L'oracle des ombres [ Solo ]

[Andromède di Neralitha]

L'oracle des ombres

Contrainte n°3: Faire intervenir un personnage étranger

Depuis quelques temps, les rêves d’Andromède s’étaient mués en des cauchemars lucides, réveillant en lui des peurs nouvelles. Les songes dans lesquelles il revivait les expériences traumatiques de son passé s’étaient effacés pour laisser place à une horreur indicible qui ne provenait non pas du monde extérieur mais bien de lui-même. Il faisait face à sa nature profonde, ce qui le définissait en tant qu’homme, ce que nous appelons communément le « je » ou encore l’inconscient.

Les environnements de cet espace oniriques étaient changeants, ils ressemblaient tantôt à des bribes du passés, des paysages du continent céleste, tantôt à des horizons inconnus et inquiétants. Même si ces rêves étaient fréquents, il n’arrivait jamais à comprendre avec exactitude le déroulé des événements. Parfois, il s’asseyait au bord d’un point d’eau avant d’être pris d’une psychose fulgurante et de se lacérer la peau comme si des milliers d’Aspicot lui grouillaient sur les bras. D’autres fois, il se retrouvait face à un miroir mais il ne se reconnaissait pas dans le reflet qui s’y trouvait. Il était différent, ses yeux bleus avaient laissé place à deux iris mauves et ses cheveux bruns étaient désormais noirs comme l’hérétique.

Mais il était toujours tout seul. Jamais il n’avait d’interaction avec d’autres êtres humains. Il était ainsi prisonnier de son propre esprit qui s’amusait à lui jouer des tours et le piégeait dans une torpeur solitaire. Ce n’était que des rêves après tout ? Aussi loin qu’il s’en souvienne, ses nuits avaient toujours été rythmées par le requiem sinistre joué par ses démons. Cependant, ceux-ci étaient clairement différents.

Cette fois-ci, ses songes étaient différents. Il reconnaissait l’endroit, une île particulièrement angoissante du continent céleste. L’atmosphère était lourde, le vent mauvais et le maudit pouvait sentir un goût âpre dans la bouche. Outre ces éléments alarmants, le plus étrange était cette femme perchée au sommet d’une structure en ruine qui l’épiait. D’aussi loin, il pouvait à peine distinguer la couleur de ses vêtements mais il était sûr d’une chose : il pouvait voir son visage.

Etait-ce la vision d’un membre de sa famille ? Seuls les visages des di Neralitha frappés d’une malédiction pouvaient normalement être perçus par le maudit. Ou peut-être que ce monde onirique n’obéissait pas aux mêmes règles que notre monde matériel.

« On ne t’a jamais dit que c’est très impoli de dévisager une dame, Andromède ? » lui susurra une voix au creux de son oreille qui lui décrocha un cri de surprise.

En une fraction de seconde l’étrangère s’était glissée derrière lui alors qu’elle se trouvait auparavant à l’extrême opposé du maudit. Les règle de cet univers éthérées étaient décidément bien étranges.

Le garçon fit volte-face et se trouva nez à nez avec son interlocutrice. Elle avait des cheveux violets et son corps était couvert d’une longue tunique aux couleurs sombres.  Fixé sur son crâne trônait une énorme gemme en forme de corne qui semblait avoir été sculptée dans le plus pur des cristaux. Il en émanait une énergie étrange et malsaine. Ses yeux étaient à moitié fermés, elle avait une expression vide et maussade. Aucune émotion n’était peinte sur la toile pâle de son visage. Même si elle avait l’air faible, le teint malade et mourant, le maudit avait la conviction que, si elle le voulait, elle pourrait lui arracher le coeur à main nu et cracher dans le trou béant de sa poitrine par pur sadisme.

« Avant que tu me demandes qui je suis je vais répondre à ta question. » commença-t-elle avant de disparaître et de réapparaître quelques mètres plus loin « je suis ce que tu veux devenir mais dont tu n’as pas encore conscience ».

Il y avait dans sa douce voix quelque chose d’inquiétant. Une lenteur morbide et forcée, comme si garder le contrôle lui était difficile. Comme si elle pouvait perdre pied avec la réalité à tout moment.

« Ton but, chercher à entrer dans la secte de Zekrom, n’est qu’une distraction. Tu es promis à de grandes choses. Comme je l’étais. »

Le maudit haussa un sourcil inquiet « Une simple distraction ? ».

« Pas tout à fait. C’est une étape obligatoire en vu de ta sublimation » expliqua-t-elle en se téléportant encore une fois de l’autre côté du manchot.

« Ma sublimation ? Je ne comprends rien venez en droit au but ! » s’impatienta Andromède qui n’aimait pas la tournure que prenait la conversation.

L’étrangère ricana. Ce fût d’abord un rire féminin et doux, celui de n’importe quelle jeune femme. Mais il se mua très vite en un son fou et aliéné. Sa voix semblait se dupliquer, tantôt en un mix de voix humaines et tantôt en des voix semblables aux cris de Pokemon. Son expression avait changé, la folie sectionnait son visage d’un rictus dérangé et ses yeux semblaient sortir de leurs orbites.

Sans expliciter son propos, et toujours embarquée dans sa psychose, l’étrangère manipula le sang du garçon et, en un mouvement de main, fit s’échapper l’hémoglobine du maudit par les pores de sa peau, lui promettant une mort lente et douloureuse.


Puis, dans un sursaut terrifié, il se réveilla.

ASHLING POUR EPICODE

[Andromède di Neralitha]

L'oracle des ombres

Contrainte n°2: Insister sur la psychologie du personnage

Andromède n’allait pas bien. Pas bien du tout. Depuis que l’homme étrange avait sondé son esprit dans les Vestiges d’Ebenes, réveillant sa maîtrise de l’eau, tout semblait avoir changé. Sans le savoir, il avait ouvert la boîte de Pandore de son esprit : un graal impie gorgé des idées les plus sombres.

Même si il n’avait jamais été sain d’esprit, le maudit avait réussi à garder la tête froide pendant plusieurs années. Son seul dérapage fût l’assassinat de sa famille, rien de bien grave en soit, ils l’avaient mérité. Le doux baiser de la mort n’est rien contre une vie de souffrance et le garçon en savait quelque chose. Il aurait préféré mourir cent fois plutôt que de continuer à se battre pour vivre en dépit de tout ce qu’il avait enduré. Les violences, les humiliations, les gestes incestueux… tout cela l’avait marqué au fer rouge, il porterait à tout jamais les stigmates de ce que ses frères lui avaient fait subir.

Mais ces nouveaux rêves étaient le fruit de quelque chose d’encore plus sombre que la lubricité sadique des monstres de son enfance. Il sentait le ver de la folie ramper dans son crâne, utilisant ses neurones comme terreau pour creuser ses galeries insensées. Lorsqu’il était éveillé, le maudit croyait apercevoir des ombres épier ses mouvements. Parfois, il se retournait de manière abrupte pour essayer de débusquer le mal indicible qui se cachait derrière lui. Généralement, cela poussait Luciano à le réprimander. C’était stupide, il savait que tout était dans sa tête… ou en était-il toujours aussi sûr ?

Les supplices qu’il subissait par l’étrange inconnue semblaient si réel. Comme la prémonition délirante d’un oracle sénile. On aurait dit qu’elle essayait de le faire craquer, d’éclater le dernier verrou de sa psyché pour laisser s’échapper une bête enragée et déchaînée perdue dans le tourbillon informe de la folie.

Némésis, inquiète comme à son habitude de la santé de son dresseur, essayait de l’apaiser comme elle l’avait toujours fait. Mais il était de moins en moins réceptif aux pouvoirs psychiques de la féline. C’est comme si son âme s’était emmurée dans un dédale cauchemardesque aux murs d’obsidienne. Chaque fois qu’elle essayait de rentrer en contact avec lui, elle était assaillie de visions démentes, des gerbes de sang et des cadavres entassés dans des formes impossibles. Elle pouvait y voir un Andromède différent s’approprier cette souffrance et atteindre une extase immorale, une férocité impure entachée d’une luxure orgiaque.

Ce n’était pas ces images qui lui faisaient réellement peur. Elle connaissait bien les tréfonds de l’âme humaine. Ce qui lui donnait véritablement des sueurs froides c’était la sensation de proximité qu’elle avait avec cette incarnation du maudit. Sa psychose était palpable, à peine dissimulée. Dans le monde des rêves comme dans le monde physique elle savait qu’il se dégradait. Il était gangrené par un mal incurable, un poison fulgurant qui dévorerait bientôt les bribes fragiles de la personne qu’il était.

Ce n’était qu’une question de temps avant que sa vraie nature ne fasse surface. Celle qu’il avait inlassablement tenté de dissimuler. le spectre éthéré de ses vices prendrait bientôt possession de son corps, réclamant son dû. Oui, ce n’était qu’une question de temps avant que les ténèbres ne consument le manchot à l’iris bleu et le transcende en un être délirant et dangereux.

ASHLING POUR EPICODE