[ Clos ] C'est un fameux trois mâts ! [pv Edward]

[Melian]

Après avoir quitté la forêt, les deux Terrosiens voyageurs avaient avancé jusque la ville portuaire de Palma. C'était un endroit réellement grand, et construit de façon spacieuse, afin que le marché puisse s'installer régulièrement. Le port suivait le même chemin, les bateaux menés d'une main de maître pouvait naviguer sans risquer d'entrer en collision avec un autre. C'était assez impressionnant que les architectes aient réussi à si bien gérer cette affaire. La ville était lumineuse, on n'étouffait pas dans la foule, et les embruns apportaient une bonne odeur d'iode, assez revigorante.

« C'est fou, dire que je n'ai jamais été si proche de la mer. »

C'était une remarque plus pour elle-même que pour Edward, mais elle avait plus l'habitude de survoler la mer que de prendre un bateau pour voyager. Ca allait lui changer et lui apporter une petite nouveauté, ça n'était pas plus mal.

Accompagnée du jeune homme, ils firent le tour des différents bateaux, cherchant ceux en partance pour Geffen. Il n'y en avait, étrangement, pas tant que ça, et il s'avéra que le prochain bateau à partir était une caraque, un très grand navire de marchandises qui transportait aussi des voyageurs s'ils le voulaient, et qui était suffisamment grand pour pouvoir traverser toutes les mers d'Erasia sans grand danger. C'était un bateau aussi grand qu'imposant, et l'on se sentait un peu petit par rapport à lui, alors qu'il dominait avec ses six voiles claquant au vent.

La championne s'approcha d'un homme, qui semblait être le capitaine du navire, où au moins la personne à voir en cas de renseignement.

« Veuillez nous excuser, mon ami et moi voudrions aller sur Geffen, est-ce possible ? »
« Eh bien, si vous n'êtes pas pressés, ça ira, nous partons demain à midi. Vous avez de quoi payer ? »
« Oui, je crois, si vos prix ne sont pas excessifs. »

Les négociations allaient bon train. Le capitaine n'était pas un mauvais homme, juste peut-être quelqu'un qui tentait parfois d'obtenir quelques avantages selon la situation qui se présentait, mais il n'était pas non plus prêt à dépouiller la veuve et l'orphelin pour son compte. Et il sembla particulièrement intéressé lorsque Melian se proposa pour soigner les divers maux que les voyageurs pourraient avoir, allant d'un basique mal de mer à une blessure plus grave, comme lorsque l'on chute d'un mât. Alors ils conclurent un arrangement, un prêté pour un rendu. Certes, elle devait toujours payer une certaine somme, mais elle avait été réduite, et ça n'était pas plus mal. Elle paya la somme convenue pour Edward et elle -après tout, c'est parce que sa Tropius ne pouvait pas voler directement jusque Nalcia qu'ils devaient prendre le bateau-, avant de se détourner, promettant d'être à l'heure le lendemain.

La demoiselle afficha un grand sourire au jeune homme lorsque l'affaire fut mené, et qu'ils s'éloignèrent un peu du port pour explorer la ville.

« Bien, j'ai pu avoir une réduction en proposant mes services au capitaine, je devrais soigner les malades qu'il y aura sur le bateau, mais je ne pense pas qu'il y en aura tant que ça, ça devrait être assez calme. En tout cas, on a toute la soirée et toute la matinée de demain de libre. Il faut que l'on trouve une auberge où passer la nuit, et je pense que l'on pourra se promener tranquillement. »

Elle caressa doucement la tête de son serpent, profitant de ce geste pour vérifier l'avancement de sa blessure. Au moins, le reptile ne faisait rien qui puisse perturber le processus de cicatrisation, ce qui était une bonne chose. Il resserra doucement l'étreinte de ses anneaux autour du corps de la jeune femme, toujours aussi calme.

« Je crois que Palma est assez connu pour son marché, le matin, on pourrait aller y faire un tour si tu veux. On pourrait peut-être trouver des choses intéressantes. »

C'était vrai que tous les matins, ou presque, des marchands ambulants s'installaient sur la place, et montraient aux yeux de tous l'abondance de leurs étalages, que ça soit des armes, de la viande, du poisson, des herbes, des objets divers, des Pokémon... En réalité, il y avait énormément de choses à faire dans une ville aussi vaste, et ils n'avaient au final, que très peu de temps pour faire le tour. Au pire, ils pouvaient essayer d'en faire un maximum dans le temps imparti, et se reposer le temps du voyage.

La Terrosienne s'étira un bon coup, inspirant l'air marin qu'elle trouvait très agréable en réalité, regardant les Goélise voler dans le ciel, plongeant parfois pour pêcher un poisson.

« Enfin, après, je dis ça, mais si tu as envie de faire quelque chose, n'hésite pas à le dire, on le fera ensemble, je ne fais que lancer des idées. Je suis prête aussi à suivre tes plans, même s'il faudra impérativement qu'on trouve une auberge pour la nuit. » fit-elle avec un sourire.

Elle était d'une humeur resplendissante, prête à se lancer dans le moindre projet qu'il pourrait proposer, tant ce voyage vers Nalcia et tout ce qu'il impliquait l'enthousiasmait et lui procurait un sentiment de liberté qu'elle n'avait plus ressenti depuis bien longtemps.

[Edward Harris]

Edward inspira une grande bouffée d'air salé. La brise côtière qui soufflait sur le port de Palma faisait voler ses mèches blondes ainsi que les pans de son manteau. C'était une matinée magnifique et les reflets des rayons de soleil sur l'eau transformaient la rade en un océan de diamants. Pour la première fois depuis son départ d'I'Mai, il se sentait comme chez lui. Retrouver les bruits, les odeurs et les sensations de la vie en bord de mer lui rappelait son île natale. A ses pieds, Spike semblait passionné par le bal incessant des Goélise qui rivalisaient d'acrobaties dans ce qui ressemblait bien à une parade nuptiale. A quelques mètres, Melian avait une vive discussion avec le capitaine de l'énorme trois-mâts amarré au quai voisin. Il avait préféré la laisser s'occuper des négociations dès le moment où elle avait décidé de prendre contact elle-même avec le capitaine. Il s'y connaissait probablement mieux qu'elle en transports maritimes et aurait été plus à-même de négocier mais il ne voulait pas qu'elle le trouve condescendant ou paternaliste, et puis la jeune femme était suffisament intelligente pour ne pas se laisser avoir par les boniments d'un marin. Il répondit à son sourire lorsqu'elle le rejoignit et la suivit en direction du centre-ville. Il eut un petit rire amusé lorsqu'elle lui fit le compte-rendu de ses négociations.

_ Les marins sont vraiment tous les mêmes, ils essayent systématiquement d'arnaquer les voyageurs. Mon père avait régulièrement ce souci lorsqu'il allait sur le continent. Ils se disent qu'on n'y connaît rien et en profitent pour gonfler leurs prix. En tous cas t'as bien fait de négocier une réduction contre services. Et puis je te filerai un coup de main, comme ça, ajouta-t-il en haussant les épaules.

Ils commencèrent ensuite à réfléchir au programme de la journée. Une ville comme Palma offrait sans difficultés de quoi occuper deux jeunes voyageurs pendant une journée même s'il allait sans dire qu'une partie des occupations possibles n'était pas vraiment du goût d'Edward et Melian (ou alors elle cachait bien son jeu). Une ville portuaire abritait immanquablement son lot de réseaux de prostitution et de trafics divers. Même un port aussi agréable que Palma. C'était d'ailleurs la raison pour laquelle ils allaient plutôt chercher une auberge loin des docks : éviter de commander par inadvertance une chambre dans une maison close ou une taverne à entraîneuses, ce qui leur éviterait sans nul doute quelques désagréments nocturnes, sonores en particulier. L'idée de faire un tour de marché était assez séduisante. Il avait de toute façon des achats à faire : il s'était promis, après les événements de la forêt d'Agata, d'acheter une  paire de gants de bonne qualité, et il pourrait toujours tomber sur quelque chose d'intéressant à acquérir.

_ Va pour le marché, fit-il avec un grand sourire. Ca devrait nous occuper une bonne partie de la matinée, et on pourra en profiter pour chercher une auberge loin du port. Elles sont plus... tranquilles, se justifia-t-il en rougissant.

Il préférait en effet éviter si possible d'aborder le sujet de la prostitution et des moeurs plutôt libres des marins en escale avec Melian, non pas de peur de la choquer mais parce qu'aborder des sujets aussi triviaux avec elle lui semblait inconcevable. Il devait reconnaître que la jeune femme l'attirait de plus en plus au fur et à mesure qu'il la côtoyait et même s'il arrivait avec un succès pour le moins étonnant à mettre cette pensée de côté lorsqu'ils étaient ensemble, tout ce qui avait trait de près ou de loin aux fantasmes qu'il pouvait nourrir secrètement rentrait dans la catégorie des sujets tabous, tout du moins en sa compagnie.

La grande place de Palma grouillait de vie. Entre les différents stands et étals et les visiteurs qui affluaient, les jeunes gens avaient du mal à se faufiler. L'agitation ambiante rappela à Ed la nuit des étoiles où il avait rencontré Melian, à la différence près qu'il avait beaucoup moins de risque de perdre Spike maintenant que celui-ci avait grandi et évolué. Par chance, le Arbok de Melian était du genre impressionnant et sa seule présence poussait les passants à s'écarter. Spike, quant à lui, gratifiait les tibias de ceux qui ne regardaient pas où ils mettaient les pieds d'un bon coup de tête, ce qui ne manquait pas d'amuser son dresseur.

Un attroupement autour d'un stand attira l'attention du jeune homme. Il tira doucement la championne par le bras et s'approcha pour voir ce qui se passait. Un camelot offrait au public un jeu de lancer de couteaux avec des prix apparemment alléchants, et au vu de l'expression des gens qui s'en allaient délestés de quelques pièces, le jeu était plus difficile qu'il n'en avait l'air. Edward se tourna vers Melian :

_ Encore un arnaqueur, fit-il en fronçant les sourcils. Avec une cible de cette taille il se ruinerait si il n'avait pas un truc. Je vais essayer.

Edward se faufila à travers la foule et posa une pièce sur le comptoir, juste devant l'arnaqueur en question, un grand gaillard barbu avec un sourire mielleux qui confinait à l'insupportable.

_ Encore un courageux ! Bonjour jeune homme, c'est facile, c'est simple, il suffit de toucher le centre de la cible et vous repartez avec un de nos fabuleux lots ! Trois couteaux, trois essais, une touche suffit pour gagner !

L'homme tendit la main pour attraper la pièce mais Edward la ramena vers lui d'un geste sec.

_ Vous avez raison, c'est simple. Vous savez quoi ? Je triple ma mise, dit-il en sortant deux pièces identiques de sa poche, et si je gagne je veux... Vos couteaux. Les trois là et les trois qui sont accrochés là-bas.

Le camelot resta un moment interdit, fixant le jeune homme avec les yeux écarquillés avant d'éclater d'un rire tonitruant.

_ Ha ha ha ! J'aime les audacieux ! Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs, regardez bien ! Ce jeune garçon triple la mise ! Il a l'air bien sûr de lui, va-t-il gagner ?

Ed posa sa mise sur la table et attrapa les couteaux que lui tendait l'arnaqueur. A sa grande surprise, ils avaient l'air parfaitement équilibrés. La tricherie était donc probablement plus élaborée. Le jeune Terrosien fronça les sourcils et leva le premier couteau. La cible n'était qu'à trois mètres de lui, techniquement un jeu d'enfant. Il déplia le bras d'un geste net et précis et le projectile partit en tournoyant, manifestement dirigé en plein milieu de la cible. Il dévia imperceptiblement en plein milieu de sa course pour aller se ficher dans le bois autour de la cible, à quelques centimètres de celle-ci. Le camelot jubilait.

_ Alors alors alors ! Il semblerait que notre jeune challenger ait été un peu trop sûr de lui ! Encore deux lancers Mesdames et Messieurs, n'en perdez pas une miette !

Edward leva les yeux au ciel. Ce bonhomme commençait à l'exaspérer et il avait plus envie que jamais de lui rabattre le caquet une bonne fois pour toute. A ses pieds, Spike grattait nerveusement les pavés, les oreilles dressées et le regard fixé sur l'étal. Il ne fallut que quelques secondes à Edward pour enfin comprendre comment son couteau avait ainsi dévié de sa trajectoire. Tout en adressant un grand sourire à l'homme en face de lui, il attrapa la ball de Gale à sa ceinture et fit apparaître le Nosferapti au dessus de la foule.

_ Vous voyez, c'est mon porte-bonheur à moi. Maintenant je suis certain que mon prochain coup ira droit au but. Gale, lance tes Ultrasons sous le comptoir.

L'onde sonore suraiguë frappa directement la tenture qui cachait la partie basse du stand. Un cri aigu suivi d'une petite explosion retentirent et quelque chose tomba au milieu des bibelots proposés en prix pour le jeu dans un fracas de métal et de porcelaine brisée. Le marchand se précipita dans cette direction mais un couteau lui passa juste sous les yeux, l'arrêtant net, avant d'aller se planter en plein centre de la cible. Il lança un regard affolé vers Edward qui affichait un demi-sourire narquois. Le dernier couteau fila au moment où le grand barbu fit mine de bouger et se planta quelques millimètres à peine à gauche du premier. La foule applaudit le vainqueur tandis que le camelot, tout penaud, allait ramasser le Abra qui s'était téléporté sous l'effet de la confusion en plein milieu des étagères d'exposition.

_ J'aimerais bien mon prix, s'il-vous-plaît ! l'appela Edward.

Le camelot, l'air furieux, hésita un instant puis, après avoir étudié la foule attroupée autour de son stand, décida d'accéder à sa demande. Il laissa tomber les six couteaux d'un air méprisant sur le comptoir avant de se détourner mais le jeune homme l'attrapa par la manche.

_ J'ai planté deux couteaux, donc j'ai droit à deux prix. Je vais prendre ça.

Il pointa du doigt un bracelet argenté exposé sur la table. C'était un bracelet en acier qui n'avait pas de réelle valeur mais la finition était plutôt jolie. Il l'attrapa au vol lorsque l'homme le lui lança d'un geste dédaigneux et rejoignit Melian. Il ouvrit son sac pour y ranger ses couteaux nouvellement acquis.

_ Il utilisait les pouvoirs de son Pokémon pour dévier les couteux lancés par les gens. Heureusement que Spike l'a senti sous le comptoir, sinon j'aurais eu l'air d'un imbécile. Tiens, c'est pour toi, fit-il en lui montrant le bracelet. Ca ne vaut probablement pas grand chose mais il est joli.

Il attrapa la main de la jeune femme et boucla le bijou autour de son poignet en un geste précis et assuré avant de sourire.

_ Voilà, c'est parfait. On devrait pouvoir trouver une auberge correcte dans le coin, je pense. On y va ?

[Melian]

La demoiselle était plutôt contente qu'il approuve, quelque part, ses négociations. Elle n'était pas une experte sur le plan maritime, mais elle savait néanmoins que souvent, des arnaques étaient faites -son père étant très habile en la matière- et que proposer un service contre un autre pouvait avoir bons nombres d'avantages. Tout se déroulerait normalement très bien, il ne fallait pas s'inquiéter. Et puis, ça n'était pas non plus un marin de Tarouga, dont il fallait se méfier comme la peste. Ceux d'ici avaient encore un minimum de bon fond, et de bon sens.

Ils décidèrent d'aller chercher une auberge, pour faire un tour ensuite sur le marché, visiter la ville, bref, profiter du voyage. Pourtant, Edward fit une remarque qui interloqua un peu la jeune femme, en parlant de chercher un endroit où dormir un peu à l'écart du port. Quelle était la raison pour laquelle il voulait s'éloigner des quais ? Il pouvait y en avoir des tas, comme aucunes, et la championne se demandait bien ce qui motivait le dresseur dans ce choix.

Néanmoins, elle n'eut pas vraiment le temps de lui poser réellement la question. Ils étaient rentrés au cœur de la ville, là où des stands étaient disposés pour satisfaire les envies des passants, et avec une telle affluence, ils avaient déjà du mal à rester ensemble et à ne pas se faire séparer. Kogane se contentait de se redresser un peu, regardant le monde de toute son impressionnante hauteur, déployant parfois un peu plus sa collerette lorsque quelqu'un semblait prêt à faire une remarque qui aurait pu être déplacé. Cet artifice lui permettait de faire gagner de l'espace à sa dresseuse, pendant que ses mouvements d'écailles faisaient miroiter les motifs de son corps. Cependant, il n'était en rien clairement menaçant, il aurait pu faire pire. Par contre, la Terrosienne souriait des coups de tête que Spike distribuait à ceux qui ne regardaient pas où ils marchaient. Au moins, il ne se laissait pas faire, et puis, le garçon pouvait aussi gagner un peu d'espace comme ça.

Alors que son regard se baladait sur tous les commerces, elle sentit que son compagnon de route voulait l'emmener quelque part, et elle le suivit, prenant garde à ne pas le perdre de vue. Il l'entraîna devant une espèce de forain qui essayait de pousser des gens à jouer à un jeu qui avait l'air simple en soi : lancer des couteaux dans une cible plutôt bien proportionnée. L'exercice n'avait pas l'air si difficile en soi, selon les règles du marchand, ça semblait réalisable. Mais, et le dresseur l'avait bien vu, personne ne semblait gagner, ce qui était assez louche. Pourtant, avant qu'elle n'ait pu prononcer un mot, elle vit le jeune homme se porter volontaire pour une partie. Et pas n'importe comment, puisqu'il doubla sa mise. Elle eut envie de l'arrêter, mais le serpent lui donna une légère étreinte. Le Terrosien n'était pas un idiot, il avait dû flairer la supercherie, et il devait savoir ce qu'il faisait. Elle allait devoir attendre et voir ce qui se passait.

Elle comprit, assez vite, que le couteau avait été dévié de sa trajectoire lorsqu'il se ficha dans le bois. Elle regarda son ami écailleux, qui ne cessait de darder sa langue hors de sa gueule, pour évaluer la température ambiante. Mais avec une telle foule, impossible de déterminer précisément ce qui faisait bouger les armes. Le Nidorino s'agita également, ayant probablement lui aussi senti, ou entendu le complice de cette mascarade.

Toujours spectatrice des événements, elle regarda son compagnon demander l'aide de son Nosférapti, qui d'un Ultrason bien dirigé, força un Abra à sortir de sa cachette. Ce dernier, en pleine panique, s'écrasa sur le stand aux yeux de toute la foule, qui était parcourue d'un murmure désapprobateur grandissant. Nul doute que l'homme allait en prendre pour son grade dans très peu de temps...

Edward était un bon lanceur de couteaux. Elle ne savait pas s'il avait déjà pratiqué des entraînements par le passé, ou bien si c'était quelque chose d'inné, mais en tout cas, il se défendait à merveille, c'en était impressionnant. Qui plus, à la façon dont il demanda son dû, elle commença à se dire qu'il était moins timide qu'avant. Elle ne comprit pas tout de suite, dans sa trop grande incrédulité, pourquoi il avait demandé un bracelet, et elle se laissa guider un peu à l'écart de l'attroupement mécontent qui commençait à se former. Elle avait l'impression d'être dans un rêve, les choses s'étaient déroulées extrêmement vites, indépendamment d'elle, et ça lui laissait une curieuse impression, comme lorsqu'elle avait assisté aux retrouvailles mouvementées entre Asaka et Gareth. Elle n'avait pas pu agir, car ça n'avait pas été son rôle.

« J'aurai plutôt parié sur une maîtrise du vent. Mais un Pokémon Psy était plus judicieux, les mouvements étaient bien mieux maîtrisés, et plus crédibles aux yeux de la foule. »

Il saisit doucement sa main, et lui passa le bracelet au poignet, avec toujours une sorte de savoir faire assez intuitif. Elle ne put s'empêcher de rougir légèrement, et lorsqu'il libéra sa main, elle porta sa main devant ses yeux, observant le bijou, l'effleurant doucement pour sentir le travail fait sur le métal.

Le rouge aux joues, et légèrement confuse, une partie de son esprit la taraudait, lui signalant que les bonnes mœurs voulaient quand même qu'elle remercie son compagnon de route pour le cadeau qu'il lui offrait. Si l'idée était bonne, la jeune femme n'avait par contre aucune idée de comment elle pouvait faire cela, comment est-ce qu'elle pouvait l'exprimer avec autre chose que des mots, pour prouver que ça l'avait vraiment touché. Et effectivement, ça l'avait réellement touché.

Kogane serra brièvement ses anneaux autour de la taille de la championne, pour la faire réagir, et l'obliger à agir. Elle eut un bref instant de panique, sentant qu'elle ne devait pas non plus rester là cent sept ans à ne rien faire, et fit la première chose qui lui vint à l'esprit. Elle se rapprocha d'Edward, et déposa un rapide baiser sur sa joue, en guise de remerciement.

« Merci pour le cadeau. Ca me fait vraiment plaisir, et j'en prendrai soin. » finit-elle par dire, souriante, et toujours légèrement rougissante.

Et effectivement, le bracelet du jeune homme était bien là le premier cadeau qu'on lui avait jamais fait. Bien sûr, elle avait reçu certains présents de la part de son ancien mentor, comme son sabre, mais c'était plutôt une espèce d'héritage, quelque chose qui passait de maître à élève pour montrer qu'il avait atteint le stade voulu. Le bijou était le premier cadeau en quelque sorte « spontané » qu'on lui faisait, sans rien attendre en retour, et cela lui mettait vraiment du baume au cœur.

Alors qu'ils se remettaient en route pour trouver une auberge, le serpent regarda le duo en souriant comme il le pouvait avec sa blessure.

« Tu as été... franchement impressionnant ! Je ne savais pas que tu maniais si bien les couteaux. Tu t'es longtemps entraîné pour avoir un tel niveau ? Et puis, pourquoi avoir choisi les couteaux de cet arnaqueur ? »

Elle avait envie de parler un peu, et c'est vrai que la prestation du Terrosien avait été époustouflante. Elle n'aurait jamais pu deviner qu'il possédait un tel niveau en maniement d'arme. Il pouvait devenir un adversaire redoutable, selon comment il se battait. Mais il fallait bien admettre qu'elle ignorait tout de sa façon de combattre avec des armes blanches.

« D'ailleurs... Je me trompe peut-être mais j'ai l'impression que tu es un peu moins timide. »

Elle souriait. Elle serait contente si effectivement, il se détendait, c'était bon signe après tout. Et puis, ça ne changeait rien pour elle, mais si lui ça le mettait plus à l'aise, et bien il n'y avait que du bon !

La demoiselle repéra un établissement qui semblait correct sous tous les angles, et qui avait l'air d'être assez loin du port. Elle entraîna Edward à l'intérieur, pour se renseigner. Elle avisa un aubergiste, situé près de l'entrée, derrière un comptoir donnant sur les cuisines. Derrière lui, une femme, probablement son épouse, semblait s'agiter pour commencer à préparer les repas de la journée.

« Bonjour. Auriez-vous encore des chambres de disponible pour la nuit ? »
« Eh bien, ça dépend de ce que vous cherchez. Je peux vous avoir une chambre de couple, ou bien deux petites sous les combles. Vous êtes ensemble ? »
« Chéri voyons, on ne demande pas ces choses là comme ça ! »

La question laissa la guerrière pantoise. Elle ne pouvait pas, sans l'accord de son ami, affirmer qu'elle avait une relation plus qu'intime avec ce dernier, même si c'était juste pour avoir une chambre particulière dans une auberge. Cependant, l'idée des petites chambres ne lui plaisait pas réellement, sans qu'elle ait pu dire pourquoi. En réalité, tout au fond d'elle, elle avait probablement peur que l'habile lanceur de couteaux disparaisse dans la nuit.

« Vous n'auriez pas des chambres assez grandes pour accueillir deux personnes et nos Pokémon mais avec des lits séparés... ? »
« Ah désolé, celles-là, elles sont surtout pour les familles, et j'ai réservé la dernière il y a une heure. Ecoutez, je vais vous mettre une chambre pour deux, si d'ici soir, une qui convient mieux à vos critères se libère, je vous la réserverai, d'accord ? »
« D'accord, merci beaucoup. »

Elle donna les informations nécessaires à la réservation, et le duo de voyageurs sortit, pour passer le reste de la journée en ville. La jeune femme soupira. Avec ou non de la chance, elle allait peut-être passer la nuit dans le même lit que son compagnon de route, ou juste dans la même pièce que lui. Et elle ne savait pas quelle option elle préférait vivre.

Alors qu'ils reprenaient leur marche, la question que la championne voulait poser lui revint à l'esprit :

« Pourquoi tu tenais tant à ne pas prendre une auberge près du port ? Tu as des raisons particulières pour préférer celles qui sont plus dans le centre? »

[Edward Harris]

Le coeur d'Edward rata un battement avant de s'emballer d'un seul coup. Tachyarythmie, il était fichu, il allait faire une fibrillation ventriculaire et il n'avait même pas de feuilles de digitale sur lui pour éviter la mort. Il allait mourir loin de chez lui, il n'allait jamais revoir son père, il...

Euh...

Il cligna plusieurs fois des yeux et fixa Melian, un grand sourire hébété sur le visage. Elle venait de... Enfin... Il avait... La patte de Spike s'abattit violemment sur son pied, ce qui le sortit de cet état de béatitude incrédule. Il ne s'était pas attendu à ça. Il lui avait offert le bracelet sur un coup de tête, juste pour lui faire plaisir, et aussi pour humilier encore un peu plus l'arnaqueur. Ce baiser, quand bien même il était bref, sur sa joue, et rien de plus qu'un moyen de remerciement, l'avait quelque peu chamboulé. En tous cas, son cadeau semblait également avoir touché la jeune femme. Ce n'était pourtant qu'une babiole sans valeur mais... Tant mieux, non ?

_ Euh ben je... Euh... De rien, c'est rien. Content que... ça te plaise, fit Ed en regardant ses pieds. Euh... On continue ?

Marcher. Faire autre chose. Il lui fallait au moins ça pour se remettre du choc émotionnel et revenir à des relations sociales normales avec la championne. Après quelques pas il s'était déjà pas mal détendu et réussit à répondre sereinement lorsqu'elle fit l'éloge de ses capacités de tireur.

_ Euh... Merci. Mon père m'a appris à lancer quand j'avais 5 ans. Des fléchettes au départ, et comme j'étais plutôt bon il m'a appris à lancer des couteaux. Apparemment il jouait beaucoup à ça dans les tavernes avant de connaître ma mère. Du coup j'ai eu... dix bonnes années pour m'entraîner. Ca faisait longtemps que j'avais pas lancé, mais ça ne s'oublie pas, ajouta-t-il avec un petit sourire. Et... Moins timide ? J'aimerais bien, vraiment. Je suis juste un peu plus à l'aise avec toi, on commence à se connaître. Et le type du marché...

Ed fronça les sourcils.

_ C'est différent. Je supporte pas les escrocs, et je supporte pas de voir de pauvres gens se faire arnaquer. C'est pour ça que je lui ai pris ses couteaux. Comme ça il est pas près de recommencer.

Le temps de cette discussion ils s'étaient légèrement éloignés du tumulte du marché et Melian avait remarqué une auberge à l'apparence plus qu'honorable. Avant qu'il ait eu ne serait-ce que l'occasion de manifester son accord, elle l'entraînait déjà à l'intérieur. Intérieur qui était à la mesure de l'apparence extérieure. Rien de bien impressionnant mais l'auberge était propre, semblait calme, et le tenancier avait l'air plutôt aimable. La jeune femme aborda directement l'homme, sans doute mise en confiance par sa négociation réussie avec le capitaine du navire sur le port. Autant la laisser faire, il n'avait de toute manière un goût que modéré pour le contact humain. Il ne put néanmoins pas empêcher tout un tas d'images diverses et variées parcourir son esprit lorsque l'aubergiste leur demanda s'ils étaient ensemble, et il s'apprêtait à nier de manière un peu trop vigoureuse pour ne pas éveiller les soupçons mais la cuisinière le devança en réprimandant son mari sur son indiscrétion.

Ils quittèrent l'auberge après avoir réservé une chambre avec un lit double, et l'éventualité d'une chambre à deux lits en cas de désistement d'un autre client. Ed était très partagé sur ce point. Dormir près de Melian lui faisait évidemment envie mais... PAs dans ces circonstances. Il savait très bien qu'ils seraient sans aucun doute plus gênés qu'autre chose, ce qui impliquerait une mauvaise nuit pour tous les deux. Et pour couronner le tout, la jeune femme lui redemanda pourquoi il avait préféré choisir une auberge loin du port.

_ Euh... Comme je t'ai dit, on sera plus tranquille ici. Les auberges du port sont pleines de marins, et les marins en escale sont du genre... Bruyant. Et puis après avoir passé des semaines en mer... Je te fais pas de dessin.

Eluder la question. Pourvu qu'elle ne demande pas de détails. Edward lâcha un soupir avant de reprendre d'un air enjoué.

_ On termine notre tour de marché et ensuite on retourne sur le port ? J'aimerais bien profiter de la mer, ça fait longtemps que je l'ai pas vue.

Edward profita de l'occasion pour acheter la paire de gants qu'il s'était promis d'acquérir après son accident avec les para-spores de Leaf. Ils étaient en cuir noir, suffisament souples et fins pour lui permettre de se servir de ses dix doigts sans avoir à les enlever. Le bruit de son altercation avec le camelot avait fait le tour des exposants, bien contents de s'être débarassés de ce nuisible, aussi la vendeuse lui accorda-t-elle une généreuse ristourne.

Une fois sur le port, Edward emmena Melian à l'écart de l'agitation qui caractérisait les docks de tout Erasia, dans une zone dédiée à la plaisance où seuls quelques petits voiliers étaient amarrés. En dehors de quelques promeneurs, l'endroit était calme, la plupart de la population s'étant donné rendez-vous au marché. Tous les bruits de la ville étaient comme étouffés par la distance et ajoutaient une discrète rumeur au murmure des vagues et aux cris des Pokémon qui volaient au dessus de la mer. Ed s'avança jusqu'au bout d'un ponton en bois vermoulu qui craquait sous chacun de ses pas, prit une grande inspiration et ferma les yeux. Il les rouvrit après quelques instants et regarda Melian en souriant.

_ Rien de tel que la mer pour se détendre. J'aimerais bien vivre au bord de l'eau, un jour.

Il s'assit à l'extrémité du ponton, les pieds dans le vide et invita Melian à venir le rejoindre d'un signe de la main. Spike s'allongea paresseusement à ses côtés et posa la tête sur les genoux pour inviter son dresseur à le gratter derrière les oreilles, caresse qu'il appréciait au plus haut point. Trop occupés à se détendre, humain et Pokémon ne remarquèrent pas les ombres qui tournaient sous le ponton.

[Melian]

Ainsi, il avait appris très jeune à lancer des couteaux. Si son père était aussi doué que ça, le jeune homme avait ça dans le sang, ce qui était loin d'être le cas de Melian, très mauvaise avec les armes de jets. Mais Edward se défendait vraiment bien, et on sentait qu'il savait ce qu'il faisait. Elle eut un petit sourire. En plus, ça avait dû lui faire des souvenirs avec son père, c'était réellement quelque chose de positif.

Elle hocha la tête lorsqu'il expliqua détester les escrocs, chose assez évidente. Personne ne les appréciait, et ce fut très rapidement visible lorsque le jeune homme débarqua sur la place du marché, dans le but d'acheter des gants. La plupart des commerçants étaient ravis, le camelot avait pour habitude de détrousser un peu les gens avant de les laisser à ses collègues lorsque les clients n'avaient plus rien pour payer quoi que ce soit. En le chassant, la petite économie du marché avait pu se rétablir et reprendre son cours normal. Et puis ainsi, la réputation des autres marchands n'était pas entaché par le fauteur de trouble.

Pendant que le Terrosien achetait des gants pour ne plus être ennuyé par les spores de sa Mystherbe, la championne vadrouilla entre les étals, regardant les plantes, les flacons, et les diverses denrées qui étaient étalés à la vue de tous. Elle acheta quelques plantes exotiques, et refit un petit stock de flacon en verre assez épais pour tenir le choc durant un voyage. Elle s'intéressa aussi à un homme qui avait apparemment différents poisons, issus de plantes ou de Pokémon dans des fioles, mais elle se dit qu'elle pourrait revenir chercher ceux qui l'intéressaient plus tard. Elle prit quand même un échantillon de poison de Drascore, étant donné qu'il s'agissait d'une créature qu'elle désirait avoir dans son équipe, entre autre.

Tout en marchant, en attendant Edward, elle tomba sur un autre marchand qui exposait cette fois-ci d'autres flacons, tous pleins de liquides dorés. Sur des petits morceaux de parchemin, devant chaque échantillon, était écrit la composition de chaque huile de massage, et les vertus mises en avant des différentes plantes qu'on pouvait trouver dans les fioles. Elle s'approcha, observant les divers produits avec attention. Elle avait utilisé l'un de ses derniers flacons lorsque son compagnon de route avait été paralysé, refaire les stocks ne serait pas une mauvaise chose. Et puis... Et puis... Quelque chose l'incitait à en acheter. Elle n'était pas follement dépensière, mais elle n'était pas très douée dans la confection d'huile, l'un de ses points faibles, et elle voulait en avoir. Un massage était toujours bénéfique pour le corps, non ? Elle prit plusieurs flacons, qu'elle rangea précieusement dans son sac, après avoir remercié le vendeur. Puis, elle rejoignit le dresseur.

Il l'entraîna près de la mer, à l'écart des docks et du marché. Elle le suivit, se laissant un peu mener, et le regarda longuement lorsqu'il ferma les yeux et inspira une grande bouffée d'air. Elle le contempla un moment, un doux frisson la parcourant lorsque la brise vint l'effleurer. Elle avait l'impression qu'il était serein ainsi, que l'épisode de tension avec l'escroc était loin derrière eux. Et puis, ainsi, dans cette atmosphère hors du temps, elle le trouvait beau. Tout simplement beau. Il dégageait quelque chose qui l'attirait, dont elle se rendait compte, mais dont elle ignorait la légitimité vis-à-vis de lui. Elle continua de le regarder, en souriant un peu rêveusement, jusqu'à ce qu'il parle. Elle posa son regard sur lui :

« C'est vrai que c'est très agréable et que ça me plaît. J'espère que tu pourras construire la maison de tes rêves en bord de mer, quand tu auras décidé de d'installer quelque part. »

Elle, elle avait le sentiment d'être clouée à sa forêt, de ne pas pouvoir en sortir. Elle n'arrivait pas à envisager sa vie ailleurs qu'à Kabana, du moins tant qu'elle serait championne. Cela ne la gênait pas, c'était un petit village en pleine forêt, assez proche de la nature. Mais peut-être voudrait-elle partir un jour ? On ne pouvait pas savoir à l'avance.

Elle s'assit auprès du jeune homme, plaçant ses pieds nus au-dessus de l'eau. Sa peau effleurait à peine la surface de la mer, étant donné qu'elle était un peu petite, mais ça ne l'empêchait pas d'être détendue. Kogane se laissa doucement glisser sur le ponton en bois, révélant la taille svelte de sa dresseuse, et il s'enroula auprès de Melian, pour prendre un peu le soleil, et se reposer.

« Je comprends mieux pourquoi tu voulais que l'on trouve une auberge à l'écart du port. On sera plus au calme, je n'y avais pas pensé, tu as eu une bonne idée ! » fit-elle avec un sourire sincère.

Le problème restait toujours de savoir s'ils allaient avoir une chambre avec un seul lit qu'ils devraient partager, ou bien une chambre avec deux lits. Elle savait que le premier cas la gênerait un peu, et qu'elle ne dormirait probablement pas. Le deuxième serait bien, mais peut-être pas disponible pour ce soir. Ils allaient devoir attendre avant de voir.

« On mange à l'auberge ce soir ou près du port, histoire de pouvoir se balader encore un peu ? »

Elle voulait parler, et en même temps, elle ne savait pas quoi dire, et le calme reposant de la mer était également une mélodie très agréable à écouter. Elle ferma doucement les yeux en penchant la tête en arrière, laissant les rayons du soleil réchauffer son visage et sa gorge.

Elle rouvrit les yeux en sentant un mouvement près d'elle. L'Arbok avait redressé sa tête pour la pencher au-dessus du ponton, ses pupilles fendues scrutant la mer. Il avait entendu quelque chose, et s'en inquiétait. La demoiselle se redressa et se pencha en avant, observant également l'eau. Pourtant, elle ne voyait rien...

Il y eut une éclaboussure, et un tentacule grisâtre jaillit vivement de l'eau pour tenter de s'emparer de la cheville de la demoiselle. Kogane poussa un sifflement de colère, crachant des Dard-Venin vers les ombres mouvantes pour repousser les intrus trop proche de sa dresseuse. Celle-ci, vive, réussit à ramener ses genoux contre sa poitrine pour éviter de se faire toucher, non sans pousser un léger cri de surprise. Il s'en était fallu de peu...

« Edward, remonte tes jambes, il y a des Tentacool là-dessous et je crois qu'on les as dérangé... ! » laissa échapper la demoiselle dans un souffle, espérant qu'il ne soit pas trop tard...

[Edward Harris]

Partir à l'aventure nécessite quelques compétences et qualités personnelles sans lesquelles on finit immanquablement par se blesser. La prudence et l'instinct de survie en font bien entendu partie mais certaines qualités plus académiques telles qu'une bonne organisation et un bon esprit pratique sont également de mise. Ainsi on attend de l'aventurier, même débutant, qu'il possède un matériel suffisant et de bonne qualité, et qu'il sache évidemment s'en servir. Il faut également qu'il pense à s'en servir, et c'est ceci même qui faisait défaut au jeune Edward Harris en cette fin de matinée ensoleillée.

Il était perdu dans ses rêves bucoliques de maison au bord de la mer, et le problème le plus immédiat qui se posait à lui était de savoir où Melian et lui allaient manger une fois le soir venu. Bon, ça et savoir si ils allaient dormir dans le même lit ou non. La proximité de la juene femme ne le dérangeait pas le moins du monde, bien au contraire, mais se retrouver dans le même lit comme ça... Ca revenait un peu à brûler une bonne demi-douzaine d'étapes et risquait d'être légèrement contre-productif. Et puis il n'avait jamais dormi avec une femme. Ni... Rien, quoi. Enfin, ce n'était pas comme si quelque chose risquait de se passer entre la championne et lui, ils s'entendaient bien, si on poussait on pouvait peut-être dire qu'ils étaient devenus plus ou moins amis mais pas plus. Cette nuit allait être un véritable calvaire. Sérieusement.

Lorsque Melian releva précipitamment les genoux, évitant de justesse un tentacule grisâtre qui se contenta de claquer dans le vide, Edward cligna les yeux d'un air hébété. Il entendit à peine les avertissements de la jeune femme, perdu dans une sorte de brouillard sensoriel total, et réagit à peine lorsque quelque chose s'enroula autour de sa jambe. C'est en se sentant tiré vers la mer qu'il émergea, juste à temps pour s'accrocher au bord du ponton et éviter la baignade forcée. Il tenta de remonter en tirant sur ses bras mais le tentacule le tirait vers le bas avec une force étonnante au vu de son diamètre restreint.

_ Spike ! Un peu d'aide s'il-te-plaît !

Il sentit les mâchoires du Pokémon se refermer sur sa manche et tirer de toutes ses forces, lui permettant de remonter au niveau du ponton tandis qu'il essayait de faire lâcher le tentacule en lui donnant des coups de pieds de sa jambe libre.

_ Je commence à en avoir marre de me faire attaquer dès que je veux me reposer quelque part... Gale ! Tranch'Air !

Le jeune homme avait pris le risque de tomber à l'eau en utilisant une de ses mains pour attraper la ball du Nosferapti à sa ceinture. En fait, sans Spike pour le retenir, la traction des tentacules aurait suffi à lui faire prendre un bain forcé. Les rafales tranchantes atteignirent le tentacule avec une précision chirurgicale, quelques centimètres à peine en dessous de la jambe d'Edward, le forçant à se rétracter et provoquant des grincements furieux de douleur chez son propriétaire. Le terrosien profita de la distraction pour se hisser sur le ponton et partir en courant vers la berge. Un tentacule claqua juste à ses pieds, le forçant à stopper net. Quelle chance, en plus de déranger des Pokémon ultra territoriaux à chaque fois qu'il s'asseyait pour souffler un peu, il s'arrangeait toujours pour que ces derniers soient en plus extrèmement agressifs et refusent de le laisser partir.

Il examina la situation d'un rapide coup d'oeil. En plus du Tentacool que Gale avait blessé et qui était parti sans demander son reste, il y en avait deux autres sur le côté gauche qui l'empêchaient de rejoindre la terre ferme. Edward s'accroupit et fit apparaître la petite Leaf juste à ses pieds. La Mystherbe poussa un petit cri inquiet en voyant l'étendue d'eau tout autour d'elle, sa dernière rencontre avec une flaque pourtant bien plus petite ayant failli se terminer en noyade. Le jeune homme la rassura d'une légère caresse.

_ Du calme, ça va aller. Lance juste tes Para-spores par ici et ce sera bon. Gale, pousse le nuage vers la mer ! ordonna-t-il une fois l'attaque exécutée, tout en rappelant aussitôt le Pokémon plante.

Le Nosferapti provoqua une légère bourrasque d'un battement d'ailes, propulsant les Para-spores au dessus de l'eau, là où les Tentacool étaient embusqués pour l'empêcher de partir. La fine poudre se déposa à la surface de l'eau, formant comme un film iridescent. Lorsque les tentacules voulurent sortir une nouvelle fois pour attaquer les intrus, ils se stoppèrent une fraction de seconde après avoir émergé avant de retomber, flasques et inutilisables.

Une éclaboussure dans son dos fit sursauter Ed qui se retourna pour attraper par réflexe à pleines mains un tentacule qui filait droit dans le dos de Gale. L'appendice s'enroula autour de sa main et de son bras en claquant. Fort heureusement, le jeune homme venait de s'acheter une paire de gants de manière à ne plus avoir de problèmes chaque fois qu'il entrait en contact avec des Pokémon poison. Malheureusement, il avait oublié de les mettre et les avait rangés dans son sac juste après les avoir achetés. Il se retint in extremis de crier lorsque les Dard-venin présents dans les tentacules du pokémon transpercèrent sa peau. Il était prisonnier de l'étreinte du Tentacool, aussi la seule idée qui lui traversa l'esprit fut... Tirer. Il mit tout son poids à contribution pour forcer la méduse à sortir de l'eau, cette dernière étant bien plus lourde qu'elle n'y paraissait.

_ Gale ! Tranch'air, encore ! cria-t-il une fois son agresseur hissé jusque sur le ponton.

L'attaque, toujours aussi précise, trancha cette fois le tentacule tout net, permettant à Edward de se débarasser de son entrave. Le Nosferapti n'en avait néanmoins pas terminé. Il s'était laissé surprendre et si son dresseur n'avait pas été là, le Pokémon sauvage aurait pu salement l'amocher. La seule pensée de se savoir en situation de faiblesse par rapport au jeune homme le faisait enrager et le Pokémon estropié allait en faire les frais.

Gale s'éloigné d'un battement de ses ailes membraneuses avant de lancer une attaque Météores dirigée vers l'eau directement en dessous de lui. Il chargea ensuite à toute vitesse le Tentacool estropié et échoué sur le ponton de bois pour le percuter d'une attaque Cru-Aile vicieuse qui l'éjecta vers l'océan. Avant même que la méduse soit retournée à son milieu naturel, les étoiles d'énergie de Météores émergèrent juste en dessous de lui, le frappant à plusieurs reprises en plein air, le temps que le Nosferapti fou furieux lance une nouvelle attaque Tranch'air qui le renvoya sur la plate-forme.

Il se prépara à charger une nouvelle fois et s'élança mais ne rencontra que le vide. A la place de sa cible, il n'y avait plus qu'une petite ball. Edward avança d'un pas mal assuré et la ramassa.

_ Ca suffit, fit-il simplement en fixant son Pokémon.

Il leva la ball de Gale pour le rappeler, malgré ses protestations, et alla rejoindre Melian et son Arbok.

_ Tout le monde va bien ?

Il jeta un coup d'oeil à sa main qui avait rougi et commencé à enfler sous l'effet du poison. Ses yeux firent l'aller-retour plusieurs fois entre le visage de Melian et sa propre main.

_ Je... crois que je me sens pas bien. Il va falloir que je m'asseoie...

Il se laissa tomber sur le sol et posa sa tête dans sa main valide.

_ Ca tourne... Désolé...

[Melian]

Melian avait réussi à échapper aux Tentacool, plus par excès de chance qu'autre chose. Mais ce n'était pas le cas d'Edward, qui fut attiré vers l'eau. Elle voulut se jeter sur lui pour l'aider, mais Spike avait prit la relève, et le Nosférapti était apparu. Alors, elle décida d'attendre, de ne pas agir, pour voir comment il allait s'en sortir, même si cela lui en coûtait. Elle avait envie de lui donner un coup de main, mais elle avait le sentiment qu'elle serait plus encombrante qu'autre chose. Parfois, il fallait savoir laisser les autres se débrouiller.

Et il fallait reconnaître que le garçon s'en sortait très bien. Il semblait déjà plus à l'aise en combat qu'elle ne l'aurait cru, en parlant au jeune homme timide qu'il était. Gale semblait prendre pas mal de décisions de lui-même, et il avait aussi l'air de ne surtout pas apprécier être en position de faiblesse. Alors que son dresseur venait de très courageusement lui sauver la mise, la chauve-souris décida, avec un très bel enchaînement d'attaques, d'éclater royalement le Tentacool fautif qui se retrouva estropié. Mais il ne put déchaîner toute sa colère, puisque le Terrosien captura le Pokémon eau, au grand étonnement de la championne. Mais les questions seraient pour plus tard.

Elle s'approcha prestement de lui en le voyant revenir. Elle le cachait assez bien, mais elle s'était réellement inquiété pour lui, lors du combat. Surtout qu'il était entré en contact avec les toxines de son improbable capture. Elle le laissa s'asseoir, alors qu'elle sortait un bol en bois de son sac. D'habitude, il lui servait à piller divers ingrédients, mais pour aujourd'hui, il servirait simplement de récipient.

« Ne t'en fais pas, je vais m'en occuper. »

Elle remplit le bol d'eau de mer, et revint vers le blond, s'agenouillant près de lui. Elle lui prit la main, et commença à la rincer à l'eau de mer. Elle réitéra l'opération plusieurs fois de suite, tout en réfléchissant à ce qu'elle devait faire après. Il devait avaler quelque chose avec de la baie Pêcha -voire la baie elle-même s'il lui en restait- et ensuite ? Elle continua de réfléchir. Elle savait bien ce qu'elle devait faire, le problème était qu'elle ignorait totalement si elle avait ce qu'il fallait sur elle.

C'est en fouillant dans son sac et en sentant des tas de fioles qui ne lui étaient pas familière que cela lui revint. Le moins qu'on puisse dire, c'est qu'elle avait eu un très bon feeling en faisant ses achats au marché. Mais en attendant, elle sortit une baie rose de bonne taille de son sac, ainsi qu'un couteau. Elle enleva la queue du fruit, et le donna au jeune homme.

« Fais attention, elle risque d'être très juteuse, mais je préfère éviter de la couper et de perdre du jus. Après si ça te dérange, je la coupe. » fit-elle avec un sourire.

Puis, prenant la lame, elle commença, avec application et attention, à racler la zone empoisonnée, pour extraire les potentiels résidus qui pouvaient eh bien, être extraits. Le contact ne devait pas être très agréable, ni même rassurant en réalité, mais elle s'appliquait à ne pas le couper. Et puis, elle n'y allait pas avec le tranchant non plus.

Une fois l'opération faite, elle mit sa lame de côté, pour la nettoyer après, et sortit l'un des flacons au liquide doré de son sac. Elle en étudia l'étiquette, et sourit. Elle déboucha la fiole, et versa un peu du produit sur la main d'Edward. Un peu rougissante, elle coula un timide regard vers son compagnon de voyage, avant de commencer à étaler l'huile.

« J'ai acheté différentes huiles de massage tout à l'heure. Je... Je ne sais même pas vraiment pourquoi. Une sorte d'achat compulsif. Quoiqu'il en soit, j'en ai à la camomille. Ca n'est peut-être pas le meilleur moyen de te soigner d'un tel empoisonnement, mais je n'ai que ça, désolée. »

Elle continua le massage sur la main du jeune homme, essayant de ne pas lui faire mal. En même temps, elle notait les effets du poison, et se demandait si cela aurait eu le même effet sur elle. Elle secoua doucement la tête, chassant ses idées au loin, avant de rire un peu.

« J'ai bien fait d'acheter plusieurs huiles, si à chaque fois que l'on rencontre des Pokémon sauvage, on se blesse. »

Elle souriait, sincèrement, pour tenter de détendre l'atmosphère, même si sa phrase était peut-être maladroite.

Lorsqu'elle eut fini de s'occuper du dresseur, elle nettoya son couteau, et regarda le ciel. Il n'y avait pas un nuage, et le soleil allait bientôt arriver à son zénith. Si le poison avait provoqué des vertiges, éblouissements, ou maux de tête, il valait mieux aller à l'ombre. Elle rangea ses affaires après s'être relevé, et dans la foulée, prit les mains d'Ed pour l'aider à se mettre debout. Si au départ, ce geste ne l'avait pas gêné, elle sembla, après coup, un peu mal à l'aise. Pour éviter de paraître plus idiote qu'elle ne l'était, elle préféra vite changer de sujet.

« Je te propose qu'on aille prendre un café, ou quelque chose, en ville. On pourra peut-être en profiter pour manger, mais je pense qu'il vaut mieux que tu te poses un moment au calme. »

Ils se mirent en route, et le long du trajet, la jeune femme veilla à ne pas trop s'éloigner, au cas où le Terrosien ne se sente pas bien.

Ils finirent par trouver un établissement correct, pas trop loin de la mer, mais éloigné du centre d'activité du moment, à savoir le marché. Et c'était également un restaurant qui semblait propre sous tout rapport. Pour le moment, en tout cas. Après avoir demandé un verre de jus de pomme, et laisser l'habile lanceur de couteaux choisir, elle croisa les bras sur la table.

« Je dois admettre être surprise par la capture de ce Tentacool, même si je ne te blâme pas ou autre. Je serai bien mal placée pour ça, après avoir capturé Gurthan. Mais je suis assez étonnée. Pourquoi l'avoir pris ?Surtout que ça a l'air d'avoir vexé Gale. »

C'est vrai que le geste du jeune homme avait été très surprenant pour elle, même s'il faisait ce qu'il voulait. Elle pensa brièvement qu'à un moment, elle devrait tester les poisons de Sicoda et Wilwarin, surtout quand ils auraient évolué. Elle se mit, presque inconsciemment, à toucher son bracelet, alors qu'elle reprenait la parole :

« Je m'en veux un peu que mes soins soient si approximatifs. Je n'ai que très rarement du souci avec les poisons, et j'ai surtout l'habitude de soigner à l'aide de venin justement. J'aurai peut-être mieux fait de faire plus attention en préparant mon sac. »

Elle était un peu gênée, surtout qu'elle ne voulait pas non plus lui avouer, de but en blanc, que son sang n'était plus normal depuis bien longtemps. Même si elle n'était une Maître des Ombres, elle ne craignait plus le venin de son Arbok, et elle avait pris l'habitude de se soigner avec quand elle subissait les foudres toxiques d'une créature sauvage. Mais sur une personne non préparée, et pas habituée, cela pouvait tout simplement être la pire idée du monde de le soigner ainsi. Elle observa la mer, beaucoup plus éloignée par rapport au ponton, sans être trop loin pour autant.

« Tu voudras faire quelque chose de spécial cet après-midi, ou tu préfères te remettre du combat ? Au pire, on a une chambre réservée et je ne pense pas qu'ils nous en veuillent si on arrive un peu plus tôt, on pourra toujours voir si quelque chose s'est libérée, ou même se reposer un peu au calme. »

Le souci de la chambre. Ca, c'était quelque chose qui n'avait pas changé. Elle se demandait toujours s'ils allaient devoir partager le même lit, et si oui ou non, par conséquence, ils allaient réussir à fermer l'oeil. Quelque part, elle était curieuse de voir comment les choses allaient évoluer.

« Au fait, excuse-moi si j'ai l'air d'un peu trop m'inquiéter, et si ça te gêne. Ca n'est pas mon intention. » finit-elle par dire, un peu mal à l'aise en repensant à l'inquiétude qu'elle avait ressenti en le voyant glisser vers la mer.

[Edward Harris]

_ Ouais, ouais... Ouais... Ok...

Elle allait s'occuper de lui. Qu'elle fasse donc, de toute manière il était incapable de quoi que ce soit. Le monde tournait autour de lui un peu trop vite pour que son estomac apprécie le voyage et c'était encore pire lorsqu'il fermait les yeux. Ca, et sa main lui faisait un mal de chien. Avec l'oedème il avait l'impression de se trimballer une pastèque bien mûre au bout du bras. Alors oui, qu'elle s'occupe de tout, que n'importe qui s'occupe de tout pourvu que ça aille mieux, et vite si possible. Quelle idée de merde il avait eu de ne pas enfiler ses gants aussitôt après les avoir achetés. Il faudrait aussi qu'il réfléchisse à ce qu'il avait fait de mal pour mériter de se faire attaquer chaque fois qu'il s'asseyait quelque part. Il avait sans doute été terriblement cruel envers des bébé Evoli dans une vie antérieure, c'était la seule explication.

Il attrapa le fruit qu'elle lui tendait sans même lever la tête. Après tout il pouvait faire confiance à la jeune médecin, et il avait le sentiment qu'il tomberait dans les pommes ou au mieux régurgiterait l'intégralité de son petit déjeuner s'il tentait de se tenir droit. Il croqua dans la chair rose et sucrée en priant pour que son estomac se tienne tranquille et reconnut la saveur caractéristique de la baie Pêcha. Melian savait vraiment ce qu'elle faisait, au moins il ne mourrait pas ici. Ou du moins pas de choc toxique, il était tout de même moyennement rassuré par le contact de la lame de couteau sur sa peau. Il concentra tous ses faibles moyens du moment à essayer de ne pas se retrouver dégoulinant de jus de baie avec un succès assez mitigé. Elle était vraiment, vraiment très juteuse, tant et si bien que la main avec laquelle il la tenait se retrouva toute collante lorsqu'il eut terminé. Il essuya d'un revers de manche une goutte sucrée qui lui coulait sur le menton et attendit. Toute efficace que soit cette espèce de baie, il faudrait quelques minutes pour qu'elle fasse effet et neutralise les effets du poison. En attendant, ça allait être vertiges, nausées et frissons. Une vraie partie de plaisir.

Le jeune homme se tendit légèrement lorsque le contact froid de l'acier laissa la place à la douceur des mains de la championne. Encore un massage ? Non pas qu'il trouve ça désagréable, bien au contraire, d'ailleurs si se blesser signifiait avoir droit à ça à chaque fois, il faudrait qu'il réfléchisse à un moyen un peu moins douloureux qu'une piqûre de Tentacool pour y avoir droit- ou pas - mais il commençait à se demander si elle n'en faisait pas exprès... Enfin c'était sans doute idiot, il ne voyait de toute façon pas pourquoi elle ferait ça.Il se força à chasser ces pensées de son esprit embrumé pour se concentrer sur ce qu'elle disait. Un massage à la camomille... Pas un remède de choix mais c'était bien pensé de la part de Melian. Il était rassuré de se savoir entre de bonnes mains - au sens propre pour le coup. Son père aurait probablement préconisé un emplâtre avec du thé vert mais... il fallait bien faire avec les moyens du bord. Il commençait déjà à se sentir mieux, même si sa main était toujours enflée et douloureuse, et releva la tête lorsque la jeune femme tenta de détendre l'atmosphère.

Il y eut un moment de flottement pendant lequel Ed fixa son interlocutrice en se demandant si elle se moquait ouvertement de lui ou si c'était juste une impression. Le sourire de la championne ne tarda pas à le faire se détendre et il y répondit avec un demi-sourire discret.

_ Euh... Ouais alors si ça pouvait ne pas se reproduire à chaque fois je préférerais quand même... Désolé pour tes achats mais...

Lorsqu'elle eut terminé, il s'essuya la main pendant qu'elle lavait et rangeait son matériel et fouilla son sac à la recherche des fameux gants qui auraient pu lui sauver la mise et lui éviter de passer un mauvais quart d'heure, si seulement il les avait portés. Il entreprit aussitôt de les enfiler, au cas où un autre Pokémon sauvage profiterait de son repos pour l'attaquer une fois de plus, après tout il n'était plus à ça près. Il lutta quelques instants pour enfiler le gant en cuir sur sa main encore enflée. Elle était légèrement compressée à l'intérieur et lui faisait mal, mais ce n'était qu'une question de temps avant qu'elle revienne à la normale. En parlant de douleur, une affreuse migraine avait sauté sur l'occasion pour s'installer dans son crâne, et le soleil de midi n'arrangeait pas grand chose. Il tentait tant bien que mal de se protéger des rayons en gardant les yeux baissés et en les couvrant avec sa main mais le résultat n'avait rien de fabuleux. Melian revint enfin vers lui et lui attrapa les mains pour le relever, ce dont il lui fut reconnaissant, n'étant pas certain de pouvoir se relever seul. Il tituba légèrement, se raccrocha à l'épaule de la jeune femme quelques instants pour retrouver son équilibre et lui sourit.

_ Merci, Melian.

Assez étrangement, elle se précipita sur un autre sujet, comme si elle était gênée par quelque chose. Il refit mentalement le tour de ses actions des 10 dernières minutes de peur d'avoir fait quelque chose pour la mettre mal à l'aise mais rien ne lui vint à l'esprit, aussi décida-t-il de laisser tomber. De toute façon elle n'avait pas l'air bien fâchée.

Il la suivit jusqu'à un restaurant plutôt quelconque, pas très loin de l'endroit où ils se trouvaient. Ils s'installèrent à une table somme toute quelconque, sur des chaises quelconques mais confortables, assez éloignés des fenêtres pour être protégés du soleil qui tapait sur Palma. Un serveur d'apparence quelconque ne tarda pas à venir les voir pour prendre leur commande. Le jeune homme demanda un café bien serré, le breuvage amer étant un des seuls moyens efficaces de dissiper ses migraines. En attendant sa boisson, il détailla du regard la décoration de la salle. Tout y était affreusement quelconque, des tables en bois terni au comptoir usé du bar, en passant par les carreaux sales des fenêtres. Le serveur ne tarda pas à arriver avec son café, servi dans une tasse métallique quelconque, ainsi qu'un jus de fruits pour la championne qui, il fallait l'avouer, était la seule chose à l'intérieur de l'établissement à ne pas être quelconque. Il leva un sourcil surpris lorsqu'elle lui demanda les raisons de la capture du Tentacool sauvage.

_ Euh... Je n'ai pas trop réfléchi en fait. Et Gale l'aurait massacré si je l'avais laissé.

Il s'interrompit le temps de souffler sur son café brûlant et d'en avaler une petite gorgée en grimaçant à cause de l'amertume et de la chaleur de la boisson.

_ Je peux pas le laisser faire tout ce qu'il veut, si je ne m'impose pas il pourrait devenir dangereux. Je pense pas qu'il ait un mauvais fond mais... Il est trop agressif, trop violent. Qu'il se vexe si il veut, de toute façon il est déjà perpétuellement en colère. Et pour le Tentacool... Ca me fait un compagnon de plus. Il a pas l'air commode non plus mais... on verra. Hein Spike ?

Le Nidorino, roulé en boule aux pieds de son dresseur acquiesça d'un grognement paresseux avant de refermer les yeux. Melian eut l'air perdue dans ses pensées pendant un moment qui parût une éternité au jeune Edward qui cherchait frénétiquement un sujet de conversation à remettre sur le tapis pour briser ce silence insupportable. Il était tellement occupé à chercher qu'il l'écouta à peine s'excuser de ses soins approximatifs et eut un moment de panique en cherchant à retrouver ces mots qu'il avait bel et bien entendus mais absolument pas relevés.

_ Euh... Je... Euh... Non, non. T'excuse pas, t'as fait du bon boulot. En fait quand j'y pense j'avais largement ce qu'il fallait dans mes affaires pour me soigner mais j'étais pas vraiment en état... Alors... Merci. Par contre... Ouais, si ça te dérange pas j'irais bien directement à l'auberge... J'aurais bien aimé continuer à visiter mais j'ai eu assez d'émotions fortes pour la journée et ma tête me fait un mal de chien... Désolé.

Il avait fallu qu'elle ramène sur le tapis le sujet de la chambre. La perspective de dormir dans le même lit que la championne était bien plus effrayante que toutes les attaques de Tentacool du monde. Bien plus agréable également - en même temps, était-il possible de faire pire ? - mais effrayante, néanmoins. Si ils étaient condamnés à partager un lit, aussi grand qu'il soit, il y avait fort à parler que le terrosien ne fermerait pas l'oeil de la nuit. Ca avait beau le contrarier profondément, Melian ne le laissait pas indifférent, depuis qu'il avait atterri tête la première dans sa poitrine pendant la nuit des étoiles. Il arrivait à peu près à faire abstraction en temps normal mais à deux dans le même lit... Bonjour la catastrophe...

Edward sourit franchement lorsque la jeune femme s'excusa pour la deuxième fois consécutive de quelque chose au demeurant pas vraiment embêtant et même plutôt gentil.

_ T'inquiètes pas, vraiment... C'est euh... Sympa que tu t'inquiètes pour moi. Mais il faut pas, je survis... Même si j'y perds des plumes au passage, ajouta-t-il en se grattant l'arrière du crane.

Ils payèrent l'addition et quittèrent le restaurant le moins mémorable de l'histoire des restaurants pour se rendre à l'auberge. Grâce aux soins précoces de Melian - aussi approximatifs que ceux-ci aient pu être - Ed se sentait déjà mieux. Sa main était encore un peu comprimée à l'intérieur du gant et restait douloureuse, mais au moins les effets généraux du venin s'étaient dissipés. Ils se dirigèrent ensemble vers l'auberge dans laquelle ils avaient réservé, conversant joyeusement sur des sujets triviaux tandis que Spike, bien reposé après cette petite pause bien méritée, courait dans tous les sens pour se défouler. Ils retrouvèrent sans trop de peine l'établissement maintenant que l'agitation matinale du marché s'était dissipée, la plupart des exposants ayant commencé à plier bagage. L'aubergiste les accueillit d'un salut tonitruant dès qu'il reconnu les deux voyageurs.

_ Haha ! Vous revoilà ! Vous avez apprécié votre balade dans notre jolie ville ?

Edward se mordit la lèvre et jeta un regard amusé à Melian en se remémorant leurs péripéties tentaculaires au bord de l'eau.

_ Euh, oui, on peut dire ça... C'est une ville qui ne manque pas de piquant, répondit-il.
_ De... Piquant ? Si on veut, j'imagine, commenta le tavernier, un peu perplexe.
_ C'est une longue histoire. Euh... Est-ce que par hasard une chambre avec des lits séparés se serait libérée ?
_ Ah oui... Hmmm, voyons voir, voyons voir, marmonna-t-il en tournant les pages de son registre. Non, pas de désistement. Allons, fais pas cette tête mon garçon ! Et puis une jolie fille comme ça il vaut mieux la garder tout près ! fit-il avec un clin d'oeil.
_ Euh je... Euh... bégaya le jeune homme en rougissant.
_ ROGER !
La femme de l'aubergiste se tenait dans l'encadrement de la porte des cuisines, une casserole dégoulinante d'eau à la main.
_ Arrête d'ennuyer les clients !
_ Rho allez Moumoune ! C'est juste pour rire un peu !
_ Je ne veux pas le savoir ! Ces jeunes gens payent pour une bonne chambre, pas pour tes allusions graveleuses !
_ C'est rien, Madame, tenta d'intervenir Ed.
_ Vous êtes bien trop gentil jeune homme ! Ne vous laissez pas faire comme ça !

La cuisinière était réellement effrayante, aussi Edward n'insista pas. Si un colosse comme le tavernier n'essayait pas d'avoir le dessus, il était préférable de se faire tout petit.

_ Hum bon, bon... Voilà votre clé, se reprit l'aubergiste, c'est la 3e chambre à gauche en haut de l'escalier. Le repas est à 19h, je vous conseille de vous y tenir, Moumoune n'aime pas les gens en retard et... Voilà. Je vous souhaite un bon séjour, et ne faites pas trop de bêt...
_ ROGER !
_ Hum... Reposez-vous bien !

Edward lança un regard contrit à Melian, remercia d'un signe de tête le tavernier et grimpa l'escalier en bois grinçant. Il se débattit quelques secondes avec la serrure légèrement grippée avant de pouvoir rentrer dans la chambre. Elle était simple, sans décoration superflue, mais plutôt agréable, avec une petite cheminée dans laquelle quelques bûches avaient été posées au cas où les clients auraient froid, et un unique lit. Techniquement, il était plutôt grand, largement assez pour que deux personnes y dorment sans se toucher, mais c'était quand même bien trop de promiscuité pour Edward. La nuit allait être longue.

_ Euh... On... S'arrange comment ? fit-il avec un regard implorant à la championne de Kabana.

[Melian]

La demoiselle souffla doucement lorsqu'il lui assura survivre, quitte à être un peu blessé de temps à autre. Ca elle le savait bien, mais ça n'était pas une raison. Elle préféra cependant ne pas renchérir, de peur de passer pour une mère poule, ce qui aurait été passablement étrange. Elle le suivit dans l'auberge et fut un peu surprise de l'accueil du tavernier. Néanmoins, ce dernier était chaleureux, et plutôt gentil malgré ses remarques un peu... indiscrètes ? Alors qu'Edward rougissait, qu'elle-même devait avoir pris quelques couleurs, elle voulut remercier l'homme pour le compliment un peu indirect qu'il avait fait à son égard lorsque la voix puissante d'une femme se fit entendre. La championne eut un petit sursaut, et regarda vers les cuisines. Si l'aubergiste était déjà assez impressionnant, il n'était rien comparé à sa femme qui dégageait une grande autorité. La championne préféra garder le silence et laisser son ami gérer la réception des clés. Surtout que finalement, ils allaient l'avoir, leur chambre avec lit unique. Après que l'homme ait lancé quelques insinuations sur les bêtises qu'ils pourraient faire, et que sa femme l'ait repris, ils purent monter découvrir la chambre qu'ils allaient avoir pour la nuit.

Elle était très correcte, les draps étaient propres, il y avait un aménagement certes minimaliste mais où on pouvait poser le nécessaire de ses affaires si on restait plusieurs jours. Et surtout, il y avait une cheminée, chose qui intéressa particulièrement la jeune femme. Ca pouvait toujours être utile, et puis, elle avait rarement vu une cheminée dans un tel lieu. En général, c'était associé à autre chose, de même que le lit double. Elle s'en approcha, tâtant la couette doucement. Tout avait l'air bien, si ce n'est qu'elle allait dormir avec Edward, et que l'idée lui plaisait autant qu'elle la dérangeait. Elle regarda le jeune homme qui semblait mal à l'aise, et tenta un sourire rassurant devant son air implorant.

« Eh bien, ça te gêne tant que ça de dormir avec moi ? » lança-t-elle avec un petit rire, dans le but de le détendre, même si elle n'était pas plus à l'aise que lui. « On va trouver une solution, ne t'inquiète pas. »

Elle s'adossa au mur alors que Kogane avait décidé de s'installer dans un coin pour se détendre un peu. La jeune femme réfléchissait à comment faire. Bien entendu, l'un des deux pouvait dormir par terre près de la cheminée, mais bonjour le confort du parquet. Sinon, il pouvait toujours couper le matelas en deux, mais le gentil Roger et sa très agréable femme n'allaient pas apprécier la blague. Dans le même genre, il y avait une histoire d'amour avec un couple qui dormait séparé par une épée pour ne pas se toucher. Melian ayant un katana, ils pouvaient reproduire l'idée, mais elle se sentait idiote à l'idée de poser la question, et encore plus à celle de la mettre en œuvre. Et pour finir, solution évidente : dormir ensemble, dans le même lit, chacun de son côté, en priant pour ne pas s'endormir et se réveiller dans une position ambiguë le lendemain. C'était gênant, mais c'était aussi la plus pratique, quoiqu'on en dise. Elle regarda le Terrosien.

« Dans tous les cas, avec l'accident du Tentacool, tu dormiras dans ce lit, je préfère que tu te reposes et que tu sois bien installé, plutôt que par terre. Et ne tente même pas de me faire changer d'avis, tu n'y arriveras pas. Je peux éventuellement essayer de me fabriquer un lit de fortune devant la cheminée, même si ça me gênerait de mettre le feu à l'établissement. »

Elle souffla doucement et l'observa. La solution la plus simple restait pour autant la plus complexe pour eux. Mais après tout, ils étaient des adultes non, ils pouvaient bien dormir ensemble dans le même lit sans qu'il y ait forcément quelque chose, non ?

« Ecoute... C'est si grave que ça si... Si on partage le lit ? Je veux dire... Il est largement assez grand pour nous deux. Si on gère bien, on ne devrait pas se toucher. Ca te dérange tant que ça de dormir avec moi... ? »

Elle savait qu'elle n'aurait pas dû prendre cet air un peu blessé et attristé, mais ça avait été plus fort qu'elle. Elle n'avait pas envie de se sentir rejetée par lui, surtout qu'elle l'appréciait de plus en plus, et plus que de mesure. Elle commençait à s'en rendre compte. Elle lui trouvait beaucoup de charme, même s'il disait être plutôt timide, ou autre, elle jugeait qu'il avait un très bon fond, et qu'il avait un côté adorable, mais aussi intéressant. En réalité, il lui plaisait, de plus en plus.

Elle secoua doucement la tête, et le laissa se reposer, et se remettre de sa piqûre. C'était probablement mieux ainsi, et puis, ça lui ferait du bien. De son côté, elle s'occupa de remettre un peu d'ordre dans ses effets personnels, ce qu'elle devait faire ou non, la liste des herbes qu'elle avait et celles qu'elle pourrait trouver au cours de son voyage. Elle nota aussi qu'elle devait tester assez rapidement les effets du poison de Sicoda et Wilwarin sur elle. Mais ça, elle ne voulait pas le faire en présence du jeune homme. Elle ne désirait pas non plus l'effrayer avec des manipulations bizarres sur son propre organisme, il ne fallait pas pousser le bouchon.

Ils descendirent manger en avance, pour éviter de subir les foudres de la fameuse Moumoune. Tant qu'ils étaient loin de la chambre, ils semblaient tous les deux un peu plus détendu, comme si le fait de ne pas voir l'unique lit double permettait de l'oublier, et de ne pas songer à l'étrange nuit à venir. Le repas se passa sans trop d'encombres, et la femme de l'aubergiste cuisinait tout de même bien. La jeune femme était plutôt détendue, quoique fatiguée après la journée qu'ils avaient passé. Mais le retour dans la chambre rapporta son lot de malaise.

La jeune femme s'isola pour se changer, troquant son kimono pour une espèce de chemise de nuit blanche, sans manche, et qui s'arrêtait un peu avant le genou. Elle alla s'asseoir sur le lit, caressant doucement son Arbok qui siffla avant de s'installer près de la tête de lit, au sol.

« Je préférerais que l'on dorme ensemble. On sera tous les deux mieux installés, on aura plus chaud, et ça ne veut pas dire qu'on va... je ne sais pas, se toucher ou autre... D'ailleurs, ta main va mieux, ou tu préfères prendre quelque chose avant de dormir ? »

Il finit par accepter, bien qu'elle ne sache pas ce qu'il pouvait bien passer. Ils s'installèrent, chacun de leurs côtés, et la nuit débuta. Une longue, très longue nuit.

La jeune femme ne trouvait pas le sommeil. Elle se sentait totalement éveillée, les muscles tendus, comme si elle pouvait sauter hors du lit à tout moment pour faire n'importe quoi. Elle sentait la présence du jeune homme près d'elle, bien qu'ils avaient quelques centimètres entre eux pour ne pas se toucher. Elle n'avait aucune sensation de fatigue et plus le temps passait, plus elle perdait la notion de temps. Elle ne savait pas si cinq minutes, une demie-heure ou bien deux heures s'étaient déjà écoulés sans qu'elle ne bouge, concentrée au maximum pour ne pas toucher Ed par inadvertance et le gêner. Elle fixait le plafond, une main sur la poitrine, l'autre le long de son corps.

Le garçon non plus n'avait pas l'air de dormir. Elle entendait sa respiration, loin d'être aussi détendue de celle d'une personne endormie. Elle n'était pas à l'aise, et le silence, l'ambiance pesante de la pièce lui pesait. Alors, pour essayer de briser un peu la glace, et cette atmosphère étouffante, elle décida de parler. Après tout, il ne dormait pas non plus, et le connaissant, il ne devait pas non plus être très à l'aise.

« Tu as l'air très proche de ton père, je me trompe ? C'est une bonne chose ceci dit... »

… Ok, c'était très nul comme sujet de conversation, et surtout, assez indiscret. Elle se sentit d'une stupidité effroyable, et pendant qu'une partie d'elle l'insultait, et l'exhortait à ne pas continuer sur cette lancée, la deuxième partie continua à agir, ne supportant pas le malaise.

« Tu parles peu de ta mère ceci dit... J'espère que tout va bien chez toi en fait. »

Plus ça allait, pire c'était, elle ne savait absolument pas comment formuler ses idées, et ces dernières sortaient n'importe comment. Elle se mordit la lèvre, morte de honte, alors que Kogane poussait un soupir dépité à côté d'elle. Pour le coup, sa dresseuse s'y prenait franchement comme un manche, et il y avait bien mieux comme approche. Il se redressa et alla donner un petit coup de museau sur son épaule. Fallait qu'elle se reprenne un peu quand même, non mais ! Surtout qu'en plus, avec des questions pareilles, s'il lui renvoyait la balle, la réponse n'allait pas être joyeuse.

« Enfin, tu n'es pas obligé de répondre c'est juste que... J'ai envie de te connaître un peu plus. Et comme on ne dort pas... »

Elle tourna la tête vers lui pour le regarder, alors qu'une de ses mains glissait pour aller caresser le serpent. Elle espérait ne pas avoir mis les pieds excessivement dans le plat, surtout qu'elle venait déjà de mettre un bon gros coup de pied dedans. Elle attendit une réponse, essayant de se détendre au maximum, et de se dire qu'elle n'était pas si stupide que ça.

[Edward Harris]

Edward était on ne peut plus ennuyé. Il ne pouvait rien y faire, l'idée de partager un lit avec Melian le tétanisait. Presque littéralement, d'autant plus que la jeune femme ne le laissait pas exactement indifférent, ce qui n'arrangeait rien. Mais ce qui l'ennuyait véritablement, c'est qu'il avait le sentiment de se conduire en parfait imbécile, d'avoir perdu au fond d'un gouffre sans fond le peu d'élégance naturelle qu'il possédait - et c'était à son goût déjà pas folichon - bref, il comprendrait si elle se vexait. Il savait bien que, selon des standards sociaux classiques, la situation dans laquelle ils se trouvaient était plutôt gênante, mais sa réaction était, il le savait, démesurée, et il avait peur qu'elle pense qu'il ne voulait pas d'elle près de lui ou quelque chose du genre. En conséquence directe de tout ça, Edward ne put même pas se résoudre à essayer de balbutier une réponse lorsque la championne tenta de détendre l'atmosphère avec une petite pique innocente, et se contenta de rougir.

Il y eut un moment de silence et il devina à son air concentré qu'elle essayait de trouver un moyen pour qu'ils puissent dormir tous les deux aussi confortablement que possible mais sans être... tous les deux. Manifestement elle était aussi gênée que lui. Enfin peut-être pas aussi gênée, en tous cas il l'espérait pour elle, mais leur avis sur la situation était probablement plus ou moins le même : "Awkward". Elle lui donna confirmation en évoquant la possibilité de se faire un matelas de fortune devant la cheminée. Si elle était prête à se donner tant de mal pour qu'ils n'aient pas à passer la nuit dans le même lit, soit elle était aussi perturbée que lui, soit son malaise se voyait beaucoup plus qu'il n'aurait aimé. Dans tous les cas, il savait bien comment ça finirait. La seule solution valable était de s'asseoir sur leur gêne et de partager ce putain de lit. Edward étouffa un rire nerveux. S'il avait été un observateur extérieur, il aurait sans doute été plié en deux de rire en ce moment même. La dernière réplique de Melian coupa court à toute notion d'hilarité dans son esprit.

_ Ecoute... C'est si grave que ça si... Si on partage le lit ? Je veux dire... Il est largement assez grand pour nous deux. Si on gère bien, on ne devrait pas se toucher. Ca te dérange tant que ça de dormir avec moi... ?

Et... Voilà. Il avait réussi à la blesser, bien évidemment. Il se maudit intérieurement, plusieurs fois. Au moins il n'était pas franchement surpris de sa réaction. Il lâcha un soupir affligé, plus par lui-même que par la réaction de Melian d'ailleurs, et réussit au prix d'un effort quasi-surhumain à afficher un sourire qu'il espérait convaincant.

_ Non je... Excuse-moi, je suis juste un peu fatigué et j'ai pas vraiment... l'habitude... de dormir près d'une femme alors... Je suis un peu paniqué, avoua-t-il finalement. De toute façon on n'a pas trop le choix, et puis on est assez grands pour ne pas en faire toute une histoire et... A côté des Tentacool et autres Insécateur c'est pas si terrible.

Mensonge. C'était largement plus terrible. Pour être honnête, en ce moment précis, il aurait préféré affronter une horde de Leviator en colère. Il changerait sans doute radicalement d'avis le jour où ça arriverait, mais il tenait à profiter de son ignorance à ce sujet le plus longtemps possible. Il finit par se laisser glisser par terre, contre le bord du lit - il n'osait même pas s'asseoir dessus, c'était grave - et entreprit de prendre un peu de repos en caressant distraitement Spike derrière les oreilles, traitement que le Nidorino appréciait visiblement.

Après un repas copieux et, selon les critères du jeune dresseur, délicieux (comprenez qu'il y avait des patates, de la viande et assez de beurre pour que vos artères se mettent à crier grâce rien qu'à la vue de l'assiette), ils remontèrent dans la chambre. Edward nota avec amusement que leurs interactions étaient beaucoup plus simples lorsque le terrible lit à deux places n'était pas en vue. Ca n'avait pourtant rien d'amusant. Il débloquait complètement. Melian s'esquiva un instant pour se changer. Sa nouvelle tenue n'arrangeait en rien la situation d'Edward, hélas. La chemise de nuit ne dévoilait pourtant pas grand chose - du moins selon les critères communément acceptés en ce qui concernait les dites chemises de nuit - mais le tissu était léger et l'imagination d'Edward se débrouillait très bien toute seule. Il se sentit rougir légèrement. Puis Melian évoqua le fait qu'ils puissent se... toucher... par inadvertance pendant la nuit, et il se sentit devenir écarlate. Il réussit tout de même à se reprendre.

_ T'inquiètes pas, je pense qu'on arrivera à dormir chacun de notre côté, fit-il plus pour se rassurer lui que pour la rassurer elle. Ma main va bien, je prendrai quelque chose demain si j'ai toujours mal, mais pour le moment ça ira.

Il se glissa sous les couvertures, gardant sa chemise et son pantalon. Dans d'autres circonstances il se serait sans doute mis plus à l'aise mais... Bon et puis, après tout, ses vêtements étaient confortables et il avait pris l'habitude de dormir avec depuis son départ d'I'Mai. Et voilà qu'il éprouvait le besoin de se justifier lui-même. N'importe quoi. Une fois la lumière éteinte, il se laissa tomber sur l'oreiller et... Attendit. Au bout d'un moment à fixer le plafond - Edward aurait bien été incapable de dire combien de temps - la championne de Kabana, qui ne dormait pas, elle non plus, se mit à lui poser des questions. D'abord sur son père, et il se surprit à penser que l'homme lui manquait, puis sur sa mère, qu'il n'avait jamais connu. Pour être tout à fait honnête, il n'avait pas très envie de s'épancher sur ce sujet qu'il trouvait glissant, aussi se contenta-t-il de tourner le dos à la question en... tournant le dos à Melian. Malgré tout, l'embarras de la jeune femme, lui rappelant étrangement celui qu'il éprouvait chaque fois qu'il se mettait dans ce genre de situations délicates, finit par le convaincre de répondre.

_ Mes parents... Ma mère est morte quand je suis né et mon père... Ben... C'est lui qui m'a tout appris. La vie, mon métier, quasiment tout ce que je sais. Donc... Ouais, on peut dire qu'on est assez proches. Mais je l'ai quand même laissé tout seul... Tu sais... Quand on en aura fini avec ton... enfin notre voyage, je pense que je rentrerai à I'Mai. Peut-être pas pour y rester, mais il faut que je revienne le voir. Tu sais, pour être sûr qu'il va bien.

Il l'avait sentie bouger dans le lit mais continua tout de même à lui tourner le dos. Moins tout ça ressemblerait à une conversation sur l'oreiller, mieux il se porterait.

_ Et toi ? articula-t-il au bout d'un moment.

Deux choses : a) la question était on ne peut plus vague et b) au vu de la gêne qu'avait éprouvée Melian en lui posant la question, le sujet semblait glissant pour elle aussi. Il se reprit donc avec précipitation.

_ Enfin je veux dire... Tu es championne à Kabana et tout... Et médecin. Les gens doivent beaucoup t'apprécier non ? Tu dois avoir pas mal d'amis dans ta ville. Ou des gens proches de toi.

Enfin pas trop proches quand même, espérait-il. Même s'il voyait mal comment une personne aussi talentueuse pourrait s'intéresser à un garçon banal comme lui, les gens dans cette situation aimaient toujours garder une sorte d'espoir, dans un coin, juste au cas où, on sait jamais, pas vrai ?

_ Excuse-moi si je suis indiscret hein je... suis pas super doué pour la conversation. T'as dû remarquer.

En fait il aurait bien aimé pouvoir s'endormir, là, tout de suite, paf. Ca aurait été le meilleur moyen pour que cette nuit passe le plus rapidement possible. Il pourrait peut-être convaincre quelqu'un de lui coller un bon coup sur le crâne pour l'aider ?

[Melian]

Melian savait que son talent pour la conversation n'était pas très développé ce soir là, et que ses sujets pouvaient paraître gênants. Elle ne s'attendait cependant pas à ce qu'il lui tourne sciemment le dos. Elle ressentit un pincement au cœur et se recroquevilla un peu, se sentant blessée et profondément désolée. Il aurait été plus simple de s'excuser de vive voix ; ainsi placé le Terrosien ne pouvait pas la voir et lire les excuses sur son visage. Cependant, il prit la peine de lui répondre et elle l'écouta.

Elle ressentit une monstrueuse envie de s'enterrer six pieds sous terre lorsqu'il avoua que sa mère était morte. Saint Arceus, elle n'avait pas juste mis les pieds dans le plat, elle s'était étalée dedans de tout son long sans se rendre compte de rien. Elle eut réellement envie de s'excuser, de le réconforter, de faire quelque chose d'utile et d'un peu plus glorieux que de lui demander comment allait sa mère décédée. Cependant, plutôt que de parler, la réaction la plus naturelle qu'elle eut fut de vouloir poser sa main sur son épaule, pour signifier qu'elle était là et qu'elle le soutenait. Pourtant, elle se dit que cela ne ferait qu'empirer les choses, qu'il paniquerait encore plus. Mais impossible de désamorcer son geste... Elle posa donc en douceur le bout de ses doigts sur son épaule quelques secondes, voulant juste tenter de lui dire qu'elle compatissait et qu'elle était là. Il expliqua ensuite qu'à la fin de leur voyage il désirait retourner à I'maï. Elle resta un petit moment silencieuse. Elle aurait bien aimé le suivre là-bas, un juste retour des choses après tout le trajet qu'il faisait à ses côtés, mais peut-être que cela serait trop indiscret. Peut-être qu'il ne désirait pas sa compagnie outre mesure, et puis, pour quel motif elle le suivrait ? Un remerciement de sa part parce qu'il venait à Nalcia avec elle ? Ridicule, ça ne tiendrait pas la route comme raison. Même elle n'y croyait pas. Elle se tut, ne sachant pas quoi dire de plus, jusqu'à ce qu'il lui renvoie la question.

Elle resta un moment hébétée. Elle savait pourtant qu'il lui renverrait la balle, elle aurait dû s'en douter. A son tour, elle lui tourna le dos, laissant sa main glisser hors du lit pour aller caresser Kogane. Sa famille ? Des amis ? Des gens proches... ? Elle soupira.

« En réalité... Pas vraiment. Je ne connais pas mon véritable père, et pour mon beau-père je ne suis qu'une espèce d'outil. Il construit sa renommée sur la mienne, il me déteste mais je lui suis utile, tu vois un peu le genre ? Ma mère va bien. Les habitants de Kabana m'apprécient pour mon statut de championne, et parce que je les soigne, mais ils sont pris entre deux feux à cause de mon père qui ne lésine pas sur les remarques mauvaises à mon égard. J'espère que jamais tu ne le rencontreras, ça ruinerait un peu l'avis que tu peux avoir sur moi je crois. »

Elle ramena ses genoux contre son ventre tout en continuant de caresser le serpent, grattouillant ses écailles. Le reptile se redressa pour la regarder, sifflant doucement.

« Ma décision de devenir championne a déchiré ma famille en deux, moi d'un côté, mes parents de l'autre on va dire. Mais je ne regrette pas d'en être arrivée là, parce que ça me plaît. Sauf que... Je suis plus seule que tu ne le crois... »

Elle continuait de fixer Kogane qui lui rendait son regard, se voulant le plus rassurant possible. Il aurait bien aimer l'étreindre et l'apaiser mais il n'en avait pas les moyens, et il doutait que sa présence dans le lit soit une bonne chose. Quant à demander à Edward de réconforter la jeune femme... Ca ne ferait que les mettre mal à l'aise encore plus, et il renonça à lancer l'idée, se contentant d'être là, près de sa dresseuse.

« Tu veux que je t'avoue quelque chose, que je sois franche ? » fit-elle en se retournant pour le regarder. « Tu es le tout premier ami que j'ai qui ne soit pas un champion d'arène. Et c'est quelque chose d'important pour moi. »

Elle souriait doucement. Elle avait choisi le pire sujet de conversation pour commencer à discuter en pleine nuit, mais au moins, ils savaient tous les deux à quoi s'en tenir. Elle caressa doucement le bracelet à son poignet.

« En tout cas tu n'es pas indiscret, ou alors pas plus que moi. Et si ça te rassure.... C'est la première fois que je partage mon lit avec un homme. »

Elle avait été surprise qu'il trouve paniquant de dormir avec elle, dans la mesure où elle savait qu'elle n'allait pas le manger mais elle pouvait comprendre. Elle avait vite constaté qu'il était plutôt d'un naturel timide et à sa place, elle n'aurait pas été plus à l'aise. Elle ne pouvait pas le blâmer, et de toute façon, elle trouvait que cela avait un côté mignon. Pourtant, elle n'ignorait pas que le jeune homme ne devait pas être à l'aise. Elle se remit à contempler le plafond en silence un petit moment.

« Si... Si tu veux bien... J'aimerais bien venir à I'maï avec toi, si... Tu veux un peu de compagnie. Après tout, tu m'accompagnes jusque Nalcia alors si tu en as envie, je peux te suivre jusque là-bas. Je n'ai jamais vu l'île et j'aimerais bien m'y rendre pour visiter. Mais après... Je comprendrai que tu veuilles y aller tout seul. Après tout, je n'ai aucun motif valable pour t'accompagner là-bas, c'est juste si tu as envie. »

Elle était un peu gênée et n'avait aucune idée de pourquoi elle avait posé la question. Elle avait envie de l'accompagner mais comme elle l'avait dit, elle n'avait aucun motif valable à part le fait de vouloir profiter de sa compagnie. Après tout, l'île ne s'envolerait pas si elle n'allait pas la voir avec le Terrosien.

« Oh et... C'est peut-être qu'un détail, mais j'aime bien ta conversation. » fit-elle avec un petit sourire, pas moqueuse pour deux sous.

En réalité, elle aimait beaucoup avec lui même s'il avait souvent cet air gêné. Cela ne le rendait que plus adorable. Rah, mais à quoi est-ce qu'elle était en train de penser ?! Il allait falloir qu'elle se reprendre, ça n'allait pas du tout...

« Dis... Comment est-ce que tu as rencontré Spike ? Tu as parlé d'un coup de chance mais comment est-ce que ça s'est passé ? »

Elle voulait changer de sujet, et vu l'affection qui liait les deux comparses, elle se doutait que l'histoire s'était bien terminée. Enfin, elle l'espérait...

« Enfin après, on peut essayer de dormir si tu veux mais... Je t'avoue que j'ai du mal à trouver le sommeil, je ne sais pas pourquoi... »

Oh si, elle savait très bien pourquoi. Elle n'était pas sans ignorer que la présence du jeune homme dans le lit la troublait plus que tout et qu'elle était un peu... Anxieuse à cause de ça. Mais elle tentait de se détendre au mieux. Elle attendit ses réponses, s'enroulant un peu plus dans la couette pour avoir un peu plus chaud.

[Edward Harris]

Edward se sentit encore plus gêné, si c'était possible, lorsque Melian répondit à sa question. Elle avait souhaité le réconforter lorsqu'il avait parlé de sa famille, pensant probablement qu'aborder ce sujet le rendrait triste mais ce n'était pas du tout le cas. Il n'avait pas eu le coeur de la repousser mais, pour être honnête, il avait eu une enfance heureuse avec son père. Il n'avait certes pas eu de mère, mais ce qu'on n'a jamais eu ne peut pas nous manquer, alors... Melian, de son côté, n'avait pas l'air d'avoir une vie facile, et il n'aurait pour rien au monde voulu être à sa place. Il aurait pu faire un geste pour la réconforter, lui aussi, montrer qu'elle n'était pas seule et qu'il était là pour elle mais... L'effort lui semblait surhumain, et il ne put se résoudre à tendre le bras. Il ne put cependant retenir un sourire quand elle mentionna l'importance qu'avait leur amitié pour elle, en particulier parce qu'il était le premier avec qui elle se lie qui ne soit pas un collègue.

_ Ben... Je vais être franc aussi, t'es la première amie que j'ai qui soit une championne... Et je peux pas dire que ça ait une quelconque importance, mais je suis content qu'on soit amis, en tous cas.

Au moins, elle ne lui tenait pas rigueur d'avoir cherché à en savoir plus sur un sujet manifestement délicat, c'était le principal. C'était probablement parce qu'elle se sentait elle-même coupable d'avoir lancé la discussion sur ce terrain mais il allait profiter de l'occasion pour s'ôter cette affaire de la conscience. Par contre le fait qu'elle n'ait jamais partagé son lit avec un homme auparavant ne le rassurait pas réellement. Enfin si, ça le rassurait, en un sens, ça voulait dire qu'elle était aussi inexpérimentée que lui sur... "ce" plan-là, et si il avait reçu cette information à n'importe quel autre moment, il aurait pu souffler, mais le simple fait qu'elle le dise ici, dans ce lit, aussi directement, était assez inquiétant. C'était le genre de phrase qui pouvait facilement passer pour une invitation déguisée. Enfin pour une personne autre que Melian. Pas elle. Non. Non ? Pitié, faites que non. Il se concentra autant qu'il pouvait sur cette pensée, afin de faire taire la partie de son cerveau qui espérait quand même un peu que ça soit une espèce d'invitation. C'était terrible, sentir le corps de la jeune fille aussi proche du sien le faisait débloquer complètement.

Le fait qu'elle lui demande, quelques instants plus tard, si il voulait bien qu'elle l'accompagne lors de son retour à I'Mai, n'arrangea rien. Est-ce qu'elle disait ça parce qu'il lui plaisait autant qu'elle lui plaisait ? Est-ce que c'était une simple proposition tout ce qu'il y a de plus amical ? Après tout elle lui avait proposé de voyager avec elle alors qu'elle ne le connaissait pas du tout, alors une fois de plus ou de moins...

_ Euh... Pourquoi ? demanda-t-il avant de se reprendre aussitôt. Enfin, je veux dire, oui, si tu veux m'accompagner ce sera avec plaisir. Il y a pas grand chose à voir, je crains, mais... Les montagnes sont jolies.

Bon, c'était pas avec des arguments comme ça qu'il allait faire exploser le tourisme sur la petite île Terrosienne, mais la championne semblait vouloir l'accompagner de toute façon alors il n'avait pas besoin de se montrer trop convaincant. Il se refusa par contre à réagir lorsqu'elle affirma apprécier sa conversation. Ca ressemblait trop à une moquerie pour être un vrai compliment, mais d'un autre côté il voyait mal la jeune fille se moquer méchamment. C'était sans doute une tentative pour le faire réagir, pour détendre l'atmosphère. Un échec total, mais c'est l'intention qui compte, pas vrai ? Edward se détendit néanmoins quelques instants après lorsqu'elle demanda comment Spike et lui s'étaient rencontrés. Il se tourna une nouvelle fois dans le lit pour se rallonger sur le dos.

_ Euh... J'étais parti chercher des herbes dans les montagnes et j'ai été surpris par une tempête. Il y a eu un éboulement et j'ai trouvé Spike coincé sous un rocher. Il était blessé alors je l'ai ramené chez moi. Il était terrorisé et j'ai pas fait attention, du coup je me suis blessé sur ses épines et je me suis évanoui en arrivant chez mon père.

Le Nidorino alongé au pied du lit laissa échapper un grondement un peu triste qui fit sourire son dresseur.

_ T'inquiètes pas, Spike, c'est pas ta faute. Et puis on est en bonne santé tous les deux, c'est le principal, non ? Il soupira. Enfin... Voilà comment ça s'est passé, en gros. Depuis on voyage ensemble. Gale, je suis tombé dessus en visitant la Cave de la Lune et Leaf ben... T'étais là. On devrait essayer de dormir quand même, ajouta-t-il après un moment. On embarque demain, ça risque d'être une journée fatigante. Bonne nuit, Melian.

Le mot important dans la phrase était "essayer". La jeune femme disait douter de réussir à trouver le sommeil et Edward savait pertinemment bien qu'il n'arriverait pas à fermer l'oeil à moins d etomber de fatigue. Le point positif était que les événements de la journée et sa blessure l'avaient épuisé, mais il avait encore quelques heures devant lui avant de réussir à atteindre le pays des rêves. Une partie de lui aurait aimé continuer cette conversation jusqu'au petit matin, mais la partie en question n'avait émis aucune suggestion quant aux sujets à aborder. Il se retourna vers le bord du lit et soupira. Faute de dormir, il allait au moins essayer de se reposer.

[Melian]

La jeune demoiselle réprima un bâillement, toujours roulée en boule dans le lit. Elle écoutait les réponses du garçon près d'elle, se sentant rassurée lorsqu'il avait décidé de se mettre sur le dos et donc de ne plus lui tourner le dos. Sa proposition pour l'accompagner à I'maï semblait l'avoir surpris, et sa première réaction ressemblait un peu à un refus. Mais peut-être que comme elle, il s'interrogeait sur les raisons de sa venue. Le tourisme c'était bien, mais le blond ne devait pas être dupe, Melian n'était pas vraiment le stéréotype de la touriste qui voyage pour simplement voir du pays. Lorsqu'elle partait quelque part, c'était dans un but précis. Si elle allait à Nalcia, c'était pour trouver un Airmure, rendre Hoshiyo à sa dresseuse et s'assurer des soins apportés à Ganka et Kajin'. Elle voulait veiller que le Luxray se remettait correctement de ses blessures. Quant à la jeune mère, elle désirait voir si ses jambes fonctionnaient correctement à nouveau et pourquoi pas faire un petit check-up au nouveau-né. Autrement dit, elle avait pas mal de trucs à faire une fois arrivée, mais elle avait une destination, des raisons précises d'y aller. L'itinéraire, c'était autre chose, ils faisaient au plus pratique et agréable. C'était aussi un temps de repos pour elle, et elle désirait en profiter. Les challengers n'auraient qu'à aller voir Gareth ou revenir plus tard. Elle aussi elle avait droit à des vacances, et elles commençaient plutôt bien si l'on mettait de côté un Insécateur un peu fou, et une nuit stressante dans un lit. Mieux que ses précédentes vacances où son père l'avait attaqué le jour de son départ et où elle avait fini par voir une espèce de revenant dans des ruines à Otaï.

« Pourquoi ? Je t'avoue que la première réponse qui me vient est parce que j'ai envie. Et puis euh... Un natif de l'île saura bien m'en faire apprécier toute la beauté je pense. Pour le moment, j'apprécie ta compagnie, il n'y a pas de raisons que ça change et ça me ferait plaisir aussi de te suivre. Mais bon, on n'y est pas encore, d'abord Nalcia. »

Saint Arceus que ses arguments étaient bidons. Du vrai carton pâte. Elle se serait giflée pour le coup du natif de l'île qui serait plus convaincant. Déjà, Ed ne devait pas être la seule personne à être née là-bas, et ensuite, qu'est-ce que c'était ridicule ! Elle avait préféré se rattraper, et couper court en parlant de leur but actuel, l'île du peuple du vent.

Elle sourit doucement et écouta son histoire concernant le Nidorino. C'était plutôt mignon en réalité, un hasard de la vie. Elle comprit aussitôt comment il avait pu faire pour se blesser sur les épines du Pokémon.

« Le Point Poison. C'est plutôt redoutable chez les Pokémon poison, mais c'est un atout bien pratique en combat, j'aime bien pour ma part. Enfin du coup, ça n'est pas surprenant que Spike ait été complètement hérissé sous la panique, on ne peut pas lui en vouloir. »

Elle-même se souvenait de sa rencontre avec Kogane. Le jeune Abo se faisait martyriser par des enfants, et il avait tenté de la mordre au tout début. Heureusement pour elle, il n'était pas encore capable de fabriquer des toxines et elle avait juste subi la morsure. Les Pokémon agressifs car effrayés, elle connaissait. Et la capacité Point Poison se faisait au contact, si le Pokémon perdait le contrôle de son organisme, il pouvait les activer involontairement et les rendre plus virulents. Sa curiosité l'aurait bien poussé à passer sa main sur le corps du Nidorino, mais ce n'était pas le moment et elle ne ferait pas ça sans l'accord du duo. De plus, elle n'avait pas trop envie de montrer à Ed ce qu'elle était capable de faire... Elle craignait qu'il ne s'enfuit en voyant que son corps résistait remarquablement bien aux poisons divers et variés. La gêne du jeune homme était déjà perceptible lorsqu'il insista pour qu'il dorme. Elle hocha doucement la tête.

« D'accord. Bonne nuit Edward, dors bien... »

Elle resta en boule, le nez enfoui dans la couette et ferma les yeux. Elle ne se sentait pas le moins du monde fatiguée mais elle se força quand même à adopter la respiration d'une personne endormie. Elle pensait au jeune homme, à leur rencontre. A leur aventure dans la forêt, où elle l'avait massé pour le soigner face à la poudre paralysante de Leaf. A leur arrivée dans la ville, à ce bracelet qu'il lui avait offert, à l'attaque des Tentacool... A ce nouveau massage qu'elle lui avait fait, aux insinuations de l'aubergiste... A sa présence tout près d'elle dans le lit, à sa chaleur, son odeur, à son envie de... de...

Les pensées de Melian divaguaient sans aucune retenue. Elles s'enchaînaient, s'emmêlaient sans aucun lien logique mais le plus naturellement du monde. Et petit à petit, tandis qu'elle se perdait dans ce flot d'idées, elle finit par s'endormir, toujours en position fœtale, le nez dans la couette, pas loin du jeune homme.

Lorsqu'elle se réveilla le lendemain matin, elle avait remarquablement bien dormi finalement. Trop peu, mais bien. Le blond avait aussi trouvé le sommeil. Si ce n'est qu'elle était presque blottie contre lui, leurs corps s'étant rapprochés dans leur sommeil, ils n'avaient pas fini dans des positions indécentes. Elle se leva en silence et se prépara, avant de réveiller en douceur son ami en souriant. Ils devaient avaler leur petit déjeuner en vitesse et foncer au port pour embarquer. Leur voyage continuait.

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