[ Clos ] Sur les traces du Veilleur [Solo/Contrainte]

[Tyrande di Neralitha]

Après avoir obtenu ma qualification de Guérisseuse, j'étais immédiatement allée voir Délas et ma famille pour leur annoncer la nouvelle. Ma sœur de cœur, émue aux larmes, m'avait demandé de lui montrer les pouvoirs que j'avais développés, des pouvoirs qu'elle n'aurait, de toute évidence, jamais. Me voir rendre la vie à des plantes desséchées, refermer des lésions sévères ou encore revigorer une Sentinelle exténuée par une nuit de garde agitée la ravit à un point que je la vis sourire plus de fois en quelques jours qu'en dix ans. C'était pourtant son rêve à elle, ce rêve qu'elle m'avait confié alors que j'avais abandonné le mien pour le réaliser. Comme un déclic, elle avait réussi à refaire pousser quelques plantes sans effort, et elle avait décidé, après un discours très persuasif de ma part, de reprendre ses études à l'Académie des Défenseurs. Elle n'était pas certaine de parvenir à devenir Marcheuse, mais elle voulait au moins finir son cursus pour, selon ses mots, « ne pas rester trop longtemps à la traîne ».

Mais malgré toutes ces nouvelles réjouissantes, quelque chose me préoccupait jour et nuit. Maintenant que j'avais atteint l'objectif que je m'étais fixé, j'aurais dû rester à Dyrinn... Mais je n'arrivais pas à m'ôter de l'esprit le message que j'avais reçu alors que je me préparais à intégrer le groupe d'expédition à Mizuhan lors des dérèglements climatiques survenus deux ans auparavant. J'étais taraudée par la curiosité, qui avait pris le dessus sur la peur. Ce mystérieux protecteur ne s'était plus manifesté depuis, et je ne pouvais passer une journée sans penser à l'identité de cette personne qui m'avait préservée du pire. Délas, qui me connaissait par cœur, avait fini par me dire au bout d'une semaine qu'elle voyait bien mon trouble, et elle m'en avait demandé la raison. D'une part à cause de ma malédiction, et d'autre part parce que je ne voulais pas lui cacher quelque chose d'aussi primordial, j'avais fini par lui expliquer que j'avais été attaquée à Nalcia, puis que j'avais été avertie par un inconnu avant de me jeter dans les griffes de mon agresseur. De fil en aiguille, elle avait été gagnée par la même envie de découvrir qui se cachait derrière ce message.

« Peut-être qu'un Marcheur de Rêves pourrait m'orienter vers sa piste. Si ce protecteur est réellement bien intentionné... Il sera peut-être possible de le trouver dans le monde onirique en l'appelant à l'aide. C'est un réseau particulier que seuls les initiés peuvent parcourir et utiliser... Mais je ne veux pas en parler à ma mère. C'est une piste mince et peu fiable, mais c'est la seule que j'aie en tête pour le moment. »

Délas m'avait alors parlé de la venue d'une jeune femme originaire de Nalcia, quelques semaines auparavant, qui avait réglé un problème avec un Vipélierre et un serpent du monde d'en bas près du Temple de Viridium. Désireuse d'en savoir plus, je l'avais interrogée à ce sujet. Il s'agissait d'une certaine Miku Hatsune, propriétaire d'une pension et surtout Marcheuse de Rêves. Effectivement... C'était parfait pour entamer mes recherches. Mais évidemment, cela impliquait de partir une nouvelle fois... Et cette fois, j'avais décidé de quitter Dyrinn sans dire au revoir à personne. Seule Délas avait eu droit à une étreinte chaleureuse, avec la promesse d'échanger des nouvelles sur nos situations respectives.

Ce fut donc en pleine nuit que je décollai sur un énorme Déflaisan, et pas un Gueriaigle, pour ne pas attirer l'attention avec la même monture. Même si j'avais peur, j'étais totalement obnubilée par l'idée de retrouver celui qui veillait sur moi, à tel point que je craignais que cette obsession ne me fasse oublier la prudence pourtant de mise.

Avec l'énorme détour que je fis pour éviter de me faire attaquer au même endroit que la dernière fois, il me fallut un temps fou pour atteindre le Temple de l'Air Boréal. C'était visiblement le lieu le plus simple pour demander des renseignements sur cette prêtresse qui s'était présentée comme Marcheuse, et on m'indiqua sur place qu'elle vivait à une quinzaine de kilomètres de là. Après avoir laissé ma curiosité au sujet du Temple prendre le pas sur ma recherche, je visitai l'édifice et passai deux jours en compagnie des moines, qui m'en apprirent un peu plus sur leurs coutumes et leur philosophie de vie. J'eus aussi l'occasion de parler un peu la langue du pays, que je ne connaissais pas encore, mais finalement, ma quête finit par me rappeler à l'ordre sous la forme d'un cauchemar. Les Marcheurs du Temple eurent la bonté de me venir en aide et de me calmer, puis d'offrir leur aide, mais je préférais éviter de parler à trop de monde de ce qui me troublait à ce point. Je doutais de la présence de mon agresseur ici, et j'étais certaine que les plus expérimentés des Élémentaux avaient déjà compris le problème en venant me tirer de ce mauvais rêve, mais tout de même...

Je partis le lendemain, gagnant un immense domaine au bord du Lac de la Liberté. Les présentations faites, l'hôte me fit visiter, comme si elle avait lu en moi mon envie de découvrir toutes ces espèces, dont certaines étaient originaires de Midgard. Je fis la connaissance du fameux couple qui avait défrayé la gazette de Dyrinn, puis exposai mon cas à la fille aux drôles de cheveux cyan. Elle m'écouta avec bienveillance et gentillesse, me rappelant ma mère lorsqu'elle était avec ses patients, mais sans jamais me faire sentir que j'étais en réalité dans une détresse mentale menaçant de me faire sombrer. Cette obsession prenait de plus en plus de place dans mon esprit, et je savais que je ne trouverais de répit qu'une fois l'identité de mon gardien connue. Il me permettrait peut-être de remonter jusqu'à celui qui m'avait attaquée à deux reprises... Car j'étais désormais persuadée que celui qui s'en était pris à moi lors de mon premier voyage en Érasia et celui qui avait tué nos Vivaldaim n'étaient en fait qu'une seule et unique personne.

Alors que Miku m'offrait de rester là tant que j'en aurais besoin, je prétextai une envie de prendre l'air pour ne pas me mettre à pleurer devant cette inconnue qui me donnait pourtant plus que prévu. Le Soleil commençait à décliner, et Darius jouait avec une homologue qu'il semblait avoir reconnue dans l'un des jardins de la pension. Les deux chiens se roulaient ensemble dans l'herbe, mimant une course-poursuite et une chasse de proie, et le spectacle me ravit. Nous avions eu des moments difficiles, dernièrement... Entre cette quête et mon obsession galopante, sans compter cette bataille près de la Tour de l'Éternité... Tout le monde s'était battu sans pause. M'ayant probablement sentie arriver, Darius se redressa et jappa dans ma direction. Je lui répondis avec un sourire, et l'astre du jour disparut derrière une colline au loin, remplacé par une lumière bien plus vive et éblouissante. Levant une main pour protéger mes yeux particulièrement sensibles, j'aperçus à travers mes doigts la forme de Darius changer et s'étirer, prenant de la taille et du volume.

En voyant la fourrure orange et blanche de mon Pokémon, je sentis les larmes qui menaçaient de dévaler mes joues échapper à mon contrôle. L'incompréhension dans le regard émeraude de Darius laissa place à la curiosité, et il accourut pour venir me renifler. Prostrée, accroupie et fermée dans une attitude de protection, je finis par enfouir mon visage dans sa collerette immaculée, sans prêter attention aux écorchures que les rocs autour de son cou provoquaient chez moi. Miku, qui m'avait suivie, eut la clarté de jugement de ne pas intervenir, me laissant à ce moment avec le premier de mes Pokémon à évoluer. Il me fallut longtemps avant de me calmer pour admirer le loup orangé qui se tenait devant moi et qui n'attendait qu'une chose : que je lui donne le signal pour repartir jouer avec le chiot de la Nalcienne.

L'Éleveuse accepta ma présence de longues semaines, le temps que je remette de l'ordre dans mon esprit. Son aide me fut précieuse, et ce fut lorsqu'elle m'annonça qu'elle pensait avoir une piste concernant celui qui veillait sur moi que je fus ramenée à la réalité. Elle avait en effet croisé, au cours de ses pérégrinations oniriques, une silhouette qui semblait s'intéresser à ma famille de très près, cherchant à chaque fois à se rapprocher des di Neralitha quand il en croisait dans les Rêves. Après m'avoir promis qu'elle ferait son possible pour entrer en contact avec lui, Miku me confia un œuf sans me préciser l'espèce de son occupant, ni même la raison de son geste. J'avais hâte de savoir ce qui en sortirait, et j'étais certaine que la jeune femme avait de bonnes raisons de me l'offrir... Après tout ce qu'elle avait fait pour moi, j'en étais persuadée.

Je finis par quitter la pension, après une douce étreinte avec la prêtresse à l'entrée du domaine. Je ne savais pas vraiment où chercher, mais j'avais décidé de parcourir Nalcia... Après tout, j'étais sûre que ma venue en ces lieux n'était pas fortuite, et la créature en devenir que je tenais contre moi, tout comme Darius qui marchait à mes côtés, en étaient l'indéniable preuve.

[Contrainte 9 : insister sur un sentiment particulier.]