[ Clos ] Elle ? - Eux ? [Solo/contrainte]

[Sylver Belister]

[Contrainte 7 : projection dans le futur]

Ouche ma tête… Qu’est-ce qui venait de me frapper ? On aurait dit une petite boule de feu… M qui venait d’entamer un des entraînements surprises dont il avait le secret ? Non, impossible. Layla et moi étions maintenant dans la forêt enneigée, à des centaines de kilomètres de lui…

J’ouvris les yeux. Devant moi se tenait un jeune homme, encore un adolescent ; de taille moyenne et aussi fin qu’une baguette de chef d’orchestre. Des orbes de tailles différents dansaient autour de sa main tendue paume ouverte.

« Eh bien ? » Railla-t-il. Je pensais que vous étiez suffisamment fort pour les arrêter. Vous me décevez Seigneur Belister.
« On recommence ! »


Ce n’était pas moi qui avais dit ça. Et pourtant le son était sorti de ma bouche de ma propre volonté. Comme s’il y avait deux entités dans mon corps : moi, spectateur passif et celui qui venait de parler, qui semblait bien plus musclé que moi. Car ce corps était bien le mien, aucun doute là-dessus, mais il était indubitablement différent. Cette scène n’appartenait pas à mon passé, j’en étais certain. Alors étais-ce… Mon futur ? Ou un quelconque rêve ? Non, cela semblait trop cohérent pour un songe…

. Cette sensation très étrange de dédoublement se poursuivit lorsque je sentis une énorme charge peser sur moi. L’autre moi, qui dirigeait le corps, souleva alors l’objet en question. Il s’agissait d’une énorme chaîne de bataille terminée par un boulet de petite taille. Et malgré l’échec de ce qui m’apparaissait maintenant comme un exercice, il ne semblait pas avoir trop de mal à soulever et à manipuler cet outil terrifiant qui atteignait presque les deux mètres de long.

Cette fois-ci, l’autre – c’est-à-dire moi - réussit à arrêter les orbes en faisant tournoyer le fil de métal avant qu’elles ne l’atteignent. Elles explosèrent au contact de l’arme, mais étaient trop loin de moi pour causer du dégât. L’adolescent ne faisait pas mine de tirer de nouveau. Puis il m’indiqua que l’entraînement était terminé. J’en profitais alors pour analyser l’environnement que l’autre avait en face de lui tandis qu’il rangeait sa chaîne. Nous étions visiblement dans une bâtisse en assez mauvais état, dans une pièce qui semblait être une salle d’entraînement vu qu’elle disposait d’une immense arène centrale bordée de quintaines en bois.

« Je vois que tu ne mentais pas quand tu disais avoir fait des progrès. Donc tu nous quittes ? »

Mon autre moi se retourna vers l’homme qui venait de parler. Un homme plus jeune que moi, mais plus vieux que mon partenaire d’entraînement venait de nous rejoindre en descendant l’escalier en colimaçon qui menait jusqu’à notre salle. Mes doigts se resserrèrent sur la chaîne en un geste facile à interpréter : je n’aimais pas cet homme aux allures aristocratiques qui dégageait pourtant une aura de danger. Il me semblait aussi rigide que le verre de ses lunettes derrières lesquelles il toisait le monde. D’instinct, je sus que la rapière que je voyais pendre à son côté n’était pas une arme d’apparat. Hélas, si je percevais les même éléments que mon double agissant et que je pouvais interpréter ses émotions, je n’avais pas accès à ses souvenirs. Je ne savais donc pas qui était cet homme ni pourquoi je ne l’aimais pas. Mais je devais avoir une bonne raison pour cela…

En revanche, cet adolescent… Son apparence et son timbre de voix voix ne me disaient rien mais sa manière de parler et les inflexions de sa voix me rappelaient furieusement quelqu’un… Etait-il possible qu’il soit… Et de fait, ces orbes qu’il lançaient étaient… Oui. Ce devait être ça.

L’homme à la rapière n’était pas arrivé seul mais il avait amené des Pokémon avec lui. Je dénombrais deux Nosférapti, un Ténéfix qui me gratifia d’un étrange sourire, et d’une Magirêve qui s’adressa directement à mon esprit :

« Alors ça y est ? Vous nous quittez tous les deux ? Bon eh bien bonne chance ! Je compte sur toi pour les mettre en sécurité ! Et pas les tuer comme tu l’as fait avec moi hein ! Ahah haha ! »

La réaction de la Magirêve indiquait probablement qu’elle bluffait sur le dernier point. Oui. Ce devait être ça… Alors pourquoi mon autre moi venait d’incliner la tête comme s’il se sentait réellement coupable… Avais-je pris part à la mort de l’humaine -ou du Pokémon – que cette Magirêve avait été autrefois ? L’horrible sentiment du doute m’assaillit…

« Allez Sylver, je disais ça pour rire ! Tu sais que je t’en veux pas hein !  Reviens dès que tu as fini !»

Tout de même… Quel rapport avais-je avec sa mort… Et qui était ces « les » que je souhaitais protéger ? Dans tous les cas, cela me rassura de voir que mon objectif semblait ne pas avoir dévié. Je souhaitais toujours protéger mes Pokémon. Un aboiement que je connaissais très bien retentit alors. Mon autre moi se dirigea alors vers pour la caresser, apparemment apaisé par sa présence. Puis il offrit quelques caresses à BlacJack qui venait ensuite, et enfin un regard amical à Lucy qui me répondit avec un sourire tout en me demandant :

« Alors c’est vrai ? On s’en va ? »

Il m’est ici impossible le soulagement qui m’envahit moi, le moi actuel et non pas la version de moi qui appartenait à cette espèce de vision. Lucy n’avait jusqu’ici jamais rencontré Yuko. Donc si on présumait que ce que je voyais était un futur possible, cela impliquait qu’il y avait toujours une chance que je revoie mes Pokémon en vie. Ce n’était qu’un mince espoir, mais c’était énorme pour moi. D’autre part, je notais l’absence de Tétrocruchamoule parmi mes Pokémon. Mon hypothèse à son sujet devait donc être la bonne.

La réponse de mon double s’adressa à ses trois interlocuteurs à la fois :

« Oui, je m’en vais aujourd’hui. Avec elle. Il n’est pas certain qu’ils soient en danger, mais nous devons nous en assurer et les mettre à l’abri. Je suis prêt à les affronter ! »

Et histoire d’appuyer ses propos, l’autre moi tourna la tête vers l’adolescent qui n’avait pas bougé depuis la fin de l’entraînement. Ce dernier haussa les épaules et dit :

« On pourrait toujours faire mieux bien sûr, mais je pense que ça ira… S’il n’est pas seul bien sûr »

« Bien. Déclara alors l’autre homme. Tâche de revenir en vie. N’oublie pas que je suis le seul à avoir le droit de disposer de ton existence.
-J’en ai autant à ton service ! » Cracha mon autre moi.

Cette fois-ci, le ton semblait un peu trop sérieux et mauvais pour qu’il ne s’agisse que d’un simple jeu entre eux… La Magirêve intervint alors pour apaiser le débat :

« Oh mais vous allez arrêter avec ça tous les deux ? Sérieusement, au lieu de savoir qui a le droit de tuer l’autre, jouez plutôt à qui a la plus longue ! C’est tout aussi stupide mais inoffensif ! »

Sylver bis ne dit rien. Il se contenta de regarder le spectre puis hocha simplement la tête avant d’entreprendre l’ascension de l’escalier, ses Pokémon à sa suite. Etait-il d’accord avec ce qu’elle venait de dire sur la futilité de cet affrontement ou venait-il simplement de la saluer ? Mystère.

Une fois sorti à l’air libre, je pus voir que la bâtisse était en fait un vieux château de style Terrosien situé au milieu d’une forêt. A ma grande surprise, BlackJack accepta de rentrer dans sa ball sans rechigner après que l’autre moi lui eut promis de la faire sortir dès notre première halte. Quant à Tétro et Lucy, il se placèrent tout simplement sur Yuko, au niveau de son encolure et Sylver bis s’installa derrière eux. Puis Yuko se mit à courir.

Des sensations que je pensais perdues et que j’avais oublié remontèrent à la surface. Qu’il était grisant de sentir le vent souffle sur chaque parcelle de mon visage, d’entendre les pas sourd de ma Yuko faire trembler le sol et pourtant de la voir filer plus vite que l’éclair… Soudain, quelque chose attira mon attention. Des branches d’arbres au-dessus de moi étaient en train de bouger bizarrement… L’instant d’après, je ressentis un choc juste derrière moi. Pourtant, cela ne perturba pas le moins du monde ni Yuko, ni mon double. Ils devaient être au courant. Sylver-double demanda simplement avec un soupçon de raillerie au passager clandestin :

« Tiens tu es là ?! Que fais-tu ici ? Je pensais que ton entraînement t’interdisait de voyager sur le dos d’un Pokémon et t’imposait de tout faire à pied ?
-Sauf si des vies sont en jeu, répondit une voix féminine. Et c’est peut-être le cas.Ici seule la vitesse compte. »

Mon double parut satisfait de cette réponse puisqu’il n’ajouta rien. Il ne se retourna pas pour voir la femme, m’interdisant de voir à quoi elle ressemblait. Mais elle était évidemment le fameux « elle » avec qui j’étais censé voyager pour porter secours à « eux ». Une alliée… Mais dans quel but ?

Ma vision se brouilla lors que j’essayais encore de répondre à cette ultime question. Mais j’étais déjà extrêmement soulagé de revoir mes Pokémon. Même si ce n’était qu’une illusion… J’avais pu remettre des images et des sensations sur mon but. Ma mission actuelle n’était pas la vengeance, mais bien la protection. La protection de mes Pokémon. Et de ma famille.