[ Clos ] [Épreuve Chercheur] Befog, Smog, Underdog [Raiden]

[Eeva Slanzar]

L’emploi du temps d’Eeva redevenait ce qu’il était ; son quotidien était partagé entre l’Arène, les recherches et quelques escapades exploratrices. Pas de gros matches, ni de grosses missions cependant, et elle n’avait pas à quitter le territoire de Fla’or. Ses journées n’étaient pas trop lourdes et elle reprenait l’étude de certains de ses propres Pokémon. Mais l’arrivée de deux messages bousculait un peu ses projets… L’un de la Guilde des Explorateurs, l’autre du cercle des Chercheurs, D’un côté on lui demandait un peu de temps pour un fait bizarre, notable, inquiétant ou au moins qui valait la peine d’être relevé et d’un autre, on lui demandait d’évaluer un élève chercheur. Seul hic, sans être surchargée de travail, Eeva ne pouvait pas tout faire et les quelques épisodes de fatigue qu’elle connaissait ses derniers temps, lui faisaient dire qu’elle n’avait pas à se déborder de travail… Après tout, elle n’était pas le seul Chercheur du pays ! Comme la demande de la Guilde avait l’air de concerner les Pokémon, Eeva décida de faire d’une pierre deux coups, ou même trois.

Emportant Dictame, comme à son habitude pour ses voyages, elle avait pour cette fois changé sa fine équipe qu’elle avait pris l’habitude d’emmener partout depuis quelques temps. Avec toutes ses dernières mésaventures, un peu de repos ne leur feraient pas de mal et pour changer un peu, elle choisit ceux qui pourraient se révéler utiles, selon les quelques renseignements qu’elle avait eu. Du moins elle l’espérait ! Mais elle savait pouvoir compter sur ses Pokémon, en particulier le Général Silvius, son Dimoclès et Dictame. La bravoure, la force et l’intelligence étaient en effet leur plus grand point fort. Ainsi, Eeva partit de sa pension pour rejoindre les plages du Sud. Et quel ne fut pas son déplaisir, en y retrouvant une tête bien connue… Nonchalamment assise sur un rocher, une femme de son âge attendait quelque chose. Vêtue d’une tenue en cuir sombre, deux ceintures se chevauchant autour de sa taille et pas mal de breloques en tout genre. Elle était belle, avait la peau noire et de longs cheveux tressés, légèrement colorés en bleu sur les extrémités.

Sautant de son Nostenfer, elle l’aborda immédiatement, contrariée de la voir ici.

« Qu’est-ce que tu fais ici ? »
« Sûrement la même chose que toi »   dit la femme en se retournant vivement, dès qu’elle entendit Eeva.
« Ça m’étonnerait. »
« Tu veux parier ? »

Penchant légèrement la tête sur le côté, Uru lui adressa un sourire amusé et provocateur. Eeva, elle, ne riait pas du tout.

« Eeva. »
« La Guilde des Explorateurs. »   compléta Uru.
« Parce que toi, tu es entrée dans la Guilde ? »
« Tu y es bien, toi. Et tu sais bien que partout où peut se trouver l’aventure… »

Le sourire d’Uru s’étira, tandis que le regard d’Eeva se durcit. Elle n’avait pas l’intention de la trainer avec elle. Le problème étant que si elle disait vrai, elle ne pouvait pas l’empêcher de venir et entraîner son élève là-dedans, malgré la présence d’Uru, était effectivement son problème… Et de son fait en plus.

« Que ça soit bien clair, je ne peux pas t’empêcher de venir, mais cette enquête, s’il en est une, est aussi une l’évaluation d’un élève et il est hors de question que tu t’en mêle ! »

En guise de bonne volonté, feinte ou non, Uru ne cessa de sourire et releva les avant-bras, d’un signe qui se voulait coopératif. Il était malheureusement trop tard pour annuler l’évaluation ou la remettre à plus tard… Le garçon devait arriver bientôt.

« Alors ? Que fait-on en attendant ton élève ? »

Uru s’était levée.

« Va faire un tour et je t’appelle ? »   répondit Eeva avec ironie. Pour toute réponse, Uru eut un petit rire amusé.

Pour sa part, Eeva avait de quoi faire. N’ayant pas emporté ses Pokémon par hasard. La rousse se rapprocha de l’eau et détacha deux de ses Pokéball. Elle les actionna et fit sortir ses deux Coquiperl, le père et la fille. Comment la seconde était arrivée… Eeva se le demandait toujours, mais possédant quelques objets intéressants et les Pokémon adéquats, cela tombait à pic…

« C’est quoi l’intérêt d’avoir deux Pokémon identiques ? Je croyais que les Champions connaissaient la règle de la diversité. »

Eeva ne lui répondit pas, mais tourna légèrement les yeux vers Uru, qui se tenait dans son dos, d’un air singulièrement agacé. Mais décidée à l’ignorer, elle fouilla dans une poche un instant, pour en ressortir deux objets distincts, une dent et une écaille. Son travail de Chercheur lui permettait souvent de tomber sur des objets utiles, soit mis à disposition par ses collègues, soit simplement parce que ses Pokémon tombaient dessus. A cette pensée, elle libéra ses autres Pokémon et les laissèrent vadrouiller dans la zone, pourvu qu’ils ne s’éloignent pas. Reportant son attention sur les deux Coquiperl, qui attendaient toujours ses ordres, Eeva approcha de chacun deux les objets qu’elle tenait toujours dans ses mains.

« Qu’est-ce que ça va faire ?  »   demanda Uru, visiblement intéressée.

D’abord, Eeva donna la Dent Océan à Bleu, le papa Coquiperl. Celui-ci se mit à briller, avant d’allonger sa silhouette et arborer une nouvelle forme, quelque peu effrayante au passage. Le nouveau Pokémon ne ressemblait en rien au petit coquillage. Notant sur un calepin ses observations et esquissant rapidement Bleu, Eeva passa à la suite, donner à Rose l’Écaille Océan. Même phénomène et résultat très étrange. Rose ne ressemblait pas plus à une évolution de Coquiperl que son père… Les deux n’avaient même plus grand-chose en commun ! L’un était bleu avec des points lumineux, une queue en forme de poisson, des nageoires en éventails et une gueule béante et l’autre arborait une couleur rose pâle, un corps longiligne et gracieux, une nageoire caudale ronde, des nageoires dorsale et pectorale en forme de plume et un nez allongé, en forme de tube. Même le regard rond et fixe de Bleu était à l’opposé total de celui, étonné et doux de Rose ! Néanmoins, Eeva se méfiait de la nouvelle forme de Rose… Si belle soit cette petite sirène des abysses, son caractère n‘était pas celui de son père !

« C’est normal qu’ils ne soient plus pareils ? »

L’intervention d’Uru agaça Eeva. Elle ne la lâcherait pas, tant qu’elle n’aurait pas sa réponse, elle la connaissait trop bien et elle n’avait aucune envi de subir son harcèlement continuel plus longtemps.

« Oui, c’est normal. Les Coquiperl évoluent différemment, selon que nous leur proposions une Dent ou une Écaille Océan. Ces objets, des vestiges de Pokémon proviennent probablement respectivement d’un Serpang et d’un Rosabyss. Comme tu peux le voir, Rose n’a pas de dent et Bleu ne possède pas d’écaille. L’Écaille Océan pourrait provenir en fait des coquillages de Rosabyss.
Il se pourrait qu’un Coquiperl vivant dans des profondeurs jamais atteintes ne puisse qu’évoluer en Serpang, alors qu’un Coquiperl des mers du Sud, aurait besoin d’une autre forme. Sur les premiers spécimens en tout cas, il sera difficile d’expliquer pourquoi, aujourd’hui, les Coquiperl aient besoin d’un reliquat de leurs ancêtres pour évoluer. Peut-être sont-ils moins puissants qu’avant. »

« Je ne vois pas du tout l’intérêt de chercher à savoir ça. »
« Bien sûr que non. »
« Qu’est-ce que je dois comprendre ? »
« Qu’à moins que cela ne vaille son pesant d’or, tu n’y trouveras jamais aucun intérêt. »
« Tu crois ça ? »
« Bien évidemment. »
« Je crois que tu me connais très mal. »
« Je crois que je te connais bien trop. »

Les deux femmes se toisèrent et Eeva s’était relevée d’un coup, pour affronter Uru du regard.

[Bienvenue dans ton épreuve de Chercheur ! Pour l’instant, je te laisse arriver et aborder Eeva et Uru à la fin de ton message.
Uru est un PnJ personnel important, dont je me réserve le contrôle ^^]

[Raiden Ôkami]

Le choc thermique.

Après plusieurs mois passés dans le froid polaire de Fla’Or et la banquise, j’arrivai dans le sud tropical de ce pays décidément surprenant. C’était à croire que Mizuhan ne me laissait aucun répit. A Nalcia au moins, le temps était plutôt normal, quoiqu’assez venté, du moins c’était mon point de vue. D’un autre côté je n’étais pas retourné dans mon pays natal depuis très longtemps. Mais il faut dire que ces derniers temps avaient été forts, tant pour le corps que pour l’esprit, et ça n’allait pas ralentir, loin de là.

Sitôt passé notre rencontre avec Suicune, Nina et moi étions rentré à Fla’Or. Un voyage déjà long pendant lequel je n’avais eu de cesse de repenser à cette rencontre. Je me sentais différent, mais je ne savais pas en quoi. Je me sentais même un peu perdu sans en être troublé, c’était…bizarre. Mais mes réflexions changèrent lorsque nous rentrâmes finalement dans la cité de glace. Le Colonel estimait cette fois que j’étais désormais prêt à passer un nouveau cap : celui de la classe de Chercheur. Personnellement, tout ce que je savais à ce genre de travail était qu’il représentait des personnes dont la vie était dédiée à l’étude des Pokémon sous bien des aspects. Mais cela s’arrêtait là. J’ignorais tout de leurs techniques, ou de la façon dont ils s’y prenaient. En tant que Ramasseur, je pouvais avoir une petite idée, mais ce stade était moindre comparé à l’immense technicité des Chercheurs, dont les capacités de découvertes pouvaient s’avérer ahurissantes, au même titre que les Archéologues.

Ainsi, quelques jours à peine après être revenu des terres enneigées, Nina Wang me somma de partir en direction du sud pour y passer l’Epreuve. C’est là que je revins vers Comodo.


[https://www.youtube.com/watch?v=ZMYisFOaz1s]


Comodo…J’y étais passé il y avait de cela très longtemps et dans des circonstances pas très réjouissantes. Pourtant, les lieux avaient changé : en atterrissant en ville avec Déflaïn, je pus constater que la récente folie des Légendaires n’avaient pas été évitée. Une bonne partie de la ville était en reconstruction, et même si les quelques ruines n’étaient plus trop visibles, on en voyait encore comme des vestiges d’un ouragan sans précédent. Pis encore, la ville manquait de musique et de gens. Ce n’était pas comme la dernière fois.

J’arrivai à une auberge où j’allais prendre une chambre et y laisser une partie de mes affaires le temps de l’Epreuve, inutile ici de garder fourrures et capes molletonnées. Rien ne valait une tenue légère avec des bottes, un pantalon simple et une tunique verte aux manches retroussées, même si je voulu quand même garder une ou deux protection de cuirs, comme mes brassards et mes gants. Alors que j’ajustai mon bandana sur mon front, j’eu une hésitation quand à garder mon épée avec moi. C’était une épreuve de dresseur, pas de guerrier. Cependant je ne pus m’empêcher de la laisser ici. Vent d’Argent m’accompagnait toujours, comme mes Pokémon avec moi, et je me sentais mieux avec cet objet dont la valeur était tout autant symbolique que martiale. Puis, je pris une sacoche en bandoulière pour y ranger quelques affaires utiles et sortis de l’auberge, suivis de mon cher Grahyena.

Dehors, le soleil était chaud.

« Peste…J’aurai peut-être dû prendre un capuchon ou un chapeau. Tant pis… »

Déambulant dans les rues, des souvenirs me revinrent. J’étais passé par là avec Kira et son double maléfique. Nous avions fait le plein de provisions ici, mais nous avions aussi fait chacun de notre côté (et secrètement) des courses en armement…car tous deux, nous avions prévu de nous battre, et de nous tuer. Souvenir douloureux que fut ce combat, et encore, ma mémoire ne s’en souvenait pas totalement. Je me rappelais cependant qu’à l’instar du double maléfique rongé par la folie, j’étais moi-même rongé par la vengeance. Une colère sourde et aveugle voulant l’étriper pour tout le mal qu’il avait fait. Hélas, j’avais appris à mes dépends que la vengeance pouvait détruire son propre porteur. Nina me l’avait d’ailleurs bien démontré quand je l’avais rejoint et étais rentré à son service quelques temps plus tard.

Pourtant, à Comodo, une personne intrigante m’avait déjà mis en garde quand nous y étions passé. Un Alchimiste chez qui j’étais allé acheter des fioles. Ce dernier avait réussi à sonder mon âme par ses paroles étranges et à comprendre ce qui me tracassait. Plus tard, je lui avais écrit une lettre pour le remercier et m’excuser d’avoir douté de lui. Aujourd’hui, j’avais changé, je n’étais plus tout à fait le même, et la vengeance n’était plus réapparue depuis très longtemps. En marchant à travers les rues en construction, je fis un détour pour aller voir si son échoppe était toujours là. Elle y était…mais en ruine. Ma mine devint dépitée et triste. Avait-il été enseveli sous son toit ? Était-il partis ailleurs ? Je savais qu’il n’était pas tout à fait bien perçu de la population à cause de son caractère "original", c’était probablement pour cela que personne ne s’était attaqué à la reconstruction de sa demeure. Quel dommage…j’aurais bien aimé le revoir ce vieil homme…

« Allons…restons dans le présent, il y a une Epreuve qui m’attend. »

Je quittai la ville et partis en direction de la mer. J’étais en avance. Avec Grahyena, nous prîmes le temps d’observer tranquillement le paysage des flots bleus sous les palmiers. Le vent était doux…Et dire que l’apocalypse s’était abattue ici il n’y a pas si longtemps…Cet instant de repos fut agréable, mais nous repartîmes bientôt vers le lieu de rendez-vous.

Au loin, j’aperçus deux personnes au bord de la mer. Rapidement, je vis qu’il s’agissait de deux femmes. Je m’approchai encore, mais leur attitude me fit ralentir. Elles semblaient en grande…discussion ?

« Houlà… »

J’étais arrivé à quelques mètres d’elles alors que la dernière phrase avait été dites et que leurs regards se croisaient dans une attitude de défi. Je pris quelques secondes pour les observer avant de lâcher un petit :

_Hum hum…

Ce n’était pas le genre de "hum hum" méprisant que pouvait avoir une personne énervante, ce n’était pas non plus le "hum hum" gêné d’une personne qui se sentait mal d’interrompre une conversation. C’était juste histoire de signaler ma présence.

_Pardonnez-moi de vous déranger, dis-je en m’inclinant poliment puis en croisant les bras et me tenant bien droit. Raiden Ôkami, Ramasseur. Je suis venu ici pour passer une Epreuve de Chercheur. L’une d’entre vous est-elle mon examinatrice ? J’arrive peut-être au mauvais moment. Si vous le souhaitez, je peux repasser dans quelques instants.

Le ton ne se voulait ni condescendant, ni gêné. Il était juste normal. Après tout ce n’étaient pas mes affaires, et je préférais autant leur laisser une possibilité arrangeante.

[Eeva Slanzar]

Le temps se suspendit un instant, jusqu’à ce que quelqu’un les approche. Étant donné que ce petit coin de plage était un lieu de rendez-vous, Eeva n’eut aucun mal à deviner, avant même que le jeune garçon se présente, qu’il s’agissait de son élève d’un jour. Néanmoins, même si elle le vit arriver, elle ne lui accorda aucun regard, affrontant Uru. Mais quand il se présenta, elle n’eut plus le choix. Pourtant, ce fut Uru la première qui abandonna sa position, avec un large sourire, qui était particulièrement agaçant. Eeva ne releva pas les dernières paroles du garçon et s’avança légèrement.

« C’est moi qui serais votre examinatrice. Eeva Slanzar, Chercheur et également, Championne de l’Arène de Fla’or. » se présenta t-elle. « Puisque vous êtes à l’heure, nous allons pouvoir partir, mais avant, je vais éclaircir la raison de notre présence ici.
Comme je l’ai déjà dit à d’autres avant vous, vos raisons personnelles de devenir Chercheur m’importent peu. Celles qui vous intéressent aujourd’hui ne seront peut-être plus les même dans dix ou vingt ans. La seule chose qui m’importe, c’est de savoir si vous êtes capable de vous rendre sur le terrain sans vous faire tuer bêtement, par excès de confiance ou de curiosité ou pire, d’ignorance et si vous êtes capables d’être finalement assez fin observateur et connaisseur pour faire votre travail, sans ravager les populations Pokémon et leur habitat, quelle que soit votre découverte. »

Eeva marqua une pause, avec sa froideur et sa brusquerie habituelle. Elle faisait quasiment le même discours à ceux qui passaient sous sa tutelle pour aller sur le terrain.

« Si nous sommes là, c’est parce qu’un fait inhabituel a été rapporté et qu’il semble un peu inquiétant. Nous allons donc enquêter, j’espère que vous avez de bons Pokémon, car je ne sais pas vers quoi nous allons. Et un maillot de bain. » Ajouta Eeva, en avisant la tenue de Raiden.

« Je suis Uru, de la Guilde des Explorateurs. Je vous servirai de Maître Élémentaliste, au cas où il faille, plonger profondément. »

Eeva tourna un regard appuyé à Uru. Sa gentillesse et sa serviabilité apparente lui donnait seulement envie de lui taper dessus…

« C’est en effet la Guilde qui nous a transmit ces observations. Nous irons donc voir de quoi il en retourne et ce sera votre sujet d’examen. » Dit Eeva, coupant court à toutes questions inutiles et entrainant dans son sillage Uru. Sur ces mots, elle s’éloigna et rejoignit ses deux créatures, qui attendaient toujours.

« La Guilde nous a rapporté que depuis quelques temps, certains Pokémon deviennent étranges. Leurs comportements, leur forme semble avoir changé, sans explications plausibles. Il ne s’agit ni d’évolution, ni de mutation, selon certains témoins, qui pensent faire le rapprochement avec la nouvelle forme découverte de Kyogre. Cela qui me semble peu probable. C’est ce que nous allons vérifier.

Nous allons devoir plonger et comme je ne sais pas si tu as un Pokémon aquatique, Bleu, mon Serpang, te servira de soutien. Je prendrais Rose, ma Rosabyss. Et comme il s’agit de ton évaluation, tu vas me faire part de tes observations et de tes déductions.

La recherche, c’est quatre vingt dix pour cent de livres et de textes à déchiffrer et dix pour cent d’observation sur le terrain. J’espère que tu as de bonnes connaissances des Pokémon, mais ça ne sera pas suffisant… »

Habillée d’une tenue pratique, Eeva ne prit pas la peine de se changer pour sa part et il semblait qu’Uru non plus, n’avait pas l’intention de changer de vêtements pour aller nager. D’ailleurs, les deux femmes entrèrent dans les vagues, sans se soucier d’avoir les vêtements mouillés. Eeva fit signe à Bleu de se rapprocher de Raiden, alors qu’elle posa la main sur le long corps serpentin de Rose. Uru, elle, fit apparaître un Tentacruel. Dirigeant Rose qui la soutenait, Eeva dirigea son groupe vers le large, quittant la quiétude des plages de sable fin, pour les emmener plus loin dans la mer, mais sans s’éloigner des côtes. Puis, Rose plongea. Aidée d’Uru, leur descente progressive, mais modérée devint plu simple et leur vision sous-marine devint parfaitement claire.

Devant eux, des rochers multicolores accueillaient de nombreux Pokémon aquatiques. Les poissons nageaient vite, très vite, d’un côté ou d’un autre, en rangs serrés et les groupes ne se mêlaient pas les uns aux autres. Ainsi, les Qwilfish, les Loupio et les Denticrisse ne se mélangeaient pas. Dès leur approche, les poissons s’esquivèrent, le soleil faisant briller la pâleur de leurs écailles. Un Viskuse à la peau nacrée se faufila dans un creux, entre deux rochers et plus loin, la blancheur des Corayon étincelaient comme des opales sous les vagues. Eeva, nageant avec Rose, remonta à la surface et se tourna vers les deux autres et plus particulièrement Raiden, lorsqu’ils la rejoignirent.

« Qu’est-ce que tu as vu, en-dessous ? »

[Je te laisse mon Serpang durant cette épreuve, pour la plongée ou le reste, éventuellement. C’est un Pokémon facile et de bonne composition. Autre information, il possède le Talent Ignifu-Voile et son set d’attaque normal pour son niveau, jusqu’à Plongée.

Comme il ne s’agit pas d’une épreuve basée sur des exercices à proprement parler, tout se place dans la narration et c’est à toi, de découvrir, observer, déduire, ce que tu y vois et d’en faire part à Eeva. N’hésite pas à détailler. Dans un premier temps, nous ne plongeons pas profondément et que nous remontons régulièrement.]

[Raiden Ôkami]

[Reçu ! Voilà la première déduction auquel je pense.]


J’écoutai sans mot dire, et mon visage gardait son sérieux. Pourtant, beaucoup de réflexions me vinrent en tête. Tout d’abord, la personne qui s’était présentée n’était pas n’importe qui, c’était aussi une Championne. Voilà qui s’annonçait bien, j’avais souvent souhaité rencontrer un Champion d’Arène. Leurs techniques différentes, leurs spécialités, leurs compétences…tout cela m’intéressait beaucoup. Eeva Slanzar fut donc la première championne que j’eu le privilège de rencontrer. Elle expliqua ensuite que le plus important n’était pas les raisons qui m’avaient fait venir ici, mais plutôt d’avoir un comportement plus adapté à la recherche. J’hochai la tête d’un air entendu. Les comportements qu’elle me listait ne me dérangeaient pas. Je savais déjà appliquer naturellement la plupart d’entre eux, notamment le respect du milieu naturel. Pour ceux que je maîtrisais moins, ça allait être une question d’équilibre, et peut-être aussi d’intuition.

Eeva parla ensuite d’une enquête que nous allions devoir résoudre…en maillot de bain.

« Aïe…Là, j’avais pas pensé à ça… »

Autant l’absence de maillot n’était pas trop un problème en soit (il me suffisait de rester torse-nu en gardant uniquement le pantalon que j’aurais à changer au retour), autant le reste s’avérait problématique : même si on m’en prêtait un pour le surf, je n’avais aucun Pokémon aquatique avec moi, ou du moins aucun qui puisse respirer sous l’eau. Comment l’un d’entre eux pourrait-il m’aider dans ces conditions ? Ensuite l’équipement que j’avais pris dans ma besace s’avérait quasiment inutile sous la surface. Comme pour affirmer que nous n’allions pas rester sur la terre ferme, la deuxième jeune femme, Uru, se présenta comme une élémentaliste dont les pouvoirs nous aideraient si nous devions plonger encore plus loin dans les profondeurs.

Je me mis à réfléchir profondément, comment allais-je me débrouiller dans ces conditions ? Que pouvais-je prendre ou ne pas prendre ? Porté dans mes réflexions, je n’avais pas remarqué la tension entre les deux jeunes femmes. Je ne m’étais pas encore décidé quand Eeva me parla plus en détail de notre mission : des Pokémon au comportement étrange, des mutations, un possible lien avec Kyogre…Là encore mon visage resta de marbre, mais je ne pouvais pas ne pas faire le lien avec la mission que m’avait confié Nina Wang il y avait quelques temps. La Championne pourrait en effet être surprise si je lui disais que j’avais participé à l’exploration de l’océan pendant la précédente guerre et que j’avais moi-même vu de mes yeux vus un Kyogre changé par bien des aspects. Même Manaphy avait tenté de nous aider. Fort de ces informations sur le Légendaire, j’étais aussitôt revenu à Fla’Or pour faire mon rapport au Colonel. Les informations d’Eeva sur l’état étrange des Pokémon dans l’océan ne me surprirent donc pas, j’en savais et devinais déjà un peu. Le hic, c’est que pendant cette mission, Nina Wang m’avait demandé de garder mon identité et la raison de ma venue secrète. Ainsi, parmi les Erasiens et Midgardiens présents, je m’étais fait passer pour un membre de la Guilde des Explorateurs venu en renfort.

Or, devant moi se trouvait au moins un membre de cette organisation. Bien que l’idée de rejoindre cette guilde me paraissait de plus en plus intéressante, il valait mieux que je ne dise rien sur ma précédente mission. D’après Eeva, il était peu probable que Kyogre ait un quelconque rapport avec le comportement étrange des Pokémon océaniques, mais il fallait en avoir le cœur net. C’était donc le sujet de cette épreuve.

« Bon…Pensai-je en examinant l’intérieur de ma besace. On va dans l’eau, et probablement rencontrer du danger. Aucun de mes Pokémon ne peut rester plus d’une minute sans respirer, et encore ça dépend de chacun. Et quand bien même l’élémentaliste leur donnerait la capacité de respirer, ils auraient probablement du mal à faire des attaques physiques sous l’eau. Reste les attaques spéciales, mais peu de mes Pokémon en ont… Et pour ce qui est des objets à prendre…et mon épée…»

Ma réflexion dura un instant, tandis que les deux jeunes femmes allaient déjà dans l’eau. Mais finalement, je pris les décisions qui me parurent les plus adéquates.

_Donnez-moi un instant, j’arrive tout de suite.

Je fis revenir Grahyena dans sa ball, puis je fis sortir Arcanin. J’enlevai ensuite ma besace et en sortit mon grappin. Cet objet qui m’avait accompagné pendant longtemps était toujours utile. Certes, sous forme de corde avec une ancre à trois branches, il ne pouvait se lancer qu’à la main, ce qui était loin d’être pratique dans l’eau. Mais qui sait. Puis j’enlevai les vêtements et les quelques protections en cuir pour garder mon pantalon et mon épée. Si nous allions rencontrer de la résistance violente, mieux valait être prêt. Je mis mes vêtements dans ma besace et passai la bandoulière autour du cou d’Arcanin.

_Tu me gardes ça d’accord ? Et tu attends ici jusqu’à ce je revienne.

Le chien de feu se mit au garde-à-vous et ne bougea plus. Il était décidément toujours trop sérieux pour exécuter les ordres. Enfin, je terminai par enrouler la corde du grappin en bandoulière sur mon torse. Mes Pokéball restaient dans une petite sacoche accrochée à la ceinture de mon épée. J’avais décidé d’y prendre Grahyena et Câline de base, mais aussi Déflaïn si nous devions penser à une retraite d’urgence à la surface et prendre de la hauteur, ainsi qu’Elecsprint…pour les cas d’absolue nécessité seulement…car prendre un Pokémon électrique pouvait s’avérer catastrophique pour nous comme pour l’écosystème.

_Je suis prêt, allons-y.

Attrapant le Serpang, que je remerciai au passage, nous partîmes vers le large. Arcanin nous regardait impassible, quoiqu’un peu anxieux. Au bout d’un moment, il ne devint plus qu’une forme orangée derrière nous. Nous plongeâmes alors, et avec l’aide d’Uru, purent voir un beau spectacle des fonds marins. Nous n’y restâmes pas longtemps car bientôt il nous fallut remonter, et Eeva me demanda directement ce que j’avais vu. Bien, c’était partis.

_De prime abord, commençai-je, je vois un paysage très coloré avec une certaine diversité faunistique. Mais ce n’est seulement qu’en apparence. Je pense avoir constaté quelque chose de plus subtil :

Nous sommes encore à proximité des côtes, ici le fond de la mer n’est donc pas très bas. Nous n’avons pas encore atteint le début de la descente qui mène vers les abysses. La vie sous-marine est donc loin d’être difficile ici puisque les Pokémon aquatiques ne sont pas confrontés à des conditions extrêmes. Ils ont du soleil quasiment toute l’année, du sable, suffisamment de rochers, et une température ambiante plus que suffisante pour les moins résistants. Je pense notamment aux Qwilfish dont la nage est un effort. N’importe quel touriste trouverait ce que nous avons vu comme un paysage marin très beau et plein de vie.

Cependant…certaines choses me posent problème. D’après ce que j’ai pu lire sur la faune aquatique de Comodo, elle était décrite comme un milieu de vie regroupant des espèces de Pokémon diversifiées, mais surtout en grande quantité. Or ici, les quelques groupes de poissons que nous avons vu ne semblent pas aussi nombreux que ce que j’ai lu. En venant ici, je me serais attendu à plus de vie. Autant le Viskuse qui s’est caché, je peux comprendre. Encore que lui, j’aurais pensé le voir plus loin dans les profondeurs. Autant les groupes de Denticriss, de Qwilfish et de Loupios manquent d’individus. D’habitude ce sont de véritables bancs. Même les Corayon qu’on a observé plus loin ne forment pas une masse de corail aussi grande que ce que l’on sait. De loin, j’ai cru voir que leurs positions au fond de l’eau semblent éclatées. Ils sont réunis par groupes, et non en une seule et même barrière. Cette fameuse barrière de Corayon qui pourtant faisait une des renommées de la côte Sud.

C’est vivant, mais pas autant…Certes, l’afflux de touristes, de fêtards et de baigneurs peut poser un problème à la faune. Sauf qu’en arrivant ici j’ai constaté que la ville semblait fichtrement vide, surtout en cette période de l’année. Ce ne sont donc pas les touristes qui sont en cause. Je pense plutôt que l’écosystème d’ici a été profondément impacté par les récents cataclysmes, et qu’il a perdu une partie de sa population. Je pense aussi que les populations de Pokémon essayent justement de se reconstituer. Ça expliquerait aussi pourquoi nous voyons plus de Loupios en plein jour vu que, de manière générale, ils sont plutôt nocturnes.

En résumé, voilà ce que j’ai vu : des fonds marins au climat tropical mais qui, à l’image de Comodo, ont subis des catastrophes, ont perdu beaucoup de leurs habitants, et essayent tant bien que mal de reprendre une vie normale.

[Eeva Slanzar]

La rousse repoussa ses longs cheveux qui lui collaient au visage. La réponse de Raiden la laissa d’abord perplexe, avant de froncer les sourcils, puis d’attendre simplement la fin de son monologue. A croire qu’il n’avait jamais sortit son nez de ses bouquins et qu’il n’avait jamais vu un Pokémon sauvage en vrai. Non mais qu’est-ce qu’on lui avait encore envoyé ? Eeva poussa un soupir.

« Tu devrais sortir le nez de tes bouquins de temps à autres. » Répliqua sèchement Eeva. « Tes livres d’images ont dû oublier de t’apprendre le principal…

Écoutes bien ce que je vais te dire et va regarder à nouveau. Pour commencer, les plantes marines colorées c’est peut-être joli, mais ce n’est pas le plus important, la pâleur anormale des écailles et de la peau de ces Pokémon ne t’as même pas sauté aux yeux. Les Corayon sont majoritairement roses, non blancs. Les Viskuse ne sont pas transparents à ce point, même les Denticrisse dont les couleurs feraient grincer des dents n’importe qui, ont perdu toute leur livrée. Ces Pokémon tropicaux sont censés arborer des couleurs vives. Si tu avais regardé attentivement, tu aurais remarqué qu’ils sont tous très pâles, presque blancs. Tu aurais également remarqué qu’ils nagent en bancs serrés sans jamais se mélanger les uns les autres. Tout cela est un signe de grand stress. » Fit remarquer Eeva avec sa brusquerie et sa froideur légendaire. « Ce lagon est tout sauf vivant. Les Pokémon ont peur. Quant aux Corayon… D’ici, il n’est pas possible d’évaluer leur population, surtout dans ces conditions, leur manque de couleur les rends difficiles à observer.

Du reste, Comodo est connue pour sa vivacité depuis bien trop longtemps pour que subitement, cela dérange les Pokémon. C’est une erreur de penser que parce que les humains ont subit de lourdes pertes, les Pokémon sauvages le vivent mal, c’est même souvent le contraire. Les activités réduites des humains, ou leur absence, permettent justement aux Pokémon d’étendre leur territoire. Tous ces Pokémon auraient donc dû voir leur population augmenter et leur territoire évoluer.

Ta vision des Pokémon est anthropocentrique. »

Eeva souffla et sortit une main de l’eau. La situation en bas était à la fois inquiétante et collait à la description qu’on lui avait donnée. Mais maintenant, il faudrait aller voir plus précisément de quoi il en retournait. Dans cette optique, Eeva utilisa son pouvoir des ombres. Des filaments noirs se concentrèrent au creux de sa paume, pour s’enrouler en une sorte d’orbe de lumière sombre, qui se diffusa ensuite tout autour d’eux, sur une certaine distance. Si quelque chose avait l’intention de les dévorer, elle préférait être prévenue. Pourtant, son Scan des Ombres ne lui indiqua rien de spécial. Pour le moment. Comodo n’ayant pas réellement ses activités normales, ce n’était pas elle qui pouvait gêner les Pokémon, désormais habitués à un nouveau rythme de vie.

« Allons voir ce qui se passe de plus près. »

S’accrochant à Rose, Eeva plongea à nouveau. Dès que le serpent se montra, les poissons disparurent d’un seul mouvement, certains dans les ondulations des buissons d’algues, d’autres, entre les rochers. Le nombre des Corayon semblait variable, d’un rocher à l’autre, mais tous avaient perdu leur rose éclatant. C’était sans doute même pire, certains étaient totalement blancs, opaques, inertes… La rousse résista à l’envie d’aller en cueillir quelques uns sur leurs rochers, pour les comparer. Plusieurs idées lui trottèrent dans la tête. Néanmoins, il y avait avec les Corayon de nombreux Pokémon qu’Eeva n’avait pas eu l’occasion de voir en vrai jusque-là. Elle avait beau être Championne et passer sa vie à jongler entre l’Arène et les recherches sur le terrain, elle n’avait pas encore tout vu ! Ces Pokémon là avaient une jolie couleur bleue claire et des petites protubérances sur leur corps. Ils étaient actifs, bougeaient sans cesse et la rousse aperçut l’un d’eux soulever l’un de leur nombreux bras. Elle n’eut pas le temps de bien voir, mais le ventre du Pokémon, ou l’intérieur de son corps, elle n’était pas très décidée, était d’un violet foncé assez soutenu et une minuscule chose pendouillait au milieu. Peut-être son véritable « corps », un peu comme le noyau de son Crustabri…

En tout cas, Eeva n’aurait pas tenté d’aller les cueillir, ceux-là, avec leurs grandes épines orange, sur le sommet de leur corps. C’était un drôle de Pokémon, en forme de dôme et creux… Elle en avait déjà vu dans certains ouvrages récents… A leur approche, les Pokémon exhibèrent leurs bras vers eux. Pour sa part, la rouquine n’alla pas les voir de près, mais se contenta de les observer à distance. Les Pokémon bleus étaient différents des autres, plus vifs et aussi plus présents que les autres, beaucoup plus présents. D’ailleurs, ils n’hésitaient pas à leur faire face, tous, avec cette même attitude, dès qu’ils les surnageaient.

A la surface, Eeva se tourna vers les deux autres.

« Les tempêtes qui ont frappés les côtes ne sont pas responsables de l’état de stress du lagon, bien qu’elles soient responsables de la quasi extinction de certaines espèces. Les Pokémon ne vivent pas dans le passé, comme les humains. Mais il y a bien quelque chose qui les gênent ici. As-tu noté quelques pistes ?

Avant de continuer, tu as d’autres compétences ? »

Eeva prit tour à tour certaines de ses Pokéball, les choisissant avec soin. On n’était jamais trop prudent… Et dans son cas personnel, surtout en ce moment. Des Pokéball, jaillirent un Aquali, un Sancoki bleu un Métamorph… Qui se mit à couler sans avoir l’idée de se changer.

« Métamorphose toi. » dit-elle en prenant un air blasé. Germandrée était un Pokémon très utile, mais qui manquait cruellement d’initiative. « En un truc qui nage ! » Se pressa t-elle d’ajouter.

La gélatine rose allongea son corps et prit l’apparence d’Hamamélis, son Lokhlass. Une métamorphose réussie et tout à fait honorable. Même s’il restait d’un rose éclatant.

[Comme tu peux le constater, Eeva est pleine de délicatesse !
Je ne sais pas sur quoi tu as basé ton observation, mais pas sur mon contexte…
Pour mieux observer, tu as parfaitement le droit d’approcher ou pas les Pokémon et d’utiliser Bleu. N’hésite pas à détailler.

Eeva ayant déjà tout dit, continuons !]

[Raiden Ôkami]

[Je pense que je n’avais pas compris le fonctionnement de cette Epreuve. C’est très différent de toutes celles que j’ai fait jusqu’à présent. Mais je crois que cette fois je vois où tu veux en venir, je vais essayer ça :]


Premier essai : touché ! Je ne pouvais pas dire que je commençais bien. Pourtant, même si je n’étais pas non plus d’accord avec tout ce qu’elle disait sur le coup, je restai de marbre face aux remontrances de la Championne. Par la suite, elle tendit la main dans l’eau et en fit sortir une sorte d’énergie ténébreuse que je n’avais jamais vu auparavant. Quand cette énergie obscure passa sous nos pieds pour s’étendre tout autour de nous, je ne me sentis pas très rassuré. C’était très étrange, et je me demandais bien quel genre de maîtrise élémentale elle utilisait. Cela dit, Nina Wang arrivait à maîtriser une personne par son propre sang, donc en terme de maîtrise, on pouvait s’attendre à tout. Eeva sembla "observer" les fonds marins avec sa magie pendant un instant, puis elle s’arrêta et nous suggéra de replonger pour voir ce qu’il en était de plus près.

De nouveau, je me mis à observer attentivement, mais dans le même temps je réfléchissais à ce qu’elle pouvait bien attendre de moi comme réponse. Il y avait un problème au niveau de la faune au fond de l’eau, certes. Nous devions en trouver la cause, certes. Mais par quelle déduction ? Avançant avec Serpang, je pris le temps d’observer et de réfléchir. Les Corayon étaient effectivement blancs…trop blancs. "Pâles" aurait d’ailleurs été plus approprié. Ils étaient amassés face à des sortes de…fleurs des mers ? Algues à piquants ? Difficile de décrire ces espèces de plantes. Sur le coup, je n’y fis pas attention et reportai mon regard sur les Corayon. Aucun d’entre eux n’allait bien. Ils n’étaient pas seulement décolorés mais aussi rabougris. Je m’approchai un peu plus et en tapotai un du bout du doigt. Il ne réagi pas. Perplexe, je recommençai l’expérience avec celui d’à côté. Il ne réagi pas non plus…quand je vis soudain les cornes de sa tête se briser en plusieurs morceaux et tomber lentement dans le sable. Un Corayon qui perd ses cornes est normal car cela arrive tout au long de sa vie, mais celles-ci n’étaient pas tombées comme un seul et même morceau. Elles s’étaient presque complètement décomposées. Le Corayon ne bougeait plus, en fait il semblait…mort.

Mon regard devint sombre. Il n’était pas mort de vieillesse, c’était certain. Il avait dépéri. Mais comment ? Alors que je me posais la question, je déplaçai mon regard en arrière et vit que plusieurs plantes à piquants avaient levés leurs sortes de feuilles. Ne m’attendant pas à ça, cela me fit sursauter et je fis un mouvement de nage vers l’arrière pour m’éloigner.

« Bon sang ! Qu’est-ce que c’est que ça ?! Ils me font froid dans le dos ceux-là. »

Malgré leur allure inquiétante qui ne me plaisait guère, leurs mouvements étaient lents. Je vis Eeva les observer également, mais sans trop s’approcher. De mon côté, bien que ça ne me rassurait pas, je pris le temps de les observer attentivement d’un tout petit peu plus près, en restant prudent. Leur "bras" ou "feuilles" étaient bleus clairs sur le dessus et surmontés de piquants. Mais en-dessous, je vis que l’intérieur était creux, sombre, et qu’il n’y avait rien à part une sorte de petite boule violette qui pendait par le dessus. En plissant le regard, j’aperçus deux petits yeux qui me regardaient…ce n’était pas une simple plante. Je me reculai de nouveau et pris de la hauteur. C’est là que je me rendis compte que ces plantes bizarres étaient nombreuses, très nombreuses, et qu’elles étaient plus colorées que les autres Pokémon alentours.

« Plus de couleurs, donc en meilleur forme…Et cette boule violette, est-ce que par hasard… ? »

L’air commença à me manquer et je remontai avec Eeva à la surface. Elle me demanda si j’avais trouvé quelques pistes car ce n’était pas les récentes tempêtes qui étaient à l’origine de l’état de stress des Pokémon du coin. Je restai un instant silencieux. Les différents éléments que nous avions observés étaient comme des pièces de puzzle et elles s’assemblaient petit à petit. Il m’en manquait peut-être encore, mais certains choses commençaient à faire sens dans mon esprit.

_Hm…Je crois que j’ai compris. Dis-je en piquant la réplique d’un célèbre professeur.

Mon regard se reporta vers la Championne qui attendait ma réponse.

_Les Corayon sont des Pokémon assez solides de constitution, mais il y a une chose à laquelle ils sont sensibles : la pollution. Si leur milieu aquatique est pollué, ils dépériront exactement comme maintenant. Or, nous savons que ce ne sont pas les vacanciers, vu qu’il n’y en a plus. Qui dit pollution, dit aussi poison. Je pense que les responsables sont ces Pokémon en forme d’algues étranges qui leur font face. Je ne sais plus comment ils s’appellent, mais vous avez remarqué ? Ils sont beaucoup plus nombreux, et ils semblent en forme car ils ont gardé leurs couleurs, contrairement aux autres Pokémon des alentours. Pourquoi sont-ils encore en forme ? Parce qu’ils se nourrissent. Ce sont des prédateurs, et je suis sûr que leur plat principal est le Corayon justement, car c’est exactement le type de proie qui correspondrait à leur technique de chasse. Je m’explique : vous avez vu la petite boule violette au centre avec les yeux ? Cette couleur violette nous indique très clairement qu’elle contient du poison, et les aiguilles sur leurs "bras" ressemblent à des piquants empoisonnés. Le poison de la tête doit être transmis dans les bras et rejeté par les aiguilles. Il se répand alors dans l’eau et affecte les Corayon qui sont très sensibles à ce changement. Petit à petit ils tombent malades et dépérissent pour ne devenir que des corps sans vie qu’il est ensuite très facile de dévorer en le cachant sous la tête. En outre…

Je pris le temps d’essuyer l’eau qui me coulait sur les yeux.

_...le fait qu’ils aient l’air en forme montre également qu’ils ne sont pas affectés par ce qui cause le stress des Pokémon présents. Ce qui confirme la présence de poison : s’ils en sont responsables, ils sont immunisés. Mais cela indique aussi autre chose : étant donné qu’ils sont trop nombreux et qu’ils rejettent du poison dans l’eau, il n’est pas étonnant que le Viskuse que nous avons vu soit plus translucide qu’à l’accoutumé, ou que les Denticriss aient perdu de leur superbe. Le poison est tellement présent qu’il a aussi affecté les autres Pokémon des alentours. En clair…nous sommes dans une eau polluée.

Eeva m’avait également demandé qu’elles étaient mes autres compétences. De but en blanc comme ça, je ne voyais pas où elle avait voulu en venir.

_De quel type de compétence parlez-vous ? Si c’est pour les Pokémon, je dirais que je suis spécialisé dans les Pokémon canins et que je sais suivre une piste ou chercher des objets cachés. J’ai d’ailleurs eu la chance de rencontrer un canin légendaire récemment. J’ai aussi bonne connaissance des milieux forestiers. Du reste je maîtrise l’épée, le bâton et l’élément Air. De manière générale je voyage dans beaucoup d’endroits différents, ainsi ma principale compétence est de m’adapter aux situations, même celles dont je ne suis pas spécialisé, et de ressentir ce qui m’entoure. Voilà…Mais je ne suis pas sûr du genre de compétence que vous souhaitiez me demander.

[Eeva Slanzar]

Silencieusement, Eeva en venait à peu près aux mêmes conclusions, à quelques nuances près. Elle se montra plus mesurée que le jeune homme.

« Ce sont des Prédastérie, ils sont l’évolution des Vorastérie. Ce sont bien des Types Poison. Ils sont apparut il y a peu de temps, a peu près depuis la redécouverte de certaines mutations d’Alola.

Il est rapidement apparut qu’ils sont des prédateurs naturels des Corayon, alors qu’ils s’attaquent à eux n’est pas extravagant. En revanche, cette région n’est pas leur environnement naturel… Ils se sont fait un sacré buffet de la barrière de Corayon ! Mais je ne suis pas d’accord avec le reste. Si l’eau était polluée, les autres espèces de Pokémon seraient mortes à la longue et nous devrions nager au-dessus d’un véritable cimetière, ce qui n’est pas le cas. Les Vorastérie se contentent d’utiliser leurs aiguillons pour attaquer et dévorer les Corayon.

Tu sautes aux conclusions un peu trop vite. Tu n’as vu aucun d’eux relaguer de nuage de poison.

On va devoir nager plus loin pour en savoir plus, quelque chose les a peut-être dérangés pour les pousser à venir jusqu’ici. »

Eeva marqua une pause, puis jeta un regard en coin. Le truc qui pendouillait, là par hasard ? Il avait craqué ? A cette affirmation, Eeva le regarda et lui répondit sur le ton de l’évidence :

« C’est son corps. »

A présent, elle commençait à douter qu’il n’ait jamais ouvert le moindre livre. Eeva détourna la tête, leva les yeux au ciel et s’intéressa à ce qui se passait sous eux. Il était possible que l présence d’autant de Prédastérie stresse les autres Pokémon… Dans tous les cas, ils devraient trouver la raison de leur présence, pour résoudre ce problème, qui n’était même pas la raison de leur venue ici. A moins d’une conséquence indirecte… Elle fit signe à Uru, qui allait devoir user un peu de ses talents à son tour et leur permettre de plonger plus profondément.

« Tes armes ne te serviront à rien ici. Mais si tu fais partis des Ramasseurs et que tu sais t’adapter, tant mieux, parce que ça ne sera pas de trop. »

Ignorant volontairement la question du jeune homme qu’elle trouvait long à la détente, elle préféra se plonger ailleurs que dans ses réflexions et son savoir. Sous l’eau, Rose l’emmena à sa guise beaucoup plus loin et profondément que ce qu’ils n’avaient fait jusqu’à maintenant. En s’éloignant de la côte, l’espace sembla devenir soudain vide. Eeva eut une sensation de vertige. Un peu comme la fois où, avec Peter, ils étaient tombés sur des braconniers en pleine mer. Ce n’était pas bon signe, elle aurait aimé ne pas réitérer ce genre d’expérience… Oui sauf que cette fois, elle se trouvait sous l’océan, pas au-dessus ! Cette pensée la rassura quelque peu. Se dirigeant plutôt vers le fond que vers le large, ils croisèrent de nombreux autres Pokémon.

Loin des Prédastérie, la vie semblait reprendre en mouvement, mais pas tellement en couleur. Les bancs de Pokémon lui semblaient toujours pâles… D’ailleurs, un énorme banc de Qwilfish nageait de manière rapide et un peu hératique. Gonflés à bloc, leurs épines ressortaient très nettement de leur corps. Un autre banc, de Viskuse cette fois, d’une taille très impressionnante, se laissait porter par les flots. Par moment, les uns et les autres fonçaient d’un côté et de l’autre, sans raison apparente. Un banc de Denticrisse passa près d’eux, avec des nageoires aux formes étonnantes et même peu habituelles. Certains avaient des nageoires dressées en piques, d’autres ressemblaient plus à de longs voiles traînant dans l’eau. Eeva remarqua une chose similaire sur les Viskuse, plus visible avec leurs longs voiles flottant autour d’eux. Une bonne partie de cette population, les mâles comme les femelles, semblaient dépourvus de ces voilures et n’arboraient que de longs tentacules.

D’un coup, tous bascula. Les Qwilfish se retournèrent sur les Viskuse et les Denticrisse leur foncèrent droit dessus ! Alors qu’ils nageaient un peu tous dans tous les sens, les différents bancs se resserrèrent au moment de l’attaque. Heureusement prévoyante, elle avait son propre banc sous la main. Le Général Silvius prit aussitôt les choses en mains, prenant le commandement des autres Pokémon, pour repousser les Pokémon agressifs. Nageant plus rapidement que les autres, Cyanea partit devant pour leur trouver un a bri et revint vers eux, ondulant comme une sirène sous les eaux. Ils surnagèrent une zone où gisaient de nombreux ossements de Pokémon, essentiellement des cartilages bien évidemment, mais aussi des corps à moitié en décomposition. Mais ni Cyanea, ni Eeva ne s’arrêtèrent en route.

Après un moment, la sirène les emmena dans une grotte sous-marine et disparut dans un halo de lumière. Eeva le suivit. A la surface, la grotte providentielle les laissa non seulement à l’air libre, mais également largement la place de se déplacer de manière confortable. Il y avait deux galeries distinctes, l’une où s’accumulaient des ossements… Et l’autre des flaques sombres et une sorte de brume.

« Bon ! Qu’est-ce que tu penses de tout ça ? Tiens et, tu vas ouvrir la marche à partir de maintenant. Tu vas analyser et dire ce qu’on doit faire. JE n’interviendrai qu’en cas de danger… Après tout, je suis censée dire si oui ou non tu es prêt à mener des recherches sur le terrain. »

Eeva se tourna vers Raiden et Uru.

[Ta déduction est à peu près correcte, ce qui nous emmène directement vers la suite, où tu reste libre de prendre des initiatives. Tu peux également décrire un peu le combat entre Silvius, Germandrée et les Pokémon sauvages et pourquoi pas, quelques difficultés que tu pourrais rencontrer en chemin avec Bleu.

Mais Eeva ne s’arrêtera pas et à la fin de ce tour, nous remontons dans une grotte qui nous offre de l’air libre et je laisse choisir un chemin et avancer un peu sur l’une ou l’autre des galeries.]

[Raiden Ôkami]

Au début j’hochai la tête, il s’agissait bel et bien de prédateurs de Corayon. Pour le coup nous étions d’accord…jusqu’à un certain point. Bon…encore une fausse manœuvre…mais au moins c’était un peu mieux que tout à l’heure. Je commençais à me dire que mes chances de réussites remontaient, quand la Championne me fit une remarque au sujet de ce que j’avais décrit sur les Vorastéries :

« C’est son corps. »

_Mais…commençais-je avec un regard étonné. Bien évidemment que c’est son corps. On peut voir des yeux dessus, ça ne fait aucun doute. Quand je vous ai décrit cette petite boule, c’était pour mieux vous parler de sa couleur qui donnait un indice sur le type du Pokémon en question.

« Elle n’aurait pas compris que pour moi aussi c’était évident ? Pensai-je intérieurement. Peste ! Me voilà bien ! Si nous n’arrivons pas à nous comprendre elle et moi, mon Epreuve risque de tourner court. Je vais devoir redoubler de vigilance si je ne veux pas qu’elle me juge trop vite. »

Nous repartîmes donc dans les fonds marins mais cette fois beaucoup plus profondément. La collègue d’Eeva, Uru, employa son pouvoir afin que nous puissions respirer et tenir plus longtemps à mesure que nous nous enfoncions davantage. Plus loin, nous aperçûmes à nouveau des Denticriss et des Viskuse qui se déplaçaient en bancs. A quelques mètres de là, nous vîmes également des Qwilfish. Ces derniers me paraissaient fichtrement bien plus gonflés que d’habitude. On aurait dit qu’ils étaient prêts à exploser, ou à envoyer leurs épines dans toutes les directions d’un instant à l’autre. Mais c’étaient les Denticriss et les Viskuse qui m’intriguaient le plus : les uns avaient des nageoires en pics ou ondulantes au fil de l’eau, les autres portaient leurs voiles sous une forme plus tentaculaire.

« Mais qu’est-ce que ça veut dire ? C’est comme si leur génétique avait changé. En y repensant…Kyogre aussi avait eu le corps différent…Quand je lui en ai parlé, Nina disait que son état ressemblait à celui des Pokémon qui étaient devenu fous furieux pendant la catastrophe de Mewtwo, et que peut-être sous l’océan se trouvait une météorite encore active. Y aurait-il un lien ? Cet évènement aurait-il eu d’autres conséquences ? Pourtant…»

A ce moment, quelque chose se produisit : le banc de Qwilfish s’attaqua à celui des Viskuse et les Denticriss firent de même. Una bagarre générale éclata entre les poissons et nous étions au milieu. Avec une initiative exemplaire, le Sancoki bleu d’Eeva prit la direction des opérations avec le Métamorph en Locklass et l’Aquali à ses côtés. Cette dernière partit en reconnaissance rapide tandis que les deux autres usèrent de leurs attaques pour repousser les bancs de poissons agressifs. Le Métamorph imita une attaque Onde Folie afin de désorienter la plupart des attaquants, notamment les Viskuse. Plusieurs Denticriss envoyèrent des attaques psychiques mais Silvius le Sancoki répliqua avec un Vibraqua qui les surprit. Du coin de l’oiel, un mouvement me fit tourner la tête : des Qwilfish nous fonçaient droit dessus.

D’un mouvement sur le côté, je fis comprendre au Serpang que nous allions esquiver. Nous évitâmes l’attaque de justesse en plongeant sur la droite. Je me trouvais à présent à côté de ma monture plus bas vers le fond de l’eau. Nous devions réagir. Tapotant l’encolure du serpent de mer, je pointai du doigt les Qwilfish qui déjà préparaient une nouvelle charge. Puis je fis tournoyer devant moi mes mains pour essayer de créer un petit tourbillon. Sous l’eau, ma maîtrise basique de l’Air n’était pas vraiment efficace, mais le but n’était pas de s’en servir pour attaquer : c’était un moyen de communication pour Bleu. Ce dernier sembla comprendre mon idée car il lança quasi-immédiatement un Siphon. Les Qwilfish furent pris dedand et repoussés. Cyanea, l’Aquali, revint à ce moment pour nous indiquer un abri qu’elle venait de trouver. Uru et Eeva partirent immédiatement à sa suite. Bleu et moi allions faire de même, mais des Denticriss nous barrèrent la route. Je réprimai une envie de dégainer, mais Bleu leur envoya un autre Siphon qui les repoussa. Eeva avait raison : mon épée était inutile ici, d’autant qu’en tant que Chercheur, nous devions éviter de perturber autant que possible l’écosystème local. Pourfendre la faune à coup d’acier tranchant était irresponsable, à moins d’une nécessité absolue. Avec Siphon, au moins, nous étions sûr de les repousser suffisamment sans trop les blesser. Bleu et moi reprirent donc la course derrière les autres qui suivaient l’Aquali. Derrière nous, Silvius et le Métamorph nous suivaient de près.

« Décidément…Difficile de ne pas faire le rapprochement avec les météorites et la transformation de Kyogre…Mais tant que je n’ai pas de preuves, mieux éviter de se prononcer trop vite. »

En passant au-dessus des fonds marins, nous vîmes des ossements au sol. Eeva et Uru ne s’arrêtèrent pas, filant dans ce qui semblait être une grotte. Mais ces ossements m’intriguaient et je fis stopper Serpang pour en ramasser quelques gros morceaux. Pas le temps pour les observer cependant, les Pokémon agressifs étaient probablement encore à nos trousses. Nous reprîmes donc notre course et arrivâmes à destination un peu en retard par rapport à Eeva et Uru. En émergeant à l’air libre, je contemplai l’endroit. Cyanea nous avait véritablement trouvé un endroit incroyable, de quoi ravir les explorateurs curieux.

« Ah, pensai-je, être sous l’eau c’est super, mais retrouver la terre ferme fait du bien. »

Je sortis de l’eau en remerciant Bleu pour son aide et écoutai les nouvelles instructions d’Eeva en me débouchant les oreilles. Cette fois, en plus de lui apporter mes déductions, je devais prendre la direction des opérations. Un sourire confiant apparu sur mon visage.

_Pas de problèmes ! Dis-je en prenant la tête du groupe. Je m’en occupe.

« Très bien. Voilà qui devrait me permettre de lui montrer mes compétences et de remonter dans son estime. »

Sous l’eau, je pouvais me débrouiller, mais c’était plus difficile car je n’avais aucun Pokémon aquatique. Heureusement d’ailleurs qu’Eeva m’avait prêté son Serpang. Mais ici en revanche, je pouvais faire appel à plusieurs alliés.

_Allez mon vieux, dis-je en sortant une Pokéball, au boulot !

Grahyena sortit de sa Ball. Dès son apparition il fut surpris du changement d’atmosphère avec la plage. Ici, il faisait plus humide, plus frais, et les odeurs n’étaient pas les mêmes.

_Grahyena, assis ! Et maintenant…silence !

Le canin gris et noir s’assit à mes côtés, je me mis à genoux, fermai les yeux, et nous prîmes quelques secondes de silence. Si d’un point de vue extérieur l’action paraissait bizarre et inutile, il n’en était rien : les oreilles de Grahyena bougeaient en fonction du bruit, sa truffe humait déjà quelques pistes et sa tête se tournait de temps à autre à gauche et à droite ; quant à moi j’essayais de ressentir l’atmosphère ambiante, vérifiait si je ne ressentais pas le moindre courant d’air, écoutait les bruits alentours. Grahyena et moi faisions le point avec nos cinq sens. J’avais déjà appliqué cette technique lors de l’Epreuve de Ramasseur et plusieurs autres fois après. A plusieurs reprises, quand le contexte s’y prêtait, elle s’était avérée payante. Au bout d’un moment, dès que je sentis que c’était bon, je dis soudains à Grahyena :

_Allez !

Je me remis debout, et le canin partit alors aussitôt en direction des différentes odeurs intéressantes qu’il avait déjà flairé. Lui et moi commençâmes des observations plus approfondies du terrain. Lui, la truffe au sol et les oreilles dressées, moi examinant les deux chemins et les parois de la grotte. A l’entrée d’une des deux galeries se trouvaient des ossements. En les examinant de plus près, je pris le temps de les comparer avec ceux que j’avais ramassés au fond de l’eau. La plupart étaient cassés mais comportaient des similitudes. A la manière d’un puzzle, je fus même en mesure d’en reconstituer certains. Il s’agissait de squelettes de Denticriss, et de Qwilfish.

« Tiens…tiens…tiens… »

Je me retournai vers Grahyena qui avait examiné l’autre tunnel.

_Alors ?

Il se tourna vers moi et revint à mes côtés. Nos regards se croisèrent, je l’observai un instant, ses mouvements, son comportement…son langage

_D’accord, très bien.

Je me retournai alors vers mon examinatrice.

_Vous m’avez demandé ce que j’en pense, voici ma réponse. Comme nous l’avons vu, nous faisons face à un phénomène qui modifie étrangement l’apparence de certains Pokémon et leur créé un gros état de stress. Ce phénomène n’est pas naturel. Pour modifier le climat aquatique de manière à en stresser les espèces, et même à en faire venir d’autres qui n’étaient pas là avant comme les Prédastéries, c’est qu’une influence extérieure est à l’œuvre. Une influence suffisamment puissante pour toucher une bonne partie de la mer. Le tout est de découvrir maintenant quelle est cette influence. Je ne voudrais pas tirer de conclusions trop hâtives cette fois, car nous manquons encore de preuves. Cependant, au vue de tous ces éléments, je ne peux m’empêcher de faire le rapprochement avec certains évènements récents. Des Midgardiens m’ont raconté l’exploration sous l’océan pendant la dernière guerre. Ils y ont découvert Kyogre qui semblait différent et enragé. Autour de lui, les Pokémon étaient fous. Même un banc de Wailmer a failli disperser le groupe. Ça n’a peut-être aucun rapport avec notre histoire, mais je ne serais pas étonné qu’un éventuel Pokémon puissant, donc potentiellement légendaire, soit derrière les phénomènes qui nous intéresse.

L’histoire avec les Midgardiens était un mensonge. Je devais garder secrète ma présence lors de cette exploration. Par contre, ce que nous y avions vu était vrai : la forme étrange de Kyogre, les Pokémon stressés autour, et parmi eux le banc de Wailmer qui m’avait d’ailleurs percuté et failli perdre l’Aquali de Nina Wang. Mais évidemment je ne pouvais pas le dire comme ça.

_Pour ce qui est de cette grotte, je dirais que votre Aquali nous a trouvé quelque chose de très intéressant. Les ossements au fond de l’eau correspondent avec les ossements d’ici. Il y a dans cette grotte un prédateur qui semble profiter des bagarres entre les Pokémon que nous avons vu. Je ne pense pas me tromper : nous sommes sur son territoire. Je n’irais pas jusqu’à dire qu’il soit le responsable de ces phénomènes étranges car nous n’en avons pas la preuve. Mais il y a des chances pour que nous découvrions des indices en visitant son antre…discrètement j’entends. D’ailleurs…

Je pointai alors du doigt la galerie où se trouvait les ossements.

_...je suggère de partir par là. Mieux vaut commencer par déterminer à qui nous avons affaire en examinant les ossements et en cherchant des traces. Ainsi nous pourrons essayer d’établir son identité et évaluer ce que sa présence implique. L’autre galerie m’intrigue, mais je sens que…enfin nous sentons Grahyena et moi que nous ne devrions pas nous y aventurer maintenant…peut-être parce qu’il y a du danger, mais ce n’est qu’une supposition. C’est pourquoi je préfèrerais d’abord récolter le plus d’informations ou de preuves possibles avant de sauter dans l’inconnu. Et enfin, pour plus de prévoyance…

Je sortis une deuxième Pokéball et fit apparaître dans une lumière blanche Câline, l’Absol.

_Là où Grahyena est doué pour trouver ce qui est caché, dis-je en la caressant doucement, Câline ressent plus facilement le danger. Elle nous préviendra s’il y a quelque chose dont nous devons nous méfier. Allons-y.

Et donc, nous prîmes la direction de la galerie aux ossements Grahyena et Calîne devant moi. J’espérais cette fois que mon approche plus calculée et raisonnée de la recherche allait satisfaire Eeva. Nous avançâmes un moment dans ce tunnel qui bizarrement n’était pas très sombre. Les rochers semblaient refléter une lueur phosphorescente qui diffusait une certaine lumière. On n’y voyait pas comme en plein jour, mais c’était encore suffisant pour l’instant. Grahyena humait le sol très rapidement et Câline était aux aguets. Les parois étaient à la fois douces et abruptes. Ce genre de grotte pouvait avoir été créée au fil des siècles par l’action de l’eau, ou par un Pokémon ayant creusé dans la roche. Difficile dans l’immédiat de déterminer si cette galerie avait vu le jour par l’un ou l’autre, et c’est pour cela que je cherchais d’éventuelles traces probantes sur les murs et le sol. Pour ce qui était de l’orientation, je ne me faisais pas de soucis : mes canins et moi pouvions nous repérer aisément. Néanmoins, cela ne nous empêcha pas de rester prudent.

[Eeva Slanzar]

Eeva regardait Raiden, les bras croisés, le visage relativement impassible, mais ne se laissa pas convaincre. Sa couleur ? Il était vraiment sérieux ?

« Dynavolt est entièrement vert, cela n’en fait pas un Pokémon Plante. » Déclara t-elle sur le même ton, presque sèchement.

Insister d’avantage sur l’absurdité de cette réflexion ne lui parut pas utile et puis, il fallait avancer. Ils traversèrent presque sans encombre les eaux côtières, jusqu’à la grotte indiquée par Cyanea. Eeva le gratifia d’une pression sur la tête. Le Pokémon n’était pas du genre expansif, comparativement à son frère qui était un vrai pot de colle. Raiden les rejoignirent avec Bleu et suivit de Silvius et Germandrée, qui avait troqué sa parure de Lokhlass pour opter celle plus discrète, de Sancoki. Tandis que Raiden exécutait sa demande et qu’il se plongeait dans une longue réflexion avec son Pokémon, Eeva décrocha les Pokéball de Bleu et de Rose. Comme c’était leurs seuls Pokémon aquatiques pouvant servir de monture, elle aimait autant préserver leurs forces. La nature ombrageuse de l’Aquali en faisait un excellent éclaireur et elle ne faisait pas trop confiance aux transformations bancales du Métamorph. Dans le dos de Raiden, Eeva renouvela la sphère d’ombre et scanna elle-même les environs. Tout semblait calme ; pour l’instant, avec une forte mauvaise impression sur l’un des chemins.

Lorsqu’enfin son élève du jour fit ses déductions, son récit malheureusement corroborait avec ses craintes. Elle ne voulait pas le dire pour ne pas porter la poisse, mais c’était bien au Primo-Kyogre à qui elle avait pensé en voyant les corps étranges des Pokémon… Comme si leur nature profonde avait été réécrite… Et en gardant l’information pour elle… C’était possible. Apparemment probable. Le sujet cependant était trop chaud et elle ne laissa rien paraître. Pour dissiper ce moment de gravité, Eeva laissa finir Raiden et opina.

« C’est aussi ce que je pense, il y a quelque chose dans les environs qui modifie les Pokémon. Leur comportement au moins. Leur apparence…  Nous n’en savons pas assez pour le dire, mais ça ne semble pas inhérent à une Méga-Évolution, ce qui est une bonne chose pour nous. Sais-tu pourquoi ? »

Le souvenir de sa Démolosse en furie et de son Nanméouïe était encore très présent, même si cela datait de quelques années auparavant. Et d’ailleurs, se dit-elle, puisque que j’y pense... Eeva réfléchit un instant et laissa Raiden choisir le chemin par lequel ils allaient poursuivre, prenant sans aucune surprise, celui qui offrait les moins pires augures. Quoi que ! Pour sa part, elle rappela Silvius finalement. Ils auraient peut-être besoin de lui plus tard et malgré sa race et sa petitesse, il était l’un de ses meilleurs Pokémon de terrain. Elle fit rentrer l’Aquali également, ainsi que Germandrée et fit sortir à la place quatre Pokémon, son Motisma, sa Moufouette, son Nanméouïe, justement et le Dimoclès. Aussitôt que la Pokéball le relâcha, l’un des rubans s’enroula autour de sa taille, mais pas l’autre. Étrangement, l’une des deux épées semblait inerte…

Eeva laissa Raiden prendre les devants. Plus les ossements se raréfiaient, à mesure qu’ils progressaient, plus Eeva sentait une sorte d’oppression que son Scan des Ténèbres lui inspirait. Quoi que ce soit, ils semblaient se diriger droit vers lui… Un bruit de succion résonna soudainement, suivie d’une odeur horrible. Eeva fronça le nez, plongeant un regard accusateur sur Pompette, qui fermait la marche. C’était atroce, ça sentait la mort !

« J’aime beaucoup le style de tes Pokémon. » lança Uru, amusée, rappelant sa présence.

Pompette se retourna en couinant, ayant l’air de se demander si on parlait d’elle, avant de s’éloigner devant la queue en panache, vexée.

« Ce n’est pas Pompette… Crois-moi, la première fois où tu sens ça, tu ne peux plus jamais l’oublier. Et tes vêtements non plus… » Rétorqua Eeva.

Uru laissa échapper un rire. Mais Eeva elle, ne riait pas. Elle pensait reconnaître l’odeur morbide qu’aucun d’eux ne pouvaient ignorer. Uru, non, apparemment ou alors, le feignait, quant à Raiden... Elle lui aurait bien demandé si rien ne l’interpelait. Mais en passant dans les murs, Actée avait apparemment attiré l’attention sur eux. Ils marchaient depuis un long moment, peut-être des heures, sans rien croiser, mais un tremblement de terre régulier, discret d’abord, puis de plus en plus fort secouait la grotte. Ils atteignirent une nouvelle bifurcation, qui menait apparemment, à des directions opposées. L’une d’elle, par le biais de sa maîtrise des ténèbres n’augurait rien de bon, mais ne présentait rien physiquement. De l’autre… Elle vit Pompette se retourner vers elle dans un regard interrogateur. Probablement la source des tremblements…

« Une observation ? Où va t-on ? »

Des tremblements réguliers se faisaient nettement sentir, donc le bruit, amplifié et amenés jusqu’à eux ne ressemblait à rien de naturel. La terre vibrait et de temps en temps un rythme régulier se dessinait, une, deux, trois fois. Une voix étrange s’éleva alors suivant l’écho de la pierre. Mais avec toutes ses répercutions, il serait difficile de déterminer de quel côté il venait. Le Motisma voletait autour d’eux et sembla soudainement attiré ver la galerie qui ne présentait a priori, pas de secousse. Et puis, il s’écroula subitement par terre, son énergie crépitant… Disparut presque du corps du Pokémon. Eeva se tourna vivement vers Actée, mais ne prononça pas un mot. Voilà l’occasion idéale pour Raiden de faire un diagnostic… Elle alla cependant ramasser son Pokémon, qui n’avait pas la force de se relever. Il avait l’air de ne plus avoir de foudre. Les arcs électriques bleus qui parcouraient son corps étaient très faibles. A peine visibles.

[Comme au dernier tour, c'est surtout contemplatif de l'environnement... Eeva ayant tout dit, je te laisse faire tes réflexions et choisir notre route. ^^]

[Raiden Ôkami]

A la première question d’Eeva sur pourquoi ces changements de comportements n’étaient pas inhérents à une Méga-Evolution, je répondis :

_Je pense que si nous avions affaire à une Méga-Evolution, les conséquences seraient beaucoup plus violentes et les dégâts seraient bien plus visibles. C’est donc en effet une bonne chose car cela signifie que nous ne sommes pas face à un problème de cette ampleur. Mais il n’empêche que quelque chose de grave se produit ici. Restons sur nos gardes.

Eeva appela quatre autres Pokémon en rappelant ceux qui ne nous seraient pas utiles sur la terre ferme et nous prîmes alors la direction que j’avais choisi. Nous avançâmes dans la galerie pendant un bon moment. Je ne comptais pas le temps de marche, trop occupé à inspecter les murs, à suivre le comportement de Grahyena et Câline, ainsi qu’à remarquer certaines choses étranges. Plus nous avancions, et moins j’étais serein, ma tendre Absol elle-même ne semblait pas plus détendue, c’était elle que je regardais le plus. Elle avançait d’un pas stressé, tantôt marchant doucement, tantôt trottant. Sa queue était bien droite et sa tête se tournait vers le moindre bruit, elle devait avoir les sens en alerte. Au bout d’un moment, nous entendîmes un bruit étrange suivi d’une odeur pestilentielle. Grahyena éternua deux fois. Uru qui nous accompagnait se moqua légèrement du Moufouette d’Eeva qui semblait responsable de cette acte puant. Pourtant la Championne affirma que ce n’était pas elle. Je restai silencieux, plongé dans mes réflexions, c’était de plus en plus curieux…Ce n’était pas Pompette qui avait lâché cette odeur ? Ça paraissait peu probable, pourtant Eeva connaissait mieux son Pokémon que quiconque, alors si ce n’était pas elle, qui ?

Nous reprîmes la marche. Mais petit à petit, des tremblements de terre se faisaient sentir. Plus nous avancions et plus ils étaient forts, sans pour autant faire trembler toute la grotte. Ils étaient réguliers, on aurait dit des battements de cœur ou de coups portés méthodiquement. Au bout d’un moment, nous arrivâmes à une nouvelle bifurcation. Le Motisma d’Eeva alla vers l’un des tunnels et la Moufouette vers l’autre. Mes Pokémon et moi restâmes attentifs et silencieux un moment. Les tremblements provenaient du deuxième tunnel, tandis que l’autre ne semblait rien présenter de particulier. Peu à peu, nous entendîmes en plus des tremblements une voix étrange s’élever dans la caverne.

_Grahyena ? Dis-je en lui montrant la direction du deuxième tunnel. Va voir toi aussi et…sens.

Le canin alla rejoindre Pompette et l’accompagna dans ses investigations, mais il renifla aussi plus que d’habitude quelque chose d’autre. Je venais de lui donner un ordre particulier. J’allais faire de même avec Câline pour lui demander d’aller examiner l’autre tunnel avec Actée, quand Eeva me posa une nouvelle question :

« Une observation ? Où va t-on ? »

_Et bien, je pense que…

Mais je fus interrompu par Câline qui poussa un couinement. En la regardant, je vis qu’elle était tournée vers le tunnel de gauche où se trouvait Actée. Elle tremblait. Alors que je me demandais ce qu’elle pouvait bien avoir, nous vîmes le Motisma s’écrouler soudainement à terre, vidé de son énergie. Eeva se précipita pour aller le récupérer, j’allais faire de même quand un doute me pris.

_Ne restez pas près de ce tunnel ! Ramenez-le vers nous, vite ! Grahyena, revient ici aussi !

Je sortis aussitôt une nouvelle Pokéball et fis apparaître mon troisième canin : Elecsprint. Dès que Eeva aurait ramené son Motisma, je comptais l’observer plus attentivement. Actée était très faible comme complètement épuisé et vidé de son énergie. Seuls quelques petits éclairs épars se manifestaient encore sur son corps.

_Déposez-le sur le dos d’Elecsprint, nous allons essayer de lui redonner un peu d’énergie. Elecsprint, tu vas utiliser ton électricité, mais doucement, sans faire mal. Contrôle bien ce que tu fais d’accord ?

Le canin bleu et jaune s’exécuta avec le petit Motisma sur son dos, une énergie électrique diffuse parcouru tout son corps. En général il utilisait cette technique pour créer de la lumière et utiliser Flash. Ici, le but était de se servir de l’électricité de son corps pour réanimer le pauvre Motisma. Pendant que le troisième de mes canins s’activait, Grahyena revint à son tour. Il poussa un jappement et me montra la direction de l’autre tunnel qu’il était allé voir avec Pompette. Les pensées se bousculaient dans ma tête.

« Mais par Dialga, qu’est-ce qui se passe ici bon sang ?! »

_Actée a été vidé de ses forces, dis-je au bout d’un moment de réflexion. Son énergie a diminué d’un coup. Il n’y a évidemment rien de naturel là-dedans. Un Pokémon est sûrement derrière ça, mais…mais…

Je me relève vivement et me retourne vers les autres en me frottant le front.

_Ne bougeons pas et faisons le point…Il y a beaucoup, beaucoup de trop de choses qui clochent. Depuis que nous avons commencé à avancer dans ce premier tunnel j’ai remarqué beaucoup d’indices qui m’interpellent et que je ne comprends pas : pourquoi l’une des épées de votre Dimoclès est inerte ? Pompette a-t-elle vraiment lâché une odeur nauséabonde ? Que sont ces tremblements ? Quelle est cette espèce de voix qu’on entend ? Et pourquoi Motisma se retrouve subitement sans énergie ?

Je me frottai cette fois les yeux avant de prendre une grande inspiration…un moment de silence, puis les premières déductions :

_Bon…Il existe encore quelques zones d’ombre pour lesquelles je n’arrive pas à trouver de réponses, mais je peux au moins vous dire les choses suivantes. Pour commencer nous sommes à une jonction entre deux dangers. Le premier à droite semble physique, c’est le tunnel d’où viennent les tremblements. Ces tremblements sont réguliers, je suis donc prêt à parier qu’un Pokémon puissant se trouve plus loin et qu’il frappe la roche, d’une manière ou d’une autre : soit en creusant d’autres galeries, soit en marchant. Ou alors il est en train de se battre, mais ça me parait peu probable vu la régularité des tremblements. Le deuxième à gauche présente un danger plus étrange et invisible. En restant à proximité du tunnel, Actée s’est vu vidé de ses forces. Là aussi je suis quasiment sûr qu’un autre Pokémon est à l’œuvre…un Pokémon avec une capacité ou un talent spécial qui vide les autres de leur force. Je ne suis pas certain duquel il s’agit, ce pourrait bien être un Pokémon Spectre, Psy, ou Poison qui a lancé une attaque à distance. Mais je pense plutôt que la voix que nous entendons est liée à ça : il s’agit peut-être d’un Requiem. Partant de ce postulat, j’estime que la voix doit provenir de la gauche. Ce ne sont encore que des hypothèses, mais s’il y a une chose dont je suis certain maintenant, c’est qu’ils sont deux.

Je croisai les bras, les yeux rivés au sol.

_Reste à savoir si l’un des deux est un Légendaire…

Je soupirai puis me retournai vers Eeva. Mon crâne commençait à me faire mal.

_La présence de ces Pokémon puissants semble causer la modification de la faune aquatique que nous avons vu plus tôt, ainsi que leur donner un grand état de stress. On pourrait donc raisonnablement penser que ce même genre de "stress" affecte certains de nos Pokémon actuellement. C’est ce que j’aurais pensé avec votre Dimoclès dont l’une des épées me parait étrangement sans énergie. Sauf qu’un nouvel élément vient perturber cette idée, et c’est ce qui m’inquiète le plus. N’en déplaise à votre Moufouette, j’ai demandé à Grahyena de la sentir discrètement pour vérifier si son odeur correspondait à la puanteur qui s’est soudainement dégagée dans le couloir. Rassurez-vous, je vous crois quand vous dites qu’elle n’a pas la même odeur. Vous êtes sa Dresseuse, vous la connaissez mieux que nous. Mais je voulais m’en assurer car, si Pompette avait effectivement lâché une odeur différente de son état normal, cela aurait confirmé que le "stress" l’aurait atteinte et modifié ses glandes odorantes. Or, Grahyena m’a donné sa réponse : Pompette n’a pas la même odeur puante que tout à l’heure. Ce n’est pas elle. Ce qui signifie que quelque chose d’autre nous suit et/ou nous espionne.

Ma voix se fit alors moins forte et je me mis à parler plus doucement.

_Je pense même qu’il s’agit là encore d’un Pokémon, et de type poison. Soit l’un d’entre nous l’a appelé, soit il vient de l’autre tunnel que nous n’avons pas pris à l’entrée, je ne vois que ça. Vu le bruit de succion que nous avons entendu, ça ressemblait fort au bruit d’un Tadmorv ou Grotadmorv. C’est du moins les premiers auxquels je pense. Dans tous les cas, qui que ce soit, quelqu’un sait que nous sommes ici. Si nous prenons l’une ou l’autre des galeries, il pourra nous prendre à revers et là…au mieux il signalera notre présence à la menace qui se trouvera au bout du tunnel et l’amènera à nous, au pire il nous affaiblira et nous rendra vulnérable face à elle, bloquant par la même occasion toute retraite. Je pense qu’avant de prendre une décision sur notre prochaine direction, nous devrions d’abord régler ce problème-là. Faisons-le venir alors qu’il ne s’y attend pas et tendons-lui une embuscade.

Chuchotant presque, je me rapprochai de mes interlocutrices pour leur expliquer mon idée.

_Voilà ce que je propose : nous attendrons cachés à la sortie du couloir par où nous sommes arrivés. Grahyena sera dans le couloir et essayera d’attirer l’ennemi avec Vantardise. Si ça fonctionne, Elecsprint lancera Cage-Eclair et nous lui règlerons son compte. Quand nous aurons finis, nous prendrons le tunnel de gauche, celui où Motisma a perdu ses forces. Nous n’y irons cependant qu’avec un Pokémon chacun, les autres resteront à l’abri dans les Pokéball et ne sortiront qu’au moment où nous en aurons besoin. C’est sans aucun doute le tunnel le plus dangereux, mais c’est justement pour ça que je crois qu’il s’agit de la direction où se trouve la source du problème. Même s’il se peut que nous n’arrêtions pas cette menace aujourd’hui, nous devons obtenir des réponses claires sur ce qui se passe ici et revenir sains et saufs pour en informer les personnes adéquates. Et si nous voulons ces réponses, nous devons aller vers le danger. Mais d’abord, nous devons nous assurer d’avoir la possibilité de nous replier et donc nous occuper de celui qui pourrait nous en empêcher.

En fonction de la réponse de mon examinatrice, nous irions réaliser mon plan ou non. Mais quoi qu’il allait en être, je ne lui avais cependant pas tout dit. Il restait certaines choses qui me trottaient dans l’esprit mais dont je ne voulais pas parler maintenant, notamment ceci : en plus de celui ou celle qui nous suivait, je suspectais quelqu’un d’autre. C’est donc sans rien laisser paraître que je me tins prêt à dégainer, que nous réalisions l’embuscade ou que nous allions dans la prochaine galerie.



[J’ai fait en sorte d’être le plus clair possible, même si je n’arrive vraiment pas à me départir des longues phrases et des longs paragraphes ^^'']

[Eeva Slanzar]

« Cela dépend des Pokémon infectés. Même un Pokémon qui n’a pas son évolution finale peut-être une vrai plaie… Tu as peut-être assisté à la toute première vague de Méga-Évolution ? »

A l’époque, elle avait vraiment galéré avec certains pensionnaires et même ses propres Pokémon. Entre autre, sa grande Démolosse. Heureusement qu’à ce moment-là elle n’avait pas encore Zeus et Apollon, une meute aurait été ingérable !

« Mais je suis plutôt de ton avis, il ne semble pas y avoir de Méga-Évolution à proprement parler. »

Plus ils avançaient dans la galerie, moins Raiden semblait confiant. Elle-même n’avait pas l’esprit tranquille, même si son Scan ne lui révélait rien… Du moins, rien d’hostile qui soit spécialement dirigé contre eux. Les limites de son pouvoir des ombres ne lui permettaient pas d’en savoir plus, mais Eeva ne pouvait ignorer ce que son instinct lui disait ; un danger les attendaient au bout du chemin. Plus les tremblements devenaient forts, plus cette sensation augmentait avec eux. Au carrefour, Eeva laissa Raiden faire ses observations, mais elle ne comptait pas le laisser dans le flou plus longtemps. Il lui semblait évident à son absence de réaction, qu’il n savait pas du tout a quoi était dû l’odeur nauséabonde qui les empestait. Ils étaient trop proche du danger pour se permettre de jouer plus longtemps. L’état étrange d’Actée lui rappelait des choses qu’elle avait déjà vu dans son Arène… Mais c’était bizarre. Raiden avait l’air totalement paniqué. La Championne resta de marbre, elle avait peut-être une idée de ce qui se trouvait là-bas, mais c’était un peu saugrenu…

Malheureusement, Raiden eut la réaction qu’il ne fallait pas : appeler un Pokémon du même genre que le Motisma. Contrairement à ce qu’il lui suggéra de le mettre sur le dos de son Élecsprint. Pourquoi ? Elle haussa un sourcil, secoua la tête et se contenta de le rappeler dans sa Pokéball, là où il serait bien moins contraignant à gérer et à l’abri pour se reposer. Vider l’Élecsprint de son énergie pour recharger le Motisma à deux pas d’un danger était tout sauf un bon calcul.

« Actée est l’un de mes Pokémon d’Arène. Ce qui se trouve là-bas l’a complètement vidé de sa foudre. Tu penses que c’est un bon calcul de fatiguer ton Pokémon aussi près de ce qui l’a mit dans cet état ? Nous ne sommes pas dans une Arène pour nous permettre ce genre de fantaisie. C’est une mauvaise idée. Tout comme appeler un Pokémon du même type que lui, on ne … »

Eeva n’eut pas le temps de terminer sa leçon, car à son tour le chien de foudre s’écroulait au sol, vidé lui aussi de toute son énergie. Avec amertume, ou lassitude, Eeva comprit que son instinct avait été le bon : quelque chose drainait l’électricité là-bas derrière.

« Et voilà. Rappelle-le dans sa Pokéball, il ne nous servira à rien dans cet état... »

En attendant, Le Grahyena et Pompette revinrent de l’autre tunnel. Elle n’avait pas l’air très nerveux. Eeva laissa Raiden supputer encore un moment et le laisser aller au bout de ses réflexions, avant de reprendre la main, répondant à chacune de ses idées.

« Mon Dimoclès n’a rien à voir avec ce qu’il se passé ici, l’inactivité de l’une des épées est normale, dans son cas. Pour le reste de suis relativement d’accord, quelque chose à l’air de creuser à droite, mais il peut s’agir d’une activité normale, de l’autre côté… Si je pense au bon Pokémon, sa présence l’est beaucoup moins. Et si nous avions à faire à un Légendaire, nous aurions bien plus de problèmes que ça. Quant à l’odeur qui nous suit depuis un moment, je ne m’attendais pas spécialement à ce que tu la reconnaisses.

Il y a des cadavres dans le coin. Ce qui en veut pas dire que nous ne sommes pas suivis, nous avons effectivement croisé des traînées de poison tout à l’air. Je ne serais pas surprise non plus , compte tenu du reste, de croiser des Tadmorv. Ou de Miamiasme. » Dit-elle en arquant un sourcil. Les deux espèces étaient similaires.

« Les Smogo accompagnent souvent ce genre d’espèce. On ne les a pas croisés tout à l’heure, ils sont peut-être derrière nous. Mieux vaut s’y attendre. Tu as des antidotes ? »

C’était le genre de choses qu’elle n’oubliait jamais de prendre, avec tout le reste : d quoi soigner la paralysie ou la confusion, les brûlures ou le gel, des potions revigorantes…

« Ton plan semble logique. A une chose près, en acculant ces Pokémon sauvages, tu es sûr de déclencher les hostilités, de ceux-là, mais aussi de ceux qui se trouvent plus loin dans les galeries. Or, nous avançons à l’aveugle en terrain inconnu. Du reste, les Chercheurs sont des observateurs, nous ne sommes pas des soldats. Ce travail ne nous revient pas. »

Le souvenir d’un précédent examen et de l’histoire épique d’un Migalos catcheur lui revint spontanément.

« Les militaires pensent peut-être que la seule solution pour régler un problème est de taper bêtement sur celui qui le cause, mais pour ma part j’ai d’autres principes. Tu n’as pas du tout évoqué l’idée de parler à ces Pokémon. La diplomatie est souvent préférable, en particulier en terrain inconnu. Tu n’as pas pensé non plus qu’une espèce rare ou en danger pouvait se trouver parmi les autres et qu’en leur déclarant la guerre, tu les mettrais en danger. » Conclut-elle avec sa froideur habituelle.

« Allons chercher des réponses. »

Reprenant la tête de leur groupe, elle croisa le regard d’Uru qui se faisait discrète mais qui avait l’air intéressée par ce qu’elle venait de dire. Eeva ne lui adressa pas la parole, rappela Pompette par prudence et s’engagea dans le tunnel qui avait mis son Motisma au sol. Désormais accompagnée de son Dimoclès toujours accroché à sa hanche et de son Nanméouïe, Eeva avançait dans le couloir. Elle ne voulait pas avoir l’air d’envahir les Pokémon sauvages. Ils étaient déjà trois humains, si en plus, ils arrivaient en équipe complète…

Il ne leur fallut pas marcher longtemps, avant que le chemin s’élargisse et s’ouvre sur une cave bien plus grande. Un long couloir, une grande cave… Cela n’augurait rien de bon pour Eeva. En avançant un peu dans la grotte qui avait l’air vide, elle aperçut un monticule, qu’elle identifia en se rapprochant. Elle eut un haut-le-cœur et détourna le regard. Immonde. Les fameux cadavres. Un vrai charnier, comme elle n’en avait jamais eu l’occasion de voir. Derrière elle, Eeva sentit Uru avoir une réaction semblable. Il y avait une rivière qui passait dedans. Naturelle ou déviée.

« On ne doit pas être loin de la surface. » Chuchota t-elle aux autres.

Le jour filtrait à travers quelques petits trous dans la roche. Où menait cette rivière ? Étaient-ils près d’un village ?

Puis, une masse énorme sortit de l’ombre de la grotte : un Magnézone se mit à crépiter, près à les attaquer. Ils savaient à présent ce qui avait drainé les forces des deux Pokémon Électrique… Lui en revanche, avait l’air en pleine forme et pas particulièrement content de les voir !

« Le voilà notre problème… Il n’a pas encore attaqué, il aurait pu nous prendre en traître… On va savoir si tu as des talents de diplomate. Je te laisse négocier avec lui Raiden… Je veux savoir ce qu’il veut et ce qu’il cherche à faire.

Je te suggère de réussir, parce qu’il ne s’occupe pas de toi, c’est moi qui m’occuperait de tes fesses ! »

Sur cette menace, Uru éclata de rire, malgré la gravité de la situation. Mais elle n’en était pas moins prête à combattre. Même si son attitude montrait le contraire, elle était prête à sortir son sabre.

« T’as des Pokémon pour combattre ça ? »
« J’ai des Pokémon aquatiques… Et un Bouldeneu. »
« Tu n’as rien d’autre ? » fit Eeva en roulant des yeux.
« Je n’ai jamais eu besoin de rien d’autre. »

Eeva soupira. Le seul jour où elle n’avait évidemment pas prit sa Démolosse avec elle… Mais elle avait parlé trop vite. Le Magnézone activa son piège, et lui arrache son Dimoclès de la hanche, la désarmant. Quelque chose commença à résonner, Eeva sentit ses oreilles bourdonner. Le Magnézone électrifia toute la zone au sol et lança des Ultrasons. Inutilement, la Chercheuse se boucha les oreilles en grimaçant. Mais autour d’eux, tous leurs Pokémon prirent les ondes de plein fouet…



[Nous y voilà, nous avons donc à faire à un Magnézone. Pour ce premier tour, il lance Champ Électrifié, puis Ultrason, de sorte que nos Pokémon sont inutilisables ce tour-ci ! Eeva ayant déjà tout dit, et bien, bonne chance ! xD ]

[Raiden Ôkami]

Au départ, mon cerveau, qui déjà me faisait mal, bouillonna intérieurement. Je pris sur moi pour ne rien laisser paraître à la Championne, mais une colère commençait lentement à monter. Eeva avait semblé à peu près d’accord pour mes premières théories sur les Méga-Evolution, et j’en étais satisfait, mais c’est ce qui se passa ensuite qui me crispa : Eeva me demanda si c’était une bonne idée d’appeler un Pokémon du même type alors que son Motisma avait été vidé de ses forces, et l’instant d’après, Elecsprint était par terre. Voir mon troisième canin dans cet état me fit monter le sang à la tête.

« Mais par tous les Légendaires ! Pensai-je tandis que je continuai d’afficher un visage neutre. Bien sûr que non ce n’est pas un bon calcul si on reste près du tunnel où Actée est tombé. Pourquoi croyez-vous que je vous avais demandé de revenir vers nous et de ne pas rester près de ce tunnel-là ? C’était justement pour éloigner Actée de la zone d’effet de ce qui l’a vidé de ses forces ! En restant loin de ce tunnel, Elecsprint n’aurait pas été affecté et il aurait pu aider Acté à se remettre. Au lieu de quoi maintenant il est au sol. »

Elle me donna ensuite son avis sur les deux tunnels. La moitié de ce que j’avais dit était bon, l’autre moitié non. Nous étions peut-être suivis, mais l’épée inerte du Dimoclès était une chose normale. Nous allions peut-être avoir derrière nous des Pokémon poisons comme des Tadmorv, voire des Smogo. Mais l’odeur n’avait pas son importance. Puis elle me dit que mon plan, quoique logique, était une méthode trop militaire et qu’il valait mieux la jouer plus fine encore que ce que j’avais pensé. Là encore, la colère monta d’un cran, sauf que cette fois, plutôt que d’être dirigée contre Eeva, elle était dirigée contre moi-même. La Championne avait complètement vue juste : ce n’était pas du tout une méthode pacifique.

« Mais c’est pas vrai ! Je suis vraiment une pauvre cloche ou quoi ? Comment ai-je pu penser à une manière de faire plus violente ? D’ordinaire, la méthode "musclée" n’est pas dans mes habitudes. Pourquoi suis-je immédiatement parti dans l’idée que nous devions régler le compte de ceux qui nous suivent ? »

La réponse me vint quand elle prononça les mots "soldats" et "militaires". Cela faisait en effet un peu moins d’un an maintenant que je suivais un entrainement rigoureux auprès d’une militaire de renom : Nina Wang. Avant de la connaître, mon tempérament n’était pas aussi combattif, c’était même plutôt le contraire. Mais depuis que je m’étais mis à son service en tant qu’Ecuyer, j’avais gagné en compétences martiales, en force, en rapidité, et bien sûr mon mental s’en était retrouvé changé aussi. Si avant on me reprochait d’être trop passif et de ne pas attaquer suffisamment, pour la première fois on me reprochait l’inverse ici. C’est dire si j’avais franchi un cap. Mais dans une situation de Chercheur, la combativité que j’avais acquise n’était pas le bon outil à employer. Nous n’étions pas à une Epreuve de Maître des Lames. Et même si celle de Ramasseur avait eu son lot de combats, c’était une chose à absolument éviter ici. Le Chercheur, je commençais à le comprendre, était celui qui s’évertuait à conserver la paix et l’équilibre au travers de ses recherches. En comprenant cela, j’aurai alors pensé qu’il s’agissait vraiment d’une profession admirable et qui me plaisait beaucoup. Mais hélas, la colère était toujours là, et mon mal de crâne aussi. Impossible de penser de manière positive. Trop d’agacement et d’incompréhension s’accumulaient depuis le début et je n’arrivais pas à savoir comment sortir de ce cercle vicieux.

La colère était d’autant plus douloureuse qu’il me fallait ronger mon frein. Lâcher une mauvaise réflexion à Eeva aurait tout anéanti. Pourtant, ce n’était pas la première fois que je vivais un moment pareil. Car Nina aussi avait déjà mis ma colère à l’épreuve pendant certains de nos entrainements, notamment le premier. Chaque fois que ma colère ressortait, que ce soit par souvenirs de vengeance ou par orgueil, elle me le faisait payer cher et me remettait à ma place. Et Arceus sait à quel point sa maîtrise du sang sur moi était insupportable. J’avais donc finis par apprendre à me contenir et à essayer de penser autrement.

« Bon…Raiden…Commence par respirer. Concentre-toi sur ta respiration. Imagine un Tauros à qui on montre un tissu avec une face rouge : il s’énervera et chargera. Mais si on retourne le tissu et qu’on lui montre une face bleue : il ne chargera plus. Si je me concentre sur la colère, je n’aurais pas d’autre envie que d’envoyer bouler mon examinatrice et de me prendre la tête avec elle pour rien. La colère est très mauvaise conseillère. Mais si je me concentre sur une "autre couleur de tissu", si je me concentre sur ma respiration, ça devrait m’aider à me recentrer. 1, 2, 3, on inspire. 4, 5, on expire…1, 2, 3, on inspire. 4, 5, on expire… »

Je mis une main sur mon visage et le massai un peu. Au contact des doigts, je pouvais sentir mes veines pulser dans les tempes.

« Bon sang, ça pourrait marcher si ça ne bouillonnait pas autant en moi, par Sui…! »

Un jappement se fit alors entendre. Je baissai le regard et vit alors Grahyena qui me regardait.

« …cune. »

Son regard démontrait une certaine inquiétude. Une inquiétude dû à quelque chose qu’il connaissait chez moi. Il m’avait déjà vu en colère et savait l’effet que cela donnait chez moi. Sauf quand ma colère s’apparentait à de l’autorité pour rétablir la cohésion au sein de la meute de Pokémon. Le fait de le voir aussi présent et compréhensif envers moi, avec ses yeux ronds, sa truffe à l’affût et ses oreilles dressées, m’envoya un message.

« Suicune…C’est vrai ça. Qu’aurait fait Suicune dans cette situation ? Est-ce qu’il aurait levé les pattes au ciel en se lamentant et se critiquant sur une erreur ? Est-ce qu’il se serait mis en colère ? Non, il aurait agi de manière complètement différente. Peste ! Si le Vent du Nord a daigné m’accorder de l’attention deux fois dans ma vie, ce n’est pas pour que je devienne un inconscient borné qui s’emporte au moindre reproche. Je dois devenir plus fort et plus ouvert d’esprit que ça. Je le dois. »

Tout à ma réflexion, j’entendis Eeva nous dire qu’il était temps d’aller chercher les réponses que nous cherchions. Nous prîmes le tunnel que j’avais choisis et marchâmes encore un peu avec cette fois moins de Pokémon à nos côtés. Bientôt nous débouchâmes dans une grande cave qui semblait non loin de la surface d’après la Championne. Un tunnel qui débouche sur une ouverture comme celle-ci…Il y avait toutes les chances pour que nous étions dans l’antre de celui qui a vidé d’énergie les autres. Il fallait rester prudent. Comme preuve supplémentaire, nous aperçûmes un monticule de cadavre empestant la putréfaction au centre de la salle. L’odeur était horrible, il y avait de quoi vomir, mais je ravalai ma salive. Ce n’était pas le moment, je devais tenir. Ce n’est qu’à ce moment-là que nous le vîmes…

Un Magnézone surgi lentement de l’ombre et nous fit face. C’était donc lui l’élément perturbateur. Mon examinatrice me demanda alors de tenter de négocier, il fallait savoir la raison de sa présence ici. Elle me donna une petite remarque qui fit éclater de rire Uru. Cela aurait pu augmenter ma colère quelques instants auparavant, mais cette fois ma pensée était différente :

« Si elle dit ça, c’est peut-être parce qu’elle s’inquiète elle aussi du dénouement. Je dois lui montrer qu’elle peut me faire confiance. »

_Comptez sur moi. Je m’en occupe. Par contre il faudrait que vous reculiez. Eloignez-vous le plus possible, sans me quitter des yeux bien sûr. Mais montrez lui que vous n’interviendrez pas et que vous ne lui voulez rien de mal. D’ailleurs, si cela est possible, je suggérerai que vous remettiez vos Pokémon dans leurs Pokéball. Nous devons paraître le moins armé possible. Allons-y Grahyena.

Mon compagnon et moi, nous avançâmes lentement vers lui, quand le Magnézone réagi soudain : il créa de l’électricité qu’il envoya partout autour de lui et lança une onde sonore qui me fit boucher les oreilles. Je grognai de douleur, c’était douloureux, même en ayant les oreilles protégées. Hélas, lorsque le son s’arrêta, je vis que Grahyena n’avait pas eu cette chance et s’était à moitié écroulé, sonné. Il devait avoir les oreilles qui sifflaient. Mon regard passa alors vers le Pokémon métallique.

« Il vient d’électrifier tout le terrain…Impossible de l’approcher d’avantage, et si jamais je tombe dans ce court d’eau je vais finir grillé. C’est sans doute comme ça qu’il a réussi à chasser ceux dont les cadavres reposent ici : avec cette attaque. Mais alors…S’il en a chassé autant, est-ce qu’il aurait réduit la population de certains Pokémon du coin ? Entrainant alors un déséquilibre dans la faune locale ? Et ce déséquilibre de la faune serait responsable de la venue d’autres prédateurs comme les Prédastéries ? Bon sang, je me trompe peut-être, mais ça m’a l’air de faire sens. Mais du coup…s’il a causé un déséquilibre, c’est donc qu’il n’est pas censé être là. D’autant qu’un Pokémon comme lui supporte mal les endroits comme ici. Alors il serait arrivé là par accident ? Pendant une catastrophe causée par les Légendaires ? Ou bien…pendant la guerre ? Par Raikou ! Et si c’était vraiment ça ? Et s'il y avait un champ magnétique à l'œuvre ? »

Un souvenir me revint : pendant l’exploration sous l’océan pour trouver Kyogre avec les Midgardiens, nous avions pu entendre les bruits d’une bataille qui se déroulait en surface. Des humains se battaient, mais il devait forcément y avoir des Pokémon aussi. L’un d’entre eux aurait très bien pu se retrouver piégé quelque part pour ne pas venir en aide à ses alliés ou bien par malchance. Je me retournai aussitôt vers Eeva.

_C’est bon, je crois savoir pourquoi il est là.

Mais bien sûr, je pouvais encore me tromper. Il fallait de toute façon que je lui parle, d’abord pour avoir une confirmation, mais surtout pour essayer de trouver une solution au problème. Pour l’aider. Me retournant alors vers lui, je m’avançai encore un peu, jusqu’à la limite de son champ électrifié pour ne pas m’électrocuter. Lentement, sans gestes brusques, mon bras droit enleva de mon épaule la corde du grappin que j’avais gardé en bandoulière. Ce même bras leva la corde de manière bien droite pour la montrer au Magnézone, puis la laissa tomber sur le côté. Ensuite ce fut au tour du bras gauche qui détacha le ceinturon de mon épée, Vent d’Argent. Il prit le fourreau par le milieu avec l’arme toujours dedans, le tint bien droit également, puis le laissa lui aussi tomber sur le côté. Le message se devait d’être le plus clair possible. Ceci fait, je me mis alors à genoux, une position que les Mizuhaniens utilisent beaucoup et levai les mains en signe de non-agression.

_Mes intentions sont bonnes ! Dis-je d’une voix suffisamment forte pour qu’il m’entende à travers la caverne. Je m’adresse à toi sans arme et sans rien, Magnézone. Je ne veux pas la guerre, et je ne te veux aucun mal.

Je mis un temps de silence, histoire de voir s’il allait réagir ou non, puis je repris :

_Serait-ce ton territoire ? Sommes-nous entrés alors qu’il ne fallait pas ? Nous sommes désolés si nous t’avons dérangé.

Nouveau petit silence. Tout en parlant je l’examinais sous toute les coutures, du moins autant que possible de là où j’étais. Peut-être y avait-il une trace, une blessure, un objet enfoncé dans le corps ou quoi que ce soit de physique qui était peut-être aussi une raison de sa colère. J’étais également attentif à ses réactions, non seulement parce que ma vie en dépendait, mais aussi parce qu’il allait falloir interpréter son langage, deviner sa pensée, et peut-être sa détresse. Car là où il y avait colère, il y avait souffrance. J’étais bien placé pour le savoir.

_Est-ce que quelque chose ne va pas ? As-tu besoin de quelque chose ? Si tu le veux, je peux t’aider.

Ma voix était calme, tranquille, bien qu’il me fallait parler un peu fort pour couvrir le bruit ambiant. Lentement j’essayai de rentrer dans un état mental de calme pour lui montrer que je ne comptais pas agir violemment. Les phrases avaient été énoncées dans un ordre précis, il s’agissait de ne pas aller à l’encontre de ce qu’il ressentait, mais plutôt lui montrer une attitude compatissante. Patiemment, tandis que Grahyena essayait de s’en remettre, j’attendis la suite de ses réactions.



[A partir de son expérience mentale sur la colère, Raiden tente de calmer celle du Magnézone en essayant de lui parler de manière méthodique et en analysant ses réactions et sa façon de s'exprimer.]

[Eeva Slanzar]

La Chercheuse ignora complètement le coup de colère refoulé de Raiden. Les états d’âme des autres ne l’intéressait que peu. L’odeur devenait de plus en plus insoutenable. Elle attendit patiemment qu’il termine sa longue réflexion et qu’il veuille bien se remuer un peu. Eeva avait surtout hâte de quitter cet endroit, de préférence, en un seul morceau. Puis, enfin, Raiden déclara savoir pourquoi le Magnézone était là. Il semblait bien sûr de lui… Loin d’apprécier les directives de Raiden, Eeva se contenta de les ignorer et de rester méfiante. Elle avait dit d’y aller avec diplomatie, pas de se mettre en position de faiblesse ! La suite, cependant, ne lui laissa que peu de choix. Le Dimoclès était collé sur le corps du Magnézone et elle n’avait aucun moyen de le récupérer. En quelques instants, Raiden s’approcha du Pokémon et pendant qu’il se deshabillait, du moins, c’est à ça que ça ressemblait, pour lui faire croire qu’il ne lui ferait pas de mal –quoi que, s’il finissait vraiment en slip, ça ne serait pas totalement faux !-, Eeva pu récupérer son Nanméouïe qui titubait. Il n’avait pas l’air très stable, mais au moins, il semblait reprendre ses esprits, c’était déjà ça…

Quand à Eeva, elle serrait les dents, observant les lieux, la moindre ombre mouvante, en retrait. Uru, aussi silencieuse qu’elle, faisait de même, elle en était certaine. Désormais totalement désarmé face au Pokémon, ce qu’elle jugeait être une très mauvaise chose, Eeva attendait la réaction du Pokémon, se conditionnant à réagir. Eeva n’avait pas vu  beaucoup de Magnézone dans son Arène et aucun  sauvage, pour autant qu’elle s’en souvienne… En revanche, elle avait eu l’occasion de voir des Archéomire sauvages en colère… Le Magnézone lui sembla également de méchante humeur. Il eu l’air fâché et Eeva se contint ; dès que Raiden fit un mouvement, sans doute celui de trop, à moins que ça ne soit son discours mielleux qui lui fut insupportable, le Magnézone s’avança brutalement sur lui pour le bousculer et le faire reculer, plus crépitant que jamais. Avec sa masse et sa taille, Eeva doutait que Raiden puisse résister à la bousculade. Pour Eeva, ils avaient la réponse à la question de Raiden : il ne voulait pas de la présence humaine.

*Vos intentions sont toujours bonnes, humains !*

Résonnant à l’intérieur même de leur crâne, comme extraite de leurs propres pensées, une voix s’adressait à eux, légèrement moqueuse. Eeva tressaillit. C’était une expérience et un sensation très désagréable. Ses pouvoirs ne lui permirent pas de résister à cette intrusion. Cherchant le coupable des yeux, Eeva le désigna discrètement par un jeu de coude à Uru. La créature s’extraya de l’ombre, tout en ayant l’air de la propager. Eeva reconnut immédiatement un Ectoplasma. Un Spectre, dont l’espèce lui faisait de l’œil pour son Arène. Du coin de l’œil, Eeva vit le Magnézone hésiter. Comme s’il ne savait plus qui écouter, depuis, l’apparition du spectre Eeva crut voir quelque chose briller sur l'Ectoplasma, et eut la désagréable sensation que le Magnézone ne serait pas vraiment le problème… Du moins, pas le plus gros. A son tour, Uru lui donna un coup de coude dans les hanches. Elle s’était détournée de quelques millimètres et tentait de lui faire passer un message silencieux : ses yeux faisaient des allers-retours et elle pencha la tête légèrement sur le côté, comme agité de tics. La rouquine laissa l’Ectoplasma s’avancer vers Raiden et jeta un rapide et discret coup d’œil. Une bande de Tadmorve bariolés de couleurs et de Miamiasme arrivait.

*Vous êtes toujours pétri d’intentions pures, mais vous semez invariablement la mort et la destruction autour de vous. Vous rasez les forêts, détruisez les montagnes, envahissez nos espaces, déclenchez des guerres pour vous entretuer et forcer nos semblables au combat. Votre espèce doit disparaître pour le plus grand bien.*

L’Ectoplasma ne sembla pas remarquer ou du moins, ne pas accorder d’importance aux Pokémon Poison et continua sa tirade. Eeva, estima préférable de faire part de ses observations à Uru, Raiden cependant, était trop loin.

« C’est un Tadmorv d’Alola… »
« Un quoi ? »
« Alola. Très toxique.  »
« Quoi ? »
« Mortel. L’Ecto’ peut Méga-Évoluer.  »
« T’as de quoi ? »

Eeva ne lui répondit pas. Elle avait bien son Nanméouie qui pouvait le faire… Mais bon… Uru comprit le message. Mieux valait éviter de contrarier le spectre, mais elle doutait qu’il les laisse simplement repartir…

*Votre espèce disparaîtra par sa propre déchéance. Ces cadavres, de vos semblables, empoisonneront le Lac du Dragon d’ici quelques temps. Pour commencer.*

Derrière, sortant de l’ombre en flottant, un Denticrisse aux couleurs vives suivait le spectre.

Le regard malveillant, l’Ectoplasma n’avait pas l’air contrarié de les voir, ni très pressé d’en finir. Eeva comprit tout de suite pourquoi… Pour elle, le mystère était résolu. Mais était-ce le cas de Raiden ? Pour l’instant, le spectre semblait croire qu’il dirigeait leur groupe et commençait à lui tourner autour. Selon ce que le jeune homme dirait, ce serait quitte ou double.
Si c’était double, ce serait avec la paire de bottes qu’elle lui avait promise !

[Nous y voilà, après l’instant explication du plan du méchant, il va falloir essayer de comprendre les motivations profondes de l’Ectoplasma et tenter de le convaincre d’arrêter l’exécution de son plan. Raiden ne peut pas entendre Eeva d’où elle est placée, il va devoir comprendre tout seul…

Bonne chance !]

[Raiden Ôkami]

Le Magnézone me chargea, je mis mes bras en barrière devant moi, les poings serrés, pour me protéger. Mais ça n’empêcha pas le Pokémon de m’éjecter vers l’arrière. Son corps métallique et son électricité m’arrachèrent un grognement de douleur au moment du choc. Etalé un mètre en arrière, je frottai vigoureusement mes bras engourdis et douloureux. Mes doigts tremblaient. J’allais me réveiller avec deux sacrés bleus demain…si tant est que j’arrivais à survivre. Mais tandis que j’essayais de faire passer la douleur, une voix résonna dans ma tête. Ce n’était pas une voix parlée, c’était bel et bien de la transmission de pensée. La sensation était étrange, j’avais rarement pu vivre une chose pareille. Les paroles prononcées me figèrent sur place, je vis alors le responsable sortir de l’ombre.

« Un Ectoplasma, pensai-je. Aïe, aïe, aïe…C’est la merde. »

Avec le Magnézone, ce duo de Pokémon puissants allait s’avérer être un formidable adversaire. Le conflit frontal était à proscrire. Il fallait passer par une solution beaucoup moins simple, mais la seule à ma disposition. Le Magnézone s’écarta lentement, bizarrement hésitant, pour laisser passer l’Ectoplasma. A en juger par ça, il y avait de fortes chances pour que ce soit ce dernier qui dirige les opérations, voire tire les ficelles. Une chose était sûre, c’était désormais avec lui qu’il allait falloir parlementer…et pas qu’à moitié : la suite de son discours donnait clairement une idée de ce qui nous attendait. Tandis qu’il parlait, je me remis à genoux et écoutai attentivement. Toute mon attention était tournée vers ce qui me paraissait être la menace la plus immédiate, je n’avais donc toujours pas remarqué les Tadmorv et Miamiasme qui arrivaient par derrière nous. La seule chose qui aurait pu me donner la puce à l’oreille était l’odeur nauséabonde de la salle qui avait augmentée d’un cran. Mais je cru sur le coup qu’elle venait toujours des cadavres un peu plus loin devant, je n’y fis donc pas plus attention. Encore moins quand un Denticriss apparu lui aussi du fond de la pièce. Il s’agissait en fait d’un trio ? Une équipe formée dans ce but ?

L’Ectoplasma avait donc un plan visant carrément à éradiquer la race humaine. Quelques questions subsistaient encore pour moi : comment comptait-il s’y prendre exactement ? Il parlait de poison, peut-être utiliserait-il ce moyen-là pour agir, avec des Pokémon peut-être. Mais pourquoi le Lac du Dragon en premier ? Pourquoi cet endroit pour commencer son plan et pas un autre ? Cela dit, les détails importaient peu pour l’instant : nous savions désormais quelles étaient ses intentions, il fallait maintenant l’en dissuader. Tandis qu’il s’approchait et que mon tour de parole arrivait, de la sueur perlait à mon front. Il existait bel et bien une méthode pour lui faire entendre raison, je la compris dès qu’il eut évoqué ses motivations. Mes traumatismes passés m’offrirent une compréhension plus grande et allaient finalement me servir pour la bonne cause. Jamais je n’aurais cru cela possible avant. J’avais compris comment faire, mais pas n’importe comment. Il fallait le dissuader, oui…mais pas avec la manipulation d’un maître chanteur, pas avec la négociation mielleuse d’un marchand chevronné. Pour que cette méthode marche, je devais tout miser sur une chose : la sincérité.

_Si je comprends bien, Ectoplasma, lui dis-je, tu veux en finir avec tous les humains pour qu’ils payent les souffrances infligées aux Pokémon et à la nature ? C’est bien ça ? Tu cherches vengeance ?

Dans un conflit, chaque parti a l’habitude d’avancer argument sur argument, cherchant à avoir plus raison que l’autre. Mais cela n’aboutit souvent à pas grand-chose, si ce n’est à encore plus d’agacement et de violence. Le dialogue devient donc un dialogue de sourd, aucun n’est à l’écoute de l’autre, et cela ne mène qu’au chaos. Pour éviter ce cercle vicieux, il fallait dans un premier temps chercher à comprendre ce que veut l’autre et donc reformuler sa phrase afin d’être sûr que nous l’ayons bien compris. Demander « pourquoi ». Ici en l’occurrence, je venais de demander au spectre si j’avais bien compris ses dires. Le cas échéant, il me préciserait si je me trompe. Cette reformulation allait non seulement servir à bien préciser ses intentions, mais aussi à lui montrer que j’étais à son écoute. S’il haïssait les humains, il serait peut-être surpris qu’il y en ait un qui lui accorde une telle attention. A la suite de ça, je lui sortis une phrase sincère qui avait des chances de le surprendre aussi.

_Je comprends…

Grahyena se rapprocha de moi et vint à mon côté. Il était sur le qui-vive, ne sachant pas comment ce nouvel ennemi allait réagir. A genoux devant le spectre, les mains posées sur les jambes, j’engageais alors la conversation la plus risquée qu’il m’ait été donné de vivre.

_Tu trouves répugnant que trop d’humains agissent de manière aussi irrespectueuse, trop souvent, depuis trop longtemps. Tant de lieux et de Pokémon ont soufferts par la folie des humains. Je suis d’accord avec toi. Puisqu’ils ne comprennent pas, la solution serait peut-être de leur faire subir ce qu’ils ont fait subir aux Pokémon, ce serait normal après tout. La vengeance est une réaction normale. Je te comprends Ectoplasma, mais je compatis aussi. Je compatis car tu souffres, tu souffres beaucoup. Là où il y a vengeance, il y a souffrance. Je te dis ça car je suis bien placé pour le savoir, je sais ce qu’est la vengeance et ce qu’elle implique en retour. Tu ne me crois peut-être pas, alors regarde.

J’étendis les bras et lui montrai, torse nu, mon buste et ma joue gauche. Ils étaient parcourus de cicatrices. Il n’y avait pas autant de cicatrices que pour un vétéran aguerri de la guerre, elles n’étaient pas non plus énormes à recouvrir tout mon corps. Mais elles demeuraient tout du moins visibles : une grosse griffure était sur ma joue gauche, plusieurs petites taillades parcouraient mon arrière bras gauche, et quelques estafilades parcouraient le long de mon buste, notamment une longue qui partait de l’épaule droite jusqu’à la hanche gauche. A part la griffure sur la joue, toutes les autres étaient issues du violent combat que j’avais livré contre une personne en particulier…

_Vois mes cicatrices, ce ne sont pas des souvenirs de la dernière guerre. Je n’y ai même pas participé. Ce sont les souvenirs d’un combat que j’ai livré…par vengeance. Je me suis battu contre une humain qui m’a fait tant souffrir. Chaque jour il n’avait de cesse de me faire du mal, et chaque jour ma haine envers lui grandissait. Jusqu’au jour où j’ai eu l’occasion de me venger. A ce moment je ne pensais plus à rien d’autre : je voulais continuer, je voulais faire souffrir, éviscérer, trucider et mille autres tortures encore. Je voulais tuer, comme toi aujourd’hui. Mais en le faisant je n’étais pas soulagé pour autant. En réalité c’était un cercle vicieux : plus j’en faisais, plus j’en voulais encore, et plus j’avais encore envie de faire souffrir. La vengeance ne m’apportait en fait rien d’autre que de la souffrance supplémentaire. J’aurais pu continuer encore longtemps cette descente aux enfers et devenir comme celui que je haïssais. Heureusement ils étaient là…et par "ils", j’entends "eux".

Je pris alors une Pokéball. C’était risqué de faire sortir un Pokémon supplémentaire, mais je voulais tenter le coup, lui montrer. Câline sortit de nouveau de sa Ball et se plaça à mon côté elle aussi, bien qu’elle ressentait également la tension dans la pièce beaucoup plus que les autres. Subitement elle sentit quelque chose et tourna la tête vers l’arrière, sa queue se dressa d’un coup. Le message de son sixième sens me semblait clair : une menace arrivait de derrière. Mais avant qu’elle ne pousse un couinement qui aurait interrompu la conversation, je me mis à la caresser doucement, sans tourner la tête, pour qu’elle se reconcentre sur le spectre et lui montre le lien qui nous unissait.

_Regarde Ectoplasma, en plus d’Elecsprint que toi Magnézone tu as fait évanouir, Grahyena et Absol m’ont permis d’éviter de devenir le genre d’humain que tu déteste. Eux et moi sommes très liés malgré nos différences. "Je" ne suis pas juste un Dresseur qui donne des ordres à ses Pokémon. "Nous" sommes une meute. Si tu ne me crois pas, demande-leur à eux.

Ma voix se fit plus douce.

_Je comprends et compatis sincèrement à ta colère, mais la vengeance, qu’elle vienne d’humain ou de Pokémon, ne règlera jamais ton problème…Il existe sûrement d’autres solutions. Je peux peut-être t’aider toi et tes amis.




[Raiden emploi une technique de parole sensée désamorcer les conflits pour pacifier le Pokémon. Néanmoins, même si ses phrases et ses mots sont dits dans un ordre précis, il n’en est pas moins sincère et compatis au désir de vengeance de l’Ectoplasma. Car lui-même a déjà vécu une situation de vengeance en se battant violemment contre le personnage assassin de Kira, combat qui failli lui coûter la vie. Ses Pokémon savent d’ailleurs que la vengeance est un mal qui le rongeait, mais qu’il en guérit petit à petit. En gros, cette expérience du passé lui sert à comprendre son interlocuteur actuel, et la compassion et la sincérité dans sa parole seront ses armes dans la conversation qui s’annonce. Cette technique se fait normalement en plusieurs étapes, mais comme faire une phrase par post serait trop long, j’en ai fait la moitié ici et attend de voir ce que le spectre va répondre pour enchainer sur la suite.]

[Eeva Slanzar]

Raiden encaissa un sale coup avec le Magnézone, Eeva n’était pas certaine qu’il s’en sorte sans quelque chose de cassé, mais de la façon dont il se releva, cela ne semblait pas être le cas. L’apparition soudaine de l’Ectoplasma suspendit le temps et Raiden n’avait pas remarqué les Pokémon Poison qui arrivaient. Eeva sentit que le garçon commençait à perdre ses moyens, ayant l’air de plus en plus nerveux. Malgré sa volonté de fer, Eeva sentit la contagion la gagner, sans pouvoir l’expliquer. Un Ectoplasma n’était pas ce qu’elle avait connu de pire mais… Raiden coupa court à ses pensées, en prenant la parole à son tour. Au moins, il avait l’air de comprendre, mais la grotte retomba dans le silence et en échangeant un regard avec Uru, la Championne se sentit inquiète. Si c’était tout ce don il était capable, ils étaient mal. La rouquine, prise par surprise par le comportement soudain de Raiden, ne se demanda pas si le spectre, lui, était aussi surprit qu’elle. Pourquoi s’entêtait-il à se mettre en position de faiblesse ? Le Magnézone n’avait plus qu’à lui mettre un coup derrière la nuque pour le finir, maintenant. Sentant une angoisse étrange s’emparer d’elle, Eeva assista néanmoins silencieuse à la scène.

S’accrochant au récit de Raiden, c’est quand il se déshabilla littéralement devant lui qu’elle se demanda s’il n’était pas tout simplement con. Eeva ouvrit de grands yeux et ne put s’empêcher d’échanger à nouveau avec Uru, qui visiblement, pensait la même chose qu’elle. Cependant, en écoutant le monologue du nalcien, les deux compères d’autrefois purent observer elles aussi les nombreuses cicatrices qu’il portait. Eeva n’en était pas vraiment plus rassurée pour autant, mais elle remarqua en revanche la tête que firent les autres Pokémon. Le Magnézone lui sembla soudainement indécis et échangeait des regards avec le Denticriss. Pendant que Raiden captait l’attention des Pokémon, Eeva remarqua également qu’elle n’entendait plus l’étrange écho de tout à l’heure, la voix qui résonnait dans les galeries et des coups portés dans la pierre. En dehors de la voix de Raiden, en fait, la grotte était parfaitement silencieuse…

Eeva préféra ne pas intervenir. Qui sait ? Son récit avait l’air de retenir l’intérêt de tous et une intervention serait probablement mal venue. Et pour le coup, elle se sentait assez mal. Restant méfiante malgré tout, elle sentait ses mains trembler, alors qu’elle serrait les poings pour ne pas le laisser paraître. Elle essayait aussi de faire passer ses nausées par des respirations profondes. Puis, de là où ils étaient entrés, Eeva aperçut de nouvelles silhouettes se glisser lentement. La réponse aux autres questions. Un Oratoria et un Gigalithe les rejoignaient, tout en restant à distance. Lequel de l’Ectoplasma ou du Denticriss les avait mentalement appelé ? A moins qu’ils n’aient entendu Raiden de là où ils se trouvaient, c’est-à-dire, l’autre galerie probablement… Bon. Ces deux là au moins, s’il fallait les neutraliser… Son Dimoclès était toujours collé au Magnézone, il fallait trouver une autre solution, au cas où finalement l’Ectosplasma décidait de les attaquer.

Eeva était certaine d’une chose en tout cas : plus jamais Peter ne la laisserait sans surveillance ! Comme si les ennuis n’attendaient que ça, qu’il ait le dos tourné pour lui foncer dessus !

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