[ Clos ] Illusion [Solo]

[Lehna]

La princesse quitta la table et se dépêcha de sortir de la pièce, Saphir sur ses talons. Ses pas claquaient sur le marbre bleu-blanc sombre du palais plongé dans l’obscurité à cette heure-là de la nuit. Il y avait très peu de monde dans les couloirs à part quelques monarques qui regagnaient leurs quartiers et des gardes qui surveillaient les allés-venus des invités.

La femme quitta enfin le bâtiment pour se retrouver à l’air libre, où un orage terrible écoulait des litres d’eau sur la terre. Pour ne pas qu’elle attrape froid, Lehna rappela son chat dans sa prison sphérique, leva le capuchon de sa tunique et continua sa route, essayant d’ignorer le bruit incessant des gouttes de pluie qui s’écrasaient sur le sol. Ce dernier était boueux et glissant, et ses talons hauts ne l’aidaient pas vraiment à avancer sous cette météo diluvienne. D’autant plus que sa marche était frénétique et stressée, ses mouvements abrupts et sa tête ailleurs. Elle rejouait dans son esprit la scène à laquelle elle venait d’échapper, sans arriver à la fuir.

Elle avait fait ce qu’elle avait à faire, et n’avait pas à regretter ses actions. Elle n’avait jamais eu aucun remord, et ce n’était pas maintenant qu’elle allait commencer à se préoccuper de cela. Ce n’était pas la première fois qu’elle mentait à la figure de son père, et ce ne serait sans aucun doute la dernière. Même si elle devait avouer qu’elle n’était jamais allée aussi loin. Mais quel choix avait-elle ? Il avait refusé de la laisser partir, la poussant de plus en plus loin jusqu’à ce qu’enfin elle craque.

« SPLAF ! »

Ce qui devait arriver arriva ; perdue dans ses pensées, la princesse  n’avait pas fait attention à où elle marchait et trébucha au sol, tâchant sa belle robe bleue de boue. La pluie coulait sur son visage, donnant l’illusion qu’elle pleurait. Mais ce n’était qu’une illusion. Comme tout le reste sur cette pauvre terre. Il n’y avait qu’une seule vérité, le fait que tout le monde n’était qu’un vaste mirage. Comprendre cela était probablement la chose la plus difficile que personne n’est jamais à faire dans sa vie, et d’ailleurs il n’y avait que très peu de personne qui y arrivait. Et elle faisait partie de ces êtres supérieurs qui étaient capables d’appréhender ce genre de chose.

La demoiselle resta là une minute, sans bouger, avant d’enfin lever sa main pour caresser sa joue, comme une enfant essuierait ses larmes. Puis, serrant les dents et son poing, elle fit un grand mouvement de bras en se redressant, épongeant toutes traces de terres ou d’eau grâce à sa maîtrise, redevenant à nouveau la grande femme parfaite que rien, absolument rien, ne pouvait ébranler.