[ Clos ] Et vivre toujours... [Solo]

[Jiyuu]

[Contrainte n°8 : Retourner dans son passé.]


La chevaucheuse marchait tranquillement, Fuusen accroché à son bras, à son habitude. Elle traversait la savane sans se presser, se calmant après une folle course, appréciant les hautes herbes qui glissaient sur ses jambes au fur et à mesure qu’elle avançait. L’air ambiant était chaud et lourd, mais la Nalcienne ne se préoccupait pas de la température ou de l’humidité. Elle se contentait d’apprécier les courants du vent et se laissait bercer par eux, écoutant les sons qu’il transportait et contemplant les couleurs du paysage.

Elle avait laissé Daisuke aux mains d’Aguei, après leur petite aventure. Ils ne leur avaient fallu pas longtemps pour se réveiller, et comme la demoiselle, ils se souvenaient avec une précision curieusement floutée de leur rêve. Selon le second Nalcien, c’était des Nanméouie, des créatures de ce monde ressemblant aux Lucky* d’Érasia, qui avait probablement soigné les blessures du petit. Les trois avaient ensuite passé un peu de temps ensemble, déjeunant, et apprenant à se connaître. Jiyuu avait beaucoup apprécié la présence des deux garçons, et du plus âgé en particulier, mais sentait de plus en plus le besoin de se retrouver seule pour réfléchir à ce qu’elle venait de vivre. Elle avait mis les voiles après leur avoir souhaité tous les deux que du bonheur pour la suite.

Dans son enfance, on lui avait toujours raconté que chaque personne était unique et possédait ses propres mérites, et qu’il était du devoir de chacun de les respecter. On lui avait dit que c’était ainsi que l’on pouvait créer un monde de paix et de sérénité, à condition que chacun soit capable de faire preuve de ce grand acte d’humilité qu’est de comprendre l’autre. Avec cette philosophie en tête, elle s’était toujours appliquée à voir les qualités des autres.

Puis elle était rentrée dans le monde « réel », sortant de la bulle de son village pour essayer de découvrir ce qui se trouvait de l’autre côté de ce rideau d’arbres. Elle avait rencontré Echo et Daniel, qui avaient renforcé sa vision chimérique de la vie, de l’être humain et de la société. Ils s’étaient amusés ensemble, avaient fait des découvertes, avaient appris à se connaître.

Toutefois, sa curiosité l’avait poussé à monter au-dessus des nuages, par-delà les frontières du ciel, à la découverte de la nouvelle terre volante. Elle était allée le visiter avant même d’explorer les contrées de son propre continent, plus intriguée par les forces à l’œuvre dans ce mystère dont tout le monde semblait parler. Elle s’attendait à trouver une vie aussi imagée et colorée que les exemples qu’elle avait rencontrés à Nalcia.

Mais ce sur quoi elle était tombée avait troublé toutes ses croyances et tout ce en quoi elle croyait. Ce démon avait pris plaisir à massacrer toutes les créatures qui avaient « osé » se dresser sur son chemin. Elle avait tué des êtres vivants justes sous prétexte qu’ils se trouvaient là au mauvais moment, détruisant des vies sans se préoccuper de l’esprit qui se trouvaient derrière le corps. En quelques instants, Lilianthe avait anéanti et crapahuté tout ce que ses parents et ses maîtres lui avaient enseigné.

Détruite, elle s’était traînée comme un zombie jusqu’à la Place d’Ivoire, incapable de réfléchir ou d’y voir clair. Lui avait-on menti depuis tout ce temps ? Pouvait-on voir une qualité dans une personne incapable de respecter la moindre vie ? Devait-on la respecter malgré tout ? Jiyuu avait pu être confronté à de la violence et de la tristesse dans sa vie auparavant, mais jamais n’avait-elle pensé que l’on pouvait se distraire de ce genre de pratique.

C’était au moment où elle se posait toutes ces questions que ce « Munna » était venu à sa rescousse. Il lui avait fait comprendre, via ce monde onirique, que si ses peurs étaient légitimes, ce n’était pas pour cela qu’elles devaient prendre le dessus sur ce en quoi elle croyait. Si la Flaminoise avait ainsi détruit toutes ses personnes, elle avait sans aucun doute possible une raison, et en se limitant à la vision externe de l’histoire, elle ne pourrait jamais comprendre ce qui avait pu traverser la tête de la blonde à ce moment-là. Son but maintenant, était de déchiffrer ce que cette femme avait pu voir et l’aider à comprendre à son tour. Elle devait être le mentor de ces êtres qui, eux, n’étaient pas capable de voir au travers les yeux des autres.

Cependant, la question subsistait de savoir si elle était capable de mettre en œuvre toutes ces belles pensées. Était-elle assez forte, physiquement et mentalement, pour se lancer dans cette entreprise ?

Le vent grondait de plus en plus effréné alors que les courants se rafraichissaient brusquement. Au loin, elle pouvait voir le bord du continent, et sentait la chute vertigineuse qui attendait celui qui s’en approchait de trop près. Elle soupira. La chevaucheuse n’avait aucune idée si elle était prête ou pas, mais elle devait être capable de trouver une solution pour juger son talent. Et, même si elle n’était pas assez hardie, elle s’entraînerait et méditerait jusqu’à le devenir.

Lançant un dernier regard derrière elle, elle salua le continent volant, avant de bondir pour rejoindre la terre ferme, ses deux éventails en main, tel un papillon dans le vent. Elle avait des choses à faire, et ces choses ne pouvaient attendre.


[*Leveinard]