière. Elle avait envie de reprendre la mer… Le soleil brillait avec une force particulière aujourd’hui, il faisait chaud, la mer d’huile… La journée parfaite pour une petite virée et en l’absence de vent fort, ce temps-là se maintiendrait plusieurs jours.

La rousse s’étira en se redressant. En fait, elle était un peu comme l’océan lui-même trop sauvage pour être domptée, l’enfermement ne lui allait pas très bien, c’est ce qui expliquait par ailleurs, qu’elle préférait de loin s’entraîner dans la banquise, ou plus loin dans les terres enneigées ou encore, faire ses recherches sur le terrain plutôt que dans un enclos ou enfermé dans une bibliothèque. Comme le feu sous la glace, bien qu’elle ne se voyait pas de la sorte, on ne savait jamais quand le tempérament de la Championne allait ressurgir, ou plutôt éclater. Mais Eeva n’était pas femme à se laisser impressionner, dicter sa conduite et encore moins se laisser dompter ; quoi qu’il arrive, elle en ferait toujours à son idée. Et d’ailleurs, en regardant les vagues mourir sur la plage, elle décida tout à coup de partir vers le port et de louer un bateau. Un léger, de ceux que l’on pouvait manœuvrer seul. Un magnifique trois mâts aurait été plus à son goût, mais elle n’avait aucune envie de s’embarrasser d’un équipage et de son capitaine caractériel.

Eeva apprécia l’agitation qui régnait sur les quais, les hommes portant ou traînant les charges, les ponts en bois, les cris, le grincement des cordages ou le bruit sourd des vagues qui s’écrasaient sur les coques des bateaux. Même la poussière et le sable qui s’élevaient en fumée au passage des diligences et des chariots. Il y avait énormément de monde et sa présence, pour son plus grand bonheur, passait totalement inaperçu. D’un pas tranquille, Eeva se dirigea vers la capitainerie, disparu dans le bâtiment et en ressortit environ dix minutes plus tard, un ordre à la main. Ses pas résonnèrent bientôt sur les pontons et elle se présenta devant l’un des petits bateaux. On lui demanda ce qu’elle voulait et elle présenta son ordre sans trop rien dire de plus. Les hommes tournèrent les talons et laissèrent la rousse seule avec son bateau. Maintenant tranquille, elle fit sortir la petite équipe qu’elle avait sélectionné pour ce voyage de détente.

Dès qu’ils furent libres, le Nostenfer alla se pendre au mât, les chiens sautèrent sur le pont, tandis que le Motisma traversa la coque pour se rendre dans les petites cales. Le Viskuse préféra se mettre à l’eau, le Sancoki rampait sur la coque et le Pomdépik faisait des bonds impatients à côté d’Eeva, suivie de près par le Métamorph. La rousse s’activait aux cordages et commença à retirer l’amarre. Une fois qu’elle aurait levé l’ancre, il n’y aurait plus qu’à se mettre à la barre et partir. En espérant que les vents veuilles bien pousser un peu le bateau ; encore que, les courants suffiraient peut-être à le sortir du port… Ou pas. Elle n’en serait sûre qu’une fois qu’elle y serait. Enfin, elle replia le cordage et sauta sur le pont et on retira la passerelle. Donnant un grand coup, Eeva espérait démarrer, mais comme le bâtiment n’avait pas tellement envie de bouger…

« Eh matelot, un coup de vent ! » Cria t-elle

Comprenant qu’Eeva s’adressait à lui, le Nostenfer se laissa tomber et se retourna dans sa chute, il se plaça derrière les voiles et envoya un grand battement de ses deux paires d’ailes. Pourquoi se priver quand on en avait le pouvoir, franchement … ! Le bateau démarra enfin, brisant les vagues sur son passage. Ravie, Eeva enfila la fierté de tous les capitaines du monde, un magnifique tricorne et sans se vanter, il lui allait comme un gant. Avec ses habits marins et e chapeau, elle était habillée d’une prestance qui la rendait méconnaissable. S’apprêtant à quitter le port, elle aperçut une tête connue. Qu’est-ce qu’il faisait par ici ? Elle l’interpella.

« Eh Champion ! Un tour en bateau ? » Invita Eeva. Le regardant de sous son tricorne, un mince et long sourire aux lèvres, elle se demandait s’il hésitait et s’il l’avait reconnu sous ce déguisement de capitaine. «  Et bien, sautez. À moins que vous ayez peur de l’eau... »

Le bateau avançait le long des quais et Peter devrait sauter assez haut et loin pour la rejoindre s’il le désirait. Il pourrait toujours se rattraper au cordage qu’elle lui lancerait. Mais qu’il se décide vite, ou bien il devrait apprendre à voler !

[Peter]

Avec un sourire doux, mais quelque peu crispé, Peter remercia le jeune garçon qui venait de passer dix longues minutes à observer son Diamat sous toutes les coutures lorsqu’il s’éloigna enfin. Lâchant un soupir, il fit rentrer la créature dans sa sphère, songeant que, décidément, il ne pouvait pas faire un pas en ville sans être reconnu et interpelé... Et la situation avait été pire que d’habitude, puisqu’il avait eu le malheur de laisser son Dragon bicéphale et aveugle déambuler à ses côtés. Non seulement la bête était plutôt inhabituelle dans le coin, mais sa particularité attirait davantage les regards curieux et les questions parfois déplacées. Une pauvre fille avait même osé avancer que la cécité d’Atramédès était peut-être consécutive à de mauvais traitements de la part du Champion ! La petite Sonistrelle, qui commençait à comprendre comment fonctionnait son maître, avait dégluti et s’était figée en plein vol, ce qui l’avait fait atterrir sur la tête du Dragon Master, tandis que son regard s’était subitement assombri. L’imprudente avait tout de suite regretté ses paroles en s’excusant et en bafouillant, mais le mal était fait... Si Peter était réputé pour l’entraînement rude qu’il faisait subir à ses Pokémon, il était également connu pour les colères noires dans lesquelles il entrait si on s’en prenait à ses précieux Dragons, et insinuer qu’il avait pu lever la main sur l’un d’eux était clairement la meilleure manière de se le mettre à dos.

« Om, pas les cheveux. »

La chauve-souris cessa de mâchouiller la mèche acajou de son maître, puis se renfrogna, boudeuse. Devinant la mine résignée de la boule de poils mauve, Peter éclata de rire, puis passa sa main sur la bestiole, qui en « ronronna » presque malgré elle.

« Tiens, mange plutôt ça, ce sera bien meilleur, que ce soit pour toi ou pour moi ! »

Le Champion lui tendit une pomme, qu’Om croqua sans se faire prier. Satisfait, l’homme se fraya un chemin dans la foule, s’approchant du port animé comme jamais. Il avait rendez-vous près d’un bateau précis, et il n’avait aucune idée de l’allure de la personne qu’il devait rejoindre, mais il comprit qu’il l’avait trouvée en voyant un grand matelot lui faire des signes d’une discrétion discutable.

« Je crois que c’est notre homme. »

Le marin enthousiaste et joufflu lui tendit une lettre, puis lui serra la main et se dirigea vers un bar bruyant et coloré dont Peter se détourna aussitôt. Il fronça les sourcils une fois le message lu, le rangea et chercha tout de suite un moyen de transport approprié pour la requête qu’on venait de lui confier... Avant d’entendre quelqu’un le héler avec une certaine familiarité. Surpris, il tourna la tête, persuadé de reconnaître la voix à l’origine de cette invitation peu banale. Une femme avec un tricorne, entourée de Pokémon et dotée d’une chevelure rousse et flamboyante... Réalisant que le bateau sur lequel elle était avançait rapidement, Peter pressa le pas, puis courut. Il avait identifié celle qui l’avait apostrophé et, goguenard, il lança :

« Ce dont j’ai peur n’est certainement pas en ces lieux, je vous l’assure. »

Sans en dire plus, le Champion se tut. Le quai s’arrêtait brutalement à quelques mètres de là, il était peut-être temps d’embarquer, non ? D’un mouvement ample, il détacha la boucle de sa cape, que la Sonistrelle rattrapa avec ses toutes petites pattes, puis fit quelques longues foulées... Et prit son élan pour sauter au-dessus de l’eau. Toutefois, l’impulsion n’avait rien de... Normal. En effet, le Dragonnier décolla littéralement à plusieurs mètres de l’onde, alors que son ombre s’étalait, immense, sur la surface lisse. Mais au lieu de la silhouette attendue, ce fut un corps allongé doté d’ailes démesurées qui s’étira, avec des contours déchirés. Une vague puissante, semblable à une forte impression, émana du Champion, alors que son aura pulsait l’espace de quelques instants autour de lui.

Finalement, il toucha le pont du bateau avec un léger tremblement, alors que l’onde s’évaporait dans les airs, aussi vite qu’elle s’était déployée. On disait qu’à force de côtoyer les Dragons, un Dragonnier finissait par en acquérir les caractéristiques et les pouvoirs, et Peter, sans même s’en rendre compte, venait d’en donner une preuve flagrante ! Un genou et une main posés sur le bois, il se releva, faisant craquer le cuir de ses bottes, puis tendit la main pour récupérer sa cape, qu’il repositionna à sa place, rattachant la boucle correctement. Un fin sourire s’étira sur ses lèvres, tandis que la Sonistrelle se posait sur sa main pour se remettre de ses émotions. C’était qu’elle avait eu drôlement peur pour son maître, en le voyant décoller comme ça ! Et puis elle, elle avait tellement flippé ! Pour aller jusqu’au bateau, elle avait dû battre des ailes très très vite et très très fort, parce que la dame, elle avançait dragonnement* vite, en fait !

« Eh bien, Om, il va falloir t’y faire, parce que ce n’est que le début. Beau chapeau, et beau bateau, au passage. Que fait la Championne de Fla’or si loin de son arène ? »

Peter jeta un coup d’œil rapide autour de lui. Il y avait bien longtemps qu’il n’avait pas été à bord d’un navire, et sur une embarcation de ce gabarit, de surcroît. Après une caresse amicale à la chauve-souris, qui fixait intensément le Nostenfer d’Eeva comme un concurrent carrément impressionnant, le Nalcien saisit une Ball dans son vêtement et en libéra son occupant directement dans la mer. L’énorme Léviator aux écailles écarlates salua son maître, avisa rapidement les autres, puis plongea, laissant son élément le faire disparaître à la vue de tous.

« J’ai eu une demande qui concerne des Pokémon agités en pleine mer, et qui s’aventurent un peu trop près des côtes ces derniers temps. Apparemment, il serait question de potentiels Dragons, mais hormis des Hyporoi, je n’ai jamais entendu parler de la présence de tels Pokémon dans le coin. Je pense à de nouvelles espèces, plutôt, vu que les Hyporoi sont des créatures calmes et placides, la plupart du temps. »

Le Sanglant émergea soudain, approchant sa tête menaçante de Peter pour s’assurer que tout allait bien, puis s’écarta, nageant près du navire en restant visible.

« Et vous ? Ça vous dirait de vous joindre à moi pour enquêter là-dessus ? »

Jugeant qu’elle avait suffisamment récupéré, Om se percha sur l’épaule du Dragon Master, qui restait souriant. L’ambiance était détendue et bon enfant, propice aux plaisanteries et aux taquineries, mais il ne perdait pas de vue son objectif premier.

[* Om ne peut pas dire « vachement », elle utilise sa propre échelle, qui est assez limitée, il faut le reconnaître xD
Au moment du topic, j’ai Om sur moi, mais pas Hakkatsu.]

[Eeva Slanzar]

De son bateau, Eeva aperçut Peter saisir une lettre de la main d’un homme des moins discrets. Elle afficha un léger sourire goguenard et l’observa tranquillement, jusqu’à ce qu’il se retourne vers elle. Il eu un air surprit, l’avisa un moment avant de se décider. Il l’avait sans doute reconnue maintenant et avait apparemment décidé d’accepter son « invitation », puisqu’il se mit à courir vers le bateau. En entendant sa réponse, Eeva rit, le regard acéré fixé sur le champion. Il allait vite devoir se bouger, le bateau accélérait et les quais ne traversaient pas la mer. Il en était arrivé à l’extrémité et Eeva se demanda comment il allait s’y prendre pour monter à bord, déjà parce qu’elle ne faisait rien pour l’aider et ensuite parce qu’il y avait quelques bons mètres entre eux deux. Est-ce qu’il allait se jeter à l’eau et la rejoindre à la nage en agrippant les cordes ? Le spectacle en vaudrait le coup, un champion tout mouillé à rapatrier !

Mais il n’en fut rien. Loin de se jeter à l’eau, Eeva le vit détacher sa cape d’un geste théâtral, révélant la stature du champion et sa silhouette musculeuse. Ne perdant rien de ce spectacle, ses yeux bleus brillants, la rousse le vit faire un bond ahurissant. Sans aucun doute permit, il utilisait plus que ses capacités physiques longuement acquises au cours de ses entraînement, un humain normal ne pouvait physiquement pas faire un tel saut. Quelque peu impressionnée, mais refusant tout net de faire transparaître quoique ce soit –et douée à ce petit jeu-, sont attention fut attirée par la grande ombre s’étendant sur le pont. Cette ombre, en forme de dragon, lui confirma ce qu’elle pensait déjà. Autant elle savait que les pouvoirs des dragons étaient puissants et que les hommes qui en acquéraient une partie étaient exceptionnels, autant, elle n’en avait jamais réellement vu à l’œuvre.

Le bateau sembla fléchir. Ressentant des vibrations à travers la barre, Eeva s’apprêtait à devoir redresser le bâtiment, mais il ne dévia aucunement de sa trajectoire et il n’y eut pas de véritable secousse. En dehors du bateau, elle avait ressentit elle-même une vague d’énergie fondre sur elle… Peut-être était-ce pour cela qu’elle s’était préparée à faire face, mais elle venait de comprendre que cela n’avait rien de physique. N’ayant donc aucune crainte, Eeva se laissa submerger par cette vague de puissance, sans perdre de vue Peter qui se réceptionnait sur le pont, l’allure souple et aérienne. Il était grand et légèrement ramassé, sa position faisait ressortir une importante musculature. Sous cet angle, il lui paraissait encore plus puissante et imposant qu’à l’accoutumé. Gardant son fin sourire aux lèvres, Eeva resta silencieuse. Posé assez théâtralement sur le pont, un genou à terre, il fini par se relever et d’une main tendue, récupéra sa cape.

À vrai dire, Eeva s’était vaguement demandé si le Sonistrelle survivrait au poids de la cape et, à force de battre des ailes, ne finirait pas à la mer… Elle n’était pas loin de demander, un peu moqueuse, à Peter comment il comptait récupérer sa cape, mais finalement, la chauve-souris-dragon sembla moins frêle qu’elle n’y paraissait. Elle avait rattrapé le bateau, avec toutes les peines du monde et parut soulagée de laisser son fardeau à son maître. Cette scène, qu’elle avait provoqué, amusa grandement Eeva. On aurait dit que la Pokémon allait tourner de l’œil, nerveuse, inquiète…

« Frimeur… » Lança Eeva à mi-voix, toujours souriante.

Très fière de son bateau et d’en être le capitaine, même si elle ne disposait pas d’une flotte importante, elle esquiva l’ombre d’un clin d’œil quand il complimenta son chapeau.

« On a une belle vue aussi, d’ici. » Dit-elle sur un ton qui ne lui était pas coutumier.

Faisait-elle référence à l’océan qui s’étendait maintenant à l’infini devant eux ? Le regard brillant comme jamais, Eeva détacha finalement son regard du maître des dragons pour le fixer sur la ligne d’horizon. Elle avait beau faire et être surchargée de travail, il n’y avait que là qu’elle était chez elle, dans son élément et véritablement elle-même. La mer était son domaine et elle savait que dans cette instance, elle n’avait pas besoin de se cacher. Sur la mer, la loi des Homme n’avait plus court, car il y avait des puissances bien plus hautes et absolue qui l’habitait. Il y avait tellement longtemps… Son regard se perdit dans les flots avec son esprit, l’espace d’un instant. Il n’y avait que là qu’on était réellement libre.

« Elle prend l’air, la Championne. » dit-elle, d’un ton taquin. « Je n’ai pas trop le choix, mon stagiaire à foutu le feu à l’Arène, il y a des travaux. Enfin si, j’ai le choix, je ne se suis pas tenue de travailler dans les locaux… » Laissa t-elle traîner en souriant de nouveau. « Et que fais le Champion du Temple aussi loin de son Arène ? »

Lui renvoyant sa question, Eeva ne tarda pas à en recevoir la réponse. Au même moment, le dragon rouge du maître plongeait dans la mer. L’ambiance était incroyablement légère, pour autant qu’elle se souvenait, les réunions, assez rares, ou parlons plutôt des rencontres, ou visites des Champions les uns aux autres, avaient toujours quelque chose de graves et de sérieux. Mais Eeva était une indomptable, la seule chose qui comptait, restait la liberté. C’était peut-être pour cela qu’elle avait toujours l’air de ne pas porter une grande importance à son statut et elle savait avoir assez mauvaise réputation chez les dresseurs. Même si elle s’était pas mal arrangée au cours des dernières années, elle n’en restait pas moins froide et distante et semble t-il, prête à n’importe quel sacrifice pour vaincre ses adversaires. On lui reprochait de manquer de compréhension et de délicatesse avec les dresseurs. Eeva ne répliquait jamais à ces reproches, accentuant un peu plus cet effet d’indifférence. Loin des obligations et des pressions, la rousse n’était plus la même, bien qu’il n’y ait généralement aucun témoin.

« Des dragons en colère ? Plutôt inhabituel comme migration. Ce doit être localisé, car je n’ai remarqué à Fla’or, bien que je sois plutôt dans les terres. »

Après tout, elle n’était pas la spécialiste de la mer, même si de nombreux Pokémon Glace partageait le type Eau. Non, on en aurait plutôt parlé à Arkan, mais évidemment, ça n’était pas cette gamine qui avait pris la place de Tyla qui irait enquêter, au risque de se casser un ongle… Eeva eut un rictus goguenard à cette pensée.

« Dans ce cas, je comprends tout à fait qu’on ai fait appel à vous, plutôt qu’un autre… »

Et puis, s’il s’agissait de dragons, rien de moins naturel que d’envoyer un spécialiste. Jusque là, ses recherches et ses matches l’accaparaient, mais le fait est qu’il n’y avait eu aucun incident de l’autre côté du continent. Il ne s’agissait donc pas de Pokémon vivant en eau froide, à plus forte raison si les rumeurs disaient vrai au sujet des dragons. Des Pokémon menaçaient les côtes… Elle n’avait rien entendu de tel à Comodo. Eeva, les yeux d’un bleu aussi profond que celui de la mer, se détacha de la contemplation de l’horizon. Elle regardait de nouveau Peter, intensément. Quand il lui proposa de partager cette enquête, elle ne sut résister. Une nouvelle aventure en mer, comme avant… Il y avait bien longtemps qu’elle n’avait pas ressentit une telle excitation de ce qui allait suivre, l’un comme l’autre ne savaient pas du tout dans quoi ils allaient mettre les pieds, ni quels dangers ils auraient à affronter !

« Par où commence t-on alors ? Vous avez des indices ou d’autres informations ? »

Elle l’espérait vraiment, car il ne serait pas simple de coincer ces Pokémon s’ils devaient passer la mer toute entière au peigne fin ! Ils n’étaient pas prêt de les trouver surtout, d’autant qu’avec de la chance, ils devaient bouger et changer d’endroit. Le dragon rouge refit son apparition, mais Eeva l’ignora ; elle semblait n’avoir d’yeux que pour le Dragon Master.

[*Fait un grand sourire et rit toute seule*]

[Peter]

Il était plutôt surprenant pour Peter d’entendre Eeva rire franchement et de la voir si détendue, si à l’aise. Sa réputation de femme froide, voire frigide, la précédait partout, mais le Nalcien était sans doute l’un des mieux placés pour savoir qu’il ne fallait jamais se fier aux rumeurs, et encore moins aux apparences. Elle était peut-être distante et sèche la plupart du temps, mais en la voyant ainsi, le Dragonnier comprit qu’elle était dans son élément, parfaitement adaptée à la mer et très probablement accoutumée à cette ambiance et à cette atmosphère particulière. Elle lui rappela lui-même, quand il volait sur le dos de ses Dragons, en laissant le vent cingler sa peau et ébouriffer ses cheveux. Quand il était là-haut, il était libre. C’était le mot, oui. Et c’était exactement l’impression que dégageait la Mizuhanienne, debout sur le pont, à la barre. Les yeux brillants, une pointe de malice dans le regard, elle lança une pique au Champion, pique qu’il fit mine de ne pas avoir entendue. Oh, bien sûr, il avait parfaitement compris, et ce qu’il avait cru deviner dans son attitude se confirma juste après, quand elle glissa, sur un ton d’une ambiguïté indiscutable, qu’elle avait une « belle vue », de là où elle était. Décidant de jouer le jeu et d’y entrer pleinement, le Dragon Master répliqua, en haussant un sourcil :

« C’est vrai, j’en conviens volontiers. »

Voilà. Le même comportement amusé et mi-moqueur, mi-sérieux, les yeux pétillants et le même ton. Peter n’avait pas plaisanté ainsi depuis des lustres, il le reconnaissait, surtout qu’il vivait reclus avec ses Dragons. Il n’était pas désagréable ou asocial, au contraire, mais il préférait limiter ses échanges avec les humains. Trop de fois, il avait été déçu par leur compagnie et par leurs manières, leur manie de tout casser et de tout détruire sans se préoccuper des conséquences ou des dommages collatéraux... Pourtant, il devait reconnaître qu’Eeva n’était pas spécialement dissuasive, en ce jour ensoleillé. Elle était même plutôt avenante, et ça n’était pas pour lui déplaire ! Pour une fois que deux Champions discutaient gaiement sans avoir de pression particulière...

Lorsque la rousse évoqua la maladresse de son stagiaire, le Champion ne put s’empêcher de rire en imaginant la scène, et la colère dans laquelle la Mizuhanienne avait dû entrer à la vue de ce spectacle désolant...

« À entendre ça, je me rappelle pourquoi je n’ai pas d’employé chez moi ! De toute façon, il ne pourrait pas passer, avec tous les Dragons qui habitent dans le coin... »

Le Champion lui expliqua alors la raison de sa présence ici, et il lui répondit, sur un ton plus sérieux :

« C’est vrai, les Dragons aquatiques sont plutôt calmes et placides, la plupart du temps. Il faut simplement éviter de mettre un Léviator en colère, et les choses se passent bien. »

Comme pour appuyer ses propos, le serpent écarlate se pencha, alors que Peter fronçait les sourcils et attrapait quelque chose qui s’était coincé entre ses écailles. Sentant le regard d’Eeva s’attarder sur lui, il fit un sourire doux.

« Je pense que nous n’aurons pas à chercher bien loin. Akairos vient de me ramener ça, et je dois dire que ça ne me plaît pas du tout. »

Les hommes, encore eux... La vision de ce que son maître venait d’extirper de ses écailles alluma une lueur folle dans l’œil du Dragon des Mers, qui s’agita et laissa échapper un rugissement puissant plein de peur et de colère mêlées. Aussitôt, le Dragon Master lâcha le filet sur le pont pour caresser son Pokémon.

« Là, je suis là. Cette prison ne t’est pas destinée, ne crains rien. Je suis là. »

Rassuré par la voix et le contact de son maître, Akairos se calma, fermant ses yeux peu à peu.

« Il a été maltraité par la main humaine, et il a subi des expériences horribles à cause de sa couleur. Même après tout ce temps et toutes ces années, il a encore des séquelles de ces traitements. Jamais je ne leur pardonnerai pour ça. Sans se soucier des effets... Bref, je pense que nous n’avons pas affaire à de simples pêcheurs. Ce filet est garni de pointes, et il y a du sang dessus. Quelque chose me dit que les Pokémon ne sont pas énervés pour rien, même s’ils le sont rarement pour des raisons futiles, d’ailleurs. »

Un peu fâché que l’ambiance légère et agréable se soit si vite muée en une atmosphère plus grave et plus lourde, Peter songea néanmoins qu’il n’était pas là pour se détendre, encore moins si des Pokémon étaient en danger. D’un geste vif, il fit sortir sa Ptéra, qui étira ses ailes dans un bruit rocailleux et granuleux.

« Sakeriba, on cherche des gens de la mer peu scrupuleux, si tu vois ce que je veux dire. Je compte sur toi. »

Le ptérodactyle s’envola, sa queue pointue frôlant le visage du Nalcien, qui ne cilla pas. Mais alors qu’elle était partie depuis moins d’une minute, Akairos désigna une forme qui flottait à la surface en laissant une traînée rouge dans son sillage. Avec une délicatesse surprenante pour un Pokémon de son espèce et de son gabarit, il prit la créature dans sa gueule et la déposa dans les bras de Peter. Le minuscule hippocampe ouvrit un œil, puis émit un son si faible que le Dragonnier dut se pencher pour s’assurer qu’il était toujours en vie. Décidément, cette enquête commençait bien plus mal que ce qu’il avait prévu...

[Je crois qu’on va remettre les badinages à plus tard, du coup ^^]

[Eeva Slanzar]

C’est que pour une fois, elle n’avait aucune contrainte… Se sentait donc parfaitement libre et pour ainsi dire, quasiment invincible, il n’y avait plus aucune barrière pour l’empêcher d’être elle-même. La rousse se moquait pas mal de sa réputation. Elle pouvait aussi passer pour une égoïste et ayant beaucoup de défauts, elle l’était sans doute vraiment. Souvent, seuls ses caprices avaient de l’importance, comme aujourd’hui. Peu lui importait que des dresseurs veuillent des badges, si elle avait du travail important quant à l’étude des évolutions des Pokémon, son plaisir du moment devait passer avant. Parfois, elle se demandait pourquoi elle avait accepté de s’enfermer à long terme dans ce rôle de Champion et de Chercheur ? Est-ce qu’elle ne s’était pas enchaînée toute seule ? Peter avait sans doute bien commencé à cerner Eeva, même si cette dernière ne pouvait pas s’en douter. Le champion fit mine de ne pas l’avoir entendue, amusée, le sourire d’Eeva s’étira. Mais elle savait qu’il avait parfaitement compris.

« Je ne savais pas que vous aimiez la mer. » dit-elle d’un ton subitement très sérieux.

Quoique… Peut-être ne parlait-elle que de la mer finalement. En son for intérieur, la rousse s’amusait de jeter la confusion dans la conversation. Non bien sûr qu’elle n’était pas sérieuse. Le ton de sa voix l’était peut-être, mais le reste ne suivait pas. Dans ces moments-là, elle se sentait légère comme l’air, souple, elle ressentait tout son bateau au simple contact du bois humide. Les vagues, de temps en temps, s’écrasait sur le pont, après avoir gravit une colline d’eau de mer et d’être comme tombé d’une falaise. Le visage ruisselant, Eeva sentait le sel se mêler aux embruns et au soleil, lui frapper la figure. Pourtant, elle ne s’en sentait que mieux… Les cheveux en désordre au gré du vent, il n’y avait plus que son fameux tricorne pour protéger ses yeux de la luminosité ardente du soleil. Ce fut le rire de Peter qui la détacha de son univers. Eeva savait qu’il n’avait pas de personnel, mais c’était plus singulier de l’entendre le dire que de le savoir. Elle-même ne s’en sortirait pas sans Benji.

Le silence retomba sur la bateau, l’ambiance légère. Laissant son esprit divaguer au creux des rouleaux qui ne cessaient de les traverser, le regard d’Eeva se fit absent, beaucoup plus lointain que si elle avait simplement regardé sa route. C’est que derrière l’horizon, elle ressentait la pulsation de la mer, comme un battement. Un rythme trahit par les flots qui chargeait la coque. La voix d’Eeva, se mêla d’abord aux vagues dans un murmure à peine audible. Jamais personne n’avait pris Eeva sur ce fait, mais sa voix était claire, assez grave et ses paroles lentes.



« Vers le quinze de janvier
Un capitaine parti pour la baie
Partirent quatre jeunesses
C'est pour y faire la traverse
La malle les ayant retardés
Le capitaine s'mit à regarder
Le ch'nail commence à se bloquer
Bloqué de morceaux de glace
N'y laissa aucun passage

Le capitaine bien découragé
Il dit aux autres " on va driver
Driver à la petite rivière
Sans savoir si on va prendre terre "
Mais le deuxième d'en avant
Dit " Capitaine j'suis fatigué "
Mais promettant une messe
Pour qu'la Sainte Vierge nous préserve

Ils n'eurent pas plutôt promis c'la
Que le chenail se coupa
Par en avant,
Par en arrière
C’était seulement de l’eau claire »

Puis, Peter couvrit ses murmures déclinants sur des propos plus sérieux et moins sujets à la plaisanterie. Tout en parlant, Eeva devina qu’il faisait allusion à son propre Léviator, une étrange créature écarlate, rouge sang. Le regard de la femme luisit, en regardant le Pokémon. Probablement un spécimen rare d’évolution… Pourtant, Eeva ne se serait pas risqué à l’approcher. Elle sentait d’ici une vague d’hostilité. Le serpent de mer se pencha vers Peter, lui ramenant un trésor des bas-fonds. Mais la rousse était retenue à la barre et laissa donc le maître des dragons se débrouiller. La lueur d’un intérêt brûlant soudain, disparu quand elle croisa le regard de miel de Peter. Mais lui, avait-il remarqué quelque chose de particulier. Captivée, elle fut contrainte de le lâcher des yeux quand il démêla un filet des écailles du dragon, qui commença à s’agiter. L’homme posa la main sur son Pokémon et le calma sans trop de peine, expliquant brièvement les raisons de la fébrilité et de la colère du Léviator rouge.

L’ambiance changea du tout au tout, comme si une onde les avaient traversés et d’ailleurs, Eeva tressaillit, le ressentit comme un coup dans l’estomac.  Peter de son côté, avait sortit sa grande Ptéra pour l’envoyer en éclaireur. Avisant le reptile ailé, la rousse leva les yeux vers le mât, plus précisément, vers  le Nostenfer, à qui elle demanda de partir dans le sens opposé –des fois que-. Quelque peu alarmée, mais toujours calme, par les traînée de sang, elle se retourna vivement vers le Métamorph et lui demanda de prendre forme humaine pour tenir la barre. Absolument ravi par cette marque de confiance, Germandrée copia Eeva elle-même en affichant un sourire béat (effrayant). La femme sauta de son piédestal, rejoignant Peter. Un peu plus loin, une chose flottait, que le dragon rouge prit dans sa gueule pour le ramener à son maître. Un Hypotrempe. Les choses commençaient sans doute encore plus mal qu’il ne le pensait. La rousse avança vers le bastingage, frôlant l’autre Champion.

« Et il n’est pas le seul. » dit-elle sans le regarder, le ton sombre.

Un peu plus loin flottait une caisse et un filet barbelé. Des dizaines de Pokémon étaient empêtré dedans, mutilés en de divers endroits, éventrés. Certains avaient la tête coupée et  probablement tous morts. Eeva imagina que dans la caisse devaient en être enfermés d’autres, probablement noyés depuis un bon moment. Il n’y avait plus rien à faire pour eux, car Eeva sentait la mort recouvrir les environs.

« À partir d’ici, je sens que tout est mort. » Eeva eu un vertige. « On dirait que la mer est vide. »

Les doigts crispés sur le bastingage, ses phalanges blanchirent. C’était une impression très étrange, la mer semblait vidée de vie, comme si elle n’existait pas. Le terme de « mer fantôme » ne pouvait pas mieux convenir, la rousse avait l’impression de tomber dans un long gouffre. De chavirer. Pourtant, elle n’était pas du genre à se laisser impressionner, ni effrayer. Elle était brutale et certainement plus dure et virile que beaucoup d’hommes. Oui, mais là, elle se sentait prise de faiblesse.

[Peter]

Eeva fit mine d’être étonnée du goût de Peter pour la mer. Son ton sérieux, en revanche, ne trompait pas le Champion, qui se laissait emporter dans la confusion de la discussion qui se voulait légère sans l’être trop. En même temps, le sérieux, au milieu de nulle part, avec un temps pareil... N’importe qui aurait eu envie de le laisser au port avant d’embarquer. D’un ton posé, égal, il répliqua :

« Vous seriez surprise de savoir ce que j’aime. »

Sans détacher son regard de la rousse, Peter passa sa main dans la fourrure soyeuse de la Sonistrelle, qui émit un son bref, mais mélodieux. Elle aimait bien quand le maître était calme et lui faisait des câlins, au lieu de faire le charmant en sautant sur un bateau ! Enfin, elle appréciait surtout de ne pas avoir à refaire de tels efforts pour porter la lourde cape du Dragonnier tout en essayant délibérément d’aller rejoindre sa destination... La Championne des Glaces se mit alors à chanter, ce qui ne manqua pas de créer la surprise chez le Dragon Master, qui écouta distraitement les paroles, plus concentré sur l’interprète que sur le contenu lui-même, jusqu’à ce qu’il comprenne que c’était une chanson pirate qu’elle fredonnait. Quelques instants de réflexion seulement lui furent nécessaires : si elle aimait la mer et qu’elle donnait une telle impression de liberté, encore plus en ce moment où elle était délivrée de toute contrainte en l’affichant ostensiblement, elle n’avait peut-être pas le « simple » profil de la femme Championne que tout le monde connaissait...

Le Nalcien ne fut pas dupe quand son regard croisa les saphirs d’Eeva, mais il rangea ce qu’il avait cru y lire dans un coin de son esprit, toute son attention consacrée au filet que son Léviator venait de lui ramener. Du coin de l’œil, il vit le capitaine du navire céder la barre à son Métamorph pour le rejoindre, en l’effleurant. Mégarde ou acte manqué, Peter ne s’attarda pas là-dessus. Pas qu’il n’en avait pas envie, mais l’humeur n’était plus aux taquineries et aux provocations déguisées. Ils avaient tout le temps de remettre les jeux adultes à plus tard : en tant qu’adultes responsables, justement, ils avaient plus urgent à traiter, sans compter que leur statut de Champions ajoutait une charge supplémentaire à leur inquiétude croissante.

Le commentaire d’Eeva fit lever les yeux du Nalcien, qui avait senti avant de voir le voile malsain et macabre qui s’étendait sur les environs. En apercevant les Hypotrempe, Hypocéan et autres Tentacool emmêlés dans les rets de mort, le Champion du Temple se mordit la lèvre, sentant une sorte de nausée diffuse lui retourner les entrailles. Il vit même une espèce qu’il n’avait jamais rencontrée, malheureusement dans un état lamentable, la nageoire tranchée et le corps déchiqueté... Là-dedans, il y avait des Dragons, réels ou en devenir, et il commençait à imaginer les raisons pour lesquelles les Pokémon des mers s’étaient déchaînés sur les humains...

D’un geste discret de la tête, il fit signe à Akairos de vérifier quand même, au cas où, la présence d’éventuels survivants. Hélas, comme les deux Lieurs l’avaient senti, plus rien ne subsistait dans le coin. Le Sanglant secoua la tête de gauche à droite, confirmant l’atroce vérité qu’ils avaient déjà perçue. La rousse vacilla alors, se cramponnant au rebord pour ne pas tomber, et Peter, d’un geste vif, lui saisit le bras pour l’empêcher de passer par-dessus bord. Juste au cas où. Quand il se fut assuré qu’elle resterait avec lui, sur le bois humide, il lâcha, livide :

« Je le sens aussi. Ce pauvre Pokémon n’est pas la seule victime, et il a la chance d’être encore en vie... Je vais m’en occuper. »

Le fils de l’Éternarien des Cieux épongea le sang des plaies de la créature aquatique, enroula un bandage d’un geste rapide et assuré autour de son corps, puis l’enferma dans une sphère, qu’il rangea dans une poche intérieure de son vêtement.

« Je pense que c’est là qu’il sera le mieux, ça évitera à son état de se dégrader. »

Sentant une modification sensible dans l’air, le Nalcien projeta tous ses sens autour de lui, y compris son aura. Mais lorsqu’il identifia la menace, insidieuse et vicieuse, il était trop tard : les humains et leur bateau furent subitement engloutis par une brume épaisse et blanche qui réduisit la visibilité à néant. Ne voulant faire courir aucun risque à son Pokémon, Peter rappela le Léviator juste avant qu’il ne disparaisse dans les volutes de fumée. Om, en revanche, resta perchée sur son épaule, car le Nalcien avait une idée précise en tête. Si la version évoluée était capable de produire des sons puissants et déstabilisants, en plus d’être très utiles pour se repérer, il y avait fort à parier que la forme miniature soit douée pour en faire autant.

« Om, utilise Ultrason, j’aimerais qu’on évite de heurter un obstacle ou de se jeter droit dans un piège. »

Alors que la chauve-souris-dragon s’exécutait, le Champion du Temple fit un pas en avant et se cogna contre Eeva. Malgré ses aptitudes de Dragonnier, il lui fallait un certain temps pour ajuster ses sens et ses perceptions à ce nouvel environnement hostile. Il s’excusa donc :

« Oups, navré. Je ne vous ai pas fait mal, j’espère. »

Fermant les yeux, l’homme aux cheveux acajou se laissa envahir par le rideau opaque. Il n’était pas Maître de l’Esprit, et en aucun cas expert en Pokémon psychiques, mais il était capable de sentir les sources de chaleur aux alentours grâce à l’aura que les gens émettaient, comme un véritable Dragon le ferait. Alors qu’il se concentrait sur ce qu’il recevait, quelque chose se profila dans son champ de vision mental. Il fronça les sourcils.

« Une forme approche, et ce n’est pas ma Ptéra. Je reconnaîtrais la signature de son aura entre mille. J’espère que c’est votre Pokémon, mais j’ai un sérieux doute. Je pense que c’est plutôt quelque chose d’étranger. »

Par « étranger », il entendait « créature non identifiable par leur sensibilité de Lieurs ». Or, le Nostenfer d’Eeva était de type Poison, et il était absolument certain que la Championne savait quand l’un de ses propres Pokémon approchait ou pas. Il y avait donc de grandes chances qu’ils aient affaire à un inconnu et, au vu de la découverte glauque qu’ils venaient de faire, ils devaient se préparer au combat, au cas où. Il y eut un bruit anormal et, sur le qui-vive, il lança :

« Attention ! »

D’un geste protecteur, le Nalcien étendit son bras près de la rousse pour s’interposer entre un éventuel agresseur et elle. Il la savait parfaitement capable de se défendre, mais en ces lieux agités et en ces eaux troubles, il préférait prendre toutes les précautions qui lui semblaient nécessaires.

[Eeva et Peter sont sur un bateau, Eeva tombe à l’eau... xDD]

[Eeva Slanzar]

Pour sa part, la femme n’était pas vraiment dégoûtée par le spectacle morbide qui s’étendait devant eux, en surface entre deux eaux. Elle avait déjà vu pire dans sa vie. En revanche, son attention était attirée vers les raisons d’une telle hécatombe. Ce n’était pas des filets de marins ou de pêcheurs. La championne des neiges ressentit un réel gâchis, parmi les cadavres flottants se trouvaient des Pokémon qui auraient pu devenir de véritables tueurs d’Arène. Peter demanda à son Pokémon, d’un bref signe de tête, de vérifier s’il n’y avait aucun survivant. Prenant garde à se faire attraper à son tour, le serpent rouge se glissa dans les eaux. C’est au même moment qu’Eeva sentit un tourbillon de vide l’emporter. Si la vue des cadavres ne lui avait rien fait, en revanche, ce néant qui infestait les lieux l’affectait réellement, son pouvoir qui tendait vers le spectral, les ténèbres, eut un effet physique sur elle, ce qui n’était jamais arrivé et ce qui pouvait être d’autant plus dangereux.

Promptement, elle sentit Peter la saisir. D’ordinaire, ce geste n’aurait pas existé, personne n’osait vraiment s’approcher d’elle, la rousse était plutôt le genre de personne devant qui la mer s’écartait. Un charisme froid qui ne semblait pas fonctionner sur le maître de dragons, un autre à sa place aurait hésité, aurait peut-être crié. Un geste édifiant quant au caractère de Peter. Mais trop accaparée par son malaise, la rousse eut une absence de réaction. Comme il se tenait près d’elle, elle eut la certitude que le monde n’allait pas basculer dans le néant. Le Pokémon secouru n’envoyait même pas une étincelle de vie et forte de son affiliation avec la mort, Eeva sentait qu’il dépérissait. Est-ce que le champion ne se faisait pas une illusion en pensant le maintenir en vie ? Mais peut-être y avait-il aussi une chance infime de survie, elle était bien placée pour savoir qu’il suffisait d’être l’heureux élu de cette fameuse chance… Devait-elle le mettre en garde, lui éviter d’être trop déçu ?

« Je ne pense pas, il meurt déjà. »

Ses paroles lui échappèrent, toujours cramponnée au bastingage. Puis elle se retourna, fixant Peter. Son expression n’avait plus rien de léger et un peu pâle, il était facile de deviner que la situation du petit Hypotrempe était désespérée, pour ne pas dire quasiment condamnée. Elle ne voulait pas parler de chance, au cas où justement il ne l’aurait pas. En partant vaincus, ils ne pouvaient pas se décevoir. Tout ce qu’elle pouvait faire en l’état, c’était d’aider Peter à le soigner, en générant de l’eau pure, qui auraient au moins pour effet de le libérer des germes qi s’étaient développés avec les cadavres et de se gangréner. Le genre de blessures dont elle avait eu longtemps l’habitude. Ceci fait, le Pokémon lavé puis enroulé de bandages, rejoignit une Pokéball, sans avoir pu combattre pour sa liberté. Mais elle se disait que cette captivité serait temporaire, une fois guérit, s’il survivait par extraordinaire, elle avait dans l’idée que Peter lui proposerait de rester ou de partir.

La rousse se retourna vers la mer et vit surgir des profondeurs, rampant à la coque, Silvius. L’air grave, la limace aquatique essayait de faire comprendre quelque chose d’important. Hélas, il n’était pas aussi facile pour Eeva de comprendre tous ses Pokémon de la même manière, connaissant toutefois le caractère chevaleresque du petit mollusque, elle pouvait en revanche aisément deviner qu’il y avait quelque chose d’important qui méritait son intervention. Eeva le suivit, le regard tourné vers le fonds. D’ici, elle ne voyait rien cependant. De son leadership, le Sancoki avisa l’immense Léviator, de le suivre et récupérer ce qu’il avait trouvé. Silvius ne craignait nullement le dragon dont il se faisait un allié, leader naturel par sa bravoure, il plongea le premier et montra la chose qu’il ne pouvait ramener. Intriguée, Eeva avait les yeux rivés sur l’endroit où la limace avait disparue et ne vit pas venir le danger.

Manque de chance pour Silvius, il vit le dragon retourner dans sa Pokéball. Qu’à cela ne tienne, il agirait seul. Après un moment cependant, Eeva commença à se poser des questions. Elle n’était pas femme à rester les bras croisés. Elle entendit bien sûr Peter parler à son Pokémon et vit la brume qui commençait à les engloutir. Au même moment, alors qu’elle reculait, Peter la bouscula. Elle n’eut guère le temps de l’entendre s’excuser et pour toute réponse, ce dernier put entendre le bruit caractéristique de quelque chose qui tombe à l’eau… Le brouillard était extrêmement dense et à partir de là, il serait très difficile de distinguer quoique ce soit. Même avec les pouvoirs propres aux Lieurs, le vide que laissait la tuerie des Pokémon marin rendit difficile la perception de ce qui pouvait être encore vivant. Mais Eeva n’était pas morte sous l’épaisse masse de brouillard et quelques mètres d’eau.

Quoique puisse penser Peter à ce moment-là, il n’était pas responsable de la « chute » de sa collègue. En effet, celle-ci avait plongé, se rendant bien compte du brouillard, mais trop curieuse et impatiente de la trouvaille si importante du chevalier des mers. L’eau restait claire et elle n’eut pas trop de mal à retrouver Silvius qui lançait sans interruption un fort filet de bulles. Excellent ! Se rendant compte qu’il ne pouvait pas lui-même rapporter sa trouvaille, il en indiquait l’emplacement. Sans cette brume de mort, Eeva l’aurait remarqué bien plus tôt ! Avec de la boue et du mucus, il avait réussi à engluer un morceau de filet sur la coque. Eeva fit quelques longueurs et se rapprocha du fameux filet barbelé, se demandant ce qu’il avait de si important. Mais le sel de mer était un supplice pour les yeux au bout d’un moment et sa vue se brouillait, alors elle saisit un poignard qu’elle avait caché dans l’une de ses bottes, découpa les cordes entortillées et remonta, Silvius rampant sur son bras.

Sortant la tête de l’eau, Eeva inspira à fond et se jeta vers les cordages laissés en suspens près de la coque, qu’elle saisit et remonta à bord grâce à eux. Lorsqu’elle fut de nouveau sur le pont, elle secoua sa chevelure et souleva le filet. Des algues, des objets divers s’y étaient empêtrés. Eeva refusa tout net d’y mettre les doigts et démêlait le filet avec sa vieille dague. On y trouvait de tout, des filets minuscules, des restes de poissons et de crustacés et des pièges si divers que certains n’avaient rien à faire là. Ecartant les algues dont l’aspect lui semblait bizarre, la rousse réalisa qu’il s’agissait d’algues qui ne poussaient que dans les tréfonds, car elles étaient très grandes et rigides. Il leur fallait beaucoup pousser pour trouver la lumière. Au milieu des bouts de ferrailles et de verre mélangés, la rousse commençait à se faire une idée de ce que cet objet représentait. Ce n’était pas vraiment un filet un de pêche, ce truc était censé ratisser le fonds des mer et tout capturer, sans distinction.

« Peter, » dit-elle « c’est un filet de braconnage. Mais ! »

Au milieu des débris et des prises douteuses, car après tout, ce filet là n’était pas fait pour pêcher, mais bien pour ratisser et tant pis pour les dommages collatéraux, un bout de coquille apparaissait. Ecartant les algues et autres débris, Eeva en extirpa un Pokémon. Vivant ou mort… Le sortant délicatement, elle trouva une coquille entr’ouverte, ce qui a priori n’était pas une très bonne nouvelle. Elle ouvrit de force et le fait qu’il y ait une légère résistance était une bonne chose : le Coquiperle était faible, mais encore vivant. Cependant, le corps du Pokémon était amorphe. Eeva posa sa main dessus et tenta une perception qu’elle ne maîtrisait pas très bien. Pourtant, le flux qui passa entre elle et le Coquiperle lui sembla un peu trop facile… Comme il n’était pas mort, ni trop amoché, en tout cas, vraiment moins que l’Hypotempe de Peter, elle n’en conclut qu’une seule chose.

« Il a été empoisonné. »

Eeva se relevait et imita le dragonnier, en emprisonnant le Pokémon, afin de le garder près d’elle et de s’occuper de son cas dès que possible. Brutalement, Eeva prit un choc qui la fit tomber sur le côté. La balle roula, alors que Peter la mettait en garde. Avec le bois trempé et donc glissant, elle n’avait rien pu faire pour se retenir. La femme se releva, voyant que l’homme s’était interposé entre elle et son agresseur. Elle se releva et ce faisant, découvrit une silhouette immense tout juste devant elle. Immédiatement, elle voulu saisir sa dague, mais son assaillant fut le plus rapide et elle prit un coup de poing en plein visage. Eeva, a demi-consciente s’étala sur le pont et resta inanimée. Mais leurs agresseurs avaient eu une très mauvaise idée en attaquant cette embarcation là… Le chevalier servant fut le premier à réagir, s’interposant entre le bonhomme qui devait bien faire deux mètres – un véritable géant pour lui- et s’élança sur lui dans un plaquage et plaqua l’affreux au sol ! De toute part, les Pokémon d‘Eeva jaillirent. La Démolosse aida Silvius, dont le courage était plus grand que sa taille et mordit méchamment le colosse, profitant de la brume et donc, de l’humidité, pour l’électrocuter.

Le Motisma s’était élevé et envoya une Onde de Choc vers la mer. La brume ne le gênait nullement, lui qui était né dans les marais brumeux de Flamen. Le spectre avait sentit et vu l’approche d’un navire, sans pavillon. Le Viskuse plongea et disparu, pendant que le Grahyena, la fourrure ébouriffée sur l’échine, montrant les crocs, s’approchait dangereusement d’un troisième gars qui venait de les aborder. Pendant ce temps, le Nostenfer changea brutalement de direction, tentant de retrouver le Ptéra. En dessous- une nappe de brume avait recouvert la mer dans un certain diamètre. La chauve-souris géante était assez intelligente pour comprendre que ce n’était pas normal, la brume ne poussait être aussi proprement délimitée. Il eut soudainement l’impression que quelque chose n’allait pas du tout sur le bateau. Lançant un cri destiné à rallier le dragon volant, il envoya des ultrasons pour repérer le bateau de la championne. Mais il reçut l’information qui annonçait un problème de taille : dans la brume, il percevait le bateau au milieu d’autre. Ils étaient encerclés par des navires et n’avaient aucun moyen de le savoir… Avisant la Ptéra, il suggéra de prudemment descendre et de se rendre compte discrètement de la situation…

[Peter]

Peter ne dit rien face au geste d’Eeva, qui utilisa son pouvoir élémental pour soigner l’Hypotrempe à l’article de la mort. Elle lui apportait son aide, il n’avait donc aucune raison de protester... Toutefois, lorsqu’elle lui annonça, pessimiste, qu’elle ne croyait pas en la survie du Pokémon aquatique, il se contenta de dire, calmement :

« Je préfère envisager un avenir meilleur pour elle. J’ai confiance. Et si je me trompe, c’est que la nature en aura décidé ainsi. »

Mettant un terme à la discussion concernant sa toute petite protégée, le Champion s’inquiéta de voir la brume tomber et les envelopper. Mais après son contact avec la rousse, le bruit caractéristique de quelque chose qui tombe à l’eau fit pâlir le Dragon Master, qui espéra sincèrement ne pas avoir causé la chute de sa collègue : il avait tellement l’habitude de travailler dur avec son équipe qu’il s’était endurci au point de ne pas sentir sa force, parfois... Tendu à l’extrême, il entendit la rousse revenir et lui faire part de sa découverte, et il fronça les sourcils lorsqu’elle extirpa un Coquiperl du filet de braconnage qu’elle avait remonté. Très bien, ils avaient affaire à des bandits de haut niveau qui ne se limitaient pas la faune locale et qui se fichaient de massacrer les fonds marins comme de leur premier larcin... Le sang de Peter commençait à bouillonner, littéralement. S’il n’avait pas été irréprochable dans sa jeunesse, et s’il avait fait partie d’une bande de voleurs aguerris, jamais il ne s’en était pris aux Pokémon. Il avait d’ailleurs quitté cette vie, ainsi que son alias, Wataru, le jour où ses anciens compagnons avaient commencé à faire des expériences sur les créatures, et il s’était juré de tous les vendre aux autorités, au mieux, ou de les tuer de ses mains, dans le pire des cas. C’était à ce comportement qu’il devait ses années de prison, mais il n’avait jamais regretté d’avoir agi ainsi, car s’attaquer aux Pokémon, c’était franchir des limites dont il ne tolérait pas la moindre approche... La Ball d’Akairos vibra légèrement, signe que son occupant percevait la colère sourde qui montait en lui et qui trouvait écho dans la sienne.

Lorsqu’Eeva annonça que le coquillage avait été empoisonné, le Nalcien perçut un mouvement qui lui confirma ce qu’il craignait, suivi d’un bruit sourd de rencontre douloureuse avec le pont. La rousse ne pouvait décemment pas avoir glissé d’elle-même, dans son esprit, même si le bois humide et poisseux ne pardonnait pas... Tout s’enchaîna alors très vite : la Mizuhanienne se releva, mais fut prise de court par un second agresseur qui la mit par terre d’un coup de poing bien placé. Immédiatement, les yeux du Dragon Master virèrent au doré, alors qu’il libérait son plus fidèle ami. Le Dracolosse se saisit du premier type qui lui passa sous la patte et le balança par-dessus bord sans autre forme de procès, alors que la petite Sonistrelle en désorientait un autre à l’aide d’un puissant Ultrason. L’homme se mit à courir en rond en aboyant comme un Caninos, complètement aliéné pour un bon moment.

Plus haut, dans les cieux, Sakeriba entendit le cri du Nostenfer et se rapprocha de lui, sentant elle aussi les problèmes se profiler juste dessous... Et subitement, un sifflement s’éleva de la brume, un sifflement particulier qui donnait un ordre destiné à Kairyuu. Le titan déplia intégralement ses ailes et, d’un battement ample, généra un vent terrible qui balaya l’écran opaque étiré autour d’eux. Lorsque l’Anti-Brume eut achevé son travail, le ptérodactyle laissa échapper un cri bref et aigu pour indiquer à son partenaire aérien que le plan avait changé, avant de se laisser tomber en chute libre vers le bateau où se trouvait son maître. Le dernier pan de brume se dissipa, trop tard pour que la cible de la prédatrice puisse envisager la moindre tentative de fuite, toutefois : toutes serres dehors, le dinosaure meurtrier s’empara d’un gaillard aux épaules de déménageur, lui broyant un bras dans la manœuvre, remonta en piqué dans les airs, puis relâcha sa proie sans aucun remords. L’humain fit une chute vertigineuse d’une bonne cinquantaine de mètres et alla se fracasser sur le pont d’un navire ennemi, en projetant sangs, entrailles et autres joyeusetés sur ses camarades... Le choc créa une immense brèche dans le bateau, suscitant la panique à bord. Celui-là était condamné à couler, disloqué de la même manière que celui que Sakeriba avait eu l’extrême honneur de choisir pour première victime.

Le Dragon Master ne mit que quelques secondes à constater l’ampleur de la mouise dans laquelle ils venaient de se fourrer. En un instant, il rappela Om, puis libéra de nouveau son serpent sanglant pour qu’il aille semer la terreur dans les rangs ennemis. La flotte adverse était suffisamment importante (avec un vaisseau en moins, certes) pour leur causer de sérieux problèmes ! Pire encore, il était plus que probable qu’ils aient des prisonniers Pokémon, et Peter n’excluait pas l’éventualité de la présence d’humains qui auraient eu la malchance de croiser leur chemin ou de s’interposer entre leur gagne-pain et eux. Avisant un homme d’un gabarit plutôt impressionnant (il devait aisément faire deux fois la masse du Nalcien), il lui asséna un coup direct avec ses paumes, en plein dans le thorax, qu’il lui enfonça avec l’énergie surhumaine qui circulait dans son corps de Dragonnier. Le plexus solaire du géant parut s’enfoncer, et il décolla littéralement, repoussé en arrière par la puissance du coup. S’en remettant un instant à son Pokémon, Peter s’accroupit pour vérifier l’état de sa collègue : visiblement, elle avait pris un mauvais coup, mais elle était simplement sonnée. Rien de grave, a priori, il suffisait de lui laisser le temps de sortir des vapes et de revenir à elle. Il prit néanmoins le soin de la relever et de l’appuyer contre la paroi pour ne pas la laisser étalée par terre en risquant à tout moment de se faire piétiner. Estimant qu’elle était normalement hors de danger tant que leurs Pokémon respectifs et lui-même se battaient, il fit sortir sa Draco quand même, au cas où.

« Protège-la jusqu’à ce qu’elle se réveille. »

Une expression féroce se dessina sur la face de la créature mystique, qui enroula son corps autour de la Championne sans la toucher directement, dissuadant quiconque de s’en approcher. Parmi les braconniers, certains commençaient à comprendre, en voyant les Pokémon que le Champion aux cheveux acajou leur opposait, qu’ils avaient affaire au Dragon Master, ce qui, en théorie, n’était pas une excellente nouvelle, surtout quand on savait qu’ils cumulaient toutes les tares rédhibitoires aux yeux du Nalcien !

« Hydroqueue ! »

Surgissant de l’onde, le Léviator de cauchemar balança une bonne partie de son corps dans le direction d’un groupe de suicidaires qui s’étaient jetés sur lui. Il leur offrit donc un magnifique renvoi vers leur vaisseau d’origine, fauchant au passage d’autres marins d’eau douce avec un superbe jeu de quilles...

« Cherche d’éventuels Pokémon prisonniers et libère-les ! »

Aussitôt, le Sanglant plongea, partant à la rescousse de possibles créatures empêtrées dans des filets ou carrément enfermées dans des caisses ou des cages. Peter, lui, se retourna brusquement et, après avoir inspiré profondément, cracha un véritable Dracosouffle sur deux nouveaux agresseurs. L’un d’eux vola et fut cueilli au passage par la Ptéra, qui prit un malin plaisir à le relâcher pile au-dessus du mât d’un navire voisin. Le malheureux mourut sur le coup, empalé sur la saillie en bois et en métal, sous l’œil d’une Sakeriba hilare et très satisfaite de son petit tour.

«Kairyuu, avec moi ! »

Le Dracolosse se rapprocha pour permettre à son maître de se jucher sur son dos, et ils décollèrent ensemble, tandis que le comportement de la Draco se faisait plus menaçant encore : levant sa tête vers le ciel, elle invoqua un nuage crépitant juste au-dessus de sa tête, alors qu’une lueur qui annonçait clairement la couleur naissait dans son regard aussi sombre que le cumulonimbus qu’elle venait d’appeler à elle. Sous l’eau, le Léviator aux écailles écarlates s’agitait, à la recherche de victimes animales pouvant encore être sauvées, alors que le prédateur de roche et de cruauté frappait au hasard, arrachant ici un gringalet comme une simple brindille ou soulevant là un véritable colosse aussi facilement qu’un jouet. Le Champion aux Dragons, de son côté, s’était élevé pour prendre de la hauteur et voir le piège dans lequel ils étaient tombés dans son intégralité pour en embrasser la teneur et l’ampleur. Il lui fallait bien ça pour qu’ils deviennent les pièces maîtresses de l’échiquier, et non pas les simples pions qu’ils étaient actuellement grâce à l’effet de surprise de leurs adversaires.

[BASTOOOON !]

[Eeva Slanzar]

L’assaillant de la championne fut rapidement maitrisé par le Sancoki, son monstrueux plaquage et par la morsure électrique de la Démolosse, pendant que le Grahyena se chargeait seul d’un autre type, lui assénant une morsure venimeuse. Il se retira très vite, l’échine hérissée et donnant un grand coup dans les genoux qui craquèrent. Son pelage, soudainement lumineux, semblait aussi dur que de l’acier. Les Pokémon d’Eeva n’avaient ni besoin d’elle, ni besoin d’ordres pour savoir ce qu’il convenait de faire, car si l’entrainement de Peter était rude physiquement, Eeva elle leur façonnait un mental d’acier, les laissant parfois se débrouiller seuls face à de puissants ennemis. Et il valait mieux, en effet pour eux, qu’ils gagnent leurs combats. Dans les airs, le dragon fit alors disparaître la brume, tandis que les choses s’accélérèrent en bas. Le Nostenfer n’avait pas besoin de ses yeux pour savoir ce qu’il s’y passait, ses ultrasons le guidaient, néanmoins, cette initiative leur serviraient à tous. Il fonça en piqué vers le bateau d’Eeva et récupéra au passage le Grahyena et le Pomdépik, jetant un coup d’œil au Métamorph légèrement angoissé, qui devait garder la barre.

La Démolosse se retourna alors vers Peter, le regard enflammé. Il posa Eeva quelques mètres plus loin, comme elle le comprit tout de suite, pour qu’elle ne soit pas plus blessée qu’elle ne l’était. Au moins, qu’elle ne se fasse pas piétiner. Elle aurait pu la traîner elle-même, mais pas avec autant de facilité. Un cri très aiguë se fit entendre et avisant les ordres et les directions que prenaient les Pokémon de Peter, la Démolosse sauta sur un contre-haut et aboya, à l’adresse de ses camarades. Des aboiements sombres et sourds, que l’on n’aimait pas vraiment entendre… Le brouillard se dissipa, un des braconniers passa devant elle à reculons dans une posture ridicule ; moulinant des bras. Elle se jeta dessus dans un grondement sauvage, laissant sa nature ténébreuse prendre le dessus, sans aucune mesure. Silvius, en entendant les aboiements de la chienne des ténèbres, acquiesça et se jeta à l’eau, allant prêter ventouse-forte au dragon des mers. Il n’avait peut-être pas une taille et une force colossale, mais son état de mollusque lui permettait de se glisser n’importe où et de repérer les éventuelles victimes. Ce qu’il fit avec succès, dirigeant ses coéquipiers, le Viskuse et le Motisma, pour sortir quelques malheureux de là.

Agissant de concert, le Nostenfer attendit patiemment que les victimes soient évacuées, pour se rapprocher du pont et laisser le Grahyena et le Pomdépik s’occuper du bateau. Rien de très compliqué, en somme, car ils se contentèrent de briser la coque, tout en semant des picots et de ressortir. Bien sûr, ils n’étaient pas aussi puissants que les dragons, qui pouvaient, à ce que voyait le vampire, se charger d’un bateau par personne, mais leur travail d’équipe n’en était pas moins efficace et plus insidieux, plus vicieux, ce qui représentait tout à fait l’esprit de leur Arène. Depuis les airs, la chauve-souris géante pouvait voir les dégâts occasionnés par les dragons. S’en prenant directement aux bateaux, ils leur coupaient l’herbe sous le pied. Où plutôt, la vague. Ainsi, ces pirates se précipitaient à la mer, espérant échapper à leur courroux. Mais le vampire était bien plus posé et moins prompt à utiliser la violence, aussi décida t-il, après avoir chassé quelques-uns de ces braconnier, de réquisitionner l’un des navires. Le bateau d’Eeva était petit et les survivants ne tiendraient pas tous dedans. Parce que le Sancoki avait trouvé une autre piste, il fallait un moyen de repli pour ces pauvres gens.

En effet, le mollusque avait suivit le courant vers un autre bateau et s’était collé sur la coque. Remontant en rampant, il s’était infiltré par un interstice. Il avait alors trouvé dans les cales, des dizaines de personnes, enfermées comme des… Il ne savait pas exactement comme des quoi, probablement des esclaves. C’est en général ce qui se passait avec ce genre de personnes. Rampant calmement, il s’était alors rendu au milieu de ses pauvres gens, s’était redressé en se bombant et n’avait pas fait un très long discours. Il n’était cependant pas certain qu’ils aient compris le moindre mot. Mais le Chevalier des Mers n’en avait démordu. Le Motisma était apparu en traversant la coque, effrayant les prisonniers, à peu près autant que le Viskuse qui se faufila dans un trou de souris. Dans les cales, tout ce petit monde était enfermé dans de grandes cages. Il échangea avec le Motisma qui repartit dans le sens inverse, appelant le Grahyena à leur aide. La hyène sauta du dos du Nostenfer et aidé de celui-ci et du Pomdépik, il provoqua une grande agitation sur le bateau. Certains des braconniers préférèrent d’ailleurs se jeter à la mer, plutôt que d’affronter des Pokémon aussi bizarres et mauvais. Car oui, ils dégageaient une aura de mauvaise augure.

Dans le grand fracas des flots et des cris de la hyène, les prisonniers ne pouvaient que se demander avec angoisse ce qui allait leur arriver… Le Sancoki sortit alors de la cage et s’aligna sur la porte de la cale. Avec une violence surprenante pour un Pokémon de sa taille, il l’enfonça. Le Grahyena fit alors sont apparition, le poil ébouriffé et grondant comme jamais. Les esclaves crièrent pour certains. Se calmant un peu, conscient que son apparence, son air dominateur et sa figure sauvage faisait peur à ces humains, il se rapprocha des cages et regarda Silvius, lui demandant du regard ce qu’il attendait de lui. Puis il vit les cadenas. Alors, Ravel les mordit, laissant le gel s’insinuer dans le mécanisme et les broya de sa mâchoire. La cage s’ouvrit. Et alors, sous les yeux un peu surprit des humains, les Pokémon se rangèrent derrière le minuscule Sancoki, qui menait les troupes. D’un vaillant « Sancoki ! » il leur intima de le suivre. Ils seraient plus en sécurité ailleurs. Comme tous les Pokémon le suivirent, décontenancés, les humains d’abord, ne voulurent pas bouger. Et puis finalement… Finalement, ils se retrouvèrent dehors, devant un étrange spectacle. Leur bateau était vide et plus loin, des dragons attaquaient ça et là, une véritable flotte. Des combats se menaient et parmi eux, les moins braves préféraient se jeter à la mer.

La vue du grand Nostenfer sema la peur, chez les victimes, mais le Sancoki s’en approcha et rampa jusqu’au bastingage. S’ils étaient intelligents, ils comprendraient qu’ils ne risquaient rien et qu’ils n’avaient plus qu’à grimper dessus, pour rejoindre leur nouveau navire. La chauve-souris géante d’ailleurs, avait crié donnant au reste de l’équipe les dernières nouvelles et avisant également, celle de Peter. En retour, il avait perçu les aboiements de la Démolosse. Celle-ci s’était cantonnée auprès du Métamorph, au cas où quelqu’un aurait eu l’idée de venir s’en prendre à lui et elle savait qu’il n’était pas forcément bon combattant. Pendant tout ce temps-là, Eeva avait fini par émerger. Les cris, les hurlements, des fracas effroyables lui parvenaient d’abord comme si elle avait eu la tête sous l’eau. Avec un horrible mal de tête, elle ouvrit les yeux pour se voir encerclée par un serpent géant. Clignant plusieurs fois pour chasser la vision flou, elle reconnu plutôt un Draco. La Draco de Peter. Se ressaisissant, elle se leva et accorda au dragon un signe de tête. D’un coup d’œil, le spectacle était plutôt surprenant. Il y avait des corps (ou des cadavres) sur le pont, dans l’eau, des débris de bateaux… Elle vit au loin la silhouette du Ptéra et du Dracolosse, alors que Peter était lui-même occuper à rosser l’un des braconniers.

Et le siens, où étaient-ils ? Avec l’agilité d’un chat, Eeva grimpa au mât et en quelques bonds, en atteignit la cime. De là, la vue était parfaite. A vrai dire, tout cela ne ressemblait plus qu’à un champ de ruines, la plupart des bateaux coulaient. Ses yeux perçants virent beaucoup plus loin, la forme de son Nostenfer porter quelque chose, ou quelqu’un, vers un autre bateau. Probablement pas des braconniers survivants. Des esclaves peut-être ? Elle ne connaissait que trop bien ce genre de procédé. N’y avait-elle pas elle aussi participé, une époque ? Mais elle laisserait ses Pokémon se débrouiller, elle était absolument certaine qu’ils s’en sortiraient très bien sans elle. Mais en attendant, il y eu un grand choc. Eeva perdit l’équilibre et se retrouva suspendue dans le vide, entre les cordages et les voiles. Elle n’avait pas vu le navire qui venait de leur rentrer dedans et malgré les efforts du Métamorph, il avait réussi sa manœuvre. Déjà, ils étaient abordés. Se balançant comme il lui était possible, la rousse parvint à attraper le mât avec ses jambes. Suspendue, mais cette fois solidement, la tête en bas, elle pu voir plusieurs bateaux derrière eux. Elle attrapa une corde et se laissa tomber dans le vide. Plaçant ses jambes devant elle, Eeva rentra dans l’un des pirates qui fut projeté hors du bateau.

Les autres dégainèrent leur sabre sur son passage, essayant de l’atteindre, mais le cordage la fit décrire un arc de cercle largement au-dessus de la mer. Revenant vers le mât, le visage non moins surprit et cherchant une solution, Eeva se prépara et lâcha la corde au moment où elle posa les pieds dessus, restant un moment dans un équilibre précaire et tentant de ne pas tomber. Le sabre entre les dents, l’un des pirates montait jusqu’à elle justement. Eh bien… Si elle avait su que sa petite promenade en mer prendrait des airs de… De vieux refrains. Eeva retrouva aussitôt ses anciens reflexes. Elle se jeta sur l’homme, marchant sur le mât comme un saltimbanque, lui vola son sabre, non sans causer quelques dégâts et appuya son pied au niveau de l’épaule, le faisant basculer dans le vide. Le deuxième, qui l’abordait par l’arrière, se hissa et pointa son sabre vers elle. Eeva se retourna, le regard sauvage et brillant. Elle fit de même. Il s’ensuivit alors un combat au sabre et avec un certain ravissement, la rousse constata que malgré les années, elle n’avait rien perdu. Croisant le fer avec sauvagerie, elle se retrouva rapidement tout près de son adversaire et appuya de tout son poids contre lui. Et sournoisement, la rouquine saisit son poignard et le lui planta dans la cuisse. Donnant un coup ultime de son sabre à la poitrine. Il bascula également.

Le bateau, en mouvement, luttant pour ne pas chavirer, rendait extrêmement dangereux l’entreprise et le duel d’Eeva, qui pour le coup, semblait si naturellement agile à ce genre d’exercice. Ce qui était presque inhumain en de pareilles circonstances. Sautant sur d’autres poutres en bois, sans avoir l’air de s’effrayer, Eeva s’élança vers le bateau ennemi où on la canardait déjà. Avec une habileté démoniaque, elle courait le mât, trouvant son équilibre à chaque pas, comme une véritable équilibriste. Alors qu’elle en ratait un, elle attrapa une corde et se dirigeait tout droit vers une voile. Pointant son arme, elle déchira le tissu qu’elle attrapa à pleine main. Avec un sourire satisfait, Eeva se trouva bien stable. En se balançant, elle pouvait rattraper les cordages et descendre sur le pont. Un craquement interrompit sa réflexion rapide. D’un regard, elle vit la voile commencer à se déchirer de plus belle. Regarda en dessous d’elle, et ravala son sourire quand, le tissu lâchant complètement, la précipita à tout allure vers le pont.

[Tu sais parler aux dames, toi xD]

[Peter]

En plein vol, juché sur le dos de son Dracolosse, Peter avisa le Nostenfer, qui semblait réquisitionner un bateau pour mettre les survivants dessus. En quelques mots rapides dans la langue de son pays, le Dragon Master indiqua à ses Pokémon qu’il ne fallait pas toucher à ce navire en particulier et l’épargner à tout prix. Une fois assuré de s’être bien fait comprendre, le Champion fit bifurquer sa monture, se dirigeant droit vers un type qui tenait une prisonnière par les cheveux. Le coutelas que l’homme maintenait sur la gorge de la malheureuse ne laissait aucun doute quant au statut de cette dernière et aux intentions de son bourreau. De prisonnière, elle était devenue otage... Mais le Nalcien détestait le chantage, surtout lorsqu’il mettait des vies en jeu, qu’elles soient humaines ou animales. D’un ton menaçant, il lâcha :

« Je vous déconseille très fortement d’essayer. Vraiment. »

Les quelques secondes d’hésitation du braconnier lui furent fatales. Rapide, la Ptéra fondit sur le type, enserra sa tête dans l’une de ses serres et esquissa un rictus carnassier. La jeune femme eut tout juste le temps de se dégager de l’emprise de son geôlier et de s’écarter, récupérée par le Champion, avant que Sakeriba n’exerce une terrible pression sur le crâne du braconnier pour l’éclater. Cachant les yeux de sa protégée, le Dragon Master l’amena en lieu sûr, à savoir sur le bateau gardé par le Nostenfer d’Eeva, la déposa sur le pont et repartit immédiatement. Il ne pouvait pas se permettre de perdre du temps !

Ignorant tout de ce qui se jouait dans la cale de l’un des navires, mais voyant que certains Pokémon de la Championne se trouvaient dessus, il n’insista pas et les laissa faire, préférant se concentrer sur autre chose, à savoir le Milobellus qui venait de défier l’immense Léviator rouge. Akairos prit rapidement le dessus, laissant libre cours à sa rage, mais Peter l’arrêta d’un cri et lui montra quelque chose autour du cou du gracieux serpent d’eau. Un collier avec des pics dirigés vers l’intérieur, relié au bras d’un braconnier par une longue tige de métal... Ce Pokémon ne combattait pas de son plein gré, mais sous la contrainte, et il y avait fort à parier qu’il avait été arraché à son milieu naturel de force pour se battre sous les ordres de ce sale type. D’une morsure propre et puissante, le Sanglant brisa le lien, rendant sa liberté au Milobellus. Ce dernier s’agita, mais le Nalcien le rattrapa de justesse et lui asséna un coup avec la paume à un endroit bien précis pour que son aura s’y cristallise. Sonné, le Pokémon aquatique s’affaissa légèrement, permettant à Akairos de broyer tranquillement le carcan d’acier qu’il avait autour du cou. Le Champion caressa ensuite doucement la créature marine, qui revint à elle après quelques instants de torpeur. Peter et sa monture s’éloignèrent de plusieurs mètres pour bien montrer leurs intentions au Pokémon, et le Milobellus, comprenant qu’il l’avait aidé à sa manière, laissa échapper un son mélodieux avant de disparaître dans les profondeurs.

Sur le plus petit des bateaux, Eeva se réveilla, mettant quelques secondes pour faire le point et constater que la Draco de Peter faisait barrière de son corps pour la protéger tant qu’elle était vulnérable. En voyant le signe de tête de la rousse, la créature mystique se déroula à la vitesse de l’éclair, entamant son ascension dans les cieux pour chercher son maître du regard. Et si elle avait pu sourire sous sa forme véritable, elle l’aurait assurément fait, devant le spectacle de Peter occupé à libérer un Milobellus du joug de son tortionnaire... Même au cœur de la bataille, il prenait la peine de se préoccuper du sort des démunis. Il était fort dommage que le Dragon Master ne passe pas plus de temps avec ses pairs qui, quoi qu’il en pense, étaient les hommes, et non pas les créatures qu’il aimait tant, mais elle n’y pouvait rien, il était ainsi. La vie l’avait forgé comme ça, et il savait être poli et aimable avec les autres quand il avait l’occasion de les fréquenter, et la Prêtresse supposa que ce devait être suffisant pour lui...

La Draco s’approcha finalement de la Championne de Fla’or, assista à son petit duel avec l’un des marins et, avec un pragmatisme d’une neutralité presque terrifiante, elle enroula rapidement sa queue autour du poignard que la rousse avait planté dans la cuisse du type pour l’en retirer d’un coup sec. L’homme, en revanche, elle le laissa choir comme le dernier des déchets, estimant qu’il avait totalement mérité son sort mais que, quand même, laisser ses outils de travail dans les cibles, ce n’était pas très professionnel, quand même. Ondulant avec grâce vers la femme, elle la vit soudain chuter à toute vitesse vers le pont, sans doute rattrapée par la gravité (ou punie par le tissu parce qu’elle l’avait déchiré sans ménagement, elle n’aurait su le dire). Mais elle capta la présence de son maître, et elle se figea dans son geste : elle n’aurait pas besoin d’intervenir pour venir en aide à l’homologue de Peter. En effet, ce fut lui qui, agile, récupéra sa collègue sur le dos de son Dracolosse, avec un mouvement leste du bras, pour lui éviter une rencontre malvenue avec le bois du pont. Tout sourire, il lâcha :

« Eh bien, c’était juste. Oh, et je crois que ceci vous appartient. »

La Draco tendit l’arme blanche – toujours enserrée dans les anneaux de sa queue – à sa propriétaire. Le Champion aux Dragons, retrouvant son sérieux, jeta un coup d’œil circulaire aux alentours pour prendre la température : les prisonniers avaient été évacués, les Pokémon qui pouvaient être sauvés allaient bien et étaient sains et saufs, eux aussi, et les braconniers qui s’étaient rendus – et ils n’étaient pas nombreux, la plupart ayant choisi la mort par le combat ou par la fuite – étaient tassés dans un coin du bateau épargné, sous la surveillance d’Akairos. Le Sanglant les fixait de son oeil écarlate, les dissuadant de faire le moindre geste suspect. Un garçon d’une vingtaine d’années croisa le regard du monstre et se fit carrément dessus, arrachant un soupir au Dragon Master. Il comprenait parfaitement l’angoisse et la terreur suscitée par son Léviator qui, en plus d’être gigantesque, arborait des couleurs pas banales et loin d’être rassurantes, mais de là à... Bref.

« Bien, je crois qu’on en a fini avec ces braconniers. Je pense qu’on devrait vérifier qu’il ne reste plus de filets ou d’objets qui pourraient abîmer les fonds marins ou blesser des Pokémon, au cas où. Il va falloir que je m’occupe d’elle, aussi. »

Peter parlait, bien sûr, de l’Hypotrempe qui luttait pour sa vie à l’abri dans sa Ball. Avec une certaine appréhension, mais captant toujours une aura active en provenance du petit être, le Champion libéra le Pokémon, défit ses bandages et le plongea dans l’eau pour l’hydrater et le faire entrer en contact avec son milieu naturel. L’hippocampe gémit, mais resta tranquille et ouvrit les yeux.

« Ne t’inquiète pas. Ils ne te feront plus de mal. Je vais t’aider à aller mieux. »

Calmement, le Nalcien remit un tissu propre autour de la créature aquatique, qui s’endormit carrément dans ses bras une fois enveloppée dans les bandages. Après avoir rappelé le Pokémon dans sa Ball, Peter suggéra :

«Quand on en aura terminé, il nous restera à les livrer aux autorités. »

La Draco hocha doucement la tête, contente de constater que son maître s’était assagi avec le temps. Bien sûr, il y avait eu des morts, et dans des circonstances atroces pour certaines victimes, mais elle connaissait le Dragon Master depuis toujours : plusieurs années auparavant, il n’aurait laissé aucun survivant et aurait massacré tous les humains coupables. Tous, sans exception.

[BASTOOOON encore mais on se calme quand même
Peter : oui, je sais *sourire crâneur* xD]

[Eeva Slanzar]

Elle avait ravalé son petit sourire de gloire, quasiment aussi vite qu’il était apparut. Le sabre entre les dents… Et non, celui-là aussi, elle l’avait perdu… Le tissu s’arrêta un moment de se déchirer, croyant saisir une occasion en or, Eeva força sur sa légère musculature, car cela faisait malgré tout bien longtemps qu’elle ne se promenaient plus sur les mâts et les voiles, elle essaya de remonter. Il y eu une secousse et sa chute reprit de plus belle. Elle faisait bien aussi vite qu’elle pouvait, essayant de grimper à la voile, mais le fait est qu’elle se déchirait beaucoup plus vite qu’Eeva était rapide. Pour couronner le tout, un grand craquement se fit entendre et des tronçons de bois s’écrasèrent sur le pont, juste en dessous d’elle, pour se casser en des dizaines de piques. Si jusqu’à maintenant le message n’avait pas été clair, maintenant, il l’était ! La rousse n’avait jamais été peureuse, mais elle sentait comme une toute petite appréhension de ce qui se passerait si elle ne trouvait pas une solution dans la seconde ! Elle ne pouvait pas compter sur ses Pokémon, qui étaient tous occupés.

« Santa Lugia de… » Commença Eeva, qui lâchait prise et ne voyait plus que sa chute.

IL y eu n grand bruit de déchirure et… Elle se sentit basculer dans le vide, sans aucune chance de se rattrape à quoique ce soit. Elle savait ce qui se trouvait en bas et se préparait déjà à son sort. La réception arriva bien plus ite qu’elle ne le pensait et probablement pas de la manière dont elle croyait. Elle tomba et sentit qu’on la rattrapait, en effet Peter était arrivé juste à ce moment-là et avait juste eu le temps de passer son bras autour de sa taille avant qu’elle ne tombe pour de bon. Elle tomba tout de même assez rudement sur le Dracolosse et se rattrapa juste une demi-seconde aussi fort qu’elle le put sur le Dragonnier. Pour sa défense, elle s’était vu mourir là ! Elle ne se fit ni prier, ni attendit qu’on l’aide pour se mettre à l’aise sur le dos du dragon. Ce n’est qu’une fois certaine qu’elle ne risquait plus une chute vertigineuse qu’elle consentit à lâcher Peter, qui lui, semblait plutôt heureux. Un peu trop même, il était fier de lui ce sale crâneur ?! Eeva se redressa et lui lança un regard, puis tourna ses yeux vers l’autre dragon, reprenant arme avec une fausse attitude sèche.

« C’était calculé. » Dit-elle en haussant les épaules, faisant preuve d’une extrême mauvaise foi. « J’avais un plan, figurez-vous, monsieur le crâneur ! »

Assise derrière Peter, elle jetait un regard sur les alentours, ses cheveux emmêlés ondulant dans le vent. De là où ils étaient, ils pouvaient voir l’équipe d’Eeva terminer de rapatrier les esclaves, ses chiens montant la garde sur le navire des rescapés. Son Métamorph tenait toujours la barre, la Démolosse en garde-fou. À vrai dire, il n’y avait plus grand-chose à faire, la majeure partie des braconniers n’étaient plus. Ceux qui n’étaient pas morts préféraient sans aucun doute patauger plutôt que d’avoir à faire à eux… Ah si ! Ils avaient quand même capturés quelques-uns d’entre-eux… Pas de bol, ils étaient tombés sur le Léviator et n’osaient pas faire un seul geste. Faut dire qu’à leur place, elle non plus. Le vent sifflait à ses oreilles, au point qu’elle dû se pencher,  ne ressentant absolument aucune gêne à s’appuyer carrément sur le dos du dragon master pour entendre ses paroles (enfin… sans se vautrer dessus quand même !). Et puis, Eeva vit un groupe essayer de passer en katimini sur le pont de pique, qui coulait lentement, mais sûrement. Un peu plus loin, il restait une barque. Avaient-ils l’intention de se cacher dedans le temps qu’ils s’en aillent ?

« A toi de jouer Pompette ! »

Alors que Peter entamait la descente, Eeva profita du peu d’altitude pour lancer sa dernière Pokéball. Et en sortit alors un museau violine et une silhouette de la même couleur, rayé de blanc. Une petite Moufouette agita le museau et voyant un gros bonhomme qui eut envie de l’écraser sous ses bottes, Pompette alors utilisa son arme secrète et d’n extrême redoutable. D’un coup, alors que la moufette s’échappait en criant, une odeur nauséabonde, terrible, se répandit sur tout le pont. Mais cette puanteur n’était pas seulement faite pour vous rendre malade, elle était aussi dangereuse. En hurlant, les derniers se   jetèrent à la mer en oubliant les deux champions, tandis qu’Eeva éclatait de rire. Pompette de son côté, fit de même, s’approcha du bord du pont engloutit et sauta. Quand le Dracolosse u assez près du pont de leur navire, Eeva sauta à son tour, dérapant un peu sur le bois glissant. De son côté, Peter sortit l’Hypotrempe pour le réhydrater. Le Pokémon était vraiment mal en point et Eeva doutait réellement qu’il puisse s’en sortir. Pour le reste, maintenant qu’ils étaient proches de ses Pokémon et que le Léviator veillait au grain, Eeva appela les siens. Reprenant la barre pour mener leur bateau, vers celui des rescapés, les Pokémon n’eurent qu’à sauter du pont pour la rejoindre. Au même moment, Pompette sortait de l’eau et vint vers elle, trempée, mais heureuse, sa longue queue touffue pointée vers le ciel.

« Germandrée, passe sur l’autre pont et prends la barre, va avec lui Pyra’. Tu n’auras qu’à me suivre.
Silvius, Ravel, Dictame et Pompette, allez me ramasser ce qui traîne, les filets et le reste, faites attention. Les autres, vous pouvez rentrer. »

Eeva fit donc rentrer le Motisma, le Viskuze et le petit Pomdépik. De leur côté, les autres allaient manœuvrer et garder le second bateau pour les uns et rechercher des objets utiles pour les autres et ramener prudemment tout ce fatra balancé à la mer par les braconniers. Un peu plus au calme, Eeva essora sa longue chevelure emmêlée, pleine de sel, mis qui avait commencé à sécher avec ce soleil. Leur bateau avait pris quelques dégâts, essentiellement sur le mât et des pièces qui n’étaient pas très importantes pour ce qui était de flotter ou de pouvoir rentrer. Devant elle, elle voyait Peter s’attarder sur le minuscule dragon, qui pout l’heure, tenait dans le creux de sa main. Sans trop savoir pourquoi, cette scène fugace lui arracha un minuscule sourire en coin. C’tait assez amusant ou « bizarre » de voir ce colosse penché sur une si petite chose et faire preuve d’ne délicatesse insoupçonnée. C’était un peu difficile à imaginer. Elle secoua doucement la tête et reporta son attention sur l’horizon. Peter rappela l’Hypotrempe et lui suggéra de ramener les braconniers aux autorités. Sans réfléchir, Eeva rétorqua :

« Sinon on pourrait les n… »

Elle se tut en croisant le regard du champion. Pour sa part, elle n’aurait eu aucun scrupule à les attacher à une quelconque pièce lourde en métal et à les laisser se débrouiller dans la mer… Mais elle se garda finalement de finir sa phrase. Elle choisit de détourner le regard sur l’horizon, encore une fois. Maintenant, il fallait ramener tout ce petit monde à Comodo, la ville la plus proche… Un peu plus tard, le Nostenfer ramena le reste de l’équipe de la championne des Glaces et s’affalèrent dans sur le pont. La Moufouette elle, alla se mettre à la proue et regardait les vagues claquer sur la coque avec un grand intérêt. Tout le long de la traversée, Eeva se montra tendue et préoccupée. Ses Pokémon l'avait entendu marmonner quelques paroles, à l'égard des dieux. En fait, elle priait ardemment pour ne pas subir leur courroux. La championne avait cet espèce de respect craintif, mais en ayant été "marin", il était difficile de faire autrement. Par-dessus tout le reste, c'était Kyogre dont elle craignait la venue, particulièrement quand une averse commença à tomber. Il leur fallut quelques heures pour voir enfin les plages. A leur arrivée, elle lissa Peter s’occuper des braconniers, alors qu’elle prenait en charge les rescapés, qu’elle conduisit au poste de garde. Elle répondit à quelques questions et s’occupe ensuite de restituer le navire à son propriétaire… Qui fut un petit peu surprit de retrouver son navire en si mauvais état, en quelques heures seulement. En guise de remboursement, Eeva hésita un instant et lui laissa finalement le second navire.

Finalement, le soleil commençait à se coucher quand Eeva fut de nouveau « libre » de ses mouvements. Elle retrouva Peter, alors qu’elle se dirigeait à l’auberge. Il était trop tard pour repartir à cette heure et les deux Pokémon qu’ils avaient sauvés ne tiendraient probablement pas le coup, ce que fit remarquer Eeva à Peter, en bon Chercheur de métier. Eeva entra la première dans l’auberge, à l’aspect chaleureux et semblait très animé ce soir-là. Elle alla s’asseoir à une table et commanda un rafraîchissement, ainsi qu’un repas, invitant Peter. La serveuse arriva rapidement.

« Nous aimerions deux chambres, pour cette nuit. » demanda Eeva.
« …S’cusez M’dame, il ne nous en reste plus qu’une… »

La rousse fit un signe comme quoi elle la prenait quand même et se tourna vers Peter, alors que la serveuse repartait.

«  Je prends le lit... »

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