[ Clos ] Par un beau jour de neige. [Tsubaki/ libre]

[Yûn]

Cela faisait maintenant de nombreux jours que Yûn s'était séparée de Sil, cette dernière préférant demeurer un peu plus longtemps sur Flamen. Elle serait bien restée avec elle, pour avoir quelqu'un avec qui parler, mais il n'était pas question de s'attarder encore plus sur le continent du feu. Sinon, à ce rythme-là, jamais elle n'atteindrait Nalcia!
La jeune fille peinait un peu. Après avoir traversé la mer, non sans peine, grâce à des pêcheurs qui avaient eu la gentillesse de la déposer au nord de Mizuhan, elle s'était retrouvée face au froid mordant et permanent. Même en hiver, jamais elle n'avait connu de telles températures sur Terros! Le jour, il faisait à peine quelques degrés de plus que la nuit.
Heureusement, elle pouvait compter sur Uroko. Comme le petit dragon bleu connaissait Flammèche, elle pouvait se réchauffer un petit peu. Cependant, ce froid ne lui plaisait pas non plus. Les premiers jours, il marchait aux côtés de son amie. Mais rapidement, ses pattes nues, en contact quasi permanent avec la neige, s'étaient retrouvées sensibles et douloureuses. Même avec toute sa volonté, le Draby ne parvenait plus à avancer. A cela, s'ajoutait le fait que son corps d'écailles bleues n'était pas du tout adapté à ces conditions climatiques. Yûn s'était trouvée obligée de le porter dans ses bras, enveloppé dans une couverture. Mais, même ainsi, il tremblait toujours un peu.

Yûn releva la tête, son souffle court libérant, à chacune de ses expirations, un peu de buée, dûe au brusque changement de température entre son corps et l'extérieur. Elle n'avait pas l'impression d'avancer, plutôt de tourner en rond, le paysage qui s'offrait à elle ne variant qu'à peine. Et la nuit qui commençait déjà à tomber...
Poussant un soupir, la jeune fille posa Uroko au sol, et s'affaira. Elle devait se dépêcher d'allumer un feu, tant que le ciel lui offrait encore un peu de lumière.
Dès que les flammes se mirent à lécher convenablement le bois, produisant parfois un petit crépitement, Yûn se sentit rassurée. Le feu avait de nombreux avantages dans ces régions. Il permettait d'éloigner les bêtes sauvages, offrait un peu de chaleur et de lumière. Mais surtout, et c'était certainement cela le plus important, il offrait du réconfort, en particulier pour les personnes voyageant seules.
Passée un moment à contempler la subtile et envoûtante danse des flammes, Yûn sortit de son sac de cuir un peu de pain, une outre d'eau et deux poissons, offerts par les pêcheurs. Il n'en restait plus tellement... Elle aurait dû penser à cela, avant de partir précipitemment! Mais, comme d'habitude, elle avait été trop enthousiasmée par l'idée de se rapprocher de son rêve pour se soucier des éléments importants du voyage. Après avoir fait cuire leur repas, elle tendit sa part au petit dragon. Ce dernier la saisit et mordit immédiatement dedans, savourant pleinement la chair blanche et fumante de son poisson. Pour lui, tous les moyens lui permettant d'avoir un peu de chaleur étaient bons. Une fois le reste finit, il se cala contre la jeune fille, sa couverture toujours autour de lui, et tenta de s'endormir. Il tremblait encore lorsque Yûn le prit à nouveau dans ses bras et s'enroula à son tour dans une couverture. Restait à espérer qu'il ne neigerait pas durant la nuit.

[Tsubaki Mitsuki]

Tsubaki continua d'avancer dans la nuit et le froid, au beau milieu des terres enneigées. Elle avançait telle une bête sauvage, hésitante. Que devait-elle faire ? Aller à Fla'Or pour passer dans la ville, ou retourner à Loukaï, dans le bar où elle avait recouvert la joie de vivre ? Mais, elle avait été chassée, pour son bien, du petit village. Et elle se refusait d'approcher la capitale, lieu beaucoup trop grand et trop urbain à son goût. Non, elle, elle voulait retourner d'où elle venait, retrouver sa famille et son foyer... Et pas se retrouver ici, toute seule, avec ses armes pour seules compagnes. Et pourtant, à cause de son double bestial, elle était coincée là, prise au piège, avec son côté humain qui lui dictait de se diriger vers une ville, et le côté animal qui lui interdisait de quitter la forêt. Elle restait donc là, à tourner en rond dans la neige, ses pas s'effaçant peu à peu au fur et à mesure que la poudreuse tombait.

Il faisait nuit noire, et elle s'était décidée à marcher, en forêt. Pour allait où, pour faire quoi, elle ne le savait pas. Mais elle avait besoin de marcher, alors, elle marchait. Elle ne savait pas ce qui la guidait... Un instinct de bête sauvage sûrement, qui lui montrait le chemin... La neige avait recommencé à tomber, en flocons nombreux, qui recouvraient la piste de la demoiselle. Un linceul blanc, prêt à accueillir de nouvelles victimes. Pourtant, Tsubaki était une fille de ces terres, de Mizuhan, et elle pouvait se vanter d'une chose : connaître particulièrement bien ce territoire. Elle était née dans le froid, avait vécu dans le froid... ce n'était pas cette forêt qui allait l'abattre, elle était habituée à ce climat inhospitalier... Elle ne craignait pas ça... Alors, elle continua de marcher, droit devant elle, déterminée.

Brusquement, elle leva le nez en l'air, ferma les yeux et, entrouvrant la bouche, inspira l'air glacé de la nuit. Il y avait une odeur inconnue, limite anormale. Une odeur de fumée... Intriguée par cette senteur inhabituelle, elle pivota, ses longs cheveux noirs flottants derrière elle. Avançant silencieusement sur le matelas blanc de fine eau gelée, elle se fit le plus discret possible, et suivit l'étrange odeur, guidée par son côté de Grahyena, qui était encore présent en elle. L'âme de la louve avait toujours une certaine influence sur le comportement de la Mizuhanienne, influence qui disparaîtrait petit à petit.

La guerrière tomba alors sur une espèce de campement pour le moins... étrange. Un feu de camp relativement basique et, à côté, une fille dormait, serrant un petit Pokémon dans ses bras. Elle frissonnait, couchée presque à même la neige, et la créature contre elle ne semblait pas en meilleur état. Tsubaki, cachait derrière un arbre, passa sa tête pour regarder. Cette fille... Elle était inconsciente ou quoi ?! Elle allait mourir de froid ici !! Alors que la jeune femme allait faire un pas en avant, pour aller l'aider, elle aperçut des yeux de braises, en face d'elle. S'arrêtant aussitôt, elle planta son regard dans celui de l'animal. Un chef la regardait, montrant ses crocs, l'avertissant qu'il valait mieux pour elle rester là où elle était. Sous un grognement sec, il s'avança doucement et prudemment vers le corps de la fille, et du foyer. Qu'est-ce que c'était que cette chose étrange, qui produisait du feu...? Les humains étaient donc si faibles que ça face au froid des forêts de Mizuhan ? Pfff, pauvre créature... Sous un grondement autoritaire, le reste de la meute de chiens noirs quitta le couvert des arbres pour s'approcher du duo endormi, et de leurs affaires. Ils cherchaient de la nourriture, quelque chose à se mettre sous les crocs : les Cerfrousse se faisaient rare, et les Keunotor ne pouvaient pas repaître toute la meute. Alors, ils se rabattaient sur tout ce qu'ils trouvaient d'à peu près mangeable. Entre la guerre et l'hiver, la saison allait être mortelle pour bon nombre d'entre eux... Autant assurer la survie de la majorité du groupe dés le départ...

L'esprit sombre et bestial de la fille du pays de l'Eau poussa un grognement rauque. Elle voulait se battre, les chasser de là... Elle voulait prouver son autorité à cette meute qu'elle ne jugeait pas digne de cette noble forêt. Après tout, ils s'approchaient d'un campement d'hommes, chose qu'un Pokémon sauvage seul ne fait qu'en cas d'extrême nécessité. Et là, ils étaient un bon nombre à rechercher le moindre reste à manger. Bande pitoyable ! Elle contracta ses muscles, voulant se jeter sur eux, par le biais du corps humain qu'elle maîtrisait très mal. Par réflexe, l'ancienne serveuse planta ses ongles dans l'écorce et se campa fermement dans la neige, cambrant son corps pour lutter contre elle-même. Elle siffla entre ses dents, des grognements lui échappant de temps à autre. Elle espérait intérieurement que la fille ne se réveillerait pas, ou ferait encore semblant de dormir, pour que les Malosse ne l'attaque pas... Et elle priait aussi pour ne pas se faire repérer par la meute. Ils devaient repartir le plus vite possible. Normalement, après leur tour du campement, s'ils ne dénichaient rien, ils s'en iraient. Enfin, c'est ce que Tsubaki imaginait...

[Yûn]

Malgré la couverture qui l'entourait, Yûn ne pouvait s'empêcher de grelotter. Ce froid mordant l'empêchait de dormir d'un sommeil réparateur. A ses côtés, elle sentait le petit corps endormi et frissonnant d'Uroko. Le dragon était tellement épuisé que le froid ne l'empêchait même plus de dormir. Ayant peur qu'il ne s'endorme à jamais, la jeune fille tenta de le réchauffer. Ses écailles bleues étaient glacées.
Ce fut à ce moment-là que le jeune fille entendit un bruit, qu'elle connaissait bien maintenant. Le blanc manteau neigeux venait de crisser. Elle pensa que ce n'était qu'une hallucination, mais, rapidement, elle se rendit compte que c'était bien réel. En effet, d'autres bruits de pas suivirent, et se rapprochaient. Suivirent des bruits de fouille. Mais qu'est-ce que c'était? Au bruit, 'ils' devaient être nombreux. Yûn ouvrit discrètement un oeil. Son coeur rata un battement, lorsqu'elle vit la scène qui se déroulait sous ses yeux.
Une meute entière de Malosse était en train de saccager le peu d'affaires qu'elle possédait. A vu d'oeil, ils semblaient être une douzaine, mais peut-être étaient-ils plus. Après tout, ils devaient certainement avoir en plus des femelles et des petits qui attendaient, plus loin. Quoi qu'il en soit, Uroko et elle n'avaient aucune chance de les faire partir. Autant faire comme si elle ne se rendait compte de rien, ils finiraient bien par partir...
L'un des chiens noirs dénicha les provisions qu'il leur restait. Aussitôt, comme attirés, les autres s'approchèrent, mais s'écartèrent pour laisser le chef de meute passer le premier. Ce dernier renifla longuement la trouvaille, et poussa un sourd grondement pour montrer sa satisfaction.
Il n'en fallut pas plus pour réveiller Uroko. Même endormi, il avait toujours ses sens en éveil. Il ouvrit brusquement les yeux. S'en rendant compte, Yûn resserra l'étreinte de ses bras.

*Non, Uroko! Je t'en prie, reste tranquille! On n'est pas de taille!*

Mais, voyant la meute, le Draby se dégagea prestement des bras de son amie, et s'avança. Il adopta aussitôt une posture d'intimidation, essayant de ne pas penser à la neige qui lui blessait les pattes. Pour se donner encore plus d'assurance, il activa Frénésie. Un léger halo orangé l'entoura, le dévoilant encore plus aux intrus.
Les prédateurs nocturnes se regardèrent, étonnés qu'un être aussi chétif veuille leur tenir tête. Le meneur poussa un aboiement qui ressemblait à un rire moqueur. Son attitude changea du tout au tout lorsque le dragon le percuta de son crâne dur comme la pierre. Le choc n'était pas très puissant, le Draby étant trop affaibli, mais il suffit pour mettre le Malosse hors de lui. Ce pokémon allait regretter son insolence!
Sur un grognement rapide, la meute des chiens sauvages l'encerclèrent. Un deuxième, et ils se jetèrent tous sur lui. Malgré sa Frénésie, dont la lumière orangée était de plus en plus intense du fait des attaques des Malosse, Uroko ne faisait vraiment pas le poids. Un coup de patte l'envoya voler jusqu'au niveau de la jeune fille. Ravi, le Malosse dominant poussa un hurlement de victoire, tandis que le reste des chiens noirs s'approchaient du duo sans plus aucune défense. Ce soir, ils mangeraient, en plus des maigres provisions qu'ils avaient trouvées, un Draby plus une jeune humaine.

[Tsubaki Mitsuki]

Elle observait toujours, cachée derrière les arbres. De petits grognements sourds s'échappaient de sa gorge, en un rythme saccadé. Elle ne devait pas se jeter dans l'action tout de suite, elle se ferait mettre au tapis rapidement. Elle devait avoir l'avantage de la surprise... Ou de la folie dévastatrice...

Le chef de la meute savait qu'elle était là, qu'elle n'avait pas bougé... Il pensait l'avoir remis à sa place d'un seul regard...? L'idiot ! Ah ah, s'il pensait cela, il pouvait y croire bien fort, ça ne se produirait pas... Non mais quelle bonne blague !! Elle, se faire remettre à sa place par ce vulgaire chiot ?! Fallait pas rêver non plus !!! Bon... Quand est-ce que cette idiote allait l'appeler ? Cette hôte du pays de l'eau avait besoin d'elle... Il suffisait d'attendre... D'attendre qu'elle comprenne que l'espèce humaine n'est capable de rien... Pas seule... Sincèrement, que pouvait-elle faire contre toute cette bande ? S'avancer et expliquer posément aux canidés qu'il ne fallait pas se battre ? Ah non, un détail !! elle ne parlait pas !! Encore moins le langage des loups et des chiens... Ah bah, elle n'allait pas aller bien loin avec elle...

Tsubaki sentait la créature s'agiter de plus en plus violemment. Elle n'allait bientôt plus se contrôler si les choses se poursuivaient à ce rythme... Elle ne contrôlait pas la deuxième âme qui l'habitait... Comment pouvait-on dominer une louve vouant une haine farouche aux hommes ? Surtout qu'elle n'avait plus aucune enveloppe charnelle... ... Non, la jeune Mitsuki était beaucoup trop faible pour ça... Peut-être qu'après tout, elle devrait laisser la Grahyena prendre le contrôle complet de son corps... Tout serait si simple si elle faisait ça...

Elle fut coupée dans ses réflexions par des jappements et des aboiements brefs. Elle reconcentra son attention sur la scène qui suivait. Elle remarqua le petit dragon salement blessé dans les bras de sa dresseuse, qui tentait de le protéger comme elle le pouvait. La meute s'approcha lentement de la demoiselle, poussant des grognements dans le but d'intimider leurs proies. S'en fut trop pour la Mizuhanienne...

Le chef de meute poussa un grondement plus sourd et plus puissant. Le groupe commençait à se déployer en demi-cercle, pour piéger la dresseuse étrangère au pays de l'Eau. Il voulait la pousser à reculer. De toute façon, si elle s'enfuyait, ils la rattraperaient tous bien vite. Le reste de la meute n'était pas loin. Il restait encore quelques femelles qui pouvaient la prendre en chasse avec eux. De toute façon, c'était ça, où ils ne mangeraient pas.

Le groupe continua d'avancer, formant presque un cercle autour de Yûn. Elle allait périr. Elle allait finir en dîner pour cette bande affamée. Un chasseur, visiblement jeune et inexpérimenté ne parvint plus à se contenir. Il avança de quelques pas et banda ses muscles pour se préparer à bondir. Alors qu'il allait s'élancer, il entendit un sifflement et tourna la tête. Il aperçut un éclair blanc et eut juste le temps de se jeter dans la neige pour éviter le couteau. La lame s'enfonça dans la neige jusqu'au manche.

l'Eveil de Miyuu~

Ils se retournèrent tous vers la coupable d'une telle attaque. La jeune femme se tenait droite et fier, une main posée sur le tronc de l'arbre. Ses ongles s'enfonçaient dans l'écorce, lui blessant le bout des doigts. Et un rictus carnassier tordait son visage dans une expression de démence. Le jeune chasseur se releva et s'ébroua, ôtant la neige de son pelage noir. Puis, il se tourna vers l'humaine et hérissa l'échine. Il aboya pour la menacer et se mit à courir vers elle pour lui sauter à la gorge. Calmement, la jeune femme fit un pas en avant, se campa fermement sur ses jambes et riva ses prunelles de rubis dans celles de braises du chiot. Celui-ci la regarda dans les yeux, en continuant à courir. Mais peu à peu, il ralentit... et finit par s'arrêter à quelques centimètres de l'humaine. Il commençait à gémir de peur... C'était quoi cette espèce de monstre, à la fois humain et non...? C'était pas normal ! On ne s'en prenait pas seul à une meute entière de Malosse, surtout si celle-ci est affamée. Et pourtant... Non... La Mizuhanienne dégageait une aura sombre, terrifiante. Une envie de force et de domination. Une envie de remettre à sa place ce groupe de canidés qui perdait toute notion de noblesse en agissant ainsi. Et surtout, une envie presque incontrôlable de sang, d'assouvir des pulsions sanglantes et meurtrières. Elle voulait mordre... griffer... tuer... aspirer la vie des autres... voir leurs âmes quitter leur pauvre corps trop faible pour lui résister. Oui... Elle voulait tout simplement faire un massacre...

Elle entendit le petit Pokémon gémir à ses pieds et le regarda. Il était couché sur le dos, pattes en l'air, se soumettant à elle. Il tenait donc tant que ça à la vie pour la désigner comme nouveau maître et abandonner son clan ? Ah ah !! Pitoyable...!! C'était tout bonnement pitoyable !! D'un geste vif, elle se courba et voulut le saisir à la gorge, pour le jeter au loin mais un jet de flammes la força à retirer sa main. Un aboiement sec et le jeune Pokémon se remit sur ses pattes pour venir se placer derrière son chef. Celui-ci s'avançait d'un pas raide et rapide vers la guerrière pour lui faire goûter à ses crocs. Il bondit pour lui attaquer le visage. Levant le bras gauche, elle le frappa dans les côtes. Poussant un cri de douleur, le Malosse tomba dans la neige et roula plusieurs fois dans la poudreuse. Il se releva en chancelant, sonné. Il recommença à marcher mais serra les crocs. Il avait mal... très mal... Qu'est ce qui lui arrivait, bon sang ?! D'un coup de poing, elle n'avait tout de même pas pu lui briser des côtes. Il remarqua alors que quelque chose de noir sortait du poing gauche fermé de cette effrontée. Il comprit. Elle l'avait frappé avec le manche en acier d'une de ses armes étranges qu'elle avait envoyé tout à l'heure. Elle était plus forte que la normale, sûrement à cause de son aura, mais elle avait frappé avec un objet, donnant encore plus de puissance au coup... C'était plutôt lâche... Néanmoins, il était encore vivant et pouvait marcher. Il s'en tirait bien...

Tsubaki rangea son couteau dans sa ceinture. Elle n'avait frappé qu'avec le manche, il pouvait s'estimer heureux de s'en être tiré sans qu'elle lui ait transpercé le ventre. Elle regarda le mâle Alpha et ce dernier hocha la tête. Elle poussa un grondement de satisfaction en voyant qu'il avait compris son intention d'un seul regard. Elle s'avança vers lui, ce dernier se dirigeant vers elle. A une bonne distance l'un de l'autre, ils se jaugèrent mutuellement... et commencèrent à se tourner autour. Le Malosse avait le pas un peu raide et boitait légèrement sur le côté droit. Tsubaki elle, se déplaçait avec une assurance et une souplesse inhumaine. Elle ressemblait à un fauve. Un fauve certain de sa prochaine victoire face à son adversaire qu'il se ferait un plaisir de soumettre. Ils continuèrent leur petit manège un long moment. Le reste de la meute s'était placée en cercle autour des deux rivaux. Mais aucun chasseur n'interviendrait. C'était un combat de chef, ils n'en avaient pas le droit. Alors, ils restaient assis, aux aguets, attendant une quelconque action.

Finalement, la jeune femme s'arrêta et s'avança d'une démarche rapide vers le canidé. Celui-ci bondit pour l'attaquer, mais elle le frappa de toute la force de son poing gauche dans les côtes, là où elle l'avait touché avant. Le Malosse tomba au sol mais se releva bien vite, crachant un déluge de flamme vers son adversaire. Tsubaki plaça ses bras devant elle en guise de protection, serrant les dents sous la douleur.

Mais c'était quoi ce corps au juste, pas foutu de résiter à des simples flammes ?! Sous sa forme originelle, elle n'aurait eu aucun mal à tenir le choc face à cette simple attaque. Et voilà que là, elle sentait une très légère odeur de chair brûlée... Au moins, ses sens n'avaient pas perdu d'intensité. Mais alors cette apparence, c'était autre chose... Elle était beaucoup trop vulnérable... Bah, qu'importe... Crever dans cette enveloppe charnelle ne la dérangerait pas, elle pourrait rejoindre l'éther et être enfin tranquille... Quoiqu'elle n'aurait pas pu se venger... Arf, dur choix... Bah, qu'importe... Elle ne mourrait pas... Pas de la patte de ce bâtard noir. Il n'était qu'un moins que rien celui-là...


Poussant un grondement de rage, elle baissa ses bras brûlés et, sortant un autre couteau, l'envoya droit sur la bête. La lame toucha l'épaule, frappant l'omoplate et resta fichée dans la chair. Le chien tomba dans la neige, et chercha à se relever. Mais sa blessure lui faisait trop mal et la faim lui ôtait toute force. Il gémit et, au bout de quelques secondes contre lui-même, resta couché dans la poudreuse, les yeux mi-clos, vaincu... Un hurlement victorieux retentit, quittant la gorge de la jeune femme.

Ah ah !! Elle avait gagné !! Elle avait vaincu cette stupide créature !! Elle avait droit à son dû maintenant : la meute entière, totalement soumise à sa domination... et le droit de vie ou de mort sur l'animal. D'un pas souple, mesuré, elle s'approcha, comme un fauve dangereux. Elle ressemblait à un bourreau mettant à mort un condamné... Un bourreau qui savourait pleinement la peur et la soumission de sa proie... Elle posa un genoux à terre, face à son ennemi. Elle retira le couteau d'un coup sec de la chair du Pokémon, lui arrachant un cri de douleur. Puis, tenant fermement le manche au creux de sa paume, elle leva haut la main, au-dessus du cou du canidé. Un rire sardique sortit de sa bouche... et elle abaissa sa main d'un coup sec.

*NOOOOOOOOOOOON !!!*

Raaaaaaah... Bordel, qu'est-ce-qu'elle avait celle-là ?! Elle pouvait pas la boucler ?! Le cri lui vrillait les tympans, ça faisait mal. Et en plus, elle n'avait pas pu finir de porter son coup. La pointe de l'acier était posée sur la gorge du Malosse. Mais le sang ne coulait pas à flots, l'arme n'avait pas tranché le fil de la vie... Et ses prunelles oscillaient entre le bleu azuré et le rouge sanglant...

Un oeil couleur de sang, l'autre couleur océan, la bête en pleine lutte contre l'humaine. Voilà ce qui se passait dans le corps de Tsubaki. Son iris de femme rencontra celle de braise du Malosse blessé. D'un regard désolé, elle lui demanda des excuses et de filer en vitesse. Elle ne savait pas pour combien de temps elle tiendrait encore en constante lutte avec elle-même. Le chiot au pelage sombre se redressa comme elle put et lança un aboiement clair : il fallait fuir, et vite. Emportant les vivres de Yûn, ils filèrent tous le plus loin possible de ces êtres si étranges et si peu normaux...

La jeune Mizuhanienne s'écroula dans la neige, ses yeux changeant sans cesse de couleur. Elle haletait, le souffle court. Elle était faible, blessée et affamée. Comment pouvait-elle survivre dans ses conditions ? Pourtant, à côté d'elle, une fille... Une fille qui restait là, pétrifiée. Pourquoi est-ce qu'elle ne bougeait pas...? Bonne question... Finalement, dans un dernier soupir, la louve s'évanouit, laissant un corps dans un pitoyable état à son colocataire humain.

Tsubaki rouvrit un oeil, parfaitement limpide... et pourtant, la lueur de vie au fond de son regard était faible, très faible... trop faible... Mais... elle ne devait pas abandonner... Elle se redressa, s'appuyant sur ses coudes pour tenter de se remettre debout... Elle parvint à se mettre assise et secoua la tête, des flocons tombant de ses longs cheveux noirs. Tremblante et hésitante, elle leva la main et pointa son index sur le petit Draby dans les bras de la Terrosienne. En voyant qu'ils tremblaient, elle fouilla dans son sac et en trouva une couverture, qu'elle leur tendit en détournant le regard. Elle était honteuse. Honteuse de son comportement... de se laisser dominer par son côté bestial... D'être une créature si peu humaine... Elle attendait n'importe quoi de la demoiselle face à elle. Qu'elle se lève et parte... qu'elle parle... N'importe quoi...

[Yûn]

Tout s'était déroulé rapidement. A l'instant où Yûn se croyait perdue, une jeune femme aux cheveux noirs avait surgit d'entre les arbres. Et il ne lui avait pas fallut plus de dix minutes pour vaincre le Malosse dominant, et chasser la meute qui l'accompagnait.
Mais, était-elle réellement humaine? Pendant son combat, elle avait dégagé une telle aura d'assurance meurtrière... Et l'on aurait dit qu'elle prenait un malin plaisir à l'idée de tuer le chien nocturne. Ce n'était même plus tuer de sang-froid, c'était carrément jouer avec la mort!
Pourtant, elle n'avait pas achevé son 'oeuvre', quelque chose l'avait empêchée d'enfoncer la lame luisante du couteau dans la jugulaire du Malosse. Et quand elle s'était tournée vers elle, Yûn avait pu remarquer que ses yeux changaient de couleur, lutte silencieuse, le bleu mer prenant peu à peu le pas sur le rouge meurtrier de ses iris. De plus, elle semblait maintenant calmée, et paraissait même avoir honte de ce qui venait de se produire, lui offrant cette couverture comme pour se faire pardonner.
Maintenant, un silence oppressant régnait sur le campement improvisé. La Terrosienne en profita pour examiner son dragon. Il avait quelques hématomes, mais rien de bien grave. Après tout, il avait voulu jouer les braves alors qu'il tenait à peine sur ses pattes, pas étonnant qu'il se soit fait repoussé en quelques attaques.
Non, vraiment, celle qui l'inquiétait le plus, c'était cette jeune femme qui les avait sauvés. Elle restait assise, la neige ne semblant pas la déranger plus que cela. Le Draby dans les bras, Yûn s'approcha. De près, elle semblait être du même âge qu'elle.

"Je... Je voulais... Enfin... Merci de nous avoir sauvés."

La jeune fille remarqua alors que les bras de la Mizuhanienne étaient brûlés, laissant voir la chair roussie. Elle se rappela qu'elle avait effectivement été touchée par le Lance-Flamme du mâle dominant. Même si elle avait semblé ne pas s'en rendre compte durant son affrontement, ses plaies devaient la faire souffrir maintenant.
Yûn se retourna pour prendre son sac. Il était bien plus léger, à présent. Les chiens noirs ne lui avaient rien laissé qui soit comestible... Après l'avoir fouillé, elle sortit quelques bandes de tissu. Revenant vers sa 'sauveuse', elle lui prit les bras, et entreprit de la soigner, ou du moins à en atténuer la douleur et empêcher que la chair ne pourrisse au contact de l'humidité de l'air.

"On va dire que c'est ma façon de te remercier."

[Tsubaki Mitsuki]

Elle observait la jeune demoiselle face à elle. Elle avait pris soin de son petit dragon, et elle avait eu raison. Il valait mieux s'occuper d'un Pokémon comme lui, surtout vu le lieu où ils se trouvaient. Une créature de son espèce, blessé et sans entraînement particulier ne pouvait pas résister trop longtemps au froid et à la neige des terres de Mizuhan. Il fallait être très prudent dans ces cas-là...

La jeune femme venue du pays de l'eau continua de réfléchir, se demandant ce qu'elle pouvait bien faire. Elle ne pouvait pas laisser le pauvre duo ici tout seul... Pas dans l'état actuel des choses. Mais... elle pouvait faire quoi d'autre ? Elle poussa un soupir, cherchant en vain une réponse... Brusquement, elle entendit son estomac criait famine. Avec toute l'énergie que lui avait pris son hôte, elle avait grand besoin de manger... Mais.. est-ce-qu'il lui restait des vivres ? Se relevant en chancelant, elle retourna derrière l'arbre où elle s'était cachée récupérant sa sacoche de cuir. Elle la ramena vers le petit campement et reprit sa place initiale. En fouillant, elle découvrit d'autres couvertures et quelques fruits, encore en bon état. Ca ne suffirait pas à Tsubaki, mais ça lui tiendrait un peu au ventre, le temps qu'elle trouve autre chose. Elle regarda toute la nourriture qu'elle avait... et en tendit les deux tiers à Yûn pour son Draby et elle. Elle mangea sa propre part et soupira, éteignant le brasier en jetant de la neige et de la terre dessus, pour humidifier le bois. Il ne fallait pas alerter leur présence plus que ça... Et elle se laissa doucement aller à sa rêverie, somnolant à moitié.

Elle était fatiguée... Mais elle devait pourtant rester là... Pour veiller. Pour être sûre qu'aucun Pokémon ne reviendrait. Et pourtant, voilà qu'elle s'endormait, assise dans la neige, genoux contre la poitrine, ses bras blessés posés dessus. Et ses paupières se fermaient sur ses iris azurées, sans qu'elle ne puisse lutter contre la torpeur qui lui engourdissait le corps. Elle étouffa un bâillement... et ne résistant pas à la tentation, posa sa tête sur ses bras, ses mèches noires tombant dans la neige.

Elle se redressa subitement en sentant quelque chose sur ses bras meurtris par les flammes. Elle aperçut alors Yûn en train de s'approcher pour la soigner. Elle avait déjà posé une bande de tissu sur sa peau. Tsubaki écarquilla les yeux et la dévisagea avec stupéfaction, un sentiment d'appréhension et de peur terrait au fond de son regard. Elle frémit violement mais ne bougea pas outre mesure. Au bout de quelques minutes, elle finit par détourner la tête, mais tendit son bras, pour faciliter la tâche à la Terrosienne. Elle se laissa faire, contenant comme elle put ses tremblements instinctifs de crainte.

Au bout de quelques minutes, les bras de la jeune femme étaient protégés de l'humidité et des infections. La dresseuse se mit à parler, ce qui surprit fortement la guerrière. Elle... la remerciait en la soignant ?... Pourquoi...? Pourquoi la soigner ? Pourquoi faire ça pour elle...? Elle observa les morceaux de tissus blancs qui recouvraient ses blessures. Ils n'étaient pas trop serrés, pour ne pas couper la circulation du sang, mais ils tiendraient un bon moment. Elle regarda la demoiselle face à elle, son visage montrant toujours sa surprise. Finalement, elle esquissa un très faible sourire, et hocha la tête, remerciant Yûn pour son geste.

La nuit avançait toujours, inconsciente des évènements qui se déroulaient lors de sa course. Il restait encore un bon moment avant que le jour ne se lève. Mais avec tout ce qui c'était passé, il valait mieux se reposer. La Mizuhanienne se leva sur ses jambes chancelantes et s'approcha des connifères. Après une douce caresse à l'arbre, elle choisit les branches les plus frêles et les brisa d'un coup sec. Dés que le bois craquait, elle se sentait trembler. Mais elle se répétait sans cesse que c'était les pousses les plus fragiles, qui n'auraient pas supporté le poids de la neige. Une fois qu'elle eut récupéré assez de branchages, elle s'approcha du campement, et les jeta pêle-mêle dans la neige. Puis, elle les recouvrit d'une grande couverture qu'elle replia en deux. Suite à cela, elle invita Yûn à s'installer sur le matelas improvisé. Au moins, comme ça, elle serait un peu mieux protégée de la neige. Elle la laissa faire, commençant à ranger ses propres affaires, nettoyant les armes dont elle s'était servi contre la bande de Malosse. Une fois celà fait, elle se retourna, toutes ses couvertures en main. Elle vit que la jeune demoiselle n'avait pas tardé à s'endormir, son Draby contre elle.

S'approchant, Tsubaki les recouvrit de toutes ses couvertures restantes, pour les aider à se réchauffer. Elle laissait le moins d'air froid possible pénétrer sous le tissu. Ses gestes étaient attentionnés et précis. Assez surprenant, quand on pensait qu'il y a à peine une demie-heure, elle était à deux doigts de tuer avec un plaisir sans nom le mâle Alpha de toute une meute. Elle retint un soupir et une fois sûre que la Terrosienne et son Pokémon auraient moins froid, elle s'assit dans la neige derrière elle. Genoux contre sa poitrine, bras croisés dessus, elle observait avec une attention particulière la respiration lente et calme de la dresseuse. Elle ne savait pas pourquoi elle agissait comme ça, vis-à-vis de cette inconnue, dont elle ne connaissait même pas le nom. Cependant, elle se souvenait qu'elle avait agi exactement de la même manière avec les filles du bar où elle avait été recueillie. Oui... Elle les avait toutes défendues. Et là, elle reproduisait ce même comportement. Levant la tête vers le ciel, elle observa l'astre d'Argent, qui contemplait le Monde de son Oeil unique. Tsubaki inspira à fond une bouffée d'air frais. Puis, elle regarda les étoiles qui parsemaient le ciel de petites perles cristallines. C'était un spectacle magnifique. Son coeur se gorgea de tristesse à cette vue. La mélancolie d'une louve séparée de toute sa meute. Un fier animal qui exprime toute la beauté de la nature par son hurlement. Fermant les yeux, pointant le nez vers le ciel, elle laissa un doux gémissement quitter sa gorge. Cette tristesse... n'était pas que la sienne, mais celle de sa conjointe, celle de la louve qui vivait dans son corps. Cette dernière était bien en peine en cette nuit de pleine Lune. Tsubaki la laissa clamer sa douleur à la nuit, au travers de sa gorge, jusqu'à ce qu'elle tombe d'épuisement. Il faut dire qu'elle avait bien combattu aujourd'hui. Et prendre possession d'un corps entier, sans pour autant le maîtriser, demandait beaucoup de concentration. Une fois calmée, Miyuu se retira déinitivement pour la nuit, laissant son hôte tranquille.

La Mizuhanienne observa une dernière fois Yûn. Puis, elle soupira et posa son menton sur ses bras et garda les yeux ouverts. Elle garderait l'endroit. Elle ne s'endormirait pas. Elle resterait fidèle à son post. Elle protégerait la demoiselle de Terros qui l'avait soigné. Oui, elle serait avec elle, au moins jusqu'à ce qu'elle finisse de traverser Mizuhan. Elle serait une gardienne loyale et elle ne laisserait pas la dresseuse tomber. Elle serait comme une louve... Une louve protégeant ses petits... n'abandonnant son poste qu'à la mort...

[Fini]

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