[ Clos ] Bonjour ! Je prendrai un Noctali, à emporter, s'il vous plait ! [PV Miku]

[Chad Kehr]

ENFIN ! C’est là, c’est là, c’est là, c’est là, BORDEL ! V’là des heures que j’tourne en rond autour de ce foutu lac gigantesque, mais c’est bien là ! J’avoue, j’commençais à douter des paroles d’Elvira, autant que des explications évasives des Nalciens auxquels j’ai dû demander mon chemin. Mais au final, après un bon mois de trajet, traversée, et – ni plus ni moins – de calvaire, j’y suis enfin arrivé !
Je débaroule à toute vitesse sur le sol dallé, mes jambes épuisées retrouvant toute leur énergie sous le coup de l’excitation. Des Pokémon me voient passer : je ralentis, allant jusqu’à courir sur place le temps de leur jeter un coup d’œil puis repart de plus bel. Désolé les gars, mais aujourd’hui, je n’accorderai du temps qu’à un seul d’entre vous : mon futur Noctali !
Derrière moi, Hâmon enchaîne les bonds pour me rattraper sans se laisser distraire. Il doit être aussi crevé que moi, le pauvre ! Après tant de trajets au milieu de nulle part, Monsieur s’est déjà bien dégourdi les pattes, je crois qu’il est soulagé d’arriver.

J’arrive au niveau du portique d’entré, le dépasse, puis recule et commence à l’examiner. Ce n’est pas le moment d’agir de façon déplacée ! Si je débarque en trombes dans leur baraque, les proprios risquent de m’engueuler et d’obliger à repartir bredouille. Aussi sage que je puisse l’être, je cherche des yeux un mécanisme d’appel, que ce soit une cloche à faire sonner ou n’importe quoi d’autre tout en clamant assez fort dans ma langue d’origine :

— Y’a quelqu’un ? Je cherche la pension de Miku, c’est bien ici ?

Je mets rapidement une main sur ma bouche, de gêne, en me rappelant qu’il est peu probable que quiconque comprenne mes paroles en ces lieux. Après un mois d’exploration du monde extérieur, j’ai fini par m’y habituer, j’ai même commencé à repérer quelques mots. Enfin, quelques mots de Flamen, puis j’ai payé un guide à dos de Roucarnage pour rejoindre Alfen la semaine passée, à Nalcia, et tout est déjà à refaire. Heureusement, cette fois, j’me suis mieux préparé !
J’écarte la cape qui me recouvre jusqu’au menton pour fouiller une pochette à ma ceinture et en ressortir un calepin en cuir brun. Je le déplie entre mes mains : bon nombre des traductions les plus utiles entre l’espagnol commun de Midgard et les autres langues y sont griffonnées. Il me faut moins d’une dizaine de secondes pour retrouver le mot désiré et le clamer à voix haute en espérant atteindre les oreilles du maître des lieux :

— Bon…jour ?

En attendant, je profite un instant de la beauté des lieux. L’endroit semble être un véritable havre de paix, et la présence du lac à ses côtés embaume l’air d’une pureté inégalable. Même sans rien sentir, j’ai l’impression de mieux respirer ! De son côté, Hâmon vadrouille de gauche à droite, reniflant de loin les quelques curieux qui osent l’approcher ainsi que les fleurs et autres buissons sur son chemin. Je le reprends dans ma langue :

— T’éloigne pas trop, faut pas embêter les Pokémon de l’élevage !

Alors il revient de ses petits bonds joyeux et se met à me tourner autour, l’air curieux de savoir ce qu’on fabrique ici. Vous l’aurez compris, j’ai vraiment envie que tout se passe au mieux ! Pas question de gâcher un mois de boulot sur une boutade d’adolescent ! Reste à espérer que la personne qui m’accueillera ne se braquera pas sur mon âge. Ni mon regard sévère. Ni mon air d’impatient qui fait les cent pas pour retenir l’excitation qui m’envahit. Bref, du calme, tout va bien aller !

[Miku Hatsune]

« Un Évoli pour un étranger »

Endormis près d'une statue de Feunard ornant l'entrée de la pension, les deux Goupix étaient lovés l'un contre l'autre et rêvaient ensemble. Dès leur rencontre, alors que leur maîtresse était à la recherche d'Anthere et était tombée sur Mesmer, ils s'étaient immédiatement liés et passaient le plus clair de leur temps ensemble. Le mâle était plutôt téméraire et protecteur, alors que la renarde à la fourrure blanche, de son côté, était plus posée et plus réfléchie. Ils se complétaient à merveille, et malgré leur jeune âge, ils s'étaient fait un devoir de garder la demeure... Quand ils ne cédaient pas à l'appel de Morphée, évidemment ! Plus loin, l'Arcanin et la Delcatty veillaient sur eux, en échangeant parfois des regards complices. Le couple avait vu partir la plupart de ses petits, mais ils n'en étaient pas tristes. Ils savaient que Miku ne confiait pas ses protégés à n'importe qui, et elle avait leur autorisation, de toute manière. Le duo n'était pas le seul à avoir dit au revoir à sa progéniture... Eiar et son compagnon, le Givrali taciturne qui ne s'était toujours pas choisi de nouveau nom, ne comptaient plus les petits Évoli partis avec des dresseurs, et peu à peu, le Pokémon Glace s'était senti utile. Non pas qu'il faisait des petits pour qu'ils soient vendus... Mais il tirait une certaine fierté de les voir choisis par les voyageurs de passage, ou encore les amis de Miku.

La jeune femme, qui était enfin de retour du continent flottant, avait pris le temps d'expliquer aux Pokémon qui ne l'avaient pas accompagnée (la majorité, donc) ce qu'il s'était passé là-haut, puis avait présenté les nouveaux venus aux autres. Ils avaient été nombreux à la rejoindre pendant son périple sur le continent flottant ! Sarapis et Pythia, les inséparables du Temple de Viridium, ne se quittaient pas, Despoina, le petit insecte de la Canopée, s'était trouvé un compagnon en la personne de Reddo, le Coxyclaque autrefois récupéré en piteux état au bord du lac... La petite Corayon, de son côté, passait tout son temps avec Murex, et la Marcacrin qui avait été accidentellement prise dans le combat contre les Pokémon d'Anthere suivait Tragos partout. Tout le monde, ou presque, s'était déjà bien intégré à la pension Kumo no naka ni. Il commençait à y avoir énormément de spécimens, ici... Et Miku songeait à embaucher une troisième personne à temps plein pour l'aider à s'occuper de ses Pokémon. Salma et Jim étaient très compétents, mais ils étaient âgés tous les deux.

« Et toi, qu'est-ce que tu en penses ? »

La Chaglam couchée sur ses genoux bâilla ostensiblement et se rendormit, tirant un sourire amusé à la Marcheuse. Tandis qu'elle lisait le courrier qu'elle avait reçu, tombant sur la lettre des autorités nalciennes qui faisait d'elle une Éleveuse assermentée par l'État, elle entendit quelqu'un crier dehors.

« Are ? Qui ça peut bien être ? »

Prenant délicatement la chatte pour la déposer dans un panier, Miku se leva et sortit, accompagnée par Tanaquil. En ouvrant, elle tomba nez à nez avec un enfant qui faisait les cent pas, attendant probablement l'autorisation d'entrer. Avec un sourire, elle l'interpella.

« Bonjour ! Vous êtes à la pension Kumo no naka ni ! Je suis Miku Hatsune, je peux vous aider ? »

Devant la drôle d'expression du garçon, la Nalcienne comprit qu'il ne parlait peut-être pas la langue d'ici. Un Tenkeien ? Tanaquil s'approcha de sa Maman, et ses yeux se teintèrent de rose alors qu'elle traduisait. Un peu plus loin, les deux Goupix se réveillèrent, dérangés dans leur sommeil par le bruit, et lorsqu'ils virent l'étranger, ils coururent dans sa direction, s'arrêtant à quelques mètres de lui dans un mouvement parfaitement synchrone. Ils étaient un peu en retard, mais ils avaient un timing à faire pâlir d'envie les plus prestigieux des danseurs d'Érasia !

[Chad Kehr]

La porte s’ouvre. Un bonheur sans pareil illumine mon visage. Enfin, quelqu’un ! Je salue tour à tour en m’inclinant la dame aux longs cheveux turquoise, et son Pokémon humanoïde en robe blanche. Deux créatures bien étranges, à vrai dire, mais pas le temps de s’étonner ! Mon ambition du jour tient une place si importante dans mon esprit que même à l’ouverture de cette porte par Arceus lui-même, je n’aurais pas flanché !
Et tandis qu’je pense ça, les premiers mots de mon interlocutrice ont l’effet d’une gifle sur ma personne. Hein ? Quoi ? Qui ? Bordel, je n’ai pas capté un mot ! Ou si, peut-être, le premier. J’viens de le prononcer – mal –, donc ça va à peu près, mais la suite… Aouch, pitié, de l’aide ! Je bredouille du vent, mes yeux voltigeant de l’humaine à mon calepin dont je tourne les pages au ralenti sans avoir la moindre idée de quoi y chercher.

Puis vient la traduction. Le "merci" prend naissance au creux de ma gorge, remonte lentement, s’apprête à sortir… Puis le nom de Miku est prononcé, balayant l’entièreté de mes pensées :

— OUI ! ai-je hurlé à plein poumons, bras levés.

Et sans perdre une minute, je me baisse à hauteur de Hâmon, l’attrape dans mes bras pour le soulever façon roi Némélios et hurler en tournant sur moi-même :

— On a réussi, Hâmon, on l’a trouvée !

Tout heureux d'ainsi partager ma bonne humeur, le Moufouette se met à taper dans ses petites pattounes en rythme, fêtant l’évènement qu’il accueillait avec plaisir bien qu’il n’en comprenait toujours pas la raison. Puis je recroise le regard de Miku : mes joues virent au rouge, et en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire, je repose Hâmon, me répands en plates excuses, et force mon calme à revenir d’un toussotement forcé.

Mon compagnon a trouvé la fête un peu courte ! Il nous zieute un instant, Miku et moi, bien curieux de ce qui me trouble tant, puis reporte son attention sur deux autres quadrupèdes qui accourent dans notre direction. Si je n’ai pas la moindre minute à leur accorder, Hâmon pour sa part n’a pas manqué une miette de leur incroyable synchronisation. Naturelle, ou forcée ? Il n’en sait rien, mais pour lui, c’est là un défi à relever ! C’est vrai, quoi : ils étaient magnifiques, et les trucs magnifiques, lui, il aimait ça ! Ni une, ni deux, le voilà qui leur tourne autour avant de se placer à côté du rouquin dans une position similaire et s’empresse d’imiter chacun de ses gestes en essayant de garder le rythme. Sauf que, contrairement aux deux tourtereaux, il est vraiment pas doué, le Hâmon ! Et en plus, rappelons-le : il pue. Un peu moins aujourd’hui, l’animal ne s’étant pas relâché depuis sa dernière trempette dans le lac, mais un peu quand même !

Bref, revenons-en au Noctali ! Oups, je voulais dire : à Miku.

— J’vous dérange pas, j’espère ? Elvira qui m’a parlé d’vous, parait que vous élevez des Pokémon pour les gens, c’est vrai ?

Je me retiens de clamer ma requête trop vite, par crainte de passer pour plus pressé que je ne l’étais déjà. D’autant que je doute de la traduction. Ça ressemble à ce que j’ai vécu avec Elvira, mais comme j’suis pas dans la tête de Miku, j’sais pas si elle m’entend direct, ou si cette grande dame Pokémon… avec une putin de corne qui l’empale en plein cœur, nom d’un Trompignon ! C’est quoi ça ?! C’est naturel, ou est-ce que je viens de pénétrer un élevage sado-maso ? Elle a l’air vivante… alors supposons qu’il n’y a pas lieu de s’inquiéter. Noctali ! Penser Noctali ! Je tousse à nouveau, rattrapant mes pensées au vol pour en revenir au principal.

— Il me faut un Noctali, mais, euh… sans capture. C’est… (ma phrase s’allonge un temps, tandis que je cherche une façon d’exprimer la chose sans passer pour un moins que rien) C’est pas mon truc. Vous savez, les combats, toussa toussa, enfin, bon, voilà…

Et je m’embrouille. Mes mains se frottent l’une l’autre, perdues entre gêne et précipitation. Même mon regard se détourne, inquiet qu’on puisse y lire quelque chose de négatif, alors même que je ne saurais pas ce qui pourrait l’être devant cette étrangère. Raah, ça part mal, tout ça !

[Miku Hatsune]

« Un Évoli pour un étranger »

Le cri du jeune homme fit sursauter Miku, qui fut surprise par tant d'enthousiasme. Il y avait longtemps qu'elle sillonnait les routes, et une telle démonstration de joie parmi ceux qu'elle avait croisés remontait à... Très très loin ! Mais elle n'eut pas le temps de dire quoi que ce soit : l'étranger souleva son Pokémon à bout de bras, et le Moufouette se mit à taper dans ses pattes, probablement aussi ravi que son maître. Cette fois, la Nalcienne éclata d'un rire franc et cristallin. Après tout ce qu'elle avait vécu en cherchant Anthere, une telle scène lui faisait un bien fou ! Près d'elle, la Gardevoir sourit, sensible au bonheur de sa Maman. En essuyant une larme qui perlait au coin de ses yeux, tant elle avait ri, elle lança :

« En même temps, vu sa taille, ma pension n'est pas difficile à trouver ! »

Le garçon finit par s'excuser, le rouge aux joues, alors que la jeune femme se demandait ce qu'un tel phénomène faisait chez elle. Tout près, les deux renards regardèrent la moufette s'approcher et les imiter d'un air circonspect, avant de se regarder et de s'éloigner à toutes pattes d'un commun accord pour rejoindre leur humaine. L'Éleveuse se pencha alors pour les gronder.

« Allons, c'est comme ça que vous accueillez des invités ? »

Penauds, les deux Pokémon baissèrent la tête d'un seul mouvement, puis se placèrent de chaque côté de la jeune femme. Soudain, deux pierres se mirent à briller dans la ceinture à sacoches de la Nalcienne, et les deux renards se mirent à grandir d'un coup, irradiant d'une lumière éblouissante. Métamorphosés, les deux êtres s'avancèrent et s'inclinèrent devant l'étranger et son Pokémon, comme s'ils avaient fait cette démonstration pour s'excuser. Après les avoir félicités, Miku se rapprocha de l'inconnu, et son visage s'illumina à l'évocation d'Elvira. Si son amie avait parlé d'elle et avait recommandé sa pension, elle était peut-être plus apaisée vis-à-vis de ce qu'il s'était passé dans la Grotte Gelée...

« Vous ne me dérangez pas du tout ! Et tout à fait, je suis Éleveuse, entre autres. Je suis aussi Marcheuse de Rêves. Mais venez, entrez ! Si vous cherchez à avoir un Noctali, je suis sûre que vous trouverez votre bonheur ici. »

Les Feunard emboîtèrent le pas à Miku, le mâle flamboyant contrastant furieusement avec la femelle à la fourrure d'un bleu cristallin. Tanaquil, d'un geste du bras, invita leur hôte à pénétrer dans le domaine, avant de faire remarquer quelque chose dans un souffle mental à sa Maman. La jeune femme aux cheveux cyan s'arrêta soudain dans l'un des jardins, puis se retourna vers le garçon.

« Oh, mais c'est vrai. Vous êtes... ? »

L'étranger n'avait en effet toujours pas décliné son identité, sans doute trop impatient d'exposer le motif de sa venue et de rencontrer le Pokémon qu'il était venu chercher. La Nalcienne finit par s'accroupir, chantant une note douce et brève. Quelques instants plus tard, un Évoli sortait de derrière un énorme rocher et accourait vers elle, répondant à son appel avec enthousiasme. Il était jeune, mais docile, et quand il en eut la permission, il se dirigea vers le Moufouette en agitant la queue pour faire connaissance.

[Chad Kehr]

Oh, je l’ai faite rire ? J’imagine que c’est mieux que l’inverse. Ça me soulage un peu : elle a l’air plutôt sympa, je peux me détendre et retrouver un brin de constance. Évidemment, ça ne m’aidera pas à lui expliquer ma galère pour trouver sa pension, plutôt liée à mon incapacité à suivre les directions d’une langue dont j’ignore les fondamentaux que d’un sens de l’orientation biaisé. De toute façon, au moment où j’allais lui parler de ça, deux boules de poils débaroulent auprès d’elle, rapidement suivies d’une troisième que je reconnais.

– Ben alors, mon gros, t’as trouvé des copains ?

Il m’écoute à peine, visiblement hésitant sur la marche à suivre. S’il veut imiter les deux autres – ce qu’il fait avec peine jusque là –, il devrait rejoindre Miku, lui aussi. Ou alors… se placer à côté de moi, puisque je suis son humain ! Mission accomplie, l’aventure peut continuer : il les voit baisser la tête d’un geste unique, et baisse donc la tête à son tour.
Puis vient l’évolution des deux canidés. Je laisse échapper une longue exclamation, impressionné par ce phénomène auquel j’ai déjà eu l’occasion d’assister, mais jamais de façon aussi synchronisée ! Je me surprends même à applaudir à la fin, comme s’il s’agissait d’une performance artistique.
Hâmon, de son côté, est bouche bée. Sa petite tête furète de gauche à droite, hélas, pas moyen de trouver une idée pour imiter quelque chose d’aussi intense ! Alors il tente un truc : son pelage se hérisse, son corps se gonfle, et tandis qu’il gronde pour se concentrer, une légère aura de puissance commence à l’englober.
Je souffle du nez pour étouffer une moquerie en le voyant faire. D’accord, y’avait un effort, mais loin de l’exploit des deux évolués d‘en face ! Voyant qu’il n’arrive ni à déclencher une lumière éblouissante, ni à se transformer, Hâmon finit par abandonner sa tentative et se laisse choir ventre contre terre, les pattes écartés dans un air d’épuisement.

Je pensais être le seul à pouvoir m’enthousiasmer aussi rapidement, pourtant, mentionner le nom d’Elvira semble avoir provoqué un déclic vis-à-vis de l’étrangère ! Voilà qu’elle m’invite à entrer et m’assure même que je trouverai mon bonheur à l’intérieur.

— C’est vrai ? m’exclamai-je avec enthousiasme. Tu entends ça, Hâmon ? On va enfin l’avoir, notre compagnon !

En m’entendant l’interpeller, le Moufouette se redresse d’un bond, toute son énergie retrouvée, et me tourne autour avant d’emboiter le pas aux dames qui nous invitent à les suivre.
L’intérieur est tout aussi impressionnant que l’avant de la pension. C’est incroyable l’espace qu’ont les Pokémon, ici ! C’est calme, agréable, et en plus, j’ai l’impression que l’endroit se découpe en plusieurs parties adaptées à différentes espèces. Je n’en vois que les prémices, en revanche, la bonne santé des Pokémon élevés en ces lieux vous saute aux yeux dès qu’une créature pénètre votre champ de vision.
J’étais déjà parti dans ce monde merveilleux, prêt à découvrir tout ce que l’éleveuse avait à me montrer – surtout mon formidable Noctali – lorsqu’elle me rappelle que j’ai oublié les fondamentaux de n’importe quelle relation :

— Oh, pardon ! Je m’appelle Chad, je viens de Dyrinn !

Comme quoi, malgré toute ma bonne volonté de ne pas aller trop vite en besogne, ça n’avait pas loupé ! Heureusement, cette Miku est des plus compréhensives. Et des plus étranges, aussi. J’m’attendais pas à la voir s’accroupir dans l’herbe, l’air de rien ! Voulant jouer de politesse, je l’imite et l’écoute, intrigué bien que peu réceptif à la musicalité de sa voix.
Enfin, il apparait. Un Evoli, un vrai ! Bon, certes, ce n’est pas un Noctali, mais presque ! Un Noctali en devenir, c’est d’jà bien ! L’expression de mon visage passe du simple sourire au ravissement pur et simple tandis que je hurle presque à Hâmon :

— Hâmon, regarde ! Y’en a un, là !

Après un passage auprès de l’éleveuse, l’Evoli semble s’intéresser à Hâmon. Je détaille avec amusement sa queue battante et son air docile : il est si différent des Pokémon sauvages que j’ai déjà croisé, on croirait une espèce différente ! Son pelage est bien entretenu, et son regard exprime l’innocence de sa jeunesse. Il est superbe !
Je supposais qu’Hâmon penserait de même. Trop occupé à marcher dans les traces des deux renards faisant à présent trois fois sa taille, il ne repère le nouveau venu qu’en me voyant le désigner. Aussitôt, l’ambiance change du tout au tout : pris d’une colère soudaine, le Moufouette hérisse son pelage et se met à cracher de colère en direction du pauvre Evoli guilleret. Sa queue se dresse d’un air agressif, et sans tarder, il se dresse sur ses pattes arrière, prêt à asséner de grands coups de griffe à cet Evoli s’il s’approchait davantage.

— Hâmon, non ! Pas d’bagarre !

Je m’interpose entre les deux Pokémon, face au mien, et me baisse à sa hauteur pour le dissuader d’attaquer. Loin de se calmer pour si peu, le Moufouette reste campé sur ses pattes arrière et tend la tête sur le côté, cherchant son adversaire du regard à travers ma personne. J’appuie avec force du plat de ma main sur sa tête pour le forcer à redescendre, tout en interpellant Miku d’une voix tremblante, le visage blême de gêne :

— J’suis désolé, vraiment ! C’est ma faute, il s’est battu contre un Evoli le mois dernier, j’crois qu’il a confondu, mais j’te jure qu’il est gentil !

Je lancerai bien un regard à l’Evoli, en espérant ne pas lui avoir filé la frayeur de sa vie, mais j’ai trop peur de perdre des yeux le putois pour ne serait-ce que tourner la tête.

[Miku Hatsune]

« Un Évoli pour un étranger »

La tentative de la Moufouette pour se rendre impressionnante et imposante fit rire de plus belle la jeune femme. Décidément, ce garçon et son Pokémon étaient plein de surprises ! Quand il finit par se présenter, elle répondit simplement :

« Enchantée, Chad. Je reviens d'un voyage sur Tenkei, Dyrinn est une ville magnifique. D'ailleurs, plusieurs de mes Pokémon viennent de là-bas. »

Le Vipélierre et la Séviper lovés l'un contre l'autre, perchés dans la branche d'un arbre monumental, tournèrent la tête vers elle d'un même mouvement. Ils étaient ravis de pouvoir rester ensemble dans un endroit paisible où on ne les chasserait pas par peur du serpent qui s'était enroulé autour de son compagnon.

Le couple de renards s'arrêta alors près de leur maîtresse, regardant avec amusement le dénommé Hâmon tenter de les suivre. Toutefois, lorsque la moufette se hérissa et prit un air agressif, le duo s'interposa, dépliant leur multitude de queues pour préparer une attaque destinée à protéger le jeune Évoli.

« Damé !* »

Aussitôt, les Feunard se détendirent, répondant à l'ordre de Miku. Ils restèrent néanmoins campés sur leur position, prêts à intervenir. Le Pokémon à la fourrure marron, lui, s'était aplati contre le sol, les oreilles plaquées en arrière, surpris de cet accueil peu amène. Chad se justifia et tenta d'arrêter Hâmon, plus que gêné, et la Marcheuse répliqua d'une voix douce :

« Laissez-moi faire. »

Spoiler:

Dès l'instant où la Nalcienne s'était mise à chanter, de puissantes ondes sonores avaient commencé à pulser autour d'elle, distordant l'air ambiant et touchant la totalité de la surface de sa pension. Désormais expérimentée dans les maîtrises du son et de l'air, elle était capable de propager ses chants dans une zone étendue autour d'elle. En quelques instants, le calme et la paix chassèrent toute agressivité chez les Pokémon, même chez ceux qui, sauvages, s'étaient aventurés dans le domaine. Les créatures qui étaient les plus proches d'elle se dirigèrent vers elle en quête de quiétude et d'attention. Un grand Haydaim aux bois fleuris tendit le cou pour avoir une caresse, alors qu'un Arcanin flanqué d'une Delcatty à la fourrure rosée et beige s'avançaient d'un pas tranquille.

« J'ai l'habitude de désamorcer des conflits. Parfois, il y a des bagarres et des disputes dans ma pension, et j'ai beaucoup voyagé, j'ai donc eu l'occasion d'intervenir dans des combats plus ou moins violents. Je n'aime pas la violence, alors j'ai appris à la faire disparaître chaque fois que c'était possible. Même si je suis Tireuse, je suis avant tout Marcheuse de Rêves. Ma priorité sera toujours de faire en sorte que la paix règne dans mon entourage. »

L'Évoli s'était redressé, rassuré par le chant et les mots de la Nalcienne. Après lui avoir caressé la tête avec douceur, Miku interpella Chad d'un air bienveillant.

« Alors ? Tu veux faire connaissance ? Je ne lui ai pas encore donné de nom, ce sera à toi de le faire si le courant passe bien entre vous. »

[* Non ! (dans le sens « c'est interdit ! »]

[Chad Kehr]

Hâmon ne s’est pas laissé impressionner, ni par mon intervention, ni par les deux grands renards aux nombreuses queues. Son courage, qui s’apparente davantage à de l’inconscience, force le respect. Dommage qu’il l’ait mis à profit d’une telle absurdité. J’ai dû le retenir moi-même en imposant mon bras sur sa route pour l’empêcher d’aller se jeter dans un affrontement perdu d‘avance, le front en sueur et mon cœur s’emballant autant que mes pensées en voyant que tout foutait le camp. Je n’avais qu’une peur, c’était de voir un nuage de puanteur lui échapper et venir gâcher la pureté de cet élevage.

Puis vient cette douce mélodie.

Contrairement à la première fois, j’y ressens quelque chose. Une espèce de grand soulagement, comme si tous mes tourments s’envolaient à ces simples notes chantées. Hâmon aussi en oublie sa colère. Lui, pourtant si peu réceptif à ce genre de phénomènes. Son pelage retrouve son épaisseur habituelle tandis qu’il ramène ses pattes au sol, sa truffe furetant l’air comme s’il cherchait à comprendre ce qui l’avait mis dans un état pareil. Ses oreilles s’agitent au rythme des vibrations de l’air, et je le vois même fermer les yeux et remuer la tête, l’air apaisé.

— Waow, C’était incroyable, dis-je avec sincérité.

Je ne trouve rien d’autre à ajouter, l’esprit encore embrumé par ce délicieux envoutement. J’ai juste envie de m’allonger dans l’herbe, sans bouger, et de profiter en silence. D’autres Pokémon apparaissent, attirés par cette douce mélopée. J’en reconnais certains, originaire de Tenkeï. Toute une diversité, démontrant les nombreux voyages sous-entendus par Miku. Si je n’étais pas venu pour une raison précise, j’aurais surement échangé bien des anecdotes sur Dyrinn avec elle, ne serait-ce que par curiosité. Après avoir jugé Omatsu de mon point de vue, j’me demande bien ce que les étrangers pensent de ma ville d’origine.

Parmi les Pokémon qui se rapprochent d’elle, je reconnais l’Evoli effrayé de l’instant d’avant. Lui aussi semble calmé, désormais. J’hausse un sourcil à la proposition de Miku, étonné qu’elle accepte toujours de me le confier. Je la remercie d’un hochement de tête, n’osant briser la quiétude installée de ma voix disgracieuse.
J’agis avec douceur, lenteur. Cependant, je n’hésite pas. L’Evoli m’observe dans les yeux tandis que j’appose une main sur sa petite tête brune. Il est si petit, si fragile ! Tellement loin du grand Noctali de mes songes. Je souris à cette pensée : tout est encore à faire, mais au moins, l’avenir nous tend les bras. Un jour, j’en suis sûr, il deviendra ce puissant héros, véritable chevalier capable de protéger les faibles.

— Yvain, c’est le nom auquel j’avais pensé.

L’Evoli, qui jusqu’ici profitait des caresses les paupières closes, rouvre ces dernières à l’entente de son futur nom. Je ricane en le voyant plus étonné qu’autre chose, incertain qu’il apprécie cette appellation, mais au moins, il y réagit.

— Hâmon ?

J’interpelle le Moufouette, ne souhaitant pas rester sur un échec pour cette première rencontre. Ma main droite caressant toujours le pelage de l’Evoli, j’invite mon premier Pokémon à le rejoindre de mon bras libre : ce dernier ne se fait pas presser, et accourt jusqu’à moi d’une démarche enthousiaste. Ce n’est qu’en redécouvrant l’Evoli qu’il se fige, hésitant.

— Hâmon, je te présente Yvain, il va voyager avec nous désormais.

Cette fois, l’écoute a payé : le Moufouette semble comprendre mes paroles. Il s’approche alors de notre nouveau compagnon, le renifle avec attention en plissant les yeux… puis se retourne d’un coup pour le "nettoyer" avec sa queue en guise de plumeau, sous l’air dégouté du pauvre accepté.

De mon côté, je reporte mon attention sur Miku :

— Oh, désolé, il est si parfait que j’allais oublier : qu’est-ce que j’vous dois ?

Ça me paraitrait logique d’avoir une compensation à payer, ou n’importe quoi d’autre, pour l’adoption d’un Pokémon. Mais en vrai, je n’en savais rien.

[Miku Hatsune]

« Un Évoli pour un étranger »

Soulagée de voir que son chant avait eu l'effet escompté, Miku fit un grand sourire à Chad, en réponse à son compliment. L'Évoli était de nouveau calme et prêt à faire connaissance, Hâmon avait retrouvé son état normal et les dernières notes volatilisées dans l'air n'avaient pas dissipé la quiétude de l'instant. Probablement intimidé, le Dyrinnois chercha néanmoins à se rapprocher de la créature à la fourrure brune, qui se laissa caresser sans broncher. Les deux renards échangèrent un regard, avant de se rapprocher et de frotter leurs têtes l'une contre l'autre.

« Il est très docile, et encore jeune. Il n'est pas très fort pour le moment, mais avec un peu d'entraînement, et beaucoup d'amour... Rien n'est impossible. »

Quand il entendit son futur nom, le Pokémon parut surpris, ouvrant de grands yeux qui firent rire l'Éleveuse.

« Je ne sais pas s'il aime ou pas, mais je crois qu'il ne s'attendait pas à ça ! Ce n'est pas exactement dans le thème des surnoms que je donne à mes protégés, alors il va lui falloir un peu de temps, mais je suis sûre qu'il apprendra à l'apprécier avec un peu de temps. Surtout s'il a une signification particulière pour toi. »

Les présentations furent faites avec la moufette, qui entreprit de le nettoyer alors qu'elle sentait plutôt mauvais... L'expression d'Yvain était si drôle que cette fois, la totalité des Pokémon assistant à la scène fut prise d'une hilarité collective. Hâmon devait être gentil, mais l'odeur... L'Évoli allait devoir faire avec ! Ici, l'air était souvent très pur, et la présence de deux Mystiques de l'Air aidait à préserver une ambiance calme, détendue et saine. Clairement, cette nouvelle vie représentait son lot de défis pour le petit Pokémon.

« En tout cas, elle l'a déjà adopté. C'est mieux pour tout le monde si les relations entre tes compagnons sont bonnes. Les tensions sont toujours un problème, mais rien n'est impossible à résoudre, j'en suis persuadée. »

Le Givrali et la Dynavolt jusqu'alors restés à l'écart, vinrent prudemment rejoindre Miku. La créature de glace s'arrêta à moins d'un mètre, tandis que la chienne verte allait frotter sa tête contre celle de son fils pour lui faire ses adieux.

« Ce sont ses parents. Eiar, ne t'inquiète pas, je suis sûre qu'Hâmon fera une bonne compagne de route pour Yvain. Excuse-le, il est assez discret et n'aime pas les effusions et les démonstrations d'affection. Il a un passé un peu compliqué, mais il est fier de voir ses enfants partir à l'aventure et se lier avec des gens autres que nous. »

Finalement, Chad demanda à Miku ce qu'il lui devait. Vu le profil du garçon, la Nalcienne se doutait qu'il n'aurait pas de quoi payer, mais puisque c'était Elvira qui l'envoyait, et vu la spontanéité dont il avait fait preuve... Elle était persuadée qu'il saurait s'en occuper. Il y aurait probablement des ratés, mais cela faisait partie de la vie de dresseur... Réfléchissant un instant, elle finit par répondre d'un air sérieux :

« Tu es jeune, et je pense que tu n'as pas beaucoup d'argent, alors je te demanderai une pièce symbolique. Aussi, tu dois me promettre deux choses : que tu en prendras grand soin, et que tu me donneras de ses nouvelles de temps en temps. N'hésite pas à m'écrire si tu as besoin de conseils, ni même à repasser si tu es à Nalcia, cela me fera plaisir de voir l'évolution d'un de mes petits ! J'ai l'impression de te faire un peu la morale, mais ce n'est pas du tout mon but... Je tiens simplement à ce que tout se passe pour le mieux. C'est d'accord ? »

[Chad Kehr]

Je m’en fiche. Qu’il soit fort aujourd’hui, je m’en fiche complètement. Je sais qu’il deviendra parfait, aussi parfait que celui de mes souvenirs, tout comme il s’habituera à son nom de la même façon qu’Hâmon avant lui. C’était mes deux petits bonhommes, le début d’une grande aventure !

Après avoir saupoudré l’Evoli de son odeur, Hâmon l’a fixé dans les yeux un long moment. Ils s’affrontaient d’une nouvelle façon, dans un silence religieux, jusqu’à ce que le nouveau venu ne baisse les yeux et les oreilles devant son aîné. Ébrouant sa fourrure de satisfaction, le putois redresse la tête et caresse une dernière fois Yvain de sa queue dans un geste plus maternel, puis s’en détourne, l’air de n’avoir plus rien à lui dire. Y’a de la dominance dans l’air ! Mais selon toute vraisemblance, Yvain n’est pas de ceux qui poseront problème. En tout cas, pas avant d’avoir pris du muscle ! J’imagine déjà le Moufouette s’aplatir de soumission devant la version Noctali de notre ami.

Viennent alors les parent de notre nouvelle recrue. Une autre de ses évolutions qu’Elvira ne m’avait pas montré, ainsi qu’un canidé électrique dont j’ignore jusqu’au nom.

— Vous en faites pas, leur dis-je, il est entre d’bonnes mains ! Je suis sûr qu’vous serez fiers de lui !

Ah ça, Hâmon avait déjà une vie respectable, mais alors lui : il allait profiter un max ! Après-tout, il fallait qu’on forge un lien fort ensemble pour lui permettre d’évoluer. J’comptais bien y parvenir en un temps record !

Après avoir laissé ses parents lui dire aurevoir, j’entrouvre les bras, invitant le jeunot à s’y engouffrer tandis que Miku m’annonce le prix dérisoire de cette adoption. Une pièce symbolique ? Et revenir de temps en temps ? Mais avec grand plaisir ! L’Evoli s’approche d’un pas lent, sans doute encore hésitant à l’idée de quitter le douillet petit nid familiale. Je l’attrape et le soulève d’un coup, puis le chatouille de mes joues contre sa fourrure pour le faire ricaner, espérant ainsi décoincer un peu sa timidité. Un couinement de surprise lui échappe, d’autant plus appuyé lorsqu’il me sent le soulever au-dessus de ma tête à bras levés, lui offrant une vue planante sur ma personne.

— Tu vas voir mon beau, on va pas s’ennuyer tous les deux !

On en est encore aux abasourdissements, mais je crois déceler un petit sourire à travers son pelage. Enfin ! Je le ramène contre mon épaule, tout enfant qu’il est, en le gardant confortablement installé dans le creux de mon bras gauche le temps de chercher une piécette à donner à l’éleveuse.

— Encore merci ! m’exclamai-je de tout mon enthousiasme. Et pas de soucis, je repasserai, plein de fois même, comme ça toi et ses parents, vous verrez le super Pokémon qu’il deviendra !

J’allais repartir, mais pris d’un moment de doute, je me rappelle la présence de la Pokémon dame empalée jouant les traductrices :

— Oh, et merci à toi aussi, tu nous as bien aidé !

Je les salue d’un geste de la main, tout en me dirigeant vers le portique d’entrée. D’une lente caresse parmi son doux pelage si bien entretenu dos, je rassure le nouveau venu tout en m’éloignant de sa première demeure, Hâmon sur mes talons.  Et voilà, je l’ai dans mes bras ! Mon futur Noctali. Yvain, le Noctali !

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