[ Clos ] *_ Au revoir, mon petit village +

[Invité]

*_ Au revoir, mon petit village  


Le soleil filtrait à travers les rideaux debambou, caressant le visage de la jeune fille assoupie. Elle était recroquevillée sur elle-même, ses cheveux ondulants sur les draps blancs qui lui servaient de couverture. Elle rêvait ; c'était exactement le même songe que cette nuit-là. Elle était dans les nuages. Elle était un ange ... Un ange avec le longues ailes et de belles plumes blanches, comme celles du Goelise de papa. Il y avait tout : la brise qui faisait voler ses cheveux dorés, les nuages de coton, les oiseaux, les ailes d'ivoire ... La porte s'entrouvrit doucement, faisant grincer le bois.

- Muuna, réveille-toi. C'est l'heure. On va être en retard !

Elle ouvrit lentement un œil. Elle balada son regard autour de la pièce ronde, esquissant un sourire à l'attention de son tuteur. C'était un vieil homme métisse dont le temps avait creusé de profondes cernes sous ses yeux. La seule chose qu'on avait pas pu lui arracher était son sourire affectueux et son regard pétillant et malicieux. Muuna l'adorait. Elle se redressa, joyeuse. Comme tous les matins depuis maintenant douze ans et demi. Douze années passées à Kabana, dans les arbres, avec Kilua, Elessar, Miko et toute la bande. Douze années heureuses, vraiment mais il y avait un trou dans l'esprit de la jeune fille : des parents.

Elle jeta un regard attendrit à la petite chose qui dormait encore au bout du lit de chêne. Il était roulé en boule, la tête entre ses petites pattes bleues. Seules les deux nageoires sur ses joues se distinguaient du reste, tout à fait uniforme. Muuna posa une main sur le petit être. Sa peau était froide et légèrement humide. Un peu écailleuse, aussi. Mais la jeune fille l'aimait ainsi, et pas autrement. Silencieusement, elle se mit debout, enfila ses sandales et sortit en prenant garde de ne pas réveiller Swam. Elle avait devant elle deux heures pour se préparer. Après, elle partirait pour Seian, la plus grande ville de Terros. Elle n'y avait jamais mis les pieds et quitter sa campagne lui était douloureux. Pourtant, elle devait. Elessar tenait à ce qu'elle découvre le monde dans lequel elle vivait depuis sa naissance. Elle avait accepté parce qu'elle était incapable de dire non à Elessar : elle lui devait trop de choses.

° ° °

Pas la peine de passer par l'échelle. Muuna grimpa le long du tronc où était installée la cabane qui lui servait de maisonnette, à elle et à Elessar. Elle faisait des acrobaties depuis son jeune âge et elle avait assimilé la technique à la perfection. Il fallait bien s'accrocher et prendre appui sur les écorces épaisses. Ensuite, il fallait se hisser sur une branche voisine et ainsi jusqu'à destination. Ce n'était pas si simple que l'on pourrait penser, finalement. Mais ce n'était pas le problème de Muuna.

En quelques minute, elle arriva à destination. Le village était tellement petit qu'il était impossible de s'y perdre, surtout quand on l'habite depuis plus de dix ans. L'atelier d'Elessar se trouvait à la bordure Est du village dans les arbres. Il y était en paix. On ne pouvait pas arriver par ce côté à cause des cèdres centenaires qui bloquaient le passage. Il n'y avait donc aucun risque d'invasions et débarquement de guerriers étrangers. De toute manière, qui aurait l'idée d'attaquer un village si paisible, si n'avait jamais fait la guerre à personne et s'était contenté de son bout de terrain miniature ?

Muuna donna trois coups contre la porte en érable et entra comme elle avait l'habitude de le faire. Le vieil homme était assis devant sa fenêtre occupé à griffonner quelques croquis indécis d'inventions surréalistes. Pourtant, il était certain que le fruit de son imagination existerait un jour, dans le lointain futur. Sa jeune apprentie n'y croyait pas mais laissait rêver son tuteur de ses fabuleuses machines. Elessar ne se retourna même pas, restant penché sur son parchemin jaunit à retracer un cercle pas assez rond ou une droite pas assez droite à son goût. Muuna détaillait avec attention la machine qu'il avait dessinée le matin même. Beaucoup se ressemblaient mais celle-ci était totalement différentes des autres.



- Tu vois, ma petite, ces ailes sont celles de Ptera le préhistorique. C'est le pokemon le plus ancien répertorié à ce jour mais aussi l'un des plus rapides. J'ai longtemps représenté l'anatomie des pokemons et je suis certain qu'en recréant ses ailes nous pourrions concevoir une machine à ailes. N'est-ce pas merveilleux ? Si j'arrive à monter cette invention, je serais peut-être reconnu pour de bon ? Peut-être aurait-je ma place dans le monde des plus grands scientifiques de notre planète. Tu te rends compte ?! Oh ! Je suis tel' ...

- Heu, Grand-Papy, il me semble que je ne suis pas venue pour ... ça.

- ... J'oubliais. Swam n'est pas avec toi ?

- Non. Il dort encore. Je pensais que tu voulais que l'on s'entraîne encore un peu mais j'ai du me tromper, une fois de plus.

- Alors va.

Le plus beau cadeau d'au revoir que pu avoir Muuna fut le sourire édenté de son tuteur. Son regard était plus malicieux que jamais. La jeune fille ne put que lui rendre un tel sourire. Elle se rendit alors compte qu'Elessar comptait plus que tout pour elle. Il l'avait sauvée, éduquée, protégée toutes ses années, alors qu'il aurait parfaitement pu laisser le bébé dans son berceau d'ébène et partir, le laissant à la merci de la horde de Florizarre. Elle sentit une larme, toute petite larme, mouiller son œil droit. La perle de cristal roula le long de la joue pâle de Muuna, étincelant sous les rayons matinaux du soleil.

Sa main trembla légèrement dans elle referma lentement la porte de sa maisonnette. Son cœur battait fort dans sa poitrine. Elle avait un peu de peine de descendre sur la terre ferme. Pourtant, elle devait prendre la route. Elle prit une grande bouffée d'air frais et sauta. Ce n'était pas très haut, deux mètres tout au plus. Avec un peu d'habitude, la hauteur n'était plus un grand problème. La blondinette se tourna vers le soleil. C'était par ici qu'il fallait aller, vers la grande Cité de Seian.