[ Clos ] Non, je ne regrette rien [Solo]

[Eeva Slanzar]

Un bruit de verre brisé et un soupir se firent entendre. C’était le cinquième.

« Laisse, je vais le faire... »

Eeva roula le torchon en boule et le jeta sur la table, puis sortit de la maison. Dans la Serre d’Été, la “vallée”, tout était paisible. En son absence , Hellébore et Benji s’étaient occupés de tout. Le jardin était beau, la plaine aussi, qui s’étendait entre le portail et la rivière, qui scindait le dôme en deux. L’autre partie, la Vallée, était composée d’un bois, d’une plage, d’une zone d’eau profonde et d’une moyenne montagne. Le passage qui reliait la Serre d’Été à la Serre d’Hiver était un passage un peu spécial, elle avait planté des fleurs géantes et ramené de loin une formation cristalline dont elle avait fait une petite voûte, un tunnel cristallin à traverser. De l’autre côté, une forêt de cristal laissait lentement place à un bois enneigé, puis une prairie. Un lac se trouvait au centre et une pierre flottante, identique à celles qu’on trouvait en Teikei s'était trouvé là lors de la construction de son domaine. Eeva y avait fait construire son chalet. Grâce aux nombreux Morphéo qu’elle avait capturé, les biomes se maintenaient parfaitement.


La rousse se prit la tête dans les mains. Depuis son retour, elle n’était plus elle-même et le savait bien. Les matches avaient été suspendus le temps de sa convalescence, mais quelque chose s'était brisé, comme si son feu intérieur s’était éteint. Eeva se leva brusquement, ouvrit brutalement la porte, monta quatre à quatre l’escalier qui menait à l’étage et alla dans sa chambre et se changea. Elle choisit sa tenue de voyage fétiche, composée de pièces compliquées, une chemise rayée, des manches bleues, de multiples lanières de cuir, un veste asymétrique, des mitaines en cuir, un pantalon brun foncé en cuir et des bottes en Cerfrousse. Avec son attirail et sa pochette, elle avait le principal sur elle. Elle sortit en trombe, passa devant le meuble à l’entrée et prit à la volée des Pokéball, puis claqua la porte. Elle mit un certain temps à trouver tous ses Pokémon et au moment où elle fermait le portail, une voix derrière elle la surprit:

« Tu essayes déjà de me semer ?. »
« Uru. Qu’est-ce que tu veux ? »

« Ce n’est pas très gentil de m'accueillir comme ça, je ne l’ai pas mérité. »
« Non ? »
« Je suis partie à ta recherche. »
« En prenant bien soin de ne pas te laisser apercevoir par le Jolly Roger... »

Uru laissa échapper un rire amusé.

«  Si tu avais vu l’état du Jolly Roger, tu penserai que j’ai bien fait. »
« Tu l’a ramené ? Avant ou après avoir vidé les cales ? »

Uru ne lui répondit pas, mais se contenta d’un large sourire.

« Bon d’accord. j’espérais te suivre jusqu’à une certaine île, mais ce n’étais visiblement pas dans ses plans… Où alors, ton mec l’en a empêché. »
« Et alors ? »
« … Ca ne t’intéresse vraiment plus. »
« De quoi ? Mourir de faim pendant des mois, souffrir de la deshydratation, les maladies, les infections, éventuellement la prison ? Je devrais plutôt dire, la mise à mort vu notre palmarès.
Pas vraiment non. Cette vie me convient. »
« vraiment ? Toi qui ne tiens jamais en place, qui déteste vivre entre quatre murs ? Je te parles de l’aventure, d’une vie libre. D’un horizon sans barrière !  »
« Tu veux dire, avoir a manger tous les jours, de l’eau potable aussi, de quoi se soigner, ne pas risquer de mourir d’un coup de couteau dans le dos ou en essayant juste de survivre, avoir des médicaments sans devoirs les braquer et ne pas finir au bout d’une corde ? Mes quatre murs… J’ai quelques obligations, mais je suis libre de faire ce que je veux et je ne manque pas d’aventures non plus. »
« Tu n’étais pas comme ça il y a dix ans. Je ne crois pas que faire maigrir un dindon obèse soit une grande aventure. »
« Sauf s’il essaye de te mordre avec ses trois têtes. JE ne sais pas a quel moment ça a changé, mais en jouant à la Championne, j’ai fini par en devenir une. J’ai eu tort de garder ce confort de vie, alors que tout l’équipage est mort d’avoir voulu rester dans un horizon sans barrière ? »
« Presque tout l’équipage. Je ne suis pas morte. »
« Hm ! Tu as abandonné le navire quand tu as senti que le vent tournait, en quoi ce que j’ai fais est différent ? »
« Ca ne l’est pas, c’est bien ça le problème. »
« Comme tu l’as dit, ça fait dix ans. L’eau a coulé sous les ponts Uru, ne t’attends pas à ce que je revienne en arrière. »
« Alors j’ai quelque chose pour toi, ça devrait te plaire. »



Juchée sur un Beldeneige, Pokémon des plus intéressant car récemment découvert, Eeva songeait qu’il ne ressemblait pas au genre de Pokémon que pouvait affectionner Uru. Elles volaient depuis un moment, Uru sur son papillon et elle-même sur Dictame, la meilleure monture dont elle disposait. Uru l’emmenait vers la côte sud, dans la forêt enneigée et lui fit faire un détour lorsque celle-ci fut atteinte. Trouvant une corniche d’où elle sauta du dos de son Beldeneige, Eeva eut plus de mal à l’imiter. Elle n’était pas tout à fait remise et la corniche était étroite. Uru l’emmenait vers une étroite caverne. Eeva fronça les sourcils, elle pensait savoir où Uru l’emmenait…

«  Ca ne serait pas le Sillage Dokurogu ? »
« Tu connais ? »
« Oui. Qu’est-ce qu’il y a de si intéressant ici ? »
« Tu vas voir. »

Elle vit. Après une longue marche, protégées avec leur masque des émanations toxiques, une horde de lézards noirs. Parmi eux, un était plus gros que les autres, avec un peu de violet sur le corps.

« Le gros, c’est une femelle et il crache du feu. »
«  C’est pour ça que tu m’as emmenée jusqu’ici ? »
« Il crache aussi du poison… En fait, je me suis qu’un Pokémon dont seul les femelles évoluent pourrait t’intéresser. »

Elle n’avait pas tort, c’était effectivement le genre de cas qui l’intéressait. Mais les agissements d’Uru étaient bizarres…

«  Dis moi pourquoi tu m’éloignes de ma pension pour m’emmener voir un Pokémon que tu aurais pu m'emmener ? Tu ne voulais pas tomber sur Peter, ou du moins qu’il puisse apprendre, d’une manière ou d’une autre, ce que tu as à me dire. »
« Tu ne te rends pas compte. »
« De quoi ? »
« Des risques que tu prends. Ça ne date pas de ta désertion, depuis que tu es avec lui, tu te mets en danger. Je ne parles pas d’une escapade un peu agitée, mais compte le nombre de fois où tu aurais pu y rester, ça a commencé avec les braconniers de pleine mer, puis le Noctunoir, les Méga-Pokémon, cette course ridicule à Tenkei, Je ne devrais même pas te rappeler Volcanion -il est au courant au moins ?-  et l’Exagide… Sans lui tu te serais rendu compte bien avant du danger, et c’est de pire en pire, ce sera quoi la prochaine fois ?

Plus ça va et plus c’est grave, il t’as complètement endormi le cerveau. Tu prétends être libre malgré des obligations, mais tu ne fais que te montrer conciliante avec ce que lui ne veux pas que tu fasses. L’Exagide n’aurait pas esayé de te tuer s’il n’avait pas été là, et tu le sais très bien. Laisse-le tomber Eeva, tu perd bien plus avec ce type que tu ne l’imagine, il te gâche ta vie. Je ne pense pas avoir besoin de te rappeler ce que tu as déjà perdu. »

« Arrête ça tout de suite. Je vois que tu as mis ces dix ans à profit… Depuis quand tu es jalouse Uru ? »
« Je ne le laisserai pas faire, sache-le. »

Uru et Eeva se dévisagèrent.

« Je parie que tu n’as jamais utilisé la Clef que je t’ai donnée. »
« Tu veux nous séparer hein ? »
« Essaye-là au moins. »

Eeva savait qu’elle n’obtiendrait rien de plus si elle persistait. Uru avait quelque chose qu’elle voulait et elle le savait. Elle était en position de force. Mais elle connaissait son ancienne compagne par coeur alors qu’elle-même avait bien changé depuis. Elle savait quoi faire pour lui faire cracher le morceau.

« Prends ton Motisma. »

Uru avait-elle remarqué la présence de sa Pokéball en particulier ? Elle savait en tout cas.

Eeva sortit son Motisma. Le Pokémon était ravi d’être de sortie. Il était l’une des fierté d’Eeva, car c’était une espèce rare et c’était elle qui l’avait découvert et capturé le premier spécimen. Personne d’autre sur Erasia avant elle, n’avait jamais vu ou capturé de Motisma. Ce n’était peut-être pas si étonnant, à l’époque, on ne le trouvait que dans le Marais Brumeux.

« Prends celui-là, c’est une femelle. »
« Comment tu le sais ? »

Uru se contenta d’un sourire moqueur. Agacée, Eeva sortit la Clef Secrète qu’elle portait toujours à son cou. Uru attendait les bras croisés, confiante… La rousse mit la Clef en contact du Pokémon qui se mit à faire un drôle de bruit. Son plasma changea alors de couleur, passant dy cyan au vert. Les sourcils froncés, Eeva se demandait quels changements venait de subir Actée…

Elle attendit que le petit Tritox se sépare de son groupe pour y envoyer le Spectre. Il commença par paralyser le triton dans un Cage-Éclair, tout en sourdine, puis le rendit confus d’une Onde Folie. Pour l’instant, le triton était dans l’incapacité de se défendre. Mais Eeva ne voyait toujours pas ce qui avait changé.  Ce n’est que lorsqu'une tempête de feuilles envahit l’espace qu’elle comprit. Tempête Verte ! Incertaine, Eeva regarda la Clef qu’elle tenait dans la main. Avait-elle le pouvoir de faire changer le type, où l’un des deux pour le Type Plante ? C’était bizarre. Mais cela tombait sur le plus mauvais adversaire qui soit -d’un point de vue du Type bien sûr… la Chercheur eut sa réponse, dès que le Tritox répliqua avec ses flammes : Actée se mit à brûler aussitôt. Il avait donc bien pris le Type Plante, mais au profit duquel des deux autres ?

Eeva n’avait pas l’intention de faire durer le combat, quoi qu’en dise Uru, elle était prudente. La grotte était pleine de Tritox et d’un Malamandre. Eeva savait qu’en infériorité numérique, il valait mieux la jouer profil bas. La petite créature était toujours confuse et paralysée et elle n’aurait pas de meilleure opportunité, elle décrocha une Pokéball vide -qu’elle avait toujours sur elle au cas où-.

La Pokéball fusa et elle ne trembla même pas, comme elles le faisaient toutes en général. Eeva rappela le Motisma et suivit Uru hors de la grotte. Celle-ci avait déjà sorti son Beldeneige. Une tempête de neige s’était levée, et la forêt ne pouvait les en protéger. Dictame ne pourrait pas lutter contre la force du vent. Uru la regardait avec un petit sourire en coin, parfaitement insupportable, comme si elle savait exactement à quoi elle pensait. Ce qui était probablement le cas, elle avait l’air de connaître beaucoup plus de choses sur elle qu’elle ne le pensait. Plus qu’elle ne l’aurait voulu. Une idée germa dans son esprit, quand elle remit la Clef Secrète autour de son cou. Etait-il possible ? Elle avait un autre objet étrange du même genre...
Un petit objet rond et plat.

La scientifique fit sortir Zero, observant la réaction d’uru qui, comme elle l’avait pensé, ne fut absolument pas surprise. Cette dernière s’installa sur son papillon.

«  Tu devrais lui trouver un autre nom, il est quand même un peu plus, qu’une chose impossible. »

La chimère pencha sa lourde tête sans comprendre. Eeva, elle avait compris. Uru s’éloigna, et disparut rapidement dans la tempête de neige. Ses visites lui laissaient toujours une impression désagréable. Elle ne la laissait jamais indifférente et Uru le savait pertinemment. Zero était content, il agitait sa drôle de queue de droite à gauche. Il posa sa lourde tête sur Eeva qui lui rendit son geste en passant sa main dans sa fourrure.

« Elle t’aime bien. Et toi, tu l’aimes bien ? » Zero répliqua en donnant un gros coup de tête qui lui laisserait sûrement un bel hématome. « Tu sais que sans toi, je ne serais plus avec Peter depuis longtemps ? » dit-elle en caressant la fourrure de la chimère. « Uru ne le sait pas, j’en suis sûre. Elle cherche à nous séparer, mais elle veut que ça vienne de moi…
Elle a raison. »

Eeva soupira et son souffle gela dans la tempête. Suivant son idée, Eeva sortit d’une poche l’objet en forme de disque. A ce moment, Zero, au comble du bonheur de se sentir aussi important pour les deux personnes qu’il chérissait le plus, émit une lumière d’une intensité incroyable. Aveuglée par cette blancheur, intensifiée par la neige, Eeva ferma complètement les yeux, mais eut la bonne idée de reculer vivement en entendant deux “clong” sonores. La lumière s’éteignit et la rousse ouvrit les yeux en les plissant. la tête, ou plutôt le masque de la chimère était ouvert en deux au sol et… Le Pokémon se tenait devant elle et il était la plus belle chose qu’elle n’avait jamais vue. Sa fourrure était d’un blanc éclatant et elle voyait pour la première fois son visage. Il avait un air de Suicune : il avait une tête tantôt féline, tantôt canine, élégante et sa grande crête arborait à présent de grandes plumes immaculées. Il bougea ses oreilles triangulaires vers elle et Eeva ne put s’empêcher de lui toucher le visage. sa queue aussi avait changé, passant d’une membrane grise à blanche. Elle mit le disque en contact de la créature et comme pour le Motisma, elle nota un changement infime, ses yeux passèrent du gris au bleu glace.

Dans ce changement, Eeva vit naître une théorie, ces deux objets pouvaient faire changer le type du Pokémon, en fonction de son environnement, sans provoquer d’évolution. La forêt avait octroyé à Actée le type plante, la tempête de neige, le Type Glace. En regardant sa créature, Eeva voyait tout sous un jour nouveau. Il était temps d’avancer.

Elle grimpa sur le dos de la créature :

« Ramènes-nous à la maison, Hope. »