[ Clos ] Retrouvailles, cette fois-ci au calme [Nina]

[Kajin' Nezumi]

Kajin' venait de terminer l'entraînement. Depuis qu'elle avait temporairement emménagé, avec toute sa clique, chez Asaka, la championne l'aidait à se remettre en forme. Même si les médecins poursuivaient de lui déconseiller des efforts trop intenses, c'était le moment pour elle de réactiver ses jambes si elle ne voulait pas avoir de mauvaise surprise. Alors, avec ses Pokémon, elle faisait des séances d'exercice. Elle entraînait surtout les deux derniers, Isei et Rakurai, dont la puissance laissait à désirer. Elle les considérait toujours comme des petits êtres fragiles, alors que ça n'était plus forcément le cas. Surtout pour l'Anorith qui semblait témoigner d'une furieuse envie de devenir plus fort. Elle passait des journées entières à tout faire pour se remettre en forme, ce qui lui semblait primordial. Dorénavant, elle arrivait à marcher, bien qu'ayant toujours besoin d'une canne pour se soutenir. Warai aussi avait également réappris à voler, essayant de passer outre son léger manque de stabilité, et sa tendance à pencher vers la gauche. Ils faisaient tous un maximum d'efforts et se donnaient à fond, suant eau et sang pour progresser. Un système de rotation c'était cependant instauré. On ne laissait jamais Logan seul et l'un des membres de l'équipe le gardait. Chaque jour, il changeait. Tous ensemble, ils apprenaient.

La jeune femme se dirigea vers la salle d'eau, pour se laver. Ses jambes étaient douloureuses mais elle essayait de ne pas y prêter attention. Elle se rinça abondamment, savourant l'eau fraîche sur son corps endolori. Une fois bien propre, elle partit récupérer son fils, qui était sous la garde de Sekei. Le Kaïminus semblait s'être un peu plus ouvert avec l'arrivée d'un nouveau membre de la famille. Même s'il le cachait au reste du monde, il se comportait comme un grand frère ou une sorte de papa poule, veillant à ce que l'enfant aille bien et le faisant rire dès que l'occasion se présentait. Néanmoins, sa fierté l'empêchait de s'exposer ainsi en public.

La jeune mère récupéra son fils, qu'elle allaita tranquillement, tandis que la plupart des Pokémon s'installaient pour dormir. Ils s’accommodaient de ce train de vie plutôt éprouvant, sans rechigner. Ils savaient tous pourquoi ils faisaient ça.

Mais la guerrière voulait repousser un peu ses limites. Elle attacha son fils dans une sorte de grenouillère, afin de pouvoir le porter sans l'avoir dans les bras et, prenant sa canne, elle sortit. Elle avait besoin de marcher, d'exercer ses jambes si elle voulait être au top de sa forme plus tard. Alors elle faisait une visite guidée à son fils. Sekei décida de l'accompagner, puisqu'il ne s'était pas entraîné aujourd'hui. Quant aux autres, ils ne se faisaient pas de souci. Hogosha et Kajin' avaient développé un lien assez fort pour qu'elle puisse mentalement l'appeler si jamais il y avait un problème.

Asaka avait dû abandonner l'entraînement plus tôt, à cause de l'arrivée d'un challenger et la dresseuse se demandait comment son hôte s'en était sortie. Elle lui devait tellement... Elles devraient d'ailleurs s'affronter un jour, mais pas immédiatement, elle devait apprendre à parer les attaques de la championne, qui connaissait aussi la stratégie de la mère. Elle verrait ce qu'elle ferait le moment venu. Pour le moment, elle ne faisait que marcher.

Alors qu'elle parlait tendrement à son fils, elle sentit Sekei buter contre sa jambe. Elle releva la tête et découvrit, avec grande stupeur...

« Nina ?! »

Qu'est-ce qu'elle faisait là ? La jeune femme ne pensait pas que son amie faisait les arènes. Ou alors elle avait oublié. Elle n'en savait rien. Quoiqu'il en soit, elle était plutôt surprise de la revoir et surtout, assez contente. A dire vrai, en y repensant, la fin de son épreuve ne s'était pas si bien passée que ça puisqu'elle avait été attaquée après avoir quitté Nina. Ensuite... Eh bien ensuite...

« Comment vas-tu ? Tu étais ici pour le badge ? Oh, je te présente Logan, il est venu au monde lors de la nuit des étoiles filantes. Ca fait du bien de te croiser sans que ce soit pour se jeter dessus et se battre ! »

Elle eut un léger rire, plutôt de bonne humeur. Même si elle se sentait faiblir, elle avait retrouvé son amie et voulait lui parler un peu. Après tout, elles avaient le temps non ?

[Nina Wang]

Les jours qui avaient précédé celui qui avait vu la Mizuhanienne remporter son septième badge d’arène avaient tous été remplis et agités. Entre les épreuves des challengers, la venue de Jirachi et la naissance d’un nouvel Evoli chez elle, à Fla’Or, elle avait été fort occupée… Et elle espérait de tout cœur qu’elle aurait rapidement un moment à elle pour aller voir la petite boule de poils (une femelle, selon la lettre qu’elle avait reçue) : si elle ne trouvait pas le temps de faire le voyage jusqu’à sa contrée, elle demanderait à Sergei de faire parvenir la Ball du bébé Pokémon jusqu’à elle, histoire que Genki puisse au moins faire connaissance avec sa fille. Mais pour l’heure, la pause n’était pas à l’ordre du jour…

En effet, Nina avait tout juste pu sortir du bâtiment de l’arène avant de tomber « bête à bête » avec Lehna Fran, sa cousine germaine… Et celle qui avait eu le doux rêve de ramener l’héritière sur le trône de Mizuhan. La drôle de comédie que l’aînée avait jouée n’avait, évidemment, pas marché, et Nina, sans plus de manières, l’avait tout simplement plantée là, la laissant avec ses désillusions et sa frustration, tout en se jurant qu’elle la reverrait un jour, ne serait-ce que pour lui apprendre à contrôler son propre pouvoir, car le colonel avait lu en elle comme dans un livre ouvert (avec un mélange de gêne et de pitié), et nul doute que Sifuru, mère de la cadette et tante de l’aînée, n’hésitait pas à se servir de cette parfaite maîtrise de leur don ancestral pour jouer avec sa nièce. Lehna pensait sans doute manipuler la Reine, mais Nina était convaincue que celle qui tirait les ficelles n’était pas la pauvre femme qui avait été envoyée chasser la fille du major… Et puis, après tout, ce n’était pas ses affaires.

Avec tout ça, la guerrière de l’Eau avait totalement oublié la pauvre Nidoqueen de Kajin’, qu’elle avait demandé à récupérer. Si elle l’avait saluée avant d’entrer dans l’arène d’Asaka, elle avait, par la suite, omis d’interroger la championne sur la propriétaire de la créature, à savoir son amie nalcienne, qu’elle avait revue peu de temps auparavant pour lui faire passer son épreuve de Maître des lames ; à ce moment-là, l’élève était encore enceinte, ce qui avait étonné le colonel, qui avait songé aux perturbations temporelles en tant qu’explication de ce phénomène troublant. Son enfant devait probablement être né, à présent, et même si Nina ignorait où se trouvait Kajin’ actuellement, elle nourrissait l’espoir d’obtenir des informations à son sujet auprès de la Championne aux Oiseaux. Son poste et sa réputation de Furie d’Alfen devaient probablement lui conférer le droit de savoir à peu près tout ce qui se passait dans la capitale du Vent, et si la jeune amie de Nina y était passée… D’autant plus que la fille du major soupçonnait Kajin’ d’être bien plus qu’une simple guerrière native de Nalcia. La mélodie qu’elles avaient entendue ensemble, la découverte des origines de Nina, l’apparition d’un homme à la fois mystérieux et entouré d’une aura régalienne, sur le champ de bataille… Tout ceci faisait beaucoup de coïncidences pour que le colonel veuille bien croire à un coup du sort, et si sa cadette était bien un important membre de la famille royale, il y avait fort à parier que celle qui tenait Alfen dans le creux de sa main pourrait la renseigner.

En lâchant un bref soupir, et en essayant de remettre de l’ordre dans ses pensées, Nina se dirigea donc de nouveau vers l’arène, d’un pas rapide. Elle voulut ensuite pénétrer dans le grand bâtiment, une fois arrivée devant, mais elle se figea soudain, comprenant qu’elle n’aurait finalement pas besoin de déranger une nouvelle fois la championne des lieux.

Devant elle, l’adolescente qu’elle cherchait à retrouver s’était immobilisée, elle aussi, tout comme Sekei, le petit Kaïminus qui l’accompagnait toujours. Mais surtout, confortablement installé dans une sorte de tissu servant à le soutenir sur le ventre de sa mère, un bébé fixait Nina avec de grands yeux curieux. Ah oui, effectivement, il était né, et depuis au moins quelques semaines. La guerrière de l’Eau n’y connaissait pas grand-chose dans ce domaine-là, sans doute parce qu’elle ne s’y était jamais intéressée, mais tout de même, c’était du fils de son amie qu’on parlait là. Ce petit était l’exception qui confirmait la règle.

« Oh, Kajin’ ! »

Avec un sourire sincère, elle se rapprocha de la Nalcienne, puis lui prit doucement les mains pour les presser brièvement dans les siennes. Puisque le gamin était entre elles, l’accolade ou l’étreinte étaient totalement proscrites. Notant au passage que son amie s’aidait d’une canne pour marcher, elle la laissa parler d’abord, puis rit à son tour à sa dernière remarque.

« C’est vrai, et puis, je crois que le repos s’impose pour tout le monde, en ce moment. Je vais très bien, et oui, j’étais là pour le badge, que j’ai eu, bien sûr, fit-elle avec un clin d’œil complice. Ce n’était pas là une marque d’une vantardise quelconque, mais plutôt une boutade à laquelle Kajin’ serait probablement réceptive. Logan, dis-tu ? C’est joli, comme prénom. Quel âge a-t-il ? C’est bien que tu aies pu passer cette étape, et j’espère que tu n’étais pas seule quand il est né. J’aurais aimé être là, mais mon pays… En a décidé autrement. »

Elle parlait, bien sûr, de la décision de l’armée de lui donner la possibilité de devenir instructrice militaire dans l’Académie qui l’avait elle-même formée, ainsi que des échanges de courrier incessants qui avaient suivi cette proposition, chacun apportant le nom d’un candidat ou le lieu de l’évaluation. Elle s’était à peine reposée, et n’avait pu commencer ses recherches que très récemment. Heureusement que sa venue à l’arène lui avait permis de retrouver son amie : cela lui avait épargné des inquiétudes et des jours à courir partout pour glaner des informations…

« Et toi, alors ? Qu’as-tu fait depuis l’épreuve ? J’imagine que tu t’es occupée de ton fils, et de toute ta petite famille. »

Sur ces mots, elle baissa les yeux vers le Kaïminus, qui était à Kajin’ ce que Genki était à Nina, à savoir un précieux ami, un confident… Et une sorte de frère, aussi, à bien y regarder. Mais surtout, c’était un protecteur, un gardien, et un membre à part entière de la famille. C’était un sujet sensible, autant pour l’une que pour l’autre, mais la princesse de l’Eau savait qu’elles se comprenaient, dans le fond, ou du moins, qu’elles ne se fermeraient sans doute pas l’une à l’autre à cause de ça. Mettant de côté Lehna dans son esprit (et sans soupçonner que sa cousine avait gaffé, avec elle aussi, en amenant la conversation sur ce terrain avec Kajin’), elle reprit doucement :

« En parlant de ça… Je te cherchais. Notamment pour te la ramener. »

La jeune femme saisit une Ball à sa ceinture, puis en libéra son occupant, avant de tendre la capsule à sa véritable propriétaire, les yeux brillants. La Nidoqueen avait séjourné chez les Wang pendant de longs mois, pour guérir et se reposer, et le temps de retourner vers sa dresseuse, elle était restée avec Nina, dans sa sphère, cette dernière étant accrochée avec l’équipe de la Mizuhanienne, comme si elle en était un élément, non pas en tant que combattante, mais en tant que « sœur ». Il était difficile d’obtenir la confiance et l’amitié de la fille du major, c’était un fait… Mais une fois qu’elles étaient acquises, et à moins d’une trahison impardonnable, ceux qui en bénéficiaient pouvaient compter sur la loyauté et la protection de Nina. Sans hésiter.

[Kajin' Nezumi]

Le retour de Nina auprès d'elle faisait du bien à la Nalcienne, surtout qu'elle avait été d'un grand soutien lors de la mort de Neko. Elle lui devait beaucoup. Pourtant, devant l'afflux de question de la jeune femme, la mère eut un rire et se retint de répondre. Il s'était passé bien trop de choses pour qu'elle puisse lui répondre d'un coup, et elle savait qu'elle serait trop fragile pour tout raconter d'un coup. Et puis, le geste de la guerrière de l'eau la stoppa net dans son élan, lorsque la sphère de la noble matriarche se retrouva dans sa main après en avoir libéré son occupante. Un frisson la parcourut et elle resta quelques secondes immobile, avant de poser doucement sa main sur l'avant-bras de la créature. Avec un sourire un peu triste, elle tendit la sphère vers Hime et la rappela en s'excusant. Elle ne pouvait pas réellement laisser libre court à ses sentiments dans l'instant présent, sans compter que d'autres aussi devaient être impatiens de la voir. Elle souffla doucement un faible "Pardon" à son amie. Mentalement, elle avait besoin de faire un point entre sa culpabilité et elle-même si elle ne voulait pas faire d'idioties. Elle ferma les yeux, ouvrant un peu son esprit.

*Hogosha. Réveille tout le monde et retrouvez-moi à la salle d'entraînement. Prends mon sac avec toi.*
*Kajin' ? Tout va bien ?*
*Oui ne t'en fais pas, fais ce que je te dis.*

Elle regarda ensuite son amie avec un sourire un peu gênée.

« Tu m'as posé beaucoup de questions et malheureusement, j'ai beaucoup à te répondre. Mais comme tu le vois, j'ai un léger problème au niveau des jambes, alors je te propose d'aller nous installer dans la salle d'entraînement de l'arène, Asaka m'y autorise l'accès. On aura la place pour tout le monde et on pourra s'asseoir. »

Ca pouvait sembler étrange que Kajin' ait une telle liberté chez la championne, mais ça, elle pourrait l'expliquer après. Elle invita Nina à la suivre et, s'appuyant sur sa canne, elle se dirigea vers l'arène. Elle n'était pas très à l'aise dans cette position de handicap face à la guerrière de l'eau. Elle l'avait vu se battre, assez vaillamment, pour sa survie et elle la retrouvait diminuée, ayant besoin d'un objet pour avancer. Elle n'osa pas en parler, bien que Sekei sentit son malaise, sans rien dire. Elle ne voulait pas trop en parler, et peut-être que ses raisons apparaîtraient justifiables à son état.

Lorsqu'elle poussa la porte de la salle d'entraînement, toute son équipe l'attendait. Ils eurent tous un air surpris en découvrant Nina, à l'exception de Rakurai qui ne l'avait pas encore rencontré et qui se demandait qui était cette femme qui semblait rendre tout le monde béat de surprise. La Nalcienne sourit à tout le monde et regarda le Kaïminus. Celui-ci comprit et reprit sa forme humaine, celle d'un jeune homme à peine plus jeune que sa dresseuse, portant les cheveux bleus et arborant toujours sa queue écailleuse.

« Tu veux bien me le prendre ? Merci beaucoup. »

Elle déposa l'enfant dans les bras de son premier Pokémon, qui commença à jouer avec l'enfant pour le rassurer. Puis, la jeune femme pressa un peu la sphère au creux de sa paume.

« Désolée Nina mais... Je crois que j'ai besoin de le faire. »

Elle lança la ball qui éclata dans un flash lumineux blanc, libérant la noble matriarche bleue. Aussitôt, la Dynavolt glapit de terreur et chercha à se cacher, alors que les autres Pokémon allaient se presser contre Hime. Quant à la dresseuse, elle resta immobile, fixant le visage meurtri de son amie. Elle avait toujours son œil livide, cette large cicatrice barrant son visage, et son oreille déchiquetée. La culpabilité l'étreignit, et elle ne savait pas quoi dire. Mais la Nidoqueen poussa un doux cri mélodieux et s'approcha d'elle. Kajin' l'enlaça alors, s'excusant auprès d'elle, de ne pas avoir été là, et de l'avoir abandonné. Elle pleurait presque face à la douleur qu'elle ressentait, d'une telle trahison, mais la Pokémon lui pardonnait. Elle finit par la relâcher, s'essuyant les yeux. Puis, elle prit son sac et en sortit deux Pierres, une noire comme la nuit, l'autre flamboyante et douce au toucher. Elle regarda ensuite ses deux Pokémon.

« Vous êtes prêts ? C'est parti ! »

Elle jeta les deux cailloux en l'air. Aussitôt, Hogosha fila vers celle aux couleurs sombres, qui semblait l'appeler. Il rendit son corps impalpable et la pierre le traversa. Elle sembla se stabiliser au cœur de l'organisme du Pokémon et une lumière blanche commença à irradier de son corps. Le bas de son corps s'allongea, comme s'il portait une cape. Deux fragments déchirés poussèrent à l'avant, formant des sortes de bras avec lequel il allait pouvoir toucher ce qui l'entourait. Son collier de perle se disloqua, et trois broches écarlates apparurent sur sa cape sombre. Quant aux sortes de mèches qu'il avait, elles disparurent sous un large chapeau fantomatique. Il venait de devenir un noble Magirêve.

Spoiler:

Kin lui, bondit sur Hime. Il sauta sur sa queue, prit de l'élan pour bondir sur son épaule, il escalada la tête et de ce promontoire, il s'élança vers la pierre qu'il saisit entre ses crocs, à pleine gueule. Aussitôt, un tourbillon de flamme s'échappa du joyau et il se retrouva lui aussi enveloppé d'une éblouissante lumière. Dans sa chute vers le sol, ses queues s'allongèrent, et trois autres lui poussèrent. Les boucles sur son crâne formèrent une mèche rebelle alors que son museau s'allongeait et qu'il grandissait un peu plus. Un surplus de fourrure apparut au niveau de ses épaules et de son cou. Ses poils ocres furent remplacés par des poils beiges. Les pointes de ses queues se teintèrent d'un délicat orange. A son tour, il avait évolué en un magnifique Feunard.

Spoiler:

Kajin' sourit et fit signe à ses Pokémon de s'approcher, pour les enlacer à son tour, retrouvant peu à peu la famille qu'elle avait pu construire avec eux. Puis, doucement, elle alla récupérer son fils, laissant à Sekei la liberté nécessaire pour qu'il puisse féliciter ses proches. La jeune femme enlaça son enfant et se tourna ensuite vers Nina, pour s'excuser de tout ce qui venait de se produire. C'est vrai que son attitude pouvait sembler très étrange en réalité. Elle s'assit face à son amie Mizuhanienne.

« J'espère que tu n'auras pas trop peur d'Hogosha. Il est gentil dans le fond, il préfère rendre les gens heureux plutôt que de les voir souffrir. »

Elle souffla ensuite, se remémorant les questions de Nina. Elle allait devoir répondre, mais ça allait lui prendre du temps, et beaucoup de souffle.

« Je vais te raconter ce qui a eu lieu, mais je te préviens, ça sera peut-être un peu long. Déjà, je te remercie de trouver le prénom de mon fils joli, ça me fait plaisir, et il a un mois maintenant il me semble. Je ne suis pas certaine, j'ai perdu le fil des jours je crois bien. Et rassure-toi, je n'étais pas seule pour l'accouchement même si... Tout ne s'est pas passé dans le meilleur des mondes. Comme tu le vois, j'ai besoin d'une canne pour me déplacer, même si ça n'est que temporaire. En allant explorer le nouveau continent, l'atterrissage a été particulièrement rude, surtout pour Warai, et pour mes jambes. En redescendant, des guérisseurs se sont occupés de moi, et nous nous sommes affrontées, comme tu le sais. Sauf qu'en repartant... Un groupe de Corboss m'a attaqué, au-dessus de l'Océan, nous avions beau en abattre, d'autres arrivaient, et nous avons finis par tomber à l'eau, et par couler. Là... Je dois admettre ne pas être très sûre de moi, vu que je me suis évanouie, mais il me semble que c'est Lugia lui-même qui m'a sauvé. Il m'a déposé sur une plage et m'a confié une de ses plumes, expliqua-t-elle, sortant la fameuse plume argentée de son sac pour la montrer à son amie. C'est Asaka qui m'a trouvé et m'a aussitôt ramené au Sanctuaire du vent, pour que des moines s'occupent de moi, mais les plus expérimentés étaient en mission sur Tenkei. C'est un homme étrange qui a voulu s'occuper de moi, même si je ne voulais pas. Entre nous, j'étais terrorisée, l'accouchement était en train de s'enclencher, j'étais seule, j'ignorais ce qui avait eu lieu, et j'avais extrêmement peur de mes compétences à être mère. Qui plus est, je me sens coupable de ne pas avoir trouvé de père pour Logan. Et cet homme me terrifiait encore plus, on aurait dit que ça l'amusait de me voir effrayée à ce point là. Mais c'est la championne Melian qui a fini par prendre les choses en main. Et j'avais de la chance, Ishizu était là aussi. Je crois que tu ne le connais pas, c'est un Flamenois que j'avais rencontré à l'époque où j'étais avec Neko, et on s'était retrouvé sur le nouveau continent. Il m'avait promis de m'aider et il a tenu sa parole. Grâce à Asaka et à lui, je n'étais plus toute seule, j'étais entourée et bien entourée. J'ai réussi à mettre Logan au monde, non sans peine, j'ai eu peur d'y rester. Il y a eu la nuit des étoiles filantes juste après. Mais nous voilà, en pleine forme ou presque. L'accouchement n'a pas arrangé l'état de mes jambes qui ont refusé de me porter pendant plusieurs jours, j'entame à peine une rééducation pour réussir à marcher correctement après. Quand j'ai pu suffisamment récupérer de tous ses événements, Asaka a accepté de m'héberger, et elle m'aide à me remettre en forme on va dire. Et... Et je crois que c'est tout ce qui s'est passé aux dernières nouvelles. »

Elle avait parlé quasiment d'une traite, et sans s'arrêter. Elle savait que certains points de son récit était confus, notamment cette histoire de Corboss qui avaient surgi d'Arceus savait où. Et elle n'avait même pas parlé de ce que lui avait révélé Asaka, qui ne faisait que la troubler encore plus. Elle ne savait pas réellement quoi faire vis-à-vis de ça, ni si elle pouvait vraiment en parler maintenant. Surtout qu'elle venait de déballer sa vie, et que ça n'était pas poli de ne pas écouter les autres en retour.

« Et toi ? Tes autres épreuves se sont bien passées ? Il n'y a rien eu de nouveau ? Et félicitations pour ton badge d'ailleurs ! »

Elle lui sourit doucement en berçant son fils, alors que ses jambes se détendaient peu à peu, bénissant Nina de son arrivée qui avait forcé Kajin' à s'asseoir et à ne plus marcher.

[Nina Wang]

Nina sourit quand son amie rit doucement, sans doute amusée par l’avalanche de questions qui venait de lui tomber dessus. Mais son sourire devint triste quand elle vit que Kajin’ rappelait Hime, après s’être excusée auprès d’elle, et elle réalisa qu’elle n’aurait peut-être pas dû libérer la Nidoqueen d’elle-même. Mais la Nalcienne ne semblait pas lui en vouloir. Soulagée, elle acquiesça et emboîta le pas à sa cadette, comprenant que la championne d’Alfen avait probablement pris Kajin’ sous son aile. Au moins, la Mizuhanienne était rassurée : elle était entre de bonnes mains.

Un simple regard suffit à Nina pour comprendre que son amie était vraiment diminuée, au point de devoir s’appuyer sur une canne pour avancer. Mais après tout, elle avait été enceinte bien longtemps, et l’épreuve l’avait peut-être fatiguée plus qu’elle ne le croyait, sans compter qu’elle avait peut-être subi des blessures que la princesse de l’Eau ignorait. Sentant le malaise, elle s’abstint de tout commentaire, imaginant ce qu’elle-même aurait pu ressentir à sa place.

Une fois arrivées dans la salle d’entraînement, les deux jeunes femmes purent constater que l’équipe de Kajin’ était au grand complet, exception faite, bien sûr, de la Nidoqueen encore dans sa Ball. En souriant, Nina libéra la sienne, avec un pincement au cœur : Miyana n’était pas là, occupée à la pension des Wang, avec son dernier petit, qui était aussi sa première fille. Mais elle serait là d’ici peu, c’était sûr. Sergei la lui enverrait avant son dernier match d’arène, car la guerrière refusait qu’elle manque encore un combat important, surtout qu’il s’agirait, normalement, du tout dernier, avant le chemin vers la Ligue.

En passant sa main sur le crâne de son Mentali, Nina salua les Pokémon de son amie, ravie de les retrouver. Elle les trouvait particulièrement en forme, notamment Kin, qui avait le poil brillant et soyeux, et… Hogosha, toujours aussi étrangement joyeux pour un Feuforêve. Lorsque la Nalcienne s’excusa de devoir officialiser les retrouvailles de Hime avec le reste de l’équipe, Nina fit un petit signe de la main pour signifier que ce n’était rien. Elle trouvait même que c’était parfaitement normal, et s’étonna que Kajin’ ait senti le besoin de se faire pardonner. Après tout, la princesse de l’Eau savait comment la Nidoqueen avait été blessée, puisqu’elle combattait avec son amie dans les plaines mizuhaniennes à ce moment-là. Sans rien dire, elle assista à la scène, un léger sourire flottant sur ses lèvres, alors qu’elle notait la présence d’un Dynavolt aux couleurs étranges qui courait pour tenter de se cacher, sans pouvoir se décider sur la présence qui lui faisait le plus peur, entre Nina et Hime. Tandis que Kashi, le grand rapace nocturne, rejoignait le Rapasdepic pour le saluer, Kin et Hogosha, aidés par deux pierres évolutives, changeaient d’apparence.

Si l’évolution en Feunard rendit Nina plutôt admirative qu’autre chose, celle du Magirêve, en revanche, fit pâlir la jeune femme, qui fut replongée, l’espace d’un instant, dans son passé troublé et rythmé par les tortures mentales. S’accrochant avec force à Sidéron, la guerrière déglutit, aussitôt entourée par Genki, Erebos et Eikallia, qui avaient perçu son trouble. Le spectre au chapeau, comme en écho aux paroles qui se voulaient rassurantes de Kajin’, lévita lentement vers la Mizuhanienne, qui resta immobile, le cœur affolé et semblant vouloir sortir de sa cage thoracique, incapable de dire quoi que ce soit. En tremblant, la jeune femme adoptée leva son bras libre, puis effleura le couvre-chef que porterait désormais Hogosha en permanence. Elle prit une grande inspiration, avant de le caresser franchement, sentant sa peur s’envoler petit à petit.

« Je crois que ça ira… Mais heureusement que je le connais et que je l’ai vu évoluer. C’est parce que je sais que c’est lui que je peux le toucher. Et j’en ai déjà combattu un, pendant mon voyage, quand le temps nous a joué des tours. Celui qui m’a… Enfin, c’est bon. Le chapeau te va bien, je trouve. »

Genki se frotta doucement à la jambe de sa dresseuse, comme le ferait un chat pour réconforter quelqu’un, tandis qu’Erebos laissait échapper une petite fumée des côtés de sa gueule. C’était une chance que Nina ait accepté le Magirêve et décidé de faire des efforts pour le côtoyer ; si ce n’avait pas été le cas, le Démolosse se serait sans doute montré bien plus agressif envers le seul Pokémon qui faisait réellement peur à « Maîtresse ». Il ne l’aurait pas attaqué sans un ordre de Nina, mais nul doute que les tensions auraient été palpables entre les deux créatures.

La jeune femme s’assit à son tour, pour se mettre au même niveau que Kajin’, car si elle n’avait aucun problème pour rester debout durant de longues heures, grâce à son entraînement militaire, elle savait que ce n’était pas possible pour son amie, surtout dans cette situation. Elle l’écouta alors calmement, puis répondit :

« Déjà un mois ? Le temps passe vite… Je suis contente d’apprendre que tu n’étais pas seule, et désolée de savoir que le nouveau continent n’a pas été très gentil avec toi. Je comprends mieux pourquoi tu as une canne, mais je suis sûre que tu vas vite guérir, tu es jeune, quand même, ton corps s’en remettra rapidement. Et… Si seulement je t’avais ramenée moi-même en ville, tu n’aurais pas été attaquée… »

Elle prit délicatement la plume argentée que lui tendait Kajin’, la retournant pour l’observer sous toutes les coutures, en lâchant un petit sifflement admiratif.

« Eh beh, Lugia, rien que ça. Si tu me dis que tu n’es pas une petite privilégiée après ça… C’est pas tout le monde qui peut se vanter d’être chéri des dieux. Au moins, tu sais que tu as un soutien puissant, quoi qu’il arrive. »

Elle hocha alors la tête en silence, faisant un léger signe de dénégation quand Kajin’ mentionna Ishizu. Après avoir rendu la plume d’argent à sa propriétaire, elle posa une main sur son épaule.

« Tu sais, tu n’es pas responsable de ce qui t’est arrivé. La mort de Neko, les blessures, le fait que tu n’aies plus de père pour Logan, ce n’est que le destin, aussi funeste soit-il. Et tu n’es pas seule, tu as tes Pokémon, ce fameux Ishizu… Et moi. Même si j’ai des obligations envers mon pays, je suis toujours disponible si tu as besoin de quoi que ce soit. En tout cas, je vois que tu es à l’abri ici, et qu’Asaka s’occupe bien de toi. »

Nina regarda alors Kajin’ bercer son fils, songeant que sa naissance n’avait eu que des avantages, soulageant la Nalcienne d’un poids (dans tous les sens du terme), même si toute sa culpabilité ne s’était visiblement pas envolée. Puis, elle réalisa que c’était à son tour de raconter ce qui lui était arrivé, et elle tendit la main pour soulever son Mentali et le déposer juste devant elle. Le Pokémon mauve ferma les yeux et se laissa caresser en ronronnant de plaisir.

« Merci, le combat a été rude, et Asaka m’a donné du fil à retordre. Le prochain match sera aussi le dernier, et je devrai affronter l’ami de Sergei, Peter. Ce sera encore pire, je pense. Pour mes épreuves, certaines se sont bien passées… Mais celle de Sokka s’est terminée sur une trahison que je ne pardonnerai pas. J’ai coupé tout contact avec lui, et il est désormais recherché par l’armée de Mizuhan. Je ne le pourchasserai pas, mais il devra prendre garde quand il viendra dans le pays. Sinon, après toi, j’ai évalué Kaé, une Terrosienne, puis le traître, puis deux Nalciens, le premier étant la raison de la venue du second. Avant cela, j’ai été sur Tenkei, moi aussi, j’y ai rencontré un escadron aérien dont la formation de combat était admirable. J’y ai été avec un forgeron nalcien, qui est censé améliorer mes saï actuels, une fois qu’il en aura appris davantage auprès des artisans de là-haut. Pour le reste… Miyana, comme tu le vois, est absente. Elle a eu un nouveau petit, une femelle, cette fois, et deux de ses œufs vont bientôt éclore. Nous continuons l’entraînement, tous ensemble, et j’espère que je pourrai mener à bien ma quête personnelle de badges et ma carrière militaire. D’ailleurs… »

La jeune femme se tut un instant, gratouillant le crâne de Genki d’un air pensif, avant de reprendre :

« Je sais que nous avons un lien qui dépasse la simple amitié. Je repense à cette chanson que nous avons pu entendre… Et je songe à devenir Invocatrice élémentale. J’ai envie d’en découvrir plus sur ce pouvoir, et j’aimerais interagir avec les esprits de l’Eau, comme c’est apparemment la tradition dans la famille Fran. Du coup, je voudrais savoir si tu étais d’accord pour emprunter une voie parallèle à la mienne. Je ne te force pas, évidemment, mais je pense que ce serait un bon moyen de percer ce mystère sonore à jour… Ensemble. »

Nina sourit à Kajin’, tandis qu’Eikallia se mettait à chanter doucement, emplissant la salle d’entraînement d’une mélopée pleine de promesses. Irai, elle, essayait une approche avec Rakurai (copine d’électricité, sans doute), alors que Sidéron, à côté de la Nidoqueen, s’amusait à se tenir bien droit pour voir si le titan de métal qu’il était dépassait la créature venimeuse en taille. Erebos, couché aux pieds de Nina, surveillait d’un œil distrait le spectre au chapeau, et Genki, toujours immobile, se laissait cajoler de bon cœur. Pour une fois, les deux jeunes femmes étaient entourées de calme et de sérénité et, il fallait bien l’avouer, elles en manquaient cruellement, ces derniers temps.

[Kajin' Nezumi]

Le nouveau Magirêve fixa un moment Nina sans bouger, avant d'esquisser une espèce de sourire qui se voulait rassurant. Il ne ferait rien à la jeune femme sans son autorisation, et puis, il n'était pas partisan du malheur d'autrui. Ca n'était pas ce qu'il cherchait. Il retourna vers Kajin' et Logan, qui tendait des petites mains curieuses vers lui, et vers Kin. Vif d'esprit, il avait vite saisi que le renard et le spectre avaient changé d'apparence, et il voulait probablement savoir si au contact, quelque chose avait aussi changé. La jeune mère lui sourit, et finit par l'inciter doucement au calme. L'enfant s'apaisa, mais continua de regarder avec de grands yeux les nouvelles créatures qu'il voyait, impressionné de voir de gros titans comme Sidéron ou Hime.

La jeune mère eut un petit rire en entendant mentionner l'aspect un peu agressif du nouveau continent.

« C'est surtout la tempête qui a été agressive. Sinon je suis tombée sur des personnes plutôt gentilles qui ont vite compris le handicap que je commençais à avoir. Mais nous avons atterris sur des petites îles en suspension dans le vide. Nous étions au-dessus du continent en réalité. C'était étrange. »

Une étincelle de tristesse jaillit dans les yeux bruns de la jeune femme qui eut un sourire qui se voulait rassurant. Pourtant, il émanait de ce dernier une grande part de réflexion. Elle ne voulait guère vexer son amie, mais elle doutait que sa présence aurait réellement freiné les Corboss.

« Merci de te proposer pour être toujours là, et tu sais que c'est réciproque. Lorsque je suis venue passer l'épreuve, je n'avais que Warai et Sekei avec moi. Mes autres Pokémon étaient en repos chez le couple de guérisseur. Et honnêtement... Je n'aurai peut-être pas été aussi blessée si tu avais été avec moi. Mais nous aurions été attaquées malgré tout. Il ne se serait pas arrêté à la présence de quelqu'un. Il ne s'y ai jamais arrêté... »

La fin des propos étaient un peu amers, et Logan tourna la tête comme il put vers sa maman pour voir ce qu'elle avait. Elle l'embrassa sur le crâne pour le rassurer, alors que Sekei venait bondir sur son épaule, étant redevenu un petit Kaïminus. Puis, la Nalcienne récupéra la plume qu'elle observa encore longuement.

« Ahah, je ne m'en vante pas vraiment. A dire vrai, je ne comprends pas pourquoi moi. Pourquoi Lugia a décidé de m'aider, de m'apparaître plus d'une fois. Je ne sais pas. Ou peut-être que je ne veux pas le croire. C'est possible aussi. Mais honnêtement, celui que je voudrais placer sous les protections divines, c'est Logan. Je sais déjà que Lugia veille sur moi, pour une raison. Mais je voudrais protéger mon fils qui pour l'instant est seul sans père, et aussi fragile. Je me demande si je ne vais pas demander à des personnes d'aller chercher certaines plumes de Légendaire pour moi. Si les Dieux acceptent à ces personnes de récupérer ces objets pour moi, et pour cette raison, je pense que ça signifiera leur accord pour veiller sur mon fils. »

Elle ne savait pas si ces propos étaient lucides, en s'entendant prononcer ça, elle avait le sentiment de passer pour une folle. En réalité, elle avait l'impression que vu sa position actuelle, seuls les Dieux pouvaient décider de lui offrir un avenir meilleur. Elle souffla doucement, un peu gênée et écouta le discours de Nina, qui répondait à son tour à ses questions. La Nalcienne afficha une expression surprise en apprenant que Sokka s'était détourné. Elle ne s'était pas attendu à ça, mais ne fit cependant aucun commentaire, laissant son amie poursuivre. Elle enchaîna d'ailleurs sur le lien qu'elle avait, qui les unissait. La Nalcienne resta un moment silencieuse, avant de parler :

« Je suis désolée pour Sokka, je ne pensais pas qu'il ferait ça. Et je suppose que tu es fière de Miyana, même si elle doit te manquer. Ta carrière avance petit à petit, ne t'en fais pas, et puis, tu en es plus loin que moi, j'ai à peine un badge ! » plaisanta Kajin', avant de poursuivre : « Quant à ta proposition... A dire vrai, je sais que je possède une grande puissance Elémentale Mais je ne la maîtrise pas. J'ai réduit en charpie toute une chambre, lors de l'accouchement de Logan. Et j'ai beaucoup de mal avec ce genre de choses, tout ce qui touche aux éléments. Je ne pensais pas m'orienter dans l'attaque ou la défense. J'ai demandé à passer une épreuve d'Amplificateur prochainement, quand je pourrais marcher un peu plus facilement et plus longtemps. Et mon projet initial était de devenir Animiste, auprès de Warai. Je crois que nous serions apte à fusionner. Et il me semble que l'Invocateur et l'Animiste sont liés. Ca t'ira peut-être. »

Elle eut un petit sourire. Elle savait qu'elle ne maîtrisait pas assez toute l'énergie qu'elle avait, et qu'elle n'y arriverait jamais. Oh, elle était capable de faire beaucoup de choses, mais sa vraie puissance, son énergie brute, il lui fallait l'aide d'un tiers pour réussir à l'utiliser et à la contrôler.

Logan s'adossa un peu mieux contre sa mère et celle-ci sentit une légère gêne lorsque son pendentif se retrouva plaqué sur ses seins. Elle l'extirpa doucement de son haut et le regarda un peu, refermant la main dessus.

« Je ne sais pas si j'ai à me mêler de ça... Mais récemment, j'ai rencontré une jeune femme qui disait te chercher, puisque apparemment tu faisais partie de sa famille. Je ne sais pas si tu l'as vu. Et il semblerait que moi aussi, je sois cherchée quelque part, par quelqu'un... Enfin, quelqu'un d'autre que celui qui veut ma peau. »

Elle eut un petit sourire et regarda Nina, espérant ne pas l'avoir dérangé avec ces questions, ni avec la rencontre avec Lehna...

De son côté, Rakurai s’aplatit au sol, comme si elle voulait se fondre dans la pièce, lorsque la Pharamp s'approcha. Elle était grande tout de même -beaucoup moins que le monstre d'acier, et la créature bleue qui faisait apparemment partie de l'équipe- et en plus, elle avait l'air forte. Même si elle partageait un élément commun, la jeune Dynavolt se sentait particulièrement faible. Kin s'approcha et lui donna un petit coup de museau dans le cou, l'incitant à se relever, et à se montrer un peu plus sociable. Si elle le voulait, le renard de feu resterait près d'elle, pour la rassurer. Le Feunard salua Irai, se souvenant du combat amical qu'ils avaient mené. Quant à Warai, il regardait Kashi, conversant un peu avec elle dans son langage d'oiseau. Kajin' sourit alors que la chromatique essayait de regarder la créature électrique, passablement intimidée.

« Irai, excuse la, elle est vraiment très timide, et apeurée par tout ce qui est plus grand qu'elle, mais elle est gentille malgré tout. »

[Nina Wang]

« Au-dessus du continent flottant, hein… Encore plus haut que cette contrée surgie de nulle part, au-delà des nuages… »

Kajin’ remercia alors Nina pour sa proposition, en lui précisant toutefois que même si elle avait été là au moment de l’attaque des Corboss, rien n’aurait pu les arrêter. En fronçant les sourcils, la guerrière de l’Eau la coupa un peu sèchement, pas pour lui faire un quelconque reproche, ni pour la contredire, mais parce qu’elle était, quelque part, un peu en colère contre elle-même, et contre ce pauvre taré qui avait commandité l’assaut de son amie.

« Je me doute bien qu’ils t’auraient quand même prise pour cible. Mais j’avais presque tous mes Pokémon avec moi, et je te prie de croire que ces sales bêtes n’auraient pas pu s’en tirer comme ça, et que tu n’aurais pas coulé au fond de l’océan comme ça. Dans un sens, ça t’a permis de rencontrer Lugia, c’est donc un mal pour un bien… Mais je leur aurais fait comprendre leur douleur, et ils se seraient souvenus de moi et de ma fureur toute leur vie. Vraiment, je m’en veux de ne pas avoir été là… Pour leur infliger une correction que leur corps aurait dû garder en mémoire éternellement. »

Genki leva les yeux vers Nina, la fixant d’un air à la fois calme et sévère, comme pour l’inciter à l’apaisement et lui faire comprendre qu’il ne servait à rien de s’énerver pour un évènement sur lequel elle ne pouvait avoir aucune emprise, puisqu’il appartenait à un passé révolu. Il était assez rare que le colonel perde son sang-froid de cette manière, mais dans les moments où cela arrivait, la jeune femme donnait une impression de froideur et d’austérité bien plus effrayantes qu’une explosion de colère et de cris. Tandis que la noirceur qui ne parvenait pas à quitter ses yeux d’ambre brillait dans son regard, elle grinça des dents et se força à respirer un grand coup pour retrouver la maîtrise complète d’elle-même.

Elle hocha alors doucement la tête quand Kajin’ lui expliqua qu’elle ne voulait pas réellement croire les raisons pour lesquelles Lugia veillait sur elle, et qu’elle allait certainement demander à plusieurs personnes d’aller chercher des plumes de Pokémon légendaires. D’une voix plus douce, Nina suggéra :

« Tu sais, avoir un lien avec un tel Pokémon ne peut signifier que deux choses : une rencontre passée, et dont tu n’as pas le souvenir ou, au contraire, dont tu as des réminiscences assez claires pour vouloir le revoir ou le fuir, selon les circonstances… Ou l’appartenance à une famille de sang royal. Bizarrement, je n’ai rien ressenti de particulier en étant proche de Kyogre, mais il avait l’air malade, et j’étais, disons… Occupée par mon pouvoir, qui me dominait à l’époque. Mais pour Lugia, je sais qu’il protège la famille royale de Nalcia. Si tu ne te souviens pas de l’avoir déjà vu auparavant, je pense qu’il va falloir commencer à accepter ce que tu sais déjà… Non ? »

Nina accompagna ses dernières paroles d’un léger sourire, comme pour l’inciter à les prendre sur le ton de la plaisanterie. Avec des révélations pareilles, il valait mieux envisager les choses comme ça, et la princesse de l’Eau était bien placée pour en parler… Même si elle avait choisi de s’éloigner le plus possible des Fran, en poursuivant ses propres objectifs, elle se disait parfois que le destin était une chose bien amusante et bien cruelle, et qu’il aimait beaucoup manipuler ses pions comme il l’entendait. Mais voilà, Nina était bien décidée à ne pas se laisser faire et à se (dé)battre s’il le fallait, et elle espérait que Kajin’ ferait de même, en sachant qu’elles seraient bien obligées, un jour ou l’autre, de mettre un pied au palais, histoire de rencontrer officiellement leur « vraie » famille et de clarifier les choses une bonne fois pour toutes.

« Si jamais tu as besoin que j’intègre la mission, je serai là. Je pense à Artikodin, qui est originaire de mon pays, et dont la légende raconte qu’il est allé à Nalcia pour sceller le pacte entre nos deux nations. Disons qu’Electhor ne m’aime pas particulièrement, que Sulfura risque de me voir d’un mauvais œil, et que je ne suis pas sûre que l’idée d’aller voir Ho-oh soit la meilleure idée du siècle pour un Mizuhanien… Je ne vois que l’oiseau de glace et celui des abysses. »

Puis, de nouveau, Nina serra les dents à l’évocation du parjure, dont la trahison étonna la Nalcienne. Oui, elle n’était pas la seule à être surprise, et la Mizuhanienne sentit un océan de haine la parcourir de l’intérieur, avant de se tarir aussi brièvement qu’il était apparu. Genki, qui s’était remis en position idéale pour être câliné et caressé, ouvrit un œil pour regarder sa maîtresse, percevant le flux négatif qui circulait en elle, avant de le refermer paresseusement, comprenant qu’il n’avait pas à s’en inquiéter. Elle était désormais assez forte pour contrôler ce qui passait par son âme, sans compter que Bara était à présent son alliée.

En silence, la guerrière de l’Eau approuva le choix de Kajin’, songeant que l’animisme était une voie qui lui correspondait bien.

« Je suis fière de Miyana, oui, elle a tellement grandi depuis le jour où je l’ai trouvée (enfin, c’est plutôt elle qui m’a trouvée, à dire vrai) dans la Jungle de Flamen… Elle me manque, bien sûr, mais elle ne va pas tarder à me rejoindre, alors ça va. Tu as déjà un badge ? Lequel ? Pour ma part, je pense que lorsque j’en aurai terminé avec la Ligue, j’irai affronter les champions que je n’ai pas vus, parce qu’ils sont arrivés après mon passage. J’ai appris qu’à Mizuhan, ce n’était plus pareil, que tout avait changé à Terros… J’ai du pain sur la planche. Pour ta quête, tu as le temps, et vu les circonstances, tu es excusée. Je pense qu’à partir de maintenant, ce sera plus simple… Y compris pour la voie élémentale qui te tente. Invocation et animisme, fusion ? Ça me plaît bien. »

La cadette de Nina changea alors de sujet, parlant d’une femme qui semblait chercher le colonel. Ne sachant si elle devait être énervée ou amèrement amusée à ce propos, la guerrière se décida à balayer l’air d’un petit signe de la main, devant elle, comme pour chasser un nuisible quelconque.

« Oh, ça ? Ne t’inquiète pas va, je l’ai croisée en sortant de l’arène, ou plutôt, en plein match. Elle s’est légèrement introduite dans l’enceinte de l’arène pendant notre duel, comme si de rien n’était. Pour un membre de la famille royale de Mizuhan, je l’ai trouvée sacrément mal élevée… Car oui, c’est ma cousine germaine, un bon chienchien dressé par ma mère pour me pister et flairer mes traces dans le fol espoir de me ramener à la maison. Enfin, à la maison… C’est vite dit. Bref, c’est bien de Lehna dont tu parles, pas vrai ? Elle a un joli minois et elle fait de beaux discours, sans compter qu’elle joue très bien la comédie. Mais c’est dommage, elle ne maîtrise absolument pas son pouvoir. Moi, si. Forcément, quand l’un des deux acteurs connaît le « truc » et lit clairement dans le jeu de l’autre, ça fausse un peu la donne. Comme tu t’en doutes, je l’ai envoyée bouler, et elle rentrera bredouille. Mais elle aura eu le mérite d’avoir essayé. »

Nina fronça alors les sourcils, puis reprit :

« Je ne sais pas qui est le fou qui veut ta peau, mais je me doute que tu dois bien avoir au moins une petite idée de son identité. Quant à ceux qui te cherchent… Kajin’, je ne veux pas te forcer la main, mais il y a des moments où il faut se rendre à l’évidence. Regarde : moi, j’ai découvert que j’avais une place de choix qui m’attendait, sur le trône mizuhanien, et je ne m’en porte pas plus mal. C’est le moment de la révélation qui est le plus dur à avaler. Mais après, ça va mieux. En tout cas, sache que ça ne changera rien à nos rapports, que tu sois liée de près ou de loin à la branche qui gouverne, si ça peut te rassurer. »

Les deux grands rapaces, dans leur coin, étaient lancés dans un dialogue qui semblait amical, mais carrément incompréhensible pour le reste des créatures qui les entouraient. Sidéron, pour « amuser la galerie », jouait des muscles devant Hime, comme l’aurait fait un dragueur de mauvais goût, alors qu’Irai, répondant au salut de Kin par un « check » du tonnerre, s’amusait à toucher du bout de la patte la pauvre chienne bleutée et effrayée, en produisant de petites étincelles à chaque contact avec la Dynavolt. Erebos ne bougeait pas, aussi immobile qu’une statue, les petits nuages de fumée s’échappant parfois des coins de sa gueule trahissant l’éveil de ses sens ; enfin, Eikallia, ne cessant de chantonner très doucement, observait d’un air détaché la troupe de Kajin’, le corps sirénien entouré d’une fine pellicule d’eau gelée.

[Kajin' Nezumi]

« J'ai la vague impression que cet homme a assez de Corboss pour faire les montures volantes des quatre armées réunis. Quand les uns meurent, d'autres viennent prendre la place vacante. Je crois que seul un ou deux de ces oiseaux de malheur est vraiment important pour ce leader. Et Lugia, je l'avais déjà rencontré dans des circonstances... Vraiment bizarre... »

Elle marqua un temps d'arrêt, le temps nécessaire à la jeune femme pour se calmer de sa fureur. Kajin' était impuissante pour l'aider : se défouler lors d'un combat était tout bonnement proscrit. Elle n'avait pas le niveau mais en plus, ses jambes ne supporteraient pas le poids d'une cote de maille. Alors elle attendit, n'osant formuler trop de paroles qui auraient pu la relancer sur une autre colère. Pour autant, elle tenait à s'expliquer sur sa première rencontre avec Lugia, non pas parce que c'était l'événement du siècle -quoique- mais surtout parce que le moment choisi était celui d'une autre intervention divine qui l'avait laissé perplexe. Elle n'avait jamais trop parlé des différents événements qu'elle avait pu subir, et en parlant ainsi à son amie, elle espérait savoir si elle avait été la seule ou non à vivre ce genre de choses.

« Je ne sais pas si toi aussi tu as vécu ça... Mais il y a eu un moment, étrange, où le temps a subi beaucoup d'altérations. J'ai d'abord été envoyée dans le passé, où j'ai pu apprendre certaines choses, et où j'ai bien failli faire l'erreur de changer une grande partie de ma vie. Ensuite... Il y a eu une accalmie, et il y a encore eu une distorsion, dont le seul moyen d'en sortir a été de récupérer un objet, un rouage pour ma part. Et pendant ce moment... J'avais perdu Sekei en réalité. J'avais aperçu une silhouette dans le ciel, une énorme silhouette, qui volait dans une direction précise. Alors j'avais décidé de la suivre. J'avais pu fusionner avec Warai, afin d'aller plus vite -c'est d'ailleurs grâce à cet espèce de rêve que j'ai commencé à réfléchir à l'Animisme- et lorsque je l'ai perdu de vue, j'avais retrouvé Sekei, qui avait une plume de Lugia et un rouage contre lui. Et lors du premier problème temporel, j'avais trouvé ceci. »

Elle retira le collier et le médaillon de son cou pour le tendre à Nina. La médaille d'argent indiquait très clairement le patronyme complet de la jeune femme. De l'autre côté, il y avait l'emblème royale de Nalcia, finement gravé dans le métal.

La demoiselle l'écouta lorsque son amie déclara qu'une telle bénédiction était soit dû à une rencontre antérieur, soit à un lien avec la famille royale. Elle rougit un peu. Elle savait très bien ce qu'elle était. Elle avait été intriguée du médaillon, et elle n'avait pas assez d'informations pour savoir si elle avait raison ou non. Et puis finalement, Asaka lui avait parlé, alors qu'elle se remettait de son accouchement. Elle lui avait expliqué ce qu'elle savait, et la jeune femme avait un peu de mal à y croire, il fallait l'admettre. Elle commençait à l'accepter, mais ça n'était pas réellement ça le problème qui se posait à elle. Elle regarda ses mains un bref instant, écoutant toujours son amie. Elle ne savait pas quoi penser, et peut-être qu'elle saurait expliquer son ressenti plus tard.

La guerrière renchérit ensuite sur les oiseaux potentiels à qui la jeune mère pouvait demander des plumes. Elle eut un air surpris.

« Je songeais surtout à Latias et Ho-Oh. Un homme du temple m'a remis une plume de Latios lorsqu'il est rentré d'un voyage. Le Légendaire lui aurait apparemment dicté de me l'amener, sans plus réfléchir ou poser de questions, et il s'est exécuté. Artikodin et Electhor sont de bonnes idées. Et Sulfura, suite à la dernière guerre... Je pense que ça serait une erreur que de faire appel à lui... Tu participeras à la mission que tu voudras, je ne t'obligerai en rien à la faire ou non tu sais, même si ça me ferait plaisir. Par contre... Je ne savais pas qu'Electhor te détestais. Comment ça se fait ? »

La déclaration concernant Sokka avait provoqué assez de fureur comme ça, et la guerrière se félicita brièvement de ne pas avoir lancé le sujet sur le tapis plus que ça. Elle n'allait pas enfoncer le couteau dans la plaie, ça n'était pas son genre, et elle avait autre chose en tête. Finalement, le sujet dériva sur les champions d'arènes, les différents jobs et les Pokémon. La demoiselle sourit en pensant à la Phyllali qui devait prendre soin de ses petits. Ca devait être mignon.

« Je comprends. Hime m'a beaucoup manqué aussi. Mais je n'osais pas la récupérer réellement et les choses se sont enchaînées sans que j'ai eu le temps de respirer. Mais après... Je ne pense pas capturer d'autres Pokémon. Je ne supporterai plus de devoir en laisser un à un endroit, de devoir choisir entre mes Pokémon pour un long voyage. Je crois que c'est quelque chose dont je suis incapable, ça n'est pas pour autant que je désapprouve ceux qui le font. Et j'ai le Badge Crochet de l'arène de Melian. »

Elle fit un signe à Hogosha qui fouilla le sac de sa dresseuse à l'aide de son esprit. Il en extirpa l'emblème en forme de crochet de serpent. Il l'approcha de la Mizuhanienne, tout en restant à bonne distance afin de ne pas l'effrayer.

« En fait je me suis rendue chez elle parce que j'avais besoin d'une confirmation de ma grossesse. Je devais entendre de la bouche d'un expert que j'étais bel et bien enceinte. Elle m'a assisté pour mon accouchement, heureusement qu'elle était là. Je l'ai affronté grâce à Kin, Hogosha, Warai et Sekei, ensuite, elle m'a ausculté pour m'annoncer ce que nous savons déjà. De plus, même si je ne l'ai pas affronté, j'ai rencontré Eeva sur le nouveau continent, qui est une nouvelle championne de Mizuhan. Et Asaka que tu connais déjà. Tu as un peu de temps en tout cas, et c'est une plutôt bonne ambition de vouloir se mesurer à de nouveaux champions. Et me concernant, oui, je vais pouvoir reprendre les choses un peu plus paisiblement désormais. Mon rétablissement prendra quelques mois, assez pour que Logan devienne suffisamment fort pour m'accompagner. »

Elle caressa la joue de son fils, qui, après de minutieuses observations, commençait à somnoler paisiblement. Pour les premiers mois de sa vie, c'était un enfant calme, avec une vie plutôt tranquille, toujours bien entouré.

Le sujet de Lehna fit réagir Nina un peu étrangement. Kajin' ignorait franchement si c'était du dégoût, du rire, un je m'en foutisme quelconque tant elle était décidée sur le rôle qu'elle désirait avoir dans cette affaire, signifiant par la même que personne ne pourrait la faire dévier de sa route. Alors, intriguée, elle l'écouta à nouveau.

« Oui, c'est la même. Je suis désolée, je crois que c'est moi qui l'ai involontairement envoyé sur tes traces. Je ne savais pas réellement quoi faire, alors je lui ai expliqué les épreuves et les arènes. J'ai également précisé que tu te moquais bien d'un prétendu lien de sang. Que ça n'était pas ça qui comptait pour toi. La comédie... Je crois qu'Hogosha avait repéré quelque chose, et en l'entendant parler des concours, j'ai vraiment eu l'impression de la voir sincère. Qu'elle pouvait s'exprimer sans que quelqu'un lui tombe sur le dos. Peut-être qu'elle veut être aussi tranquille que toi, et qu'elle tire son profit dans cette affaire. Enfin, je ne m'attendais pas à ce que tu retournes à la royauté de Mizuhan. Je me demande ce qu'elle va faire... »

La brune eut un petit sourire. Elle ne voulait pas forcément casser du sucre sur le dos de Lehna. Certes, elle comprenait qu'elle avait probablement été roulée dans la farine d'un bout à l'autre de la conversation, mais elle restait convaincue d'avoir pu entrapercevoir, un bref instant, une part de la vraie Lehna. Sans la connaître, il était difficile à Kajin' de la juger, et elle préférait s'en abstenir un maximum. Après, ça n'était pas pour autant qu'elle allait tolérer de se faire mener par le bout du nez, ça n'était pas non plus quelque chose qu'elle acceptait.

Elle s'assombrit soudainement lorsque le sujet de ce qu'elle était, des personnes qui la traquait fut abordé. Elle prit une longue inspiration, puis expira, pour essayer de se calmer, comme l'avait fait Nina plus tôt. En la voyant la mine aussi assombrie, Hogosha se rapprocha, plaçant la tête de Kajin' sous son immense chapeau. Sekei resta accroché à son épaule, et Hime s'avança vers sa maîtresse, posant une main sur son autre épaule.

« Je sais très bien qui me traque, et pour quelle raison il a entrepris ce projet. C'est lui qui a tué Neko, et mon père. Enfin... Mon oncle en réalité... Et... Je suis d'accord avec toi. Le problème n'est pas que je fuis... Mais je n'arrive tout simplement pas à y croire. A envisager que ma vie entière a été un mensonge. Une espèce de fabulation. On m'a menti, depuis le départ, j'ai cru en des choses qui étaient fausses. Et voilà que j'étais toute seule, sans aucune famille composée d'humains, il s'avère que j'en ai une qui m'attend, et qui m'a gardé le trône nalcien au chaud. Mais... Ce sont des étrangers. Ma seule famille, ce sont mes Pokémon, et mes amis. Alors... Je vais y aller. Mais pas maintenant. J'irai quand j'aurai passé mon épreuve. Quand Logan aura grandi. Quand je ne serai plus aussi diminuée... ! »

Elle avait presque craché ces mots, tant elle se dégoûtait de devoir se servir d'une canne parce qu'elle avait négligé sa santé trop longtemps, parce qu'elle avait agi comme une écervelée. On n'allait pas explorer un nouveau continent quand on était enceinte jusqu'aux yeux. Hogosha colla doucement son crâne contre celui de la jeune femme, et elle s'apaisa, alors que ses Pokémon avaient cessé leurs activités pour la regarder. Elle leur indiqua que ce n'était rien. Néanmoins, sa colère avait fait intervenir quelqu'un d'autre.

La dame des neiges de la championne pénétra dans la pièce, probablement inquiète par les effluves négatives émises par les jeunes femmes, et aussi se souciant que Nina soit bien reçue. La Nalcienne lui adressa un petit sourire. Elle n'avait plus grand chose à cacher à ce spectre qui avait pénétré dans son esprit à un moment critique pour elle. Beaucoup plus apaisée, la demoiselle reprit :

« J'irai au palais lorsqu'Asaka et Ishizu seront tous les deux disponibles. Je ne pense pas qu'Ishizu, étant Flamenois, sois bien accepté. Mais je crois que ça sera avec lui ou pas du tout. Au pire, je t'enverrai un message pour te raconter ce qui se sera passé. »

Elle eut un petit sourire, alors que l'ectoplasme glacé leur proposait à boire, ou à manger, si elles le désiraient. Kajin' lui sourit, rassurante, laissant à Nina la possibilité d'accepter ou refuser l'offre. Elle, elle s'adapterait.

Warai continuait de converser par des cris et des claquements de bec, exprimant peut-être les difficultés de vol qu'il avait rencontré il y a peu. Hime, pour ne pas laisser Sidéron seul, recommençait à le regarder, son œil valide le détaillant, alors qu'elle mimait la surprise de sa masse musculaire, jouant son jeu. Par contre, Isei détaillait le colosse d'acier les yeux pleins d'admiration, désirant réellement atteindre sa dimension un jour. Quant à Rakuraï, toujours étalée comme si elle voulait s'unir au sol, elle renvoyait les étincelles à la Pharamp, sans pouvoir s'en empêcher. Elle était intimidée, un peu, mais commençait à s'habituer à la présence de tant de monde. Kin lui, veillait à ce que tout se passe bien et sans accroc, servant surtout à rassurer la jeune chienne. Il connaissait la puissance électrique de la créature de Nina, et il se demandait sincèrement de quoi était capable la Dynavolt, qui n'avait jamais fait la démonstration de ses pouvoirs. Est-ce qu'un jour elle serait susceptible de l'égaler ? Le Feunard eut un frisson en imaginant les pauvres créatures qui pourraient peut-être, un jour, tomber sur le duo des deux bêtes de foudre. Une chose est sûre, elle ne s'en sortirait pas indemne, et il ne les enviait vraiment pour rien au monde.

[Nina Wang]

« Peu importe combien d’exemplaires il en possède. Il peut bien m’en envoyer autant qu’il le souhaite, ça ne m’empêchera pas de les dégommer l’un après l’autre si nécessaire. »

Oui, là, Nina était carrément furax. Pour en arriver à dire des choses pareilles, tout en sachant pertinemment qu’elle ne pourrait pas éviter de se faire submerger par la masse au bout d’un moment… Mais peu à peu, la jeune femme se calma d’elle-même. Caressant inlassablement le pelage soyeux et fin de son Mentali, elle laissa alors la parole à Kajin’, qui lui expliqua qu’elle avait été victime de perturbations temporelles, qu’elle avait failli modifier sa vie d’une manière irréversible, et qu’elle avait dû trouver un objet pour sortir du second espace-temps altéré. En écarquillant légèrement les yeux de surprise, Nina lui répondit, étonnée :

« J’ai vécu exactement la même chose : je me suis retrouvée dans mon propre passé, dans la pire période de ma vie, et j’ai affronté le Magirêve qui m’a fait tant de mal. Je me suis revue, alors qu’on me trimballait de ville en ville sans pouvoir trouver un acheteur qui aurait pu débarrasser mes ravisseurs de moi. Pour la seconde distorsion, elle s’est produite quand je suis arrivée à Payan, pour rencontrer le forgeron recommandé par Sergei. C’est Erebos qui a trouvé l’objet et qui a permis de nous faire sortir de là. J’avais raison de penser que je n’ai pas été la seule à en être victime. Je m’en suis doutée quand je t’ai fait passer ton épreuve, en te voyant encore enceinte à ce moment-là. »

Doucement, la Mizuhanienne prit le pendentif en argent, lut le véritable nom de son amie, puis reconnut l’emblème de Nalcia, qu’elle voyait en permanence, puisque Kashi, sa monture, était un cadeau de la nation de l’Air en récompense de ses faits d’armes, dont la Poké Ball était frappée du sceau nalcien. Au moins, avec ça, ça avait le mérite d’être clair. Faisant lentement osciller le pendentif devant les yeux de Genki, qui parut hypnotisé par le mouvement l’espace d’un instant, elle regarda la créature psychique d’un air amusé, avant de rendre le bijou à sa propriétaire. Celle-ci sembla surprise par les légendaires que Nina avait évoqués, et lui précisa qu’elle ne pensait pas à eux en particulier ; la question fatidique au sujet d’Electhor franchit les lèvres de Kajin’, ce qui arracha un petit raclement de gorge un peu embarrassé à la princesse de l’Eau.

« Je vois. Sulfura n’est clairement pas dans son état normal, tout comme Kyogre, il ne sert à rien d’attendre quoi que ce soit de sensé et de constructif de leur part. Pour Electhor… Comment dire… Disons que j’ai participé à une mission pour aller récupérer l’une de ses plumes, il y a quelques années de ça, et une fois redescendue, avec mon groupe, j’ai trouvé un œuf de l’oiseau de foudre dans mes affaires. Ne me demande pas comment il y est arrivé, je n’en sais rien. Bref, tu te doutes que le dieu était assez furieux, et malgré ma hâte pour aller le lui rapporter, je pense que risque de finir grillée jusqu’à l’os si je remets un pied à Celosia. »

Lorsque la Nalcienne parla de Hime, en affirmant qu’elle n’avait pas osé la récupérer, Nina fit une moue boudeuse, la laissant néanmoins poursuivre, tout en jouant distraitement avec une oreille de Genki, la faisant bouger du bout du doigt de manière régulière, en faisant frissonner son Pokémon.

« Tu pouvais venir la chercher quand tu voulais, tu sais. Mais je suppose que tu avais tes raisons. Tu t’en es sans doute voulu. Mais tu n’y étais pour rien. Si ma mère ne nous avait pas enfermées dans sa maudite bulle, ça ne serait pas arrivé. Si tu dois en vouloir à quelqu’un, c’est à elle, pas à toi. Et c’est dur de devoir en laisser un derrière, oui. Mais Miyana s’occupe de ses petits, et Kokujin’ est arrivé après, par hasard. Cependant, je comprends que tu ne veuilles pas avoir d’autres Pokémon. C’était ce que j’avais prévu au départ, mais ça, c’était avant que Genki ne change mes plans et avant que Kokujin’ n’arrive chez moi. Je suis contente de les avoir, bien sûr, mais ça montre bien que le hasard chamboule souvent ce qu’on pensait tout tracé. »

Le Mentali râla ostensiblement quand son nom fut cité, ce qui fit rire sa dresseuse, puis jeta un coup d’œil rapide à l’artefact qu’Hogosha leur présentait. Le badge Crochet, hein ? Nina enregistra soigneusement l’information dans un coin de sa tête, songeant que le thème de cette arène était probablement le poison et le venin.

Elle écouta ensuite en silence le récit de son amie à propos du besoin qu’elle avait eu de s’entendre dire par quelqu’un d’expert qu’elle était vraiment enceinte, puis de sa rencontre avec Eeva (apparemment la nouvelle championne de Fla’Or, sa ville, encore une donnée à conserver précieusement) et avec Asaka. La voix de Nina, quand elle répondit, se fit rassurante.

« Oh, tu as clairement le temps, oui. De toute manière, ton corps risque de te punir si tu le sollicites trop, donc tu es coincée, quoi qu’il arrive. Tu n’as pas besoin de te presser, les champions ne vont pas s’envoler, et dans le pire des cas, ils auront changé entre le début de ton périple et la fin, comme pour moi. Du coup, ça te laissera encore du challenge pour après, non ? »

La guerrière de l’Eau observa le gamin, qui s’était endormi, dans un silence remarquable pour un enfant de son âge, ce qui n’était pas pour déplaire à Nina et à son équipe, globalement amatrice de calme et de tranquillité. L’évocation du « cas Lehna » et la gêne apparente de Kajin’ ne trouvèrent alors, pour réponse, qu’un léger haussement d’épaules.

« Oh non, ne t’en fais pas pour ça. Elle m’aurait bien retrouvée, un jour ou l’autre, et les indices que tu lui as donnés n’ont fait qu’accélérer le processus… Dans un sens, ce n’est pas plus mal. Elle, ça lui évite de passer sa vie à me courir après, et moi, ça me permet de faire savoir aux Fran qu’ils peuvent m’attendre encore longtemps. Tu as bien fait de lui dire que les liens du sang n’étaient pas le plus important à mes yeux, mais apparemment, ça lui est rentré dans une oreille pour ressortir par l’autre… Elle a quand même essayé de faire jouer la famille et toutes ces niaiseries pour m’avoir. Si elle a les concours pour exprimer son potentiel et sa sincérité, tant mieux pour elle. En mon absence, elle doit être l’héritière du trône, et je suis sûre que cela l’ennuie profondément. Mais ce n’est pas vraiment mon problème : s’ils me voulaient en tant que princesse héritière, il fallait me retrouver avant. Ils ont eu huit ans pour le faire, et ils ont échoué. Tant pis pour eux. »

Le sujet de la traque de Kajin’ sembla susciter de vives réactions dans l’équipe de la Nalcienne, qui se retrouva entourée et encouragée par Hogosha, Sekei et Hime. Visiblement, elle savait exactement qui la traquait, et pourquoi ; découvrir que sa vie avait été falsifiée de bout en bout n’était pas spécialement la plus agréable des surprises, et Nina était d’accord sur le fait que la seule vraie famille était composée des Pokémon et des amis, et non pas de ceux qui s’étaient simplement donné la peine de faire naître les deux jeunes femmes. Elle laissa sa cadette évacuer sa hargne, comme elle l’avait fait auparavant au sujet des oiseaux noirs, avant de dire doucement :

« Je suis dans le même cas, même si j’ai toujours Sergei, et que c’est lui qui m’a élevée. Je crois en les mêmes choses que toi, j’ai les mêmes valeurs, et je comprends ce que c’est que de savoir que soudain, plein d’étrangers lointains, que tu ne vois que d’un œil respectueux, sont en réalité ceux qui n’ont pas pu t’éviter ce que tu as vécu de pire. Mais prends ton temps. Je ne sais pas à quel âge tu as été arrachée à ta famille, mais ce ne sont pas quelques mois ou quelques années de plus qui vont faire la différence. Nos familles respectives nous savent en vie, de toute façon. Rien ne nous force à nous jeter sur eux pour les voir et tout leur balancer. Le moment d’y aller, c’est à nous d’en décider, à nous et à personne d’autre. »

L’irruption de la Momartik d’Asaka attira l’attention de Nina, qui la salua de nouveau, et à qui elle demanda une boisson fraîche. Après le café fort qu’elle avait pris avec Lehna, il était plus que raisonnable de se calmer sur la caféine.

« Je crois que nos familles respectives ne sont vraiment pas en position de nous refuser quoi que ce soit, surtout si c’est une faveur qui ne leur coûte rien. Et oui, tiens-moi au courant, je ferai de même quand je déciderai de faire mon « pèlerinage de retour » à Arkan. Je t’avoue que je ne suis pas pressée, pour le moment. J’ai autre chose en tête. »

Kashi commentait les propos de Warai, lui assurant que sa pleine maîtrise de ses ailes lui reviendrait sûrement avec du temps et de la pratique. Sidéron feignait de se vanter de sa force et de ses plaques d’acier qui luisaient vivement quand une source de lumière les parcourait, observant du coin de l’œil le petit Anorith qui avait l’air d’avoir rencontré son idole. L’échange d’électrons entre les deux créatures électriques se passait assez bien, et amusait clairement la Pharamp ; le loup noir avait levé le nez en sentant Yuki Yûki entrer dans la pièce, et il la suivait désormais du regard, quelque peu méfiant. La Lamantine s’était enroulée sur elle-même, fermant ses yeux d’ébène, cessant de chantonner… Et Genki, pris d’une inspiration soudaine, s’était levé et lové directement contre la poitrine de Nina, les pattes avant quasiment appuyées sur les épaules de la Mizuhanienne, comme s’il cherchait à fusionner avec. En caressant son premier Pokémon, qui se comportait parfois décidément comme un félin en quête de câlins, elle sourit lorsqu’elle entendit le léger « ronronnement » du Mentali blotti contre elle.

[Kajin' Nezumi]

Kajin' ne répondit pas au propos de Nina, concernant le stock apparemment sans fond de Corboss de celui qui désirait mettre la main sur elle. Pour le moment, elle s'en était toujours sortie, et gros avantage qu'elle possédait : il la voulait vivante. Elle n'avait normalement pas à craindre de se faire étriper. Un peu blessée, certes, mais vivante. A dire vrai, le danger était plutôt pour ses proches, ses Pokémon s'ils tentaient de la défendre, car eux n'avaient aucune forme d'importance pour celui qui la cherchait. Elle le savait, et en avait eu confirmation lorsque Neko avait été projeté dans la mer déchaînée, où il s'était noyé. Elle resta surprise en repensant que Nina avait été envoyée dans un moment de son enfance où elle était consciente de ce qui lui arrivait, où elle revivait des événements. Kajin' avait été projetée dans une époque dont elle n'avait aucun souvenir. Par contre, les choses ne s'étaient pas déroulées de la même façon.

« Je me doute que ça n'a pas dû être simple. Pour ma part... Je crois que c'était le soir de ma naissance. Un moment où je devais être vraiment trop jeune pour n'avoir aucun souvenir propre. Par contre, à chaque problème temporel, j'ai eu l'occasion de rencontrer des alternatives. Des sortes d'images de moi du futur. Qui variaient selon les choix que je faisais. Elles m'indiquaient parfois les voies à ne pas prendre, sans être pour autant très claires. Logique en même temps, même si je suis maîtresse de mon destin, je ne suis pas sensée être influencée par quoi que ce soit. Mais elles m'ont toujours protégées. Enfin... Lorsque Dialga a été malade... Elles sont toutes mortes sous mes yeux... C'était vraiment horrible. Et c'est idiot... Mais j'ai le sentiment que la Tour du Vent est un lieu important où je dois me rendre. Je crois que c'était parce que j'étais à proximité de la tour que Lugia a pu me sauver. Et c'est vrai que ma grossesse a été très, très longue. »

La demoiselle eut un rire en songeant à sa grossesse anormalement longue. Elle repensa également à son autre elle, qui l'avait projeté en bas de la tour, lors du premier trouble temporel, où elle avait récupéré son médaillon, et vu l'homme qui l'avait élevé partir avec un nourrisson sous le bras, son fidèle Insécateur près de lui. Elle souffla. C'était fini désormais. Elle ignorait si elle retrouverait un jour Kimal. Elle n'avait pas trouvé son cadavre dans les cendres de son ancienne demeure. Alors sincèrement, qui savait... ?

La Mizuhanienne sembla mal à l'aise en entendant parler d'Electhor, et la brune écouta le récit de son amie, un peu surprise par ce qui s'était produit.

« J'ignorais que les Légendaires pouvaient avoir des œufs. Après, ça n'était pas de ta faute et tu l'as rapporté. Peut-être que sa colère s'apaisera. Je ne sais pas. C'est vrai qu'il vaudrait mieux éviter de retourner le voir pour l'instant. Au pire, rien ne t'oblige à faire ces missions, tu sais. Et rien n'obligera les Dieux a accepter également. Je ne désire pas faire de Logan un privilégié, un protégé. Juste à faire en sorte que, par ces symboles, les quatre nations se tiennent en paix vis à vis de lui. Mais je sais bien qu'il y aura toujours des personnes suffisamment mauvaises et vaniteuses pour outrepasser les lois divines. »

Parler de son refus de retourner à Arkan pour récupérer en personne la Nidoqueen sembla un peu vexer Nina, pourtant, Kajin' n'y pouvait rien. Elle désirait, avant de rejoindre son ancienne Pokémon meurtrie, acquérir plus de force. Elle voulait être plus apte à la protéger à nouveau. Et ensuite, elle avait eu le malheur d'être embarquée de force dans les engrenages des dérèglements temporels. Elle avait certes, beaucoup fui, il fallait le reconnaître. Mais c'était pour des raisons, des sentiments qui lui étaient propres.

« Je sais que je pouvais venir, et que ça ne t'aurait pas énervé de me voir débarquer à l'improviste. Mais je ne voulais pas. Je ne... pouvais pas... Je m'en voulais beaucoup trop de ce qui avait eu lieu, et plus le temps passait, plus je m'en voulais d'avoir le sentiment d'abandonner Hime derrière moi. Mais je ne trouvais pas le courage de revenir, au fur et à mesure que le temps passait... Je suis désolée... » fit-elle à l'attention de la matriarche, avant de reprendre : « Je sais bien qu'on ne choisit pas toujours, et peut-être que je me retrouverai avec d'autres Pokémon. Mais pour le moment, ça n'est pas ce que je cherche. En fait... Je ne sais pas trop quoi faire dans la voie de dresseur. J'ai envie de faire les arènes, les badges, la Ligue... Mais je ne sais pas si c'est vraiment ce que j'aime. Enfin, ce que je veux faire. J'apprécie également les concours, mais à petite dose. Alors je ne sais pas. Je n'ai aucune prédisposition à devenir quelque chose en particulier. Je ne sais vraiment pas. »

Elle leva les bras au ciel et s'étira, ses épaules craquant, semblant s'abaisser sous ce geste. Son mouvement n'avait pas dérangé Logan, qui dormait à poing fermé, faisant une petite sieste avant de demander à manger, ou bien à jouer. Elle avait ri discrètement lorsque le Mentali avait un peu râlé en entendant son nom prononcé pour une telle raison. Elle n'avait cependant pas réveillé son fils. Elle veillait à ce qu'il se repose tranquillement. Elle sentit un élancement dans la jambe gauche et commença à la plier et à la déplier lentement.

« Je le sais que trop bien. C'est parce que je me suis surestimée que je suis dans cet état. Porter un enfant est une épreuve d'endurance sacrément corsée quand on y pense. Les derniers mois sont les plus durs, ceux où il faut être le plus prudent. Bizarrement, ça a été le moment que j'ai choisi pour aller m'écraser en terre inconnue et faire une épreuve de guerrier. L'accouchement en lui-même n'a fait qu'achever tout le bas de mon corps qui doit actuellement me détester. Et je sais bien pour le challenge, mais bon, comme je te l'ai dit, j'ignore si je suis réellement faite pour ça, même si ça m'amuse et me plaît. Sans compter que ça me permet de vérifier ce que je vaux. »

Elle souffla un peu lorsque le sujet se tourna vers Lehna. La jeune mère pensa, un peu amer, qu'au moins la cousine de son amie avait l'air de savoir où elle allait, contrairement à elle. Mais là n'était pas le sujet. Elle s'inquiétait presque pour elle, ce qui était surprenant, vu ce qui avait eu lieu. Probablement encore un effet des hormones, qui allaient bientôt cesser leurs caprices. Ca serait une bonne chose.

« Je ne sais pas, c'est elle qui s'est débrouillée après, si elle n'a pas voulu écouter, c'est son problème. On dirait que ça t'amuse beaucoup. Je n'ai aucune idée de l'état du trône nalcien actuel, je pense que le roi et la reine vont continuer à régner un bon moment. J'ai le temps. Et ils ne m'ont pas encore officiellement retrouvée me concernant. »

Elle avait senti la colère de Nina, mais n'avait pas osé retourner dessus. Remuer le couteau dans la plaie n'était pas une bonne chose. Elle comprenait qu'elle soit en colère, même si dans son cas, c'était peut-être juste de la déception, de la surprise, et de l'hébétement qu'elle subissait. En fait, elle ne connaissait pas avec exactitude toute l'affaire, et elle avait du mal à se placer dessus pour réagir. Elle n'avait strictement aucune idée de comment faire, comment réagir, et tout serait probablement de l'improvisation.

« Je crois que moi aussi je n'arriverai pas à les accepter à cœur et à bras ouvert. Je ne sais pas ce qu'ils ont fait pour me retrouver, pour m'aider. Il y a eu probablement des gardes, des espions. Je n'en sais rien. Surtout que je me rends compte que je n'étais pas tellement cachée... » Elle eut un soupire un peu dépitée « J'ai été enlevée à ma naissance. L'homme qui m'a élevé a toujours été mon père pour moi, même si en réalité c'était mon oncle. Je ne les déteste pas. Je ne sais juste pas quoi faire. Ni comment je serai reçue, avec Logan... Un enfant orphelin de père qui était de Terros. Et la mère qui serait probablement éprise d'un Flamenois... Mauvais mélange. »

Elle rougit un peu avant de secouer la tête pour se remettre les idées en place, pressant un peu plus son fils contre elle. Elle ne doutait pas que sa réputation était déjà très ternie -si ses proches avait la moindre idée du quart de propos qu'elle avait pu entendre, ça les aurait choqué ou fait enrager- mais là, ça ne serait pas très glorieux. Elle, elle ne le vivait pas mal. Elle aimait Logan. Elle se sentait proche d'Ishizu. C'était bien pour elle. Mais pour les autres... Surtout venant d'une royauté. Elle eut un petit soupire, avant de sourire, reprenant contenance, évitant de trop y penser et d'afficher sa tristesse.

Elle eut un sourire envers la Momartik et lui demanda un thé glacé, et surtout, des compresses froides, pour ses jambes endolories. Ou des compresses tout court, Sekei se chargerait de les refroidir. La dame de neige ne mit que peu de temps à revenir avec ce qu'on lui avait demandé, et la Nalcienne put commencer à appliquer les cataplasmes glacées sur ses jambes, après avoir confié un Logan toujours endormi à Sekei. La réaction du Kaïminus, redevenu humain, était amusante. Lui qui était si agressif, froid, et un peu supérieur, il avait changé en grandissant avec Kajin', et il était tout aussi différent au contact de l'enfant. Pour le moment, il se contentait de le bercer, assez tendrement. Ses lèvres bougeaient, sans qu'un son ne soit audible, mais la dresseuse était persuadée qu'il murmurait des paroles rassurantes ou une vague chanson à l'enfant. Lui qui au départ, ne pouvait s'empêcher de l'arroser ou de la griffer parce qu'il la trouvait un peu stupide, il avait fait un sacré changement.

« Pour ma part... Je crois que j'aimerais les voir dès que possible. Pour en être « débarrassée ». Ca ne m'empêchera pas de faire mon épreuve avant et d'attendre de retrouver la forme. Mais au moins, je serai fixée sur ce qui a eu lieu. Et sur ce qu'ils pensent de moi. »

Elle eut un petit sourire. En attendant, Warai s'entraînait à déplier ses ailes, cherchant à dénicher si l'une de ses ailes avaient une faiblesse, demandant à l’œil aiguisé de Kashi de l'aider à vérifier. Isei continuait d'admirer le Galéking, se promettant qu'un jour, il évoluerait, et il pourrait faire ce genre de jeu avec lui. Hime faisait toujours semblant de se pâmer d'admiration, sans se départir d'un large sourire franc, indiquant qu'elle jouait clairement le jeu. Rakuraï, aidée de Kin, se détendait, et commençait à se détacher du sol pour reprendre une apparence un peu moins aplati. Elle prenait l'initiative, à son tour, d'envoyer de petites décharges à la Pharamp, même si elle était toujours mal à l'aise, et que le contact de la fourrure de Kin contre elle la rassurait. Hogosha allait prêter esprit fort à Sekei pour s'occuper du petit, en attendant que Kajin' ait fini de panser ses jambes. Elle jetait de vague coup d’œil à son amie, dont le Mentali se comportait comme un vrai chat, attitude qu'elle n'imaginait pas de lui. D'habitude, il était sérieux, et là, il semblait se laisser un peu plus aller. C'était probablement dû à l'ambiance détendue de la pièce, qui incitait chacun au calme et à la détente.

[Nina Wang]

Lorsque Kajin’ décrivit ce qu’elle avait vu et rencontré lors de ses voyages temporels, Nina l’écouta attentivement, surprise, mais pas choquée. Après tout, les modifications temporelles étaient déjà un phénomène particulier et extraordinaire, alors un peu plus ou un peu moins de choses hors du commun, finalement, ça n’y changeait pas grand-chose. Des visions des différentes possibilités pour son futur ? C’était certes original, mais aussi et surtout vraiment perturbant, et Nina songea qu’elle n’aurait pas aimé être à sa place, surtout si la Nalcienne, comme elle l’affirmait, avait vu tous ses « Moi » alternatifs mourir les uns après les autres. La guerrière de l’Eau ne voulait absolument pas savoir ce qui allait lui arriver, car elle préférait croire que c’était les rencontres, les choix et les évènements ponctuels qui déterminaient ce qu’elle était, et non pas une stupide vision sans âme, sans consistance et sans souvenirs.
 
« Tu devrais suivre ton instinct et t’y rendre dès que tu le pourras. La Tour du Vent est de toute manière un endroit important et symbolique pour les Nalciens, c’est une raison suffisante pour y aller. Et puisque c’est la demeure de Lugia, et son territoire, tu as une excuse encore plus valable. Mais c’est fini, maintenant, ton fils est là, en sécurité, et vous êtes moins vulnérables ainsi, séparément, mais ensemble. Enfin… Ce que je viens de dire n’était pas très très clair, mais je crois que tu as compris l’idée. »
 
La Nalcienne lui expliqua ensuite que le courroux d’Electhor avait des chances de s’apaiser un jour, et que rien n’obligeait le colonel à s’investir dans de telles missions, en précisant également que les lois divines n’arrêtaient pas certains humains qui se pensaient supérieurs à ceux qui veillaient sur les terres erasiennes et célestes. Avec un mouvement de tête désolé, la fille du major acquiesça.
 
« J’espère aussi qu’il me pardonnera un jour. Je cherchais simplement à rapporter l’une de ses plumes pour un type qui l’avait demandé, pas à le déranger ou à le mettre en colère. D’ailleurs, rien ne dit que les oiseaux légendaires accepteront ta requête, mais rien n’indique le contraire non plus. Quoi qu’il en soit, je tiens à aller récupérer au moins l’accord de l’un d’entre eux : ça me ferait plaisir, et c’est la moindre des choses. Mais je suis loin de vouloir les surpasser, ce serait parfaitement stupide de ma part. Et j’ai encore bien trop de choses à vivre pour aller me briser l’échine sur le flanc d’une montagne ou pour finir au fin fond d’un ravin parce que j’aurais été un peu trop prétentieuse à l’égard d’un dieu. Par contre, si jamais quelqu’un essaie de faire du mal à Logan alors qu’il a reçu leur bénédiction, je leur fais confiance : il est clair qu’ils ne laisseront pas quelqu’un qui a touché à l’un de leurs protégés tranquille. »
 
Tandis que sa cadette lui disait ce qui l’avait empêchée de revenir chercher Hime chez les Wang, Nina resta silencieuse et impassible. Elle ne pouvait pas savoir ce qu’elle ressentait, parce qu’elle n’était pas à sa place. Elle-même n’avait jamais eu le sentiment d’abandonner l’un de ses Pokémon quand elle n’était pas chez elle et qu’elle parcourait les routes, en laissant un ou plusieurs de ses compagnons avec Sergei et la jeune femme employée à plein temps pour s’occuper des pensionnaires. Mais les circonstances n’étaient pas les mêmes. Même quand Erebos avait été grièvement blessé aux côtes, Nina l’avait gardé avec elle, et elle ne laissait ses compagnons à la maison que dans des cas particuliers, comme pour Miyana et ses petits. Kokujin’, lui, n’était pas là par manque de place : il semblait que lorsqu’un dresseur dépassait un certain nombre de Pokémon sur soi, un phénomène étrange empêchait l’ouverture de la capsule de ceux qui étaient « en trop » ; pire encore, ce nombre n’était pas le même en fonction des personnes, car les dresseurs lambda avaient l’air d’être limités à six, les guerriers à sept, et les chercheurs à dix, voire onze… Quoi qu’il en soit, le mystère était encore loin d’être éclairci, mais Nina soupçonnait les dieux Pokémon de verrouiller la capacité des humains à emporter ce qu’ils désiraient avec eux afin de les rappeler à leur condition de simples mortels, sans doute pour les empêcher d’avoir la « folie des grandeurs » en vidant une réserve naturelle de toute sa faune, par exemple. Pour la Mizuhanienne, il fallait être humble et choisir avec précaution et parcimonie. Il arrivait que ce soit le Pokémon lui-même qui choisisse son maître, comme c’était le cas avec Genki, qui avait choisi Nina par le biais de Sergei, ou encore Miyana, qui avait décidé de quitter sa jungle natale pour voyager avec elle.
 
En serrant Genki contre elle, Nina appuya son menton sur le crâne de son Mentali et lança :
 
« Tu as toute la vie devant toi pour t’apercevoir si oui ou non, tu es faite pour ça. Si, pour le moment, essayer de décrocher les badges et les rubans t’amuse, eh bien vas-y. Si un jour tu en as marre et que tu veux faire autre chose, te poser ou, que sais-je encore, te lancer dans un élevage de Goupix ou de Nidoran, alors arrête et fais ce que tu as envie de faire. Le plus important, dans tout ça, c’est d’emprunter une voie qui te plaît, et dans laquelle tu te sens entière et accomplie. Tu peux très bien vouloir te consacrer à l’éducation de ton fils : si ça te rend heureuse, aucune raison de se préoccuper de ce que les gens en pensent. En tout cas, si jamais tu veux des conseils pour les combats en arène, ou si tu veux en discuter après dans un « débriefing », n’hésite pas. Avec ma troupe presque au complet, on a un petit paquet de matches derrière nous, et je sais qu’il nous en reste encore beaucoup, et qu’on en apprendra toujours davantage après un duel. »
 
Nina pouffa de rire quand Kajin’ lui dit sur le ton de l’autodérision qu’elle avait choisi le bon moment pour aller se crasher directement sur le nouveau continent. Réflexion faite, ça n’étonnait pas du tout la Mizuhanienne, qui commençait à connaître assez sa cadette pour savoir qu’elle était plutôt coutumière des choses folles, décalées et pas spécialement sûres pour la santé. Avec une petite grimace assez comique qui semblait dire « allez, à d’autres, comme si tu étais une petite fille bien sage et rangée qui fait attention à mettre de petits morceaux dans la bouche et à ne pas grimper partout », elle leva les yeux au ciel avec un soupir.
 
« Je dois t’avouer que quand je t’ai vue débarquer sur la plage, avec un ventre d’une taille honorable, en disant que tu venais pour passer ton épreuve, je n’ai rien dit, mais sur le coup, je me suis demandé d’où cette idée saugrenue t’était venue. Mais tu avais ta protection, alors ça allait. Et les combats d’arène permettent de tester force, astuce et complicité, mais ce n’est pas à eux de te dire ta valeur, même si cela y contribue beaucoup. »
 
Nina lança alors un regard pénétrant à ses Pokémon, qui l’avaient accompagnée tout au long de son périple, et qui n’avaient jamais douté d’elle, en lui faisant confiance, même dans les situations les plus improbables et les plus désespérées. Elle savait combien elle leur devait, et elle était sûre de pouvoir compter sur eux en cas de coup dur. Sentant soudain une caresse douce et discrète directement dans son esprit, elle sourit, remerciant mentalement Genki pour son soutien de chaque instant. Le félidé mauve sentit l’humeur de la jeune femme changer en quelques secondes quand la Nalcienne dit que Nina semblait beaucoup s’amuser. Le colonel avait perdu son léger sourire lorsqu’elle reprit :
 
« Non, pas vraiment. Ça doit probablement m’amuser un peu, mais c’est avec un fond d’amertume, plutôt. J’ai quand même un peu de peine pour cette pauvre fille, qui croit manipuler les autres, mais qui est dans le rôle du pantin lorsqu’il s’agit des Fran, de la couronne… Et de moi. Même si je ne la porte pas spécialement dans mon cœur, elle n’a pas choisi ce qui m’est arrivé et, par voie de conséquence, ce qui lui arrive à présent. Et puis, comme pour le trône nalcien, je pense que celui du pays de l’Eau est aux mains de mes parents pour encore longtemps. Tu as bien vu comment était Jôuheika Sifuru. Je doute qu’elle cède le trône de sitôt. Et il faut dire que ce qu’elle m’a laissé entrevoir d’elle ne me donne pas spécialement envie de la connaître davantage, en fait. Quant au roi… L’envisager comme le remplaçant de Sergei est tout bonnement impensable. »
 
La jeune gradée sortit son propre pendentif, qu’elle avait gardé dans sa poche, et observa la petite miniature du portrait d’elle et de Sergei dont elle ne se séparait jamais. Bien sûr, il lui manquait quand elle était en voyage, mais elle savait qu’il croyait en elle et en ses rêves, et chaque fois qu’elle voyait son sourire sur ce dessin rendu indestructible par le talent d’un artisan mizuhanien, elle se sentait mieux, quasiment invincible. Après l’avoir rangé, elle se perdit dans ses pensées, laissant échapper un léger soupir après les révélations de Kajin’.
 
« Hm… Effectivement, si tu as été enlevée à la naissance, tu ne peux pas savoir ce qu’ils ont mis en œuvre pour te retrouver. Ton ravisseur était ton oncle, en plus ? C’est étrange, comme moyen de montrer son attachement à sa famille. Mais je suppose qu’il avait ses raisons. Pour ma part, pendant mon enfance, je n’ai cessé de bouger un peu partout, ce qui a dû rendre les recherches un peu plus difficiles. Mais quand j’ai eu neuf ans et que Sergei m’a recueillie, je me suis fixée à Fla’Or, et j’allais très souvent à l’Académie militaire, presque chaque jour, en fait. Quelqu’un aurait dû me retrouver, j’étais inscrite à l’école et aux classes de l’armée. Et avec le pouvoir que certains Fran possèdent, dont ma mère, je ne peux pas croire qu’elle n’ait pas réussi à me repérer, ce qui veut dire qu’elle ne s’est jamais dérangée en personne, sans compter que le jour de ma rencontre avec Sergei a aussi été celui où j’ai décidé qu’il serait celui qui compte vraiment pour moi. D’ailleurs, c’est lui qui a décidé que ce serait la date de mon anniversaire, et il se trouve que c’est vraiment ma date de naissance. C’est fou. Mais on n’y est pas encore, au jour où on les verra au palais. On avisera plus tard. »
 
L’évocation d’un lien amoureux avec le fameux Flamenois dont elle avait parlé plus tôt suscita un petit rire chez Nina, accompagné d’une expression qui disait assez clairement ce que pensait la jeune femme à ce sujet. Amusée et contente de pouvoir plaisanter, en bougeant les sourcils de manière assez comique, elle lança :
 
« Eh bien eh bien, on dirait que notre petite héritière est déjà repartie en conquête, hein. Là, pour le coup, je n’aurais pas cru ça possible, venant de toi. »
 
En voyant son amie rougir, Nina éclata franchement de rire, avant de vérifier rapidement que Logan n’avait pas été réveillé par le bruit. Mais apparemment, le gamin dormait comme une pierre, ce qui amusa la guerrière de l’Eau. Mais en constatant que la Nalcienne semblait triste, Nina ne put s’empêcher de taquiner du doigt le bras de Kajin’, en lui donnant quelques petits coups rapides et indolores.
 
« Eh. Faut pas t’en faire pour ça. Il est de Flamen, et après ? Je suis bien amie avec un Flamenois, alors que j’appartiens à la royauté et à l’armée. Ils n’ont pas le droit de te faire le moindre reproche à ce sujet. S’ils voulaient t’arranger un mariage, ils n’avaient qu’à te retrouver plus tôt. Maintenant, c’est trop tard. C’est toi qui décides. »
 
Nina accepta alors la boisson que lui tendait la Momartik de bon cœur, alors que son amie appliquait des cataplasmes froids sur ses jambes. Elles étaient un peu enflées et, à voir les grimaces passagères qui s’invitaient parfois sur le visage de Kajin’, elles devaient également être douloureuses. Sekei, qui était d’habitude bourru et renfermé, ressemblait désormais à un papa gaga de son fils, preuve qu’il n’était pas aussi détaché qu’il voulait le faire croire.
 
En entendant sa cadette lui affirmer qu’elle voulait voir sa famille le plus vite possible, Nina avala une gorgée d’eau fraîche avant de s’exprimer.
 
« C’est une bonne idée aussi. Plus vite c’est fait, plus vite tu es tranquille. Moi, je ne peux pas m’arrêter dans ma lancée, alors ils attendront. Et honnêtement, je me fiche pas mal de ce qu’ils pensent de moi. Ce que pense Sergei a bien plus de valeur. En tout cas, j’espère que ton épreuve se passera bien. Mais il n’y a pas de raison. Tu as bien réussi la mienne avec un gamin dans le ventre, alors pourquoi pas celle-là ? »
 
Accompagnant ces mots d’un haussement d’épaules, Nina appuya sa tête sur celle de Genki, qui répondit au câlin en se frottant contre la joue de sa maîtresse, qui rit en se « plaignant » que ça la chatouillait. La Noarfang aux dimensions de titan commença à regarder le Rapasdepic sous toutes les coutures, cherchant à trouver un défaut ou un problème quelconque à l’aide de l’attaque Pique, qu’elle ne mènerait évidemment pas au bout. Le colosse de métal, lui, frappait son armure scintillante avec ses grosses pattes pour faire résonner la carapace et en montrer la résistance. Eikallia dormait paisiblement, roulée en boule, totalement déconnectée de ce qui l’entourait. Irai, toute contente de jouer au ping-pong électrique avec Rakurai, brillait sporadiquement pour manifester sa joie ; Erebos, plus calme, dormait, lui aussi ; quant à Genki, il continuait à se frotter contre le visage de Nina, malgré les « protestations » du colonel.

[Kajin' Nezumi]

La princesse de l'eau semblait un peu triste du sort de Lehna. Du moins, amer à son sujet. C'est vrai qu'à bien y réfléchir, la royauté de Mizuhan avait plus ou moins condamné deux personnes pour quasiment rien. Peut-être qu'aucun des dirigeants des nations n'avait pu intervenir parce qu'il y avait eu des problèmes politiques, des choses qui les dépassaient. Peut-être, la Nalcienne n'en savait rien, et elle n'était pas forcément pressée d'accéder à ce statut. Elle s'étira un peu, écoutant les propos un peu acerbes de son amie au sujet de sa cousine.

« Peut-être qu'un jour elle cessera de mentir à tout va. J'ai bien compris qu'elle m'avait mené en bateau, mais comme j'ai eu l'impression d'avoir réussi à atteindre un peu de son honnêteté, ça me convient. Et puis tu as raison, elle n'y est pas non plus pour grand chose dans ce qui lui arrive. C'est assez triste. Peut-être qu'on n'a pas été cherchées par les autres. Je ne saurais le dire. A dire vrai, j'ai le sentiment que je dois cesser de croire aveuglément les autres, et que la seule confiance que je peux ouvertement donner, c'est en mes Pokémon. Et bien entendu, mes proches. Nous n'avons pas le souci de devoir nous dire que notre nation repose sur nous. Nos parents tiendront encore le choc. Et personne ne te demande de remplacer Sergei par le roi tu sais. »

Elle eut un sourire, un peu triste, toujours aussi songeuse sur ce qui pouvait bien arriver. Lorsque Nina évoqua que sa famille avait l'air étrange, la demoiselle ne put que le reconnaître. Il lui manquait encore trop d'informations pour qu'elle puisse envisager de saisir toute l'affaire. Elle souffla.

« Il s'est avéré que c'était mon oncle oui. Je ne sais pas pourquoi il a fait ça. Il ne m'a jamais rien dit.  Et pourtant, contrairement à toi, je suis restée assez immobile, je ne suis partie que lorsqu'il est mort, et que j'ai senti que je devais fuir. Et après, pas de recherche, rien, j'ai été une espèce d'inconnue au bataillon, je n'ai jamais été cherchée par eux. Je me dis qu'au moins, mon expérience m'a permis de devenir ce que je suis désormais. Peut-être que si rien n'était arrivé, nous serions devenues des personnes comme Lehna. »

Elle était songeuse, encore un peu. Surtout que Nina parlait de Sergei. Elle avait encore une personne, elle était avec quelqu'un. La Nalcienne, elle, était seule. Elle n'avait plus que ses Pokémon, et désormais Logan, comme vraie famille, mais les choses avaient été changées, les rôles inversés, et elle ignorait si elle réussirait.

Son amie commença à rire de bon cœur lorsqu'elle avait évoqué une attirance pour Ishizu. Ca ne faisait que faire rougir encore plus la demoiselle, mais la mettait également un peu mal à l'aise. Après tout, c'était ses sentiments, mais elle ignorait tout de ceux du Flamenois qui avait une façon d'agir parfois peu conventionnelle. Ca n'était pas un mal, au contraire. La Nalcienne savait que personne, du moins, aucun homme, aurait aussi bien accepté sa situation et Logan.

« Pourquoi ça n'est pas possible venant de moi ? »

Elle était curieuse de connaître l'opinion de la femme à cette histoire, se demandant bien ce que cela pouvait signifier. Savoir que son amie ne lui en tenait pas rigueur lui faisait en tout cas plaisir. Elle savait qu'Asaka lui en voudrait peut-être de son choix, mais la championne avait d'autres raisons de refuser ce genre de choses. La guerrière s'étira.

« Je sais bien. Mais bon. Leur fille disparue va réapparaître avec un enfant, et une attirance pour un homme qui, soit dit en passant, n'est pas le père, et vient d'un pays ennemi, le tout à vingt ans tout au plus. Je doute qu'ils apprécient, honnêtement, ça fait assez dépravée pour la plupart des gens. Après, c'est vrai que ça ne m'empêchera pas de rester avec lui, si lui m'accepte. Car je ne décide pas de tout. Certes, mes parents n'auront pas à intervenir, mais Ishizu, oui. Si ça n'est pas réciproque, je me débrouillerai, même s'il m'a promis de nous protéger, Logan et moi. »

Elle afficha un léger sourire. Ses jambes commençaient à aller mieux avec les bandes froides qu'elle avait appliqué dessus. Le chemin jusqu'à sa chambre serait laborieux, mais le fantôme des neiges lui donnerait un petit coup de main, ses Pokémon aussi. Elle arriverait bien à retourner dans ses appartements, il le fallait, elle n'allait pas passer la nuit ici et, de toute façon, Asaka elle-même la ramènerait si c'était nécessaire.

Kajin' ne répondit pas aux propos de Nina. Pas pour l'instant. Elle regarda les Pokémon autour d'elle, les observant tous. Warai recommençait à s'entraîner, perdant peu à peu la faiblesse de son aile, et récupérant l'endurance qu'il avait perdu avec l'accident. L'aide de la chouette était plutôt appréciable, puisqu'un autre oiseau pouvait lui donner un avis sur son vol. Il fallait admettre que le Rapasdepic pouvait difficilement se voir lui-même voler. Isei regardait toujours Sidéron, se doutant qu'il serait plus compliqué pour lui de frapper sa carapace future avec les pinces qu'il aurait. Mais il avait retrouvé un regain de motivation pour s'entraîner, et il le savait, il évoluerait bien un jour. Il allait juste essayer de faire en sorte que ce jour ne tarde pas trop à venir. Hime elle, finissait par rire silencieusement de la vantardise exagérée du colosse d'acier. Hogosha veillait, avec Sekei, au confort de l'enfant, afin qu'il ne se réveille pas. Quant à Rakuraï et Kin, ils continuaient de jouer -enfin, la Dynavolt envoyait de l'électricité à Irai, et Kin surveillait que tout se déroule bien-. Ils semblaient tous plutôt heureux, et calmes, ce qui faisait plaisir à voir.

La guerrière se tourna à nouveau vers son amie, prenant cette fois un air un peu plus grave. Ses yeux brillaient d'une lueur farouche de détermination.

« Je veux accéder au trône. Ca ne sera pas forcément évident mais disons que si on me le propose, je ne le refuserai pas. Si je suis à cette place, je devrais avoir assez d'influence pour changer les choses. J'ai fait la guerre, moins que toi, certes, mais j'ai combattu. Et ça n'est pas le meilleur événement du monde. Si je peux changer la politique de Nalcia, devenir l'alliée d'autres pays, je le ferai. Installer une sorte de trêve mondiale. Je sais que c'est possible. Ca a déjà été fait. Après, tout ne sera pas de mon ressort, les Légendaires sont tous de même ceux qui donnent les lois. Mais je veux essayer. Même si on est à l'abri de rien, comme de la découverte d'un nouveau continent, je veux au moins tenter le coup. Je ne garantis pas de réussir. Et ça ne voudra pas dire la fin de l'armée pour autant. Mais je voudrais instaurer une paix si j'en suis capable. J'ai un fils désormais. Et je voudrais le protéger de toute cette violence. C'est idiot, mais c'est comme ça. »

Le projet était fou, proche de l'irréalisable. Personne ne savait de quoi était fait l'avenir. Il pouvait toujours y avoir un événement qui renverserait le cours des choses. Sans compter les Légendaires qui, comme Kyogre et Sulfura, n'agissaient pas de façon saines, et semblaient en piteux état. Pourtant, la Nalcienne avait envie d'essayer.

Sekei se releva alors que Logan sortait de sa courte sieste, son estomac commençant à râler. La mère sourit, et prit l'enfant dans ses bras, déboutonnant discrètement son haut pour lui permettre de prendre le sein. Elle était un peu gênée de la situation, mais n'avait guère le choix pour l'instant. Elle regarda son amie.

« Désolée si mon discours paraît brusque et irréalisable. C'est juste... Un projet comme un autre dirons-nous. »

Elle eut un fin sourire, caressant la joue de son fils, tout en se demandant comment la demoiselle allait réagir à son annonce. Surtout que malheureusement, Kajin' allait bientôt devoir prendre congés, il était tard, et elle savait qu'Asaka radoucirait peut-être son entraînement, mais qu'il serait toujours corsé. La journée de demain allait être, comme les précédentes, probablement épuisante, mais cela amusait surtout la Nalcienne, qui avait demandé un tel traitement. Dans tous les cas, elle était quand même contente d'avoir pu revoir son amie, qui lui avait manqué.

[Nina Wang]

Nina doutait vraiment au sujet de Lehna. Elle ne la voyait tout simplement pas cesser ses mensonges du jour au lendemain, parce qu’elle avait l’air d’être faite pour ça. Tout comme sa propre vie, celle de sa cousine avait été fondée sur le mensonge et, même si Nina ne s’en portait pas mal, s’étant construit elle-même, avec l’aide de Sergei, une existence qui lui convenait tout à fait, elle songea que finalement, la princesse d’opérette n’était pas si différente de la légitime…

« Si tu l’as trouvée honnête à un moment donné, tu as bien de la chance. Je me dis qu’en tout cas, elle s’en sortira toujours avec une petite pirouette et un joli sourire. J’admire un peu ce genre de femmes, qui peuvent se servir de leur visage pour faire passer quelque chose qu’elles n’éprouvent pas et embobiner tout le monde. Mais ça prouve qu’elles ont, au fond, quelque chose à cacher. Bah, peu importe. La reine a affirmé qu’elle m’avait cherchée, et je veux bien la croire. Mais ça ne compte pas, maintenant. Ça ne compte plus. Je suis comme toi, j’ai du mal à donner ma confiance aux autres, sans doute parce qu’on m’a toujours fait de grands sourires et parlé avec une voix cajoleuse avant de me torturer. Je te comprends. Et je crois que nous sommes un peu jeunes et pas assez au courant des intrigues de nos cours respectives pour assumer le poids d’un royaume à diriger. Nous avons encore le temps avant de prendre un peuple entier sous notre responsabilité, si ce jour doit arriver. Occupons-nous déjà de nos familles, de nos amis : le reste est, pour le moment, accessoire. »

La réflexion de son amie sur l’absence de recherches des gouvernants de Nalcia, ainsi que celle sur ce qu’elle était devenue, fit arborer à Nina un sourire énigmatique, indéchiffrable, comme si trop de choses s’y mêlaient et formaient un fouillis trop complexe pour être compris. En serrant un peu plus Genki contre elle, la guerrière de l’Eau sentit davantage la douce chaleur qui émanait du corps du Mentali, et son cœur fit un léger bond dans sa poitrine.

« Oui… Qui sait, s’ils t’avaient cherchée, tu n’aurais peut-être jamais rencontré Sekei, Neko, tous tes Pokémon… Et moi, je n’aurais peut-être jamais connu Genki et tous ceux qui ont partagé ou partagent ma route. On ne serait pas là, à discuter de tout ça. Heureusement que nous ne sommes pas comme Lehna, finalement. Le mensonge par omission a du bon, parfois, c’est vrai. »

La Nalcienne, à présent cramoisie, sembla surprise de la réaction de Nina vis-à-vis de son attirance pour ce fameux Ishizu, et elle l’interrogea à ce sujet. Se laissant un instant de réflexion pour répondre sans la vexer ni aggraver sa gêne, la fille du major dit finalement :

« Disons que tu cachais bien ton jeu. Et puis, c’est bien que tu aies pu retrouver quelqu’un avec qui tu envisages de partager ta vie. Je sais que Sergei a connu une femme, avant de me recueillir, mais elle n’est plus là, maintenant, et même s’il ne m’en parle que très rarement, je sens qu’il a été brisé, quelque part, et qu’il n’est pas prêt à repartir dans une histoire comme ça. J’espère qu’il en sera capable, un jour. Comme toi. »

Lorsque son amie fit l’inventaire des griefs que pourraient avoir ses parents contre elle quand elle irait les voir au palais royal, Nina hocha la tête, consciente que oui, ça faisait beaucoup pour des gens censés être des modèles d’équilibre, de modération et de bonté pour leur peuple. En haussant un sourcil, la guerrière de l’Eau lança :

« Oui, effectivement, mais quoi qu’il arrive, ils devront faire avec. Peu importe qu’ils apprécient ou non, tu restes leur fille, quand même. Et je me doute bien que tu ne forceras Ishizu à faire ce dont il n’a pas envie. Je te vois mal le coincer pour lui faire quoi que ce soit d’obscène contre sa volonté, même si, après ce que tu m’as dit concernant tes sentiments à son égard, je ne devrais plus être aussi surprise. »

Nina fit un clin d’œil à son amie pour accompagner sa petite plaisanterie, avant de plonger son regard dans l’océan violet des yeux de son Mentali, qui la regardait fixement, sans rien dire. Ah ça, on ne décidait pas de tout, c’était clair. Pas même de l’Evoli qui avait aperçu Nina, alors qu’il était encore tout petit, et qui avait entendu Sergei demander à un ami, le propriétaire des parents de Genki, s’il pouvait avoir un Pokémon de sa portée « pour l’anniversaire de sa fille ». La créature psychique et sa maîtresse se regardèrent longuement, intensément, le Mentali ronronnant toujours sur la poitrine de Nina. Il y eut un long échange silencieux, qui en disait long sur l’alchimie qui les liait, avant que le Pokémon Soleil ne pousse un léger « lii » et ne se rendorme paisiblement sur son confortable coussin. Quand il se comportait comme ça, la jeune femme avait l’impression de retourner au moment où elle l’avait reçu, alors qu’il n’était qu’une petite boule de poils. En se remémorant ce jour, elle sourit, une aura de quiétude et de chaleur émanant de tout son être.

Un peu plus loin, Kashi s’entraînait avec Warai, le laissant reproduire ses mouvements à sa manière et à son rythme, fondant soudain sur lui pour le surprendre et déclencher ses réflexes, ou tout simplement pour retirer une poussière ou une petite écharde cachée dans le plumage dorsal du Rapasdepic. Lorsqu’elle estima que c’était suffisant, la Noarfang s’inclina devant l’autre rapace, puis rejoignit sa dresseuse. Sidéron, lui, se mit lui aussi à rire en voyant la Nidoqueen craquer et briser le « code » du jeu, cessant sa démonstration de body-building, avant de tapoter la tête d’Isei et de marcher d’un pas lourd vers Nina. Irai, en voyant que certains de ses camarades commençaient à bouger, décida d’interrompre le jeu, non sans faire un nouveau « check » à sa copine d’électricité, comme pour l’encourager à continuer à s’entraîner et à travailler sur sa timidité. Eikallia émergea de son sommeil réparateur et laissa la princesse de l’Eau la rappeler dans sa Ball, sachant qu’elles s’étaient parfaitement comprises. Erebos, quant à lui, ne leva la tête que quand Kajin’ fit une annonce pour le moins surprenante.

Nina resta un peu abasourdie devant la volonté farouche de la Nalcienne de se trouver à la tête de Nalcia un jour. Le projet qu’elle avait était, d’ailleurs, encore plus fou. Une trêve mondiale ? C’était une belle utopie, car il fallait composer avec les velléités guerrières de Flamen, la politique parfois changeante de Terros et l’esprit combattif mais pas agressif de Mizuhan. Sans compter que les deux dernières guerres avaient laissé des familles dévastées, des cicatrices innombrables sur les corps et dans les cœurs, et des rancœurs qui n’étaient pas prêtes à s’apaiser. De plus, les légendaires Pokémon semblaient atteints, à des degrés divers, d’un mal étrange, qui leur ôtait tout discernement et les poussait à faire combattre leurs nations les unes contre les autres. Pas évident de calmer les quatre pays, avec tout ça. Mais si le dessein de la Nalcienne paraissait un peu fou, la vraie finalité, elle, était tout à fait légitime.

« Je peux comprendre, même si je trouve qu’effectivement, c’est assez naïf de vouloir instaurer une paix universelle, alors que tant de mal a déjà été fait. J’ai beau faire partie de l’armée et y avoir une place de choix, que j’ai obtenue par mon travail, je ne suis pas spécialement ravie de participer à une bataille, en sachant pertinemment que je vais ôter des vies, et que je vais en voir tellement s’envoler et partir en fumée. J’aime voir de belles passes d’armes, bien sûr, et j’apprécie de pouvoir me mesurer à quelqu’un dans un duel amical. Mais si je tiens tant à ce que l’armée du pays de l’Eau soit forte, ce n’est pas pour qu’elle aille détruire nos voisins à la première occasion, mais bel et bien pour qu’elle soit capable de se défendre contre toute agression extérieure. Je sais bien que tu as fait la guerre, toi aussi, et que j’ai plus d’expérience que toi dans ce domaine, mais sincèrement, ce n’est pas quelque chose dont je pourrais me vanter, d’avoir été actrice de massacres pareils. »

La jeune gradée marqua une pause, repensant à tout le sang qu’elle avait déjà versé, à Terros et à Mizuhan, à la terre qui avait bu le liquide vermeil en pleurant de douleur, à l’océan qui avait absorbé la source de vie en la perdant dans son sein, comme si elle voulait oublier ce qu’il avait vu. Tant de souffrances pour un résultat décevant. Au final, lors des deux dernières batailles, ils s’étaient tous contenté de faire un beau gâchis. Un immense, ignoble et terrible gâchis.

« Mais l’état actuel de certains de nos dieux me laisse vraiment perplexe, et inquiète, surtout. Je n’ai ressenti qu’un malaise étrange à proximité de Sulfura et, quand j’y repense, je me dis que l’absence de communication avec Kyogre, pourtant protecteur de mon peuple, ne présage rien de bon. Je n’irais pas jusqu’à dire qu’on ne peut plus compter sur eux pour nous indiquer la marche à suivre, mais je pense sincèrement que nous devons accueillir leurs conseils et leurs avis avec prudence et discernement. J’espère simplement qu’ils auront encore assez de raison pour bien vouloir accéder à ta double requête, celle concernant le trône et celle qui concerne ton fils. »

Nina observa ce dernier d’un œil distrait quand il manifesta clairement sa faim. Il était absolument nécessaire que le gamin, enfant de l’héritière légitime du trône de Nalcia, soit protégé par des forces divines. Déjà que les nations de l’Eau et du Vent n’avaient pas l’air d’être spécialement douées pour garder leurs héritiers avec elles, et que leur talent pour les retrouver par la suite n’était guère plus développé, il était préférable de s’assurer qu’au moins, les divinités d’Erasia veillaient sur lui, même de loin. La situation actuelle entre les différentes contrées, Tenkei comprise, n’était pas exactement ce qu’on pouvait définir comme idéale, alors un coup de pouce « venu d’en-haut », ce n’était pas du luxe.

« Ce n’est pas vraiment ce que j’appellerais un « projet comme un autre », mais tu as bien du courage de vouloir t’attaquer à un tel morceau. Qui sait, peut-être qu’un jour, nous gouvernerons ensemble, et qu’on pourra changer les choses qui seront à notre portée qui serait, il faut l’avouer, considérablement améliorée. Au moins, je sais que Nalcia sera entre de bonnes mains, même si tes parents se débrouillent plutôt pas mal, actuellement. »

En faisant craquer ses membres, Nina se releva promptement, déposant par la même occasion Genki sur le sol. Le Mentali ne protesta pas et s’assit, retrouvant son sérieux habituel, recommençant à observer tout ce qui l’entourait. Sentant qu’il était l’heure de partir, les Pokémon de la Mizuhanienne se regroupèrent vers elle, Kashi se laissant caresser entre les bois lorsqu’elle se posa devant Nina, Irai et Sidéron faisant un petit signe de la patte pour dire au revoir à leurs camarades de jeu respectifs, et Erebos s’étirant mollement sur le sol, laissant une flammèche rebelle s’échapper dans son mouvement.

« Eh bien, il est temps que je te laisse. J’ai sans doute encore du courrier à traiter qui m’attend à l’auberge. Heureusement que tu prévois de laisser une armée dans ton pays, quand tu seras reine, parce que sinon, des milliers de soldats comme moi se retrouveraient au chômage… »

La fille du major rappela tous ses Pokémon, à l’exception de sa monture et de son Mentali.

« Enfin, on ne me laisse jamais tranquille, c’est à croire que mes supérieurs veulent me tuer à la tâche. Mais tout le monde a besoin de repos, quand même, mon équipe a mené un rude combat contre Asaka, ils méritent bien de se détendre pendant quelques jours. Quoi qu’il en soit, tiens-moi au courant de ton avancée, et de ce que tu fais. N’hésite pas à me solliciter, je vais probablement rester à Nalcia pendant plusieurs semaines, j’ai beaucoup à y faire. »

Le colonel et Genki grimpèrent sur le dos de l’immense oiseau de proie, s’y installèrent confortablement, puis se tournèrent vers Kajin’.

« Fais attention à toi, repose-toi bien et prends soin de toi. À bientôt. »

Nina adressa un dernier sourire à son amie, lui fit un salut militaire, puis un petit signe de la main, moins formel et plus personnel, avant de presser ses jambes contre la Noarfang et de disparaître au loin avec elle.

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