[ Clos ] Perfidie croupie [Luciano/Andromède]

[Andromède di Neralitha]

Perfidie Croupie

L’atmosphère était pesante, sinistre et lugubre. Le maudit avait l’impression de se faire épier et que quelque chose restait tapis dans l’ombre attendant de lui sauter dessus. Même les arbres semblaient être des vestiges du monde des morts, rachitiques et dépouillés de leurs feuilles. La seule trace de verdure présente en ce lieu était la vase et la mousse qui infectaient leur écorce. Des fois, il entendait quelqu’un ou quelque chose lui susurrer son nom à l’oreille comme si une entité essayait délibérément de lui faire peur. Il ne ressentait pas une présence funeste et dangereuse comme c’était le cas dans les Vestiges d’ébène mais plutôt une compagnie taquine. Cependant, joueuses ou malfaisantes, la nature des choses qui peuplaient ce lieu lui importait peu. Le simple fait que des êtres d’outre tombe soient présents suffisaient à faire trembler le garçon.

Némésis était postée sur ses épaules, essayant de garder les idées claires. En effet, la féline ressentait toutes les perturbation énergétiques présentent dans le marais. C’était une véritable confusion mentale, un brouhaha obscure qui s’emmêlait dans son crâne. D’ailleurs, les Pokemon de Luciano semblaient s’en délecter. Il faut dire que, pour des Pokemon spectres, un lieu comme celui-ci était une aubaine. De là où elle était, elle ne risquait pas non plus de s’embourber dans les sols du marais.

Chaque pas était de plus en plus difficile pour le garçon, ses pieds étaient retenus par un mélange de boue et de plantes. Chaque fois qu’il prenait appui pour avancer il se sentait sombrer dans cette eau visqueuse. C’était presque comme si la nature elle même essayait de noyer le maudit.

« Tu veux les tuer non ? »

Andromède fit volte-face, trébuchant presque. La voix qu’il venait d’entendre avait résonné dans ses oreilles jusqu’à en faire vibrer ses os. Un vrombissement morbide qui lui avait glacé le sang.
Puisque Luciano était toujours en train d’avancer calmement, enfin, « calmement », il hurlait sur ses Pokemon périodiquement, le garçon était sûr qu’il était le seul à avoir entendu le message macabre qu’on lui avait susurré à l’oreille. Il n’essayait pas de se rassurer en se disant que c’était son imagination, l’aura sombre du lieu suffisait à lui confirmer que peu importe ce qui était rentré en communication avec lui, il n’appartenait sûrement pas à notre monde.

« Je l’ai entendu aussi » expliqua Némésis à son dresseur « Continue de marcher, avec Luciano dans les parages tu ne risques rien… tous les spectres du lieu sont trop occupés à se délecter de ce qu’il dégage et un pauvre fantôme isolé ne pourra pas te faire de mal. »

La féline avait raison, c’était là même chose dans les vestiges. Alors que le lieu était connu pour abriter des Pokemon haïs et agressifs aucun d’entre eux ne les avait attaqué. Et pourtant, ce n’était pas les occasions qui manquaient. Pourquoi ? Parce que l’autre di Neralitha les intriguait. Il était entouré d’un halo obscur qui devait leur être étrangement familier.

Le maudit pressa le pas pour rejoindre Luciano qui, d’une manière extrêmement fluide, jouais à contorsionner un filet d’eau au dessus de sa paume. Sa maîtrise de l’élément était douce, délicate. C’était le moins qu’on pouvait attendre d’un garçon comme lui à l’allure aussi soignée. Cependant, on sentait qu’il pouvait transformer le liquide en une arme mortelle en une fraction de seconde, s’en servant pour torturer sa proie. D’ailleurs, connaissant les penchants de son cousin pour la débauche, cela ne l’aurait pas surpris qu’il utilise sa maîtrise pour pimenter sa vie sexuelle… au détriment de son partenaire.

Durant leur voyage jusqu’à Erasia, qui ne fût pas de tout repos, le cousin du maudit lui avait appris les fondamentaux du maniement de l’eau. Au début, ce fût assez catastrophique : chaque tentative se soldait par un échec. Les salves aqueuses qu’il essayait de manipuler se désagrégeaient avant même de pouvoir se soulever à plus de 10 centimètres du sol. Les jeunes maître d’Abyan faisaient mieux que lui du haut de leurs 8 ans. Au fur et à mesure, à force de persévérance, et de beaucoup d’énervement de la part de son tuteur, Andromède parvint à stabiliser sa maîtrise. Rien de bien surprenant, mais au moins il pouvait faire danser le liquide sur le tempo de ses mouvements. Le coup de main vient avec l’expérience comme on dit et Torcan ne s’est pas faite en un jour.

Le maudit ne le montrait pas mais il était ravis de la découverte de ses nouveaux pouvoirs. Il se sentait enfin… utile ? Il n’était plus qu’un simple infirme sans défense. Il était un maître de l’eau. Si seulement il avait découvert ses compétences plus tôt, il aurait pu riposter contre toutes les attaques de ses frères. Il se voyait les noyer dans des sphères aqueuses, piégés par le mouvement du liquide, s’accrochant à la vie la peur gravée sur leur visage. Oui, c’était vraiment dommage de ne pas avoir découvert ça plus tôt.

« C’est vraiment horrible ce que tu penses là dis moi » murmura une voix avant d’éclater de rire. Un rire étrange, comme celui d’un enfant mais, plus malsain. Le genre de gosse qu’on ne veut surtout pas approcher. Un rire sadique qui, tout compte fait, ne devrait pas appartenir à un gamin. Vraisemblablement, le spectre était revenu et adorait les pensées vindicatives d’Andromède.

Progressivement, une silhouette se dessina devant lui. Ce fût tout d’abord brumeux, extrêmement flou, comme si un voile opaque obstruait la vision du garçon. Puis, une forme commença à se dessiner : on distingua en premier des sortes de cornes sylvestres sur lesquelles poussaient quelques feuilles, un corps gazeux qui oscillait à cause du vent et des petits bras si minuscules qu’on aurait dit des moignons. C’était une sorte de souche d’arbre vivante, comme habitée par une entité. Le Pokemon avait de grands yeux dont l’iris rouge rappelait sa condition d’esprit. Mais il n’avait rien de bien effrayant, au contraire, il en était même presque mignon.

« Alors ? Déçu ? Tu t’attendais à voir le grand méchant Démolosse ? »

La plante hantée semblait s’amuser de la situation, se moquant ostensiblement du maudit. Némésis roula des yeux, les Pokemon spectres se sentaient toujours obligés d’incarner le cliché de l’esprit frappeur. Imiter des voix, adopter une attitude ténébreuse et mystérieuse, surgir de nul part puis rire au nez des vivants… ou leur voler leur énergie vitale. Quoi qu’il en soit, c’était redondant. Est-ce qu’elle, en tant que féline, se sentait obligée de cracher des boules de poil à tout va ? Non, elle n’était pas un vulgaire Chaglam.

« Je dois dire que- » Andromède ne put terminer sa phrase, le végétal lui avait rapidement placé son espèce de queue devant la bouche pour le faire taire.

« Tu-tu-tu-tu-tu… Ne dit pas quelque chose qui pourrait me vexer » entama l’entité « Je suis Thanatos, le plus puissant des Brocélôme ! » hurla-t-il fièrement dans l’esprit de l’infirme. Si il en avait eu un, il aurait sûrement bombé le torse.

Némésis fit une nouvelle fois rouler ses yeux à s’en décoller les orbites. Les spectres étaient vraiment les pires des Pokemon. Orgueilleux, vantard, sournois, cruels… ils cumulaient les tares. Reshiram ne punissait apparemment pas qu’une fois, la double peine existait.

« Très bien Ô Thanatos, le meilleur des Brocélôme, mais nous avons à faire. Si tu le permets, nous voudrions avancer. » lança la féline qui avait déjà perdu le peu de patience qu’elle possédait.

Cependant, l’arbuste ne porta aucune attention à ce que venait de dire Némésis. Trop absorbé par sa discussion avec le nouveau maître de l’eau, les mots de la féline glissèrent sur lui comme la brise d’été. Quoique, la brise d’été avait au moins le mérite d’être agréable.

« Je vois bien que tu doutes de mes pouvoirs monsieur le di Neralitha, mais si tu me prends avec toi j’aurais tout le temps de te prouver que je suis le meilleur. » lança-t-il avec tout l’orgueil que son petit corps était capable de contenir.

Andromède ne comprenait pas bien ce qui était en train de se passer, les événements se déroulaient beaucoup trop vite. Pourquoi un esprit voulait-il le rejoindre ? Surtout aussi rapidement, la discussion n’avait à peine durée que quelques minutes.

« Oh tu te demandes pourquoi je veux venir avec toi ? Tu veux que je te le dise ? Parce que j’en ai marre de ce trou à rat. Je veux voir du pays et puis, ce n’est pas très compliqué de faire peur aux pirates du coin. Un petit « ouhouuuuh » et ils ont déjà tous déguerpis jusqu’à Tarouga. Moi je veux du challenge, du drame, de la peur, je veux pouvoir mettre tout mon potentiel au service de ma mégalomanie instable. » il reprit son souffle même s’il paraît étrange que le principe même de respiration soit applicable à un spectre.

« Et du coup, qu’est-ce que venir avec moi va t’apporter ? » demanda le garçon qui commençait à tirer la même tête que son compagnon félin. Il n’était pas tombé sur un monstre de la nuit mais bien sur une sorte de guignole d’outre tombe. Il doutait même du fait qu’il possédait une aptitude autre que celle de trop parler et de faire sa photosynthèse.

« L’aventure bien sûr ! Avec toi je vais pouvoir combattre, vivre des péripéties, on sait tous que les dresseurs se mettent toujours dans des situations rocambolesques. Avec toi je finirai sûrement par évoluer… et puis je pourrais t’apprendre à faire quelques trucs cools de spectre si tu veux. »

« Je ne sais pas je- » encore une fois, le Pokemon n’attendit pas la réponse du maudit et se faufila dans son sac. Celui-ci en sortit fièrement une Pokeball qu’il s’écrasa sur la tête et, avant de se faire aspirer à l’intérieur, lança :

« Thanatos, votre humble serviteur quitte ce marais puant pour de véritables aventures ! »

« … Quel cliché, laisse la noigrume au sol Andromède » lança une Némésis physiquement épuisée par la prestation du végétal.

Le maudit hésita un instant. Même si Thanatos semblait être d’un naturel… plutôt unique, il ne pouvait pas se résoudre à le laisser pourrir au fond d’une Pokeball. Puis il était prêt à lui laisser le bénéfice du doute sur ses capacités, peut-être qu’il était vraiment puissant… même si cela semblait peu probable.

Sous le regard désaprobateur et malgré les plaintes de la féline, Andromède se pencha et ramassa le réceptacle qui, au moment où il le toucha, s’ouvrit laissant échapper le spectre.

« Ouf ahah je pensais que tu n’allais pas me ramasser. J’aurais été un peu seul là dedans mais bon… tu as fait le bon choix je peux te l’assurer ! Oh et nous sommes compagnons à présent ? Il faut se raconter des anecdotes pour pimenter le voyage ? JE COMMENCE JE COMMENCE ! » s’en suivit  une longue histoire inutile et confuse, vraisemblablement fausse, selon laquelle il aurait résisté à une horde d’une centaine de Pokemon à lui tout seul, et que des villages locaux le vénéraient à présent comme un dieu pour les avoir protégé de cette menace.

« Toi c’est sûr, Luciano va t’adorer... »

ASHLING POUR EPICODE

[Luciano di Neralitha]

Avec l'un des plus beaux jurons de sa collection abyanaise, Luciano extirpa son pied de la boue dans un bruit de succion à la fois dégoûtant et humide. Entouré d'une aura noire de colère et d'impatience presque visible, tellement elle était lourde et pesante, elle luttait sans mal avec l'atmosphère pesante et lugubre des Marais de Flamen. Fatigué d'utiliser sa maîtrise de l'eau pour éviter de se salir, il se tourna vers Iroël, qui lévitait près de lui et avait le « ventre » gonflé à force de se gaver des sentiments négatifs de son maître.

« Toi, au lieu de te goinfrer comme une gueuse privée de repas depuis trois jours, t'attends quoi pour me faire voler au-dessus de cette boue pourrie, hein ? »

La Polichombr se fendit d'un rictus qui irrita le maudit au plus haut point. En faisant ça, elle se couperait les vivres ! Qui serait assez stupide pour se savonner la planche comme ça, sérieusement ?

« Et toi, à quoi tu sers ?! Si encore tu me fournissais assez en eau, je dirais pas, mais là, on touche le fond ! »

Le Viskuse, qui faisait pâle figure à côté de l'autre Spectre, se recroquevilla davantage, comme si son geste lui suffisait pour échapper au courroux de Luciano.

« Quant à toi, TOI ! En plus t'es dégueulasse, va falloir que je te fasse laver ENCORE une fois, c'est pas possible d'être aussi nul ! »

Le pauvre Absol fit un pas de côté pour éviter un coup de pied boueux, plus pour s'épargner une douleur inutile qu'une salissure supplémentaire. Au point où sa fourrure d'ordinaire immaculée en était, il ne craignait plus de trébucher ou de se faire éclabousser...

L'Abyanais grommelait encore en criant sur ses Pokémon lorsqu'il lui sembla entendre Andromède parler tout seul. Les traits tirés, mais toujours paré à balancer une vanne cruelle, il se retourna pour improviser une réplique cinglante... Mais il se tut en découvrant l'identité de l'interlocuteur de son cousin. C'était une petite créature qui ressemblait à une plante chelou avec de grands yeux, et qui se prenait pour un trésor national, vu son discours audible du groupe au complet. La colère du jeune homme se mua en rire, rire qui s'intensifia quand la créature se captura toute seule et ressortit pour continuer son monologue.

« Alors là, t'en as trouvé un bon ! Ce truc est génial. Thanatos, c'est ça ? Dis, tu pourrais nous faire une démonstration de tes... Capacités ? »

Le ton du maudit était mielleux, mais son intérêt était sincère. Si cette chose pouvait aider Andromède à développer ses pouvoirs et à prétendre à passer une épreuve d'Élémental de rang supérieur, c'était tout bénef' pour eux. Alors que Luciano avançait désormais sans trop se soucier de regarder devant lui, absorbé par le Brocélôme, il manqua de se casser la figure et fut retenu de justesse par un Sachiel épuisé, autant physiquement que mentalement. Sans même accorder la moindre marque de reconnaissance à son Pokémon, l'Abyanais baissa son œil visible vers le coupable et croisa le regard d'un Maraiste, qui le dévisageait d'un air ahuri.

« Non mais regarde-moi la tronche qu'il a, le benêt de service ! Avec sa gueule de ravi de l'autel, là ! Tu peux pas regarder où tu vas, débile ?! »

La pauvre bête s'éloigna d'un pas tranquille, avant de se laisser couler dans une mare si sale que le fond était impossible à distinguer. Un Gobou et un Ptitard émergèrent timidement de l'eau, alertés par le bruit, alors qu'une chose molle, violette et dotée de taches vertes scrutait l'humain avec curiosité.

« Sans déconner, y'a vraiment rien de valable ici ? »

Évidemment, la définition du maudit était toute subjective, quand on voyait ce qu'il avait recruté dans son équipe de tarés... Mais il était loin de se douter que parmi les multiples paires d'yeux qui les fixaient depuis les ombres, certaines appartenaient à des espèces qui pouvaient se révéler utiles une fois évoluées et en pleine possession de leurs moyens. Il lui fallait simplement être plus attentif, au lieu d'être centré sur sa personne...

[Andromède di Neralitha]

Perfidie Croupie

Contrainte n°4: Faire intervenir le climat.

Luciano n’avait pas l’air si contrarié par l’arrivée d’un nouveau compagnon dans leur aventure. Pourtant, vu le comportement du personnage, le maudit aurait eu toutes les raisons d’être exaspéré. Généralement il libérait ses pulsions sur ses Pokemon au moindre faux pas, alors avec un spectre aussi haut en couleur Andromède était en droit de s’attendre à une réaction. Mais, contre toute attente, il semblait presque intéressé par la créature.

« Alors là, t'en as trouvé un bon ! Ce truc est génial. Thanatos, c'est ça ? Dis, tu pourrais nous faire une démonstration de tes... Capacités ? » demanda-t-il d’une voix mielleuse qu’il ne réservait presque exclusivement qu’à ses conquêtes.

Thanatos bomba une nouvelle fois la masse vacillante qui lui servait de torse. A défaut d’avoir une carrure imposante, il possédait un ego colossal. Andromède n’était pas sûr que cette qualité pouvait beaucoup lui servir dans la nature et surtout pas dans ce marais. Enfin, si ce qu’il disait était vrai, ses pouvoirs devaient facilement compenser son gabarit.

« Mais bien sûr ! Je vois que certaines personnes savent reconnaître une pointure quand ils en voient une ! » exclama Thanatos en ne manquant pas de jeter un regard inquisiteur à son dresseur.

Ni une ni deux le fantôme s’éleva un peu plus haut dans les airs, se positionnant entre les deux maudits. Il prit une grande inspiration (alors même que cela semblait ridicule de la part d’un fantôme) et entreprit une sorte de méditation. Rien ne se produisit pendant cinq bonnes secondes et, alors que Némésis allait faire part de l’absurdité de la situation, l’atmosphère autour du petit groupe sembla se transformer. Cela commença par un silence morbide au sein du marécage, comme si toute vie lui avait été retirée. Puis, la brise moite qui caressait leur nuque jusqu’à présent se transforma en un aquilon glacial. Doucement, des gouttes d’eau provenant des bourbes alentours commencèrent à léviter, attirées par une force mystérieuse. A mesure que les phénomènes s’intensifiaient, la transe de Thanatos devenait de plus en plus violente. Il avait désormais les yeux révulsés et sa tête était levée vers la cime des arbres. Si Luciano semblait trouver la scène excitante, Andromède commençait sérieusement à avoir peur de ce qui était en train de se produire devant leurs yeux.
Mais, alors que l’état du fantôme atteignait son paroxysme, il se stoppa net. Une goutte… puis une autre… à en juger par la tête de la plante ce n’était là pas son œuvre. Bientôt, c’est un véritable déluge qui s’abattit sur eux. La pluie était si forte que les deux cousins, alors à moins d’un mètre l’un de l’autre, avaient du mal à se voir. Les plaintes fantomatiques du vent s’engouffrant dans les branches hantaient désormais le lieu.

« Il faut qu’on trouve un abri ! » hurla Andromède.

Luciano ne sembla pas avoir entendu ce que le garçon lui avait dit mais il avait la même idée en tête. Sans aucune hésitation les deux maudits se mirent à courir sans trop savoir où ils allaient. La pluie était si forte qu’elle claquait le visage de l’infirme. Si Luciano pouvait contrôler l’eau autour de lui afin de dégager la pluie qui lui tombait dessus, le maître de l’eau novice qu’était Andromède n’en était pas capable. Il continua alors de se hâter dans les marécages dans l’espoir de trouver un endroit étanche. Il manqua à de nombreuse reprises de trébucher contre les racines qui tapissaient le sol du marais, on aurait dit des mains prêtent à l’entraîner six pieds sous terres. Ses mouvements se retrouvaient entravés par la boue qui, saturée de liquide, était aussi épaisse que la brume qui embaumait normalement ce lieu. Némésis, blotti dans les bras de son dresseur lui hurla de s’arrêter. En effet, dans sa hâte, il avait complètement perdu la trace de son cousin.

« Bien joué… on est paumé Andromède ! » soupira-t-elle dans l’esprit du maudit.

La pluie l’avait totalement déboussolé, il se trouvait dorénavant au milieu de nul part sur un continent inconnu. L’averse, ou plutôt la tempête, gagnait en intensité alors que le garçon était planté là, au milieu des arbres, ne sachant pas quoi faire. On aurait dit une punition divine, un grand déluge censé l’emporter pour son hérésie. Reshiram devait bien rire perché dans sa Tour d’Ivoire. Le maudire ne suffisait-il pas ? Le rejet et les abus qu’il avait vécu ne le satisfaisaient pas ? Oh non, la mouette capricieuse qu’il était aimait se moquer des hommes. Il n’était qu’un dieu illégitime… Oui c’est ça, un imposteur. Très vite, ces pensées vindicatives gangrenèrent l’esprit d’Andromède. Il avait tellement de haine en lui, pour sa famille, pour le dragon d’albâtre, pour le monde entier. Mais il se sentait si impuissant, une simple pluie suffisait à lui faire perdre tous ses repères. Il n’était qu’un pion sur l’échiquier du monde, trop faible pour accomplir quoi que ce soit. La secte de Zekrom l’avait même rejeté, conditionnant son admission à un gain de puissance de sa part. Mais comment un infirme comme lui pourrait être d’une quelconque utilité ?

Le maudit se laissa tomber sur ses genoux, ces quelques secondes de frénésie mentale suffirent à lui ôter ses dernières forces. L’eau continuait de ruisseler contre son visage désormais bloqué dans une expression neutre, comme si le garçon venait de s’éteindre. Il n’était plus qu’une étincelle noyée dans un déluge. Il n’entendait même plus les voix de ses Pokemon qui lui suppliait de se relever. En l’espace de quelques instants, après avoir réalisé l’échec qu’est et qu’avait été sa vie, le maudit s’était transformé en une coquille vide. Ce qui le sorti de son apathie cependant, fût le couteau qui se trouvait maintenant à quelques centimètres de sa carotide, menaçant de mêler à la pluie un torrent d’hémoglobine.

[Des pirates, c’est vraiment pas de chance !]

ASHLING POUR EPICODE

[Luciano di Neralitha]

Le dénommé Thanatos, ravi d'avoir trouvé un public à la hauteur de ses talents, bomba le torse en préparant sa démonstration, sous l’œil amusé et curieux de Luciano. La mauvaise humeur habituelle de l'homme semblait s'être volatilisée, au grand soulagement de ses Pokémon. Alors qu'il regardait attentivement le Brocélôme s'élever et commencer à déchaîner ses pouvoirs, peu à peu, le froid se fit ressentir, mordant, accompagné d'un vent gelé et d'un silence de mort. Alors que l'Abyanais songeait à capturer un spécimen de cette créature bien plus intéressante que la plupart de celles qu'il avait pu voir jusqu'à présent, un déluge s'abattit sur le groupe. D'un geste nonchalant, le maudit se créa un bouclier élémental sommaire, puisant dans l'eau qui se déversait sur eux pour faire le moins d'efforts possible dans son opération.

« Vraiment pas mal ! Prends-en de la graine, Andromède, parce que là, y'a du niveau... »

Mais la mine déconfite de son cousin, ainsi que l'air surpris de Thanatos, firent comprendre à Luciano que son compagnon de voyage avait peur de la suite, et que la bestiole semblait dépassée par ses propres capacités... À moins qu'elle ne soit pas à l'origine du phénomène climatique. Et là, c'était tout de suite un peu plus problématique... Quand l'autre maudit hurla à Luciano qu'ils devaient trouver un abri, l'Amplificateur beugla en guise de réponse :

« Carrément, mais où ?! »

Sans plus se soucier de se salir, les deux hommes se mirent à courir. Même la maîtrise de l'Abyanais ne suffisait plus : si l'eau était aisément repoussée, le vent, lui, menaçait de le geler sur place. Sachiel et Iroël suivaient leur maître, le premier ravi de reconstituer ses réserves, la seconde menaçant d'exploser tant elle était devenue énorme. Leliel, lui, courait à un bon mètre de là, soucieux de ne pas perdre son humain de vue, mais inquiet de ne plus sentir la présence d'Andromède. Au bout d'un moment, Luciano s'arrêta devant une masse informe. Des arbres morts étaient tombés les uns sur les autres, formant un dôme sommaire qui laissait passer la pluie par endroits, mais qui pourrait constituer un abri convenable pour lutter contre le vent.

« Là, dessous ! »

Mais Luciano n'obtint qu'un hurlement affreux en retour. Incapable de savoir s'il s'agissait du souffle du vent ou d'un appel au secours, l'Abyanais chercha autour de lui, mais il s'aperçut qu'il avait perdu Andromède dans leur course effrénée pour échapper aux caprices du climat. Pour couronner le tout, Leliel aussi avait disparu. Poussant un cri de rage, le jeune homme se réfugia sous le dôme végétal, après avoir envoyé la Polichombr chercher son cousin.

Tandis qu'il pestait contre le mauvais temps et la prétendue débilité du manchot, Luciano se sentit soudain observé. Hélas, avec l'épais rideau aqueux qui s'abattait sur le Marais, il était incapable de détecter son voyeur.

« Vas-y, approche, qu'on fasse connaissance, toi et moi. »

Mais une horrible sensation envahit l'esprit du maudit, celle d'être inspecté et fouillé de fond en comble. Perdant le peu de patience qu'il lui restait, Luciano hurla :

« Dégage de ma tête, putain ! Dégage ou je... »

Brusquement, le cache de l'Abyanais se défit, manipulé par une force invisible. Mis à nu, le maudit vit ses pires cauchemars s'insinuer lentement dans son esprit, alors que les mains baladeuses de sa mère passaient et repassaient sur son corps, provoquant des frissons et des haut-le-cœur chez l'enfant qu'il était redevenu. À nouveau, sa voix doucereuse lui murmurait des mots écœurants, entre deux paroles bienveillantes. Le chaos avait envahi son âme, une fois de plus, au beau milieu de nulle part, et il était seul contre ses démons. Lentement, Luciano se recroquevilla, agenouillé dans la boue, les mains posées sur sa tête dans un geste de défense aussi dérisoire qu'inutile. Plus pâle que jamais, il avait l'impression de se vider de tout ce qui le rendait vivant : toutes ses émotions s'échappaient par les pores de sa peau, tandis que d'entêtantes lumières clignotaient devant ses paupières closes. Le maudit sanglotait, hurlant à intervalles réguliers, ses pleurs entrecoupés de suppliques et d'injonctions, tantôt autoritaires, tantôt implorantes. Perdu dans un abîme de souvenirs et de chagrin, il endurait mille souffrances, de retour dans cette pièce honnie où Antonia di Neralitha lui avait infligé les pires supplices, en le mettant en présence de son frère Agrippa qu'il haïssait de toute son âme.

« Je vous déteste ! Tous ! Jusqu'au dernier ! Crevez, oubliez-moi ! Disparaissez ! »

Peu à peu, les cheveux de l'Abyanais blanchissaient, devenant de plus en plus clairs à vue d’œil. Subitement, les visions furent agitées de soubresauts, se troublant et se déformant sous les coups de Sachiel qui s'en prenait au tortionnaire de son maître. Mais ce fut l'intervention de Sandalphon qui délivra Luciano de son supplice : le Nucléos jaillit de sa sphère et se déchaîna contre le Pokémon aux lumières clignotantes, qui fut projeté en arrière et buta contre un homme débraillé qui s'était approché du maudit. Hébétés, le Sépiatop et le type se relevèrent, échangèrent un regard surpris et s'apprêtèrent à repartir à l'assaut de l'homme prostré. Ils ne se connaissaient pas, mais ils venaient de passer un accord tacite pour s'en prendre à leur victime commune... Mais ils n'eurent pas le loisir d'en faire davantage : Luciano était debout, et il dévisageait la créature responsable de ses tourments, les traits déformés par la haine. Dans son œil maudit, le symbole de la punition de Reshiram dansait, tourbillonnant furieusement à cause de son exposition aux êtres qui faisaient face à l'Amplificateur. Levant sa main gauche, Luciano aggloméra toute l'eau des alentours devant lui et la projeta sur la méduse, qui fut éjectée une nouvelle fois et s'enfuit, se disant probablement que le jeu n'en valait pas la chandelle. Sachiel et Sandalphon s'étaient placés de part et d'autre de leur maître, épuisés par leurs efforts, mais prêts à en découdre...

Toutefois, ils n'eurent pas besoin d'intervenir à nouveau : ignorant les murmures dans son esprit et les visions que Sandalphon s'efforçait de contenir pour les chasser de l'esprit de son maître, l'Élémental ferma le poing en fixant le pirate. Ce dernier se tordit soudain de douleur, avant de vomir du sang, les organes comprimés et la circulation sanguine altérée par la maîtrise du maudit. Avec un plaisir malsain, le fils d'Antonia ouvrit la paume en grand, et les organes du malheureux volèrent en éclats, faisant littéralement exploser celui qui avait eu la malchance de croiser la route du jeune homme. Le maudit n'eut même pas un regard pour le cadavre mutilé : le sang battant à ses oreilles, galvanisé par ses pouvoirs, Luciano reprit sa route, alors qu'Iroël, revenue pour prévenir son maître qu'elle avait trouvé Andromède et qu'il était dans la mouise, regardait d'un air intéressé les restes de l'homme dans la boue. Avec un mélange de respect et de peur, elle invita l'Abyanais à la suivre, et il lui emboîta le pas, laissant la pluie nettoyer lentement le sang qui maculait son visage et ses vêtements. Les deux autres Pokémon échangèrent un regard horrifié, mais ils le suivirent en silence, constatant que leur maître était à présent blond... Et encore plus abîmé mentalement qu'auparavant.

Leliel, de son côté, avait volontairement bifurqué pour rester avec Andromède, son intuition de Pokémon Désastre le prévenant d'un danger imminent. Quand il entendit des bruits de pas se rapprocher, il s'écarta pour laisser les humains le dépasser sans le voir, tant il était sale et couvert de boue. Quand il comprit que ces hommes en avaient après Andromède, il s'approcha sans bruit, dissimulé par la pluie et le bruit du vent, disparut dans les ombres et jaillit devant celui qui menaçait le cousin de Luciano d'un couteau. D'un geste expert, il bondit et lui trancha la gorge avec la faux qui ornait sa tête, avant de se placer devant son protégé du moment. Invoquant une Prescience, il pria pour que son maître les rejoigne au plus vite... Il ignorait le nombre d'ennemis qu'il aurait à affronter, et il n'était pas certain de pouvoir les tenir en respect bien longtemps.

[Andromède di Neralitha]

Perfidie Croupie

Le métal froid de la lame frôlait le cou du maudit d’une caresse mortelle. L’assaillant s’amusait à la faire courir le long de son échine, menaçant à chaque instant de rompre les cordages de son épiderme. Il avait rarement été aussi proche de mourir, et pourtant il avait connu les supplices , la peur et les humiliations. Combien de fois avait-il souhaité mourir plutôt que de vivre de telles atrocités ? Dans cette ancienne vie, la mort était un cadeau inespéré. Que ce soit la sienne, ou celle de ses bourreaux. Elle était synonyme de liberté mais aussi de justice impartiale et punitive. Le jour où il avait perdu son bras, Andromède avait bien cru que ce serait là son salut. Il se souvenait de sa longue chute et d’avoir espéré que l’impact lui ouvre le crâne comme une coquille d’oeuf. Il se souvenait aussi du sang qui s’écoulait de sa plaie, un véritable ruisseau écarlate. Les domestiques avaient mis des jours à rendre au plancher sa teinte originelle.

A quelques centimètres de son visage, les crocs acérés d’un Seviper reflétaient les éclairs qui déchiraient le ciel. Son corps, qui se muait dans une contorsion impossible, avait entièrement immobilisé Némésis et menaçait de lui ôter la vie. Cependant, Thanatos était nul part. Peut-être était-il allé prévenir Luciano ? Ou peut-être avait-il fuit, abandonnant son dresseur à son triste sort. Et il aurait eu raison. Il était incapable de quoi que ce soit, quel être aussi fou soit-il pourrait vouloir faire équipe avec un estropié comme lui ? Peut-être était-ce mieux ainsi finalement ? Il avait déjà trop vécu, la sélection naturelle était en train de faire son œuvre. Ses frères lui avaient bien dit qu’il n’avait aucune valeur, une simple tâche sur la broderie de la vie. Mais, contrairement à lui, ils n’étaient pas en mesure de tuer. Il n’avait pas cette même fibre meurtrière qui coulait dans les veines impies du garçon.

« Je suis désolé... » murmura-t-il en regardant Némésis qui était en train de perdre connaissance.

L’homme jubilait et, sans un mot, il enfonça la lame dans sa chair. La douleur ne dura qu’un instant. « Ca y est » se dit-il, « je vais enfin avoir droit au repos ». Mais, soudain, l’étreinte de l’homme se desserra et la lame disparu dans la boue. Devant lui, la tête du serpent gisait sur le sol baignant dans une bourbe vermeille. Un liquide rougeâtre coula le long de son crâne et vint se mêler à la pluie pour lui obstruer la vue. Au même moment, le corps du pirate bascula sur le côté se débattant désormais pour trouver de l’air. Il était en train de se noyer dans son propre sang, sang qui avait aspergé le maudit. Il savait que ce n’était pas le sien car, après avoir touché sa blessure, il se rendit compte qu’elle n’était que superficielle. Quant à Némésis, elle peina à reprendre son souffle à cause du déluge.

Après quelques secondes d’incompréhension, l’infirme aperçu Leliel à quelques mètres d’eux, sa corne imbibée par les fluides des deux cadavres. Il s’attendait à ce que Luciano soit là mais, il n’y avait que son Pokemon.

« Merci Leliel » expira difficilement le maudit qui essayait de reprendre ses esprits.

Cependant, à peine l’animal au pelage d’ivoire avait-t-il pu répondre à ses remerciements d’un signe de tête que d’autres pirates jaillirent de la pénombre. Il était difficile de distinguer leur nombre exact mais ils semblaient être un peu plus d’une quinzaine, tous accompagnés de Pokemon. La situation semblait désespérée. Même si le Absol possédait une vitesse ainsi qu’une force hors du commun, ils étaient juste trop nombreux.

« Bon sang Andromède, lève toi et viens te battre » hurla Némésis dorénavant postée aux côtés de Leliel prête à en découdre. « Si il faut qu’on meurt aujourd’hui, alors je préfère partir en m’étant battue pour ma vie ».

Elle avait raison. Il s’était accroché à la vie depuis son plus jeune âge. Certes il avait voulu mourir, mais il avait trouvé la force de survivre tout ce temps. Et ça, peu de personnes ayant expérimenté les mêmes choses que lui pouvaient s’en vanter. Pourquoi abandonnerait-il maintenant ?

Il se releva difficilement de sa position, ses genoux étant piégés dans la boue. Mais il était désormais prêt à faire face à la horde d’hommes viles et puant l’alcool qui se tenaient devant lui. A cause de sa malédiction le maudit ne voyait que des silhouettes sans visage, ce qui ne faisait qu’ajouter une couche de cauchemar à une scène déjà bien trop horrible. Mais si il devait partir aujourd’hui, il emporterait les autres dans la tombe. Oui, il les tuerait. Il les noierait. Il les éviscérerait, il les dépècerait, il les anéantirait, il les lyncherait, il les tuméfierait, il les massacrerait, il les égorgerait, il les mutilerait et il profitera de chaque seconde.

« JE VAIS TOUS VOUS BUTER » s’écria le maudit avant de se lancer à l’assaut, le visage crispé dans un sourire malsain et fou.

Némésis regarda, choquée, son dresseur se comporter comme il ne l’avait jamais fait. On aurait dit son cousin mais… assoiffé de sang. Beaucoup plus assoiffé de sang et sans aucun contrôle. Ni une ni deux, Leliel et la féline rejoignirent le garçon qui n’était plus vraiment lui-même. Il ne semblait même plus avoir conscience du danger lui qui, au premier abord, semblait craindre jusqu’à l’air qu’il respirait.

La maîtrise de l’eau d’Andromède était limitée mais sa transe lui faisait faire des choses dont il n’aurait jamais pensé être capable. Son bras valide s’agitait frénétiquement, saturant l’air de salves aqueuses. Il riait de manière incontrôlable alors qu’il continuait d’assaillir le camp adverse. Ses attaques n’étaient pas assez puissante pour rompre les os de ses adversaires, mais elles étaient assez régulières pour grandement les handicaper. De leur côté, Némésis et Leliel s’occupaient des pirates s’approchant trop près du garçon absorbé par sa folie meurtrière.

Soudain, un homme outrepassa la vigilance des deux Pokemon et s’élança sur le garçon qui, à son tour, sauta à la gorge de son propre assaillant. L’espace d’un instant, il entrevu les yeux du maudit. Des iris azures, d’un bleu si éclatant qu’on aurait dit qu’elles n'étaient pas réelles. C’était les yeux du prédateur affamé, celui qui épie sa proie avant de bondir dessus. Le pirate n’eu pas le temps de regretter son geste qu’Andromède le plaqua dans la boue, ses genoux entravant ses bras. Il avait sa main sur son visage dénué de traits et, en serrant son crâne dans sa paume, l’enveloppa dans une sphère aqueuse.

« CREVE, CREVE, CREVE » aboyait-il alors qu’il frappait la tête de son ennemi contre le sol moite des marais. Il ne voyait même pas les autres pirates lancer l’assaut. Tout ce temps il les avait empêché de charger en les attaquant mais, trop occupé avec sa nouvelle proie, il leur avait laissé champ libre pour charger dans sa direction. Némésis le suppliait de se ressaisir alors qu’il s’acharnait désormais sur un cadavre auquel il avait déjà retiré toute once de vie, sa peau se fondant dorénavant dans le bleu de ses yeux.

[ OVERKILL ]

ASHLING POUR EPICODE

[Luciano di Neralitha]

Leliel, en guise de réponse, se contenta d'un signe de tête, avisant la quinzaine d'humains en approche qui les encerclaient déjà. Il n'était pas malheureusement pas aussi fort que ce qu'Andromède le pensait, et voir autant d'adversaires l'inquiétait au plus au point, surtout qu'il était seul avec Andromède et ses Pokémon, et qu'il préférait ne pas compter sur ces derniers... Sans oublier la psyché fragile du jeune homme. Il ne savait pas ce qu'un tel combat pourrait déclencher chez lui, et pour finir, Luciano n'était pas là...

« Némésis, mets-toi dos à moi ! »

L'Absol s'était adressé à la chatte dans l'espoir d'obtenir sa coopération pour augmenter leurs chances de survie. Laissant venir le premier humain, le loup blanc se tapit au sol, avant de bondir pour lui trancher la gorge, comme pour le précédent. Le second fut lacéré à coups de griffes et laissé pour mort dans la boue et sous la pluie. Néanmoins, la menace proférée par le manchot fit tiquer Leliel, qui le vit partir comme un fou à l'attaque, avec un rire dément.

« Il... »

Incapable d'en dire plus, le Pokémon décida de se hâter d'éliminer la vague d'ennemis pour tenter de ramener Andromède à son état normal. Tandis que le pauvre Abyanais s'acharnait sur un cadavre mutilé, pris d'une frénésie insoupçonnée, la Polichombr se montra, resta un instant captivée par le spectacle, puis fit demi-tour pour aller prévenir Luciano. Heureux de voir que le fantôme les avait trouvés, l'Absol continua de défendre le cousin de son maître, dont la garde était inexistante depuis qu'il avait tué sa victime.

Finalement, le maudit débarqua, accompagné de Sandalphon et de Sachiel et guidé par Iroël. En reconnaissant son maître métamorphosé et maculé de sang, le Pokémon Désastre manqua de prendre un coup de couteau qui lui érafla simplement la peau à travers sa fourrure. Furieux de s'être laissé avoir, il disparut dans les ombres et réapparut dans le dos de son adversaire, qu'il trancha proprement au niveau du dos. L'homme s'effondra face la première dans la boue.

« Oh Andromède, je crois qu'il est mort là ! Enchaîne ! »

Ravi du climat propice à sa maîtrise, l'Abyanais aggloméra l'eau qui se déversait sur le Marais et s'en servit pour envoyer un projectile aqueux sur le macchabée. La force de l'impact fit partir Andromède en arrière, et son cousin ajouta, histoire de le sortir de sa mania :

« Là, et là, il en reste ! »

D'un geste fluide et presque nonchalant, le fils d'Antonia changea l'eau autour de la tête de la cible la plus proche de lui en bulle, qu'il utilisa pour l'étouffer. L'homme se débattit, griffant sa gorge pour tenter de se dégager, mais il consomma tout l'air de sa prison en quelques instants et s'effondra. Trois autres agresseurs subirent le même sort, noyés, les yeux ouverts en grand face à l'horreur de leur fin prématurée. Les derniers furent achevés par Luciano et ses acolytes, et alors que le sang sur les vêtements du maudit terminait sa chute dans l'eau boueuse des marécages. Leliel balaya les alentours du regard, sonda les environs avec ses pouvoirs ténébreux et, soulagé, s'approcha de son maître d'un air méfiant.

« Qu'est-ce qui te prend ? On dirait que t'as vu un fantôme... »

Mais quand il sentit le regard de l'ensemble de la troupe s'attarder sur lui, Luciano s'agaça et lança, après un claquement de langue sonore qui se perdit dans le Marais :

« Non mais oh, ça va aller là ! Comme si vous aviez jamais vu de sang, bande de chochottes ! Sans déconner ! »

Totalement étranger à sa propre transformation, le jeune homme finit par se tourner vers Sandalphon. Il se sentait particulièrement épuisé à cause de ce que la saleté de méduse aux lumières bizarres lui avait fait subir... Mais il était loin de se douter que le choc émotionnel avait impacté son âme en profondeur au point de changer son apparence. Ses traits étaient parfaitement identifiables... Mais il semblait avoir mûri d'un coup, sans compter que ses cheveux d'ébène étaient devenus aussi blonds que les champs de blé. Et ça... Leliel, après avoir échangé un regard avec Sachiel, sut qu'ils craignaient la même chose : la réaction de leur maître face à cette métamorphose involontaire.

[Andromède di Neralitha]

Perfidie Croupie

Le maudit poussa un hurlement de terreur : entre ses mains gisait le corps sans vie d’un de ses assaillants. Son visage dénué de traits était d’une teinte violacée, bouffie par le manque d’oxygène et tordu de douleur. Andromède pouvait sentir la poigne encore rigide de sa victime sur ses bras témoignant du combat qu’elle avait mené pour s’accrocher à la vie. La peau du garçon était striée de griffures frénétiques, il ne se souvenait pas de ce qui venait de se passer mais il devinait ce qu’il venait de faire.

« J’ai… tué cet homme ? » balbutia le maudit qui peinait à reprendre ses esprits.

Ce n’est pas réellement l’acte de tuer qui le mettait dans cet état. Il l’avait fait par le passé et ceux qui le méritait devaient payer. Non, c’est le fait de ne pas s’en souvenir qui le déboussolait. Il avait complètement perdu le contrôle, ça ne lui était jamais arrivé auparavant. Bien sûr il avait par moments du mal à canaliser la colère et la rancune que sa vie de souffrance lui inspirait mais jamais au point de devenir esclave de ses pulsions.

« Oh Andromède, je crois qu'il est mort là ! Enchaîne ! » hurla un Luciano… différent.

Et voilà une autre chose qui attisa l’incompréhension d’Andromède. Son cousin, dont la tête était autrefois couronnée d’une chevelure sombre, arborait désormais une crinière blonde et lumineuse. Les événements devenaient décidément de plus en plus étranges. D’abord la rencontre avec une souche d’arbre mégalomane, ensuite une expérience de mort imminente, puis un meurtrier amnésique pour enfin terminer sur un changement capillaire en plein milieu des marais. C’était peut être ça le grand pouvoir de Thanatos, décolorer les cheveux des nobles psychopathes.

Alors que le maudit se questionnait sur les tenants et aboutissant du changement d’apparence de Luciano, la bataille faisait toujours rage. Ses compagnons se battaient corps et âmes pour repousser les attaques des pirates. Ils étaient nombreux mais, bizarrement, semblaient assez faibles. Peut être que la dose astronomique de rhum ingurgitée dans la journée avait eu raison de leurs capacités motrices ? Le garçon se rappelait du peu d’alcool qu’il avait eu l’occasion de boire et des effets sur son organisme. Il était sûr que, dans un tel état, il n’aurait pas été en mesure de tuer qui que ce soit et ce même dans sa transe meurtrière.

Son cousin se battait avec une aisance impressionnante. Ses mouvements semblaient embrasser celui de l’eau. L’élément n’était plus qu’un simple outil, sa maîtrise était une extension de lui-même. Les salves aqueuses se fracassaient sur les corps fragiles de ses ennemis et déchiraient les cordages fragiles de leur épiderme, laissant s’échapper des gerbes de sang. Andromède avait toujours été fasciné par la fragilité du corps humain,ses frères étaient les pires des monstres, des démons pervers avides de souffrances, et pourtant de simples braises les ont emportées. Même les grands héros de légende finissaient par trépasser, terrassés par l’auréole discrète mais omniprésente de la mort. Luciano aussi, cet être enlisé dans la noirceur de son âme, finirait par y passer un jour. On ne se souviendra que de bribes de sa vie, ses excès, principalement le négatif. La seule chose éternelle sera ses ossements ainsi que sa pierre tombale frappée du sceau des di Neralitha.

Les caprices du climat ainsi que les attaques des maudits faisaient de cet endroit un terrain mortel pour toute personne ne maîtrisant pas l’eau. Luciano, plus expérimenté qu’Andromède, savait tirer profit de la richesse qu’offrait l’hommage torrentiel du ciel. Chaque mouvement était un levé de rideau mortel pour ses cibles, il mettait fin à la danse avant même que celle-ci n’ait commencé. Sa valse aqueuse manifestait toute la finesse de son sang bleu et toute la puissance de sa colère. Une sorte de dualité trouvant son faible équilibre dans toute la dextérité du garçon. Mais, aussi doué puisse-t-il être, sa fâcheuse tendance à sous estimer ses adversaires faisait planer une épée de Damoclès au dessus de lui. Et quand un pirate arriva à se rapprocher dangereusement de lui, sabre à la main, tout aurait pu s’arrêter là. Un dernier jet d’hémoglobine et le salut final, celui d’un artiste déchu.
«Attention ! » hurla Andomède qui, avec le peu d’expérience qu’il avait, fit se matérialiser deux mains d’eau à travers la pluie battante qui, d’un mouvement de phallange hasardeux preuve de son manque de maîtrise, stoppèrent net le mouvement du meurtrier qui hurla de douleur lorsque Luciano lui brisa le bras puis se tu lorsque celui-ci écrasa son crâne. Les deux maudits formaient réellement un duo étrange, presque comique tant ils étaient opposés l’un l’autre, mais d’une extrême dangerosité. Ils étaient comme deux loups exilés de leur meute respectives, trouvant en l’autre une triste similitude dans leurs différences.
Les deux garçons semblaient réellement dominer leurs assaillants, contrant chaque attaque et ripostant avec une détermination phénoménale : ils ne mourraient pas aujourd’hui. Mais, alors que les cousins étaient perdus dans leur danse macabre, Némésis hurla quelque chose. C’était confus et paniqué. Le genre de hurlement de terreur qu’on ne peut entendre qu’en cas de danger extrême. Andromède avait cru entendre les sons « éle...ci...é » mais n’arrivait pas à bien comprendre. Son esprit était embrumé par l’adrénaline qui mordait ses veines pour se déverser tel un virus dans son organisme.

Mais, quand il comprit enfin ce qui alertait autant son Pokemon, il était presque trop tard. Un des pirate, probablement le chef, s’avança hors de l’amas de corps, vivants ou non, des membres de son équipage, brandissant son poing qui semblait luire d’une énergie grandissante. L’air devint vite lourd et une tension agressive s’installa dans l’air à la manière qu’un orage se prépare. Tous les pirates avaient déserté le champ de bataille, sachant très bien ce qui se tramait. Lorsque l’homme frappa sa paume contre le sol boueux, libérant des éclairs sifflant et électrisant la zone, le maudit était tétanisé. Il n’avait pas réagi assez vite et, une fraction de seconde plus tard, il se retrouverait électrocuté. C’était sans compter Némésis qui, ayant senti le danger arriver, fit léviter le corps de son dresseur ainsi que le sien hors de portée du terrain survolté qui menaçait de les carboniser. Cependant, si ils étaient hors de danger, la féline n’avait pas la puissance d’aider leurs autres compagnons et ceux-ci durent se débrouiller autrement pour échapper aux griffes orageuses de la mort.

ASHLING POUR EPICODE

[Luciano di Neralitha]

[Post pour mon anniversaire d'inscription ^^]

Andromède, hébété par son meurtre (dont il n'avait visiblement aucun souvenir), fixait le cadavre sans comprendre. Choqué par son acte, ou plutôt par son amnésie passagère, il ne bougeait plus, alors que Luciano entrait dans la danse.

« C'est marche ou crève ici, alors debout ! »

L'Abyanais était entré dans une frénésie telle qu'il surestimait ses propres pouvoirs. Il n'était qu'Amplificateur, après tout, et maîtriser les gestes basiques liés à sa classe ne le rendait pas invulnérable... Ce qu'il ne prenait absolument pas en compte, au vu de sa manière de se jeter à corps perdu dans la bataille pour leur survie.

« Tiens, tiens, et encore ! »

Autour de lui, les pirates tombaient les uns après les autres, fauchés par les manœuvres sournoises et cruelles du maudit. Ce dernier récolta malgré tout une coupure assez profonde au bras, sans même s'en apercevoir, tout entier consacré à son massacre. Néanmoins, quand son cousin lui vint en aide en lui empêchant de se faire trancher la gorge, Luciano fracassa le crâne de son agresseur d'un coup de coude vengeur, avant de se tourner vers Andromède et de lui offrir un sourire éclatant, bien que sinistre, tant il contrastait avec le reste de son visage, maculé de sang.

« Tu vois quand tu veux ! »

Mais un cri de douleur de Leliel le ramena vite à la réalité. L'Absol avait pris le coup de trop et tremblait, peinant à se maintenir sur ses pattes. Avec un claquement de langue agacé, Luciano le rappela dans sa sphère, tandis qu'Iroël se réfugiait dans sa prison à son tour. Le Spectre avait un mauvais pressentiment...

« Ah ouais, tire-au-flanc de Spectre de mes deux ! »

Malgré ses envies croissantes de vengeance et de mort, le jeune noble commençait à avoir du mal à tenir la cadence. Bon sang, mais le Marais les chiait ces pirates ou quoi ? Ils sortaient d'où, tous ces débraillés puants et bourrés ?

« Sachiel, met le turbo là ! »

Le Viskuse, qui était pourtant déjà au maximum de ses capacités, redoubla d'ardeur, avant d'entendre l'avertissement de Némésis... Qu'il transmit à son maître par télépathie. Du moins crut-il le faire. Si seulement Luciano était plus réceptif et plus attentif à ce que lui disaient ses Pokémon ! Et ce maudit cache qui bloquait la plupart de leurs communications ! Pourquoi Sandalphon arrivait à lui parler, hein ?! Lui aussi, il voulait pouvoir faire ça ! En désespoir de cause, il balança une Écume vers son dresseur, tout en agitant ses bras frénétiquement et en poussant des cris désespérés.

« De quoi ? »

Le déluge, le bruit des armes, les cris des belligérants, les sons étouffés dans la gorge des mourants... Le vacarme ambiant était tel qu'il couvrit l'appel du Viskuse. Sandalphon, en revanche, comprit en voyant l'électricité crépiter que la zone serait bientôt impraticable et en partie carbonisée. Sachiel, dans un geste dérisoire, se tourna vers l'origine de l'assaut, tentant de dérober l'énergie vitale du manieur d'éclairs avec Vol-Vie. Le Nucléos, lui, se jeta entre Luciano et le Mystique de la Foudre. Au bord de l'épuisement, il essaya d'amener l'ennemi au même état de fatigue que lui, dans un terrible Effort, avant d'ériger un Abri qui engloba une zone restreinte autour de lui. Lorsque l'Abyanais vit les flashes lumineux se précipiter vers lui, un rictus déforma son visage, alors que la protection de Sandalphon volait en éclats. Une partie de l'attaque avait été évitée... Mais le reste courut à pleine vitesse vers le maudit, qui regarda sa mort se jeter en avant, toutes griffes dehors. Ses deux protecteurs tentèrent de le faire léviter mais, à bout de forces, ils ne purent empêcher le contact avec le démon jaune et brillant à leur maître. Dans un hurlement, Luciano sentit la douleur irradier l'intégralité de son être. La silhouette de son Spectre bleu se précipita pour l'aider, mais il se sentit attiré vers le sol boueux, inexorablement. Avec un bruit étouffé, l'Abyanais se fondit dans le Marais et perdit connaissance, sous l’œil horrifié de la créature verte qui avait pourtant tout fait pour le défendre.

[Andromède di Neralitha]

Perfidie Croupie

Les vrombissements meurtriers du courant électrique parcourant le marais étaient terrifiants. Ils s‘apparentaient à un glas funeste, volatile et aveuglant. Les mouvements épileptiques de l’eau rappelaient la force sauvage du plasma qui menaçait de carboniser les enveloppes faites de chaire et de sang des deux maudits. Si le feu dans sa forme la plus primaire se faisait soumettre par l’eau, il devenait, un fois dérivé, une force indomptable et imprévisible parasitant les liquides. Les éclairs fous contaminaient les éléments conducteurs à la manière d’une maladie fulgurante qui apportait la mort dans de courtes mais atroces souffrances. Si Némésis n’avait pas été là, Andromède n’aurait eu aucun moyen d’échapper à ce fléau incorporel. Trempé jusqu’aux os et affaibli par sa crise psychotique, il n’aurait jamais eu la force de faire quoi que ce soit pour sauver sa peau ou celle de ses Pokemon.

Alors que le manchot était en sécurité, lévitant à quelques centimètres du sol, le maudit à la chevelure d’or semblait avoir été pris de court par l’attaque du pirate. Le coeur du garçon se serra, même si Luciano était un bon maître de l’eau il n’y avait aucun moyen qu’il échappe au courant électrique qui se propageait à une vitesse folle. Dans un quart de seconde il serait carbonisé sur place et il n’y avait rien qui pouvait le sauver. Ni les pleurs, ni les suppliques. Un de ses Pokemon tenta cependant de s’interposer, matérialisant un Abri dans l’espoir de diminuer les dégâts… mais était-ce suffisant ? Le terrain était propice à décupler la létalité d’une attaque électrique et à en juger par l’intensité des éclairs une aussi faible défense ne serait pas de taille. Luciano, si il s’en sortait, subirait sûrement de lourdes séquelles ou au moins un coma de quelques jours… et ce serait le meilleur scénario.

Lorsque le courant le traversa enfin, son corps se contorsionna dans des positions impossibles. Ce garçon si dangereux en apparence n’était plus qu’un pantin de chair à la merci des éléments. Une fin bien ironique pour un jeune homme ayant eu l’habitude de manipuler ses proies comme de vulgaires marionnettes. Peut-être n’était-ce que juste rétribution ? Certes ils étaient de la même famille, mais Andromède savait que son cousin était profondément mauvais. C’était un trait particulièrement répandu chez les di Neralitha. Même le manchot avait ses travers et ses penchants… plus que discutables.

La frénésie qui faisait s’agiter ses membres ne dura que quelques secondes. Après cela, son corps inerte commença à s’enfoncer dans le sol spongieux des marais comme aspiré par les abîmes brûlants de l’enfer.


« LUCIANO ! » hurla Andromède qui redescendait doucement de son perchoir psychique « LUCIANO TIENS BON ! ».

Le maudit tituba dans la boue pour se ruer vers son cousin, ignorant la menace toujours bien présente qui planait sur eux. Son esprit était embrumé par l’adrénaline ainsi que le choc que l’attaque avait provoqué. Le corps sans vie du garçon était presque entièrement submergé. Ses cheveux d’un blond flamboyant étaient ternis par la saleté de la vase et ses beaux vêtements étaient irrécupérables… peut être valait-il mieux qu’il ne survive pas tout compte fait.

A peine Andromède eu-t-il le temps d’atteindre le « presque » cadavre qu’un éclair frôla son visage de si près qu’une mèche de ses cheveux bruns s’embrasa. Quelques centimètres de plus et son visage aurait fini carbonisé. Quelques centimètres de plus et il aurait terminé comme son cousin. L’homme qui les attaquait voulait réellement en finir. En même temps, les deux maudits venaient de décimer une bonne partie de son équipage. Des compagnons, des camarades… des amis. Il ne s’arrêterait pas avant que toute leur petite troupe se retrouve six pieds sous terre. Si le manchot avait pu voir les yeux de son assaillant, il y aurait vu une haine pure, la même qu’il ressentait à l’égard de ses défunts frères.

La seule issue possible était la confrontation. Cependant, la maîtrise d’Andromède était encore trop faible pour rivaliser contre l’adversaire qui lui faisait face. Qu’allait-il bien pouvoir faire ? Jeter des gerbes d’eau pendant que le pirate électriserait la zone, tuant tous les êtres vivants dans un périmètre de 500 mètres ? Les capacités offensives du garçon étaient médiocres, il fallait être plus futé. Il fallait trouver un moyen de contrer la maîtrise de la foudre. Il fallait un moyen de stopper ou de dévier le courant mais avec toute l’eau environnante c’était une tâche difficile. Le marais entier était désormais sujet à une électrisation de masse. Il avait bien des idées pour se sortir de cette situation, mais toutes nécessitaient une maîtrise avancée de son élément. Or, il ne pouvait s’enorgueillir d’une telle compétence.

Un nouvel éclair fusa, cette fois-ci dirigé vers le sol, et il dû prendre une décision rapide. Sans réfléchir, le maudit rapprocha son bras unique de son torse. Il pouvait ressentir l’eau qui l’entourait. Chaque goutte qui tombait sur son visage pâle et chaque ruissellement dans la terre humide. Il y avait tellement de vie autour de lui, tellement de force. Sentant la vague d’énergie se rapprocher et perturber le calme des éléments, Andromède rouvrit les yeux et dans un mouvement rapide de la main créa une zone étanche autour de lui. L’eau présente sur son corps, ses vêtements, l’eau de pluie, celle contenue sur le sol boueux des marais, toute trace de liquide avait disparu dans un rayon de quelques centimètres autour du maudit. Il avait asséché la zone. L’eau gravitait autour de lui mais n’était plus en contact avec son corps frêle.

Les éclairs mortels continuèrent ainsi leur route sans jamais toucher leur cible. Le pirate était assez incrédule, mais le petit tour de passe-passe du maudit ne le protégeait pas des attaques directes. Sauf en asséchant son corps, il ne pourrait survivre à un tel assaut. Le capitaine l’avait bien compris. Sans laisser de répit au manchot, il concentra des éclairs au bout de chacune de ses mains et s’apprêta à le carboniser place. Il pourrait esquiver quelques attaques mais la situation semblait déjà perdue d’avance. Il était épuisé et ses jambes ne lui obéissaient presque plus. Plus loin, les Pokemon des deux cousins étaient en train de secourir le corps embourbé de Luciano.

Ce qui se passa ensuite reste trouble dans la tête du maudit. Alors que le pirate s’apprêtait à porter le coup de grâce un vent mauvais s’installa. La pluie se stoppa nette et le son se fit aspirer par la pénombre. On pouvait sentir une présence, celle d’une abomination tapis dans l’ombre. Quelque chose d’indicible. L’expression satisfaite du maître du feu se transforma vite en une torpeur schizophrène. Une voix résonna dans les oreilles des maudits, elle parlait dans un langage qui lui était inconnu. Plus l’espace semblait se distordre dans cette vision cauchemardesque, plus on aurait dit que les arbres s’animaient. Leurs mouvements étaient d’abord discrets, quelques souches qui semblaient ne plus être au même endroit. Mais, les racines s’animèrent et, aussi vite que le phénomène apparu, des membres végétales attrapèrent le capitaine et, dans un craquement à vous glacer le sang, lui brisèrent la nuque.

Tout redevint aussitôt normal. La pluie battait de nouveau. Seulement, Thanatos se trouvait à hauteur du maudit :

« Tu ne pensais pas que je laisserais mon tout nouveau dresseur mourir quand même ? » ricana le spectre qui arborait toujours cette même expression insupportable. « J’espère que je ne t’ai pas fais trop peur ».

Andromède avait une multitude de questions. Etait-ce vraiment son Pokemon qui venait de transformer le marais en véritable théâtre des horreurs ? En tout cas, la pièce macabre qui venait de se dérouler devant ses yeux lui avait sauvé la vie et l’heure n’était pas aux questionnements. Luciano était mourant, ou peut-être même déjà mort. Il fallait rejoindre la ville la plus proche le plus vite possible pour qu’il obtienne les soins adéquats.
« Thanatos, tu saurais nous emmener à la ville la plus proche Luciano va mourir et- » la souche hantée fit signe au maudit de se taire et empressa à l’équipe de le suivre.

« Soyez silencieux, il y a des forces que vous ne voulez pas contrarier dans ce marais ».

ASHLING POUR EPICODE

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