[ Clos ] Évidences [Solo/Contrainte]

[Peter]

Assis dans son grand fauteuil près de l'âtre, Peter caressait la Sonistrelle allongée sur ses genoux d'un air distrait. Om ronronnait comme un félin, appréciant les doigts fins mais musclés qui passaient et repassaient sur sa fourrure duveteuse. Perdu dans ses pensées, le Dragonnier ne réalisa pas que le jour était déjà loin. Ce fut une légère pression sur son épaule qui le ramena à la réalité, ainsi qu'un baiser déposé sur son front. Sa gardienne et son trésor, inquiète pour lui, s'était manifestée pour le tirer de sa torpeur.

« Oh, pardon. Il est déjà si tard ? Où est Atramédès ? Il s'est encore cogné, je veux voir s'il ne s'est pas fait trop mal. »

D'un geste, la Gijinka lui désigna le Diamat aveugle qui dormait paisiblement à quelques mètres de là. Il avait une bosse sur l'une de ses deux têtes, mais rien d'alarmant, songea l'homme. Toujours saisi de cette tristesse mêlée de mélancolie dont les origines étaient difficiles à identifier avec précision, le Champion du Temple se leva, Om dans ses bras. La Sonistrelle se réveilla doucement, avant de se jucher sur son épaule.

« Il n'est toujours pas sorti ? »

La Draco humanoïde fit un signe de tête négatif, désolée. Comme si l'homme n'était déjà pas préoccupé par la maladie de son Griknot, la disparition de son apprentie qui se rappelait parfois à lui et par cette créature qui refusait de se montrer, voilà qu'il était abandonné par Eeva, maintenant ! Le départ de la rousse n'avait fait qu'accentuer cette langueur qui prenait parfois le Nalcien sans prévenir et le plongeait dans de douloureux souvenirs. Avec un soupir, le Dragon Master se dirigea vers la pièce où il « le » gardait. En silence, il le contempla.

« Il n'a pas bougé d'un pouce, j'imagine. »

La Gijinka lui répondit par la négative, comme il s'y attendait. Le visage fermé, il s'approcha de l’œuf et posa ses mains dessus, tentant de déceler un quelconque mouvement ou de la chaleur émanant de l'intérieur. Il fut surpris par le contact avec la coquille : le réceptacle était désespérément froid, comme si la vie l'avait quitté. L'homme aux cheveux acajou resta ainsi pendant plusieurs minutes, essayant de réchauffer le Pokémon lové dans sa carapace, mais ce fut peine perdue.

« ... Tu crois qu'il est mort ? »

L'humanoïde demeura silencieuse, laissant Peter à ses doutes et ses angoisses. En réalité, il sentait qu'elle réfléchissait à un moyen de lui annoncer ce qu'il craignait depuis tout ce temps, mais il ne lui fit aucune remarque. Elle le connaissait par cœur, elle devait donc avoir ses raisons de ne pas lui répondre immédiatement.

« Cela va faire cinq ans que je l'ai, et il n'a pas esquissé le moindre mouvement. Et je ne peux même pas écrire à Yûn pour lui demander ce qu'elle en pense, vu qu'elle était là quand je l'ai obtenu, j'ignore ce qu'elle est devenue. »

Il ne rajouta pas qu'il ne pouvait pas compter sur le secours d'Eeva non plus. La rousse brillait par son absence depuis plusieurs jours maintenant. Il sentit alors une pointe de désespoir enfler dans sa poitrine. Était-il si nul, pour ne pas arriver à faire éclore un Pokémon ? Ce n'était pas le premier œuf qu'on lui confiait, mais jusqu'alors, il avait toujours été capable de s'en occuper. Alors pourquoi était-il incapable de faire sortir cette créature de sa foutue coquille ? Avec une grande douceur, la Draco aux traits humains prit sa main dans la sienne et lui dit doucement :

« Peter, ce n'est pas la peine. Le Pokémon à l'intérieur est bel et bien vivant, je peux te l'assurer. Mais il dissimule sa présence et son existence quand nous nous approchons de lui. Il n'est pas mort ou en difficulté pour naître... Il ne veut tout simplement pas sortir. »

Le Dragonnier s'était douté de ce verdict, mais l'entendre formulé par sa plus vieille amie lui fit l'effet d'un coup de poignard. Des tonnes de questions défilèrent dans son esprit : avait-il mal fait quelque chose ? L'avait-il contrarié, vexé ? Lui avait-il fait peur, avec sa voix ou son aura ?

« Ce n'est probablement pas de ta faute. Si tu étais le seul responsable, il se serait montré en notre présence. Mais il n'aime peut-être pas les gens, ou bien il a trop peur de débarquer dans un monde inconnu, je n'en sais rien. Toutefois, je peux te dire qu'il n'est pas malade, j'ai déjà surpris un mouvement de sa part, et il est très vif. Non, il préfère juste... Rester à l'abri. J'ignore pourquoi. Je suis désolée. »

Peter serra la main de sa compagne de toujours. Il était à la fois désemparé, désespéré et rempli de culpabilité, malgré les mots de la Prêtresse. C'était la première fois qu'une telle chose lui arrivait, et quelque part, il se sentait perdu, mais aussi fautif. Il n'était ni Éleveur, ni Maître de l'Esprit, mais il n'était même pas certain que cette créature ait envie de voir des humains un jour, en fait. Il mit un long moment à reprendre la parole, mais lorsqu'il s'y résolut, il annonça, résigné :

« Dans ce cas, je vais devoir le confier. S'il ne veut pas éclore ici, peut-être qu'il sera plus enclin à le faire dans un environnement différent. J'irai voir la Marcheuse demain. Je suis sûr qu'elle comprendra. »

Malgré sa détermination, le poids de la culpabilité se ressentait dans sa voix. Lorsqu'il atterrit chez la jeune femme aux cheveux cyan, le lendemain matin, il n'était toujours pas libéré de ce qui l'oppressait, mais le sourire de la Nalcienne le rassura. Il n'y était pour rien, et elle allait s'en occuper.

[Contrainte 9, insister sur un sentiment particulier]