[ Clos ] I'm affraid in no ghosts...

[Silver Belister]

« Rends-moi mon chapeau ! »

Mais l’oiseau voleur ne m’écouta pas et se contenta de se percher sur une branche un peu plus haute, un haut-de-forme sur la tête.

« Miiiiiiiint !Miiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiint aime les chaaaaaaapeauuuuuuuuux ! »

C’était la seule phrase que mon Pokémon savait dire. Par contre, il savait exactement ce qu’elle voulait dire : il me volait mon accessoire à la moindre occasion. Ce Pijako était mon tout premier Pokémon, et aussi mon meilleur ami. Finalement, je le rattrapai alors qu’il volait un peu trop près de moi pour me narguer et commençai à le gratter sur le poitrail. Il adorait ça, mais cela eut surtout pour effet de le faire rire, ce qui me permit de récupérer mon atour. Mais alors que je jouai avec lui, l’arbre derrière moi où mon Pijako était retourné se percher pour se soustraire à mes chatouilles prit soudainement feu. Tétanisé par ce spectacle, je ne pus rien faire sinon entendre ses horribles cris d’agonie. Malgré tous mes efforts, je n’arrivais pas à bouger pour lui porter secours.

Soudain, une autre voix se manifesta, mais au-dessus de  moi. Une voix qui chantait une chanson sur un timbre désespérément faux, en roulant les « r » :

« Un jouuuuuurrrrrr mon prrrrrrrrrinnnnce viendrrrrrrra, un jourrrrr…
Puis soudain
-… Allez debout, il fait jour, fini le dodo !
-Que… Jester ? »

Reprenant mes esprits, je m’aperçus que la Fantominus se trouvait dans la chambre que j’avais louée pour la nuit, flottant au-dessus de mon lit, juste au sommet de ma tête. Comme je ne me levai pas assez vite à son goût, elle me donna un grand coup de langue, et tandis que je m’habillai pour la journée, elle me demanda par télépathie :

« Alors, quel est le programme du jour ?
-J’en sais rien moi. C’est toi qui nous as aiguillés sur une fausse piste !
-Oui, oui, bon, Fiesta n’était pas au marais. Mais il m’avait dit qu’il aimerait bien s’envoler pour Tenkei alors je pense qu’on pourra le trouver par ici.
-Je l’espère. Dis-moi, ton ami le Baudrive, il aime bien les endroits où se trouvent d’autres spectres, comme le marais brumeux, non ?
-Oui, c’est pas un spectre « ordinaire », lui aussi il a été humain autrefois. C’était un grand musicien. Mais comme la plupart des hommes ont peur de lui ou essaient de la capturer contre sa volonté, il préfère rester loin des vivants et vivre avec les morts.
-Je vois. Dans ce cas, on pourrait tester le Cimetière des âmes, pas loin d’ici. Cette auberge loue des Déflaisan pour le tourisme à la journée. On y sera vite
-Ca marche ! »

Poussés par mon désir de récupérer le talent de manieur de vent que j’avais jadis, Jester et moi nous étions rendus au marais brumeux, lui de renaissance de la Fantominus, où un de ses amis, un Baudrive nommé Fiesta serait en mesure de m’aider. Partis d’Alfen, nous apprîmes, en arrivant là-bas, que le ballon était parti découvrir d’autres contrées. Comme il avait exprimé plusieurs fois en présence de Jester son désir de découvrir Tenkei, nous nous y étions rendus.

Au premier abord, trouver un Baudrive sur un continent aussi vaste que Tenkei pouvait sembler relever de la folle entreprise. Heureusement pour nous, les spectres étaient des Pokémon particuliers, qui se regroupaient souvent dans des endroits précis et bien localisés. Au final, renseignements pris auprès  des autochtones, j’avais dressé une liste de six lieux possibles, comprenant cimetières, îles maudites et une cabane hantée. Nous en étions à l’exploration de notre quatrième point d’intérêt, et celui-ci comptait beaucoup de Pokémon fantômes en son sein, contrairement à la cabane que nous avions visitée deux jour auparavant, pas très fréquentée. Qui sait, peut-être aurions-nous plus de chance aujourd’hui ?

Je réglai ma note auprès de l’aubergiste et louai un de ses Déflaisn pour la journée. Il m’expliqua que ses oiseaux étaient dressés pour revenir d’eux-mêmes chez eux à la tombée de la nuit. Aussi, je ne devais pas trop trainer. Je le remerciai, enfourchai mon oiseau et décollai. Jester s’était installée au sommet de mon crâne afin de mieux profiter du vol.

« Alors comme ça, on a fait de beaux rêves cette nuit ? me taquina-t-elle
-Mais de quoi tu parles ? La seule chose dont je me souviens, c’est un cauchemar avec des flammes !
-Oui, mais avant ! Il y avait cette fille dans tes pensées !! claironna-t-elle
-Une fille ? Quelle fille ?
-Ben ta petite amie !
-TU m’apprends quelque chose là !
-Mais si, tu sais, dit-elle malicieusement, la fille avec qui tu étais avant qu’on se rencontre
-Je la connais à peine…
-Mais elle hante déjà tes pensées, chantonna-t-elle.

-Ahah, très drôle. Mais comme je ne lui tenais pas rigueur de son petit jeu, je lui fis un clin d’œil juste après, ce qui la fit éclater de rire. Mais après tout, ce qu’elle disait n’était pas si absurde. Oh, non pas que je me sois amouraché de cette fille, nous n’étions resté ensemble que quelques heures ! Mais il y avait son nom que j’avais retenu. Kajin. La protégée de la furie d’Alfen. Mais elle me rappelait aussi quelqu’un d’autre, une personne que je n’avais aperçue qu’une fois dans ma vie. Mais cette personne n’était pas n’importe qui… Et vu les blagues qu’avait fait Jester, elle était au courant du rapprochement que j’étais en train de faire. Rapprochement ceci dit fondé sur aucune preuve. Pas de quoi s’emballer, donc ! Mais au fait…

« Tu maîtrise le Dévorêve ,non ?
-Non, pas du tout. Lire dans les pensées, communiquer par télépathie, c’est une chose. Aspirer les rêves pour s’en nourrir c’en est une autre. En fait, je suis encore assez peu expérimentée en combat psychique. J’ai du mal à lire tes pensées quand tu es bien réveillé, comme maintenant. Mais la nuit, tes défenses mentales faiblissent naturellement et j’ai de quoi m’occuper pendant que tu dors !
-Donc tu ne peux pas entrer dans mon esprit quand je suis en éveil… Sauf si je te laisse faire comme maintenant, c’est ça ?
-Oui. Et encore, j’ai du mal à pénétrer dans l’esprit des gens que je ne connais pas. Toi, je sais pas pourquoi mais j’ai réussi à te parler du premier coup !
-Lors de notre rencontre, j’étais abruti par l’alcool, je te rappelle !
-Ah oui, c’est vrai ! T’étais drôle !!! »

Quelques secondes plus tard, je repris :

-Au fait, quel âge as-tu ?
-Ben ça dépend de quel âge tu parles. Si tu parles de ma vie humaine, j’ai vécu 12 ans. Mais ça fait aussi 12 ans que je suis une Fantominus ! Donc en tout, j’ai 24 ans !
-Donc dans tous les cas, tu restes plus jeune que moi.
-Hé ouais, papy ! Ah, je crois qu’on arrive !

Effectivement, le Déflaisan amorçait sa descente. Jester passa l’heure suivante à s’entretenir avec les spectres du coin pour leur demander s’ils avaient vu un Baudrive nommé Fiesta. Quant à moi, j’explorai le lieu et me recueillit un instant sur les tombes. A ce moment-là, la Fantominus me rejoignit d’humeur maussade :

« Bon, pas la moindre trace de lui…Ben, t’as des Pokémon enterrés ici ou quoi ?
-Non. Je rendais juste hommage aux morts. Il y a pas mal d’oiseaux enterrés ici.
-Comme ça, sans raison ?
-Tu as vu mon cauchemar de cette nuit, non ?
-Tu… Tu veux dire que c’est ce qu’il s’est vraiment passé ? Ton Pijako a brûlé ?

Avais-je envie d’en parler ? Non, pas vraiment. Mais je devais quelques explications à Jester. Si elle voulait me suivre, elle devait savoir à qui elle avait à faire.

-Oui, mais pas cette manière. Pas dans un incendie de forêt. Je t’ai déjà dit qu’avant… Tout ça, j’étais déjà magicien. Mais ce que je ne t’ai pas dit, c’est que mes partenaires de l’époque étaient tous des oiseaux, dont le Pijako que tu as vu faisait partie. Ils sont… Ils sont tous morts à cause d’un tour raté.

Jester avait l’air maintenant bien plus soucieuse :

-Oui, ça aussi tu me l’as dit mais si tu veux pas continuer…
-Ca devait être un gros tour, un truc bien spectaculaire. Je devais prendre feu et mes oiseaux devaient s’embraser à ma suite au contact de mon corps. Normalement, nous étions tous enduits d’un produit isolant qui devait nous protéger des flammes juste assez longtemps pour que le numéro réussisse. Je l’avais même testé avant la représentation avec mon briquet, et ça fonctionnait. Mais il était sous-dosé. Rapidement, j’ai commencé à ressentir les effets de la chaleur, et j’ai senti que quelque chose n’allait pas. J’ai alors commis la pire erreur de ma vie : j’en ai informé mes Pokémon. Mon Bekipan s’est alors échiné, sans succès, à éteindre le feu mais voyant que ça ne fonctionnait pas, tous mes autres Pokémon se sont alors relayés pour tenter de me transporter jusqu’à un lac proche. Tous se sont embrasés à mon contact, et tous ont péri dans les flammes. Au final, mon Békipan, voyant que ses jets d’eau ne suffisaient pas, a alors tenté de couvrir le feu de ses ailes. Mais il s’est brûlé lui-même.

-Mais, et ton Pijako ? Il a pas pu te transporter quand même ?!
-Non. Il a été le premier à mourir. Il a simplement voulu s’approcher de moi pour vor ce qui clochait avec les flammes, alors que je commençais à aller mal. Elles se sont alors intensifiées brusquement, et il y est resté. Aucun d’entre nous n’a eu le temps de réagir.
-Je suis vraiment désolée »… Elle resta pensive quelques  instants, puis me dit d’une voix beaucoup plus douce que d’ordianire :

« C’est quand même curieux, non ? Je veux dire, les flammes qui s’intensifient d’un coup, qui peuvent pas être éteintes… T’es sûr qu’on t’as pas plutôt refourgué un abrasif ?
-J’y ai pensé. Mais je ne vois pas qui l’aurait fait, ni pourquoi. »

Je mentais à moitié sur cette dernière proposition : je n’avais aucune idée précise concernant le qui, mais bien quelques idées sur le pourquoi. Mais rien de bien concret…

-Mais les spectateurs, ils t’ont pas aidés ?
-Non. Ils ont cru que ça faisait partie du spectacle. D’un point de vue divertissement, ce final a été grandiose. Le public a adoré. Mais le pire pour moi, ça a été quand des fans m’ont demandé de leur révéler mon truc. Pour une fois, il n’y avait aucun « truc ». Pour une fois, je ne leur avais pas servi une illusion… Parfois, je me dis que j’aurais dû rester au fond du lac ou mon Rapasdepic avait finalement réussi à me larguer au prix de sa vie.

Il y eut un silence. Puis :

-Je vois, reprit Jester. C’est pour ça que tu t’es engagé dans la garde. Pour enquêter et voir si cette astuce était utilisée dans des affaires criminelles, hein ?
-Oui. Mes chances de résultats n’étaient pas garanties, mais c’était mon seul recours. Un de mes amis, le lieutenant Zénitar, m’a dit qu’il n’avait jamais rien vu de semblable à Nalcia. Et comme à ‘époque, il n’y avait eu que des décès parmi les Pokémon, personne n’avait cherché plus loin. Ce tour était mal préparé, pas prêt, et il avait raté, point final. Inutile de dire que ça m’a dégouté de la magie... nfin au moins j'aurais appris quelque trucs lors de mon passage dans la garde... »

J’avais fourni toutes ces explication sur un ton clame et froid, qui sembalit dénué d’émotion. Au bout de cinq ans, j’avais finalement réussi à parler de ces événements sans m’effondrer, en apartie parce que j’étais devenu Ombre, personnage froid et méthodique qui traquait sans relâche les ténèbres dans le cœur des gens. Dans cette optique, la fable que j’avais servie à Pénombre pour la convaincre de m’accompagner n’était pas complètement dénuée de vérité… Soudain, une sensation bizarre me fit sortir de ma morosité : un truc gluant me chatouillait le visage.

« Aaaaalleeeeez, on souriiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiit ! lança Jester tout en me léchouillant. C’est vrai qu’elle est bien triste ton histoire. Mais tu vas voir, avec moi, tu vas pas les garder longtemps tes idées noires. Et puis au pire, t’as qu’à penser à ta copine pour te remonter le moral ! Comment elle s’appelle déjà ?
-Jester, soupirai-je.
-Hummmm, non, désolée, mais tu es trop vieux pour moi ! Répliqua-t-elle avant d’éclater de rire. Puis elle enchaîna :
-Dis, dis, tu me montres un tour de magie ?
-Je ne sais pas si ?
-Mais si ! Ca te fera penser à autre chose !
-Bon, d’accord. Mais il me faut mes gants. »’

Et je sortis de ma besace mes gants d’un blanc immaculé. Je tirai également une petite pièce dorée d’une de mes poches. Je commençai alors à la jeter en l’air, puis à la rattraper.
« Mouais. Et ?
Au bout d’une dizaine de jonglage, la pièce se dédoubla. Une fois, puis deux. Au final, quatre pièces volaient dans l’air.
-Une idée ?
-Facile ! Les nouvelles pièces sont dans ta manche !
-Mais je t’en prie,  vérifie ! »
Jester s’approcha alors de ma manche.
« Eh, ya un truc qui dépasse ! »
Elle commença alors à tirer le truc avec sa langue, forçant de plus en plus ! Finalement, elle décoinça le « truc » d’un seul coup c’est un foulard blanc qui sortit, la faisant basculer en arrière. Le morceau de soie lui tomba sur la tête , et aussitôt elle lança :

« Houuuuuuu !Houuuuuuuuuuuuuuuuuuuuu !Tremblez mortels, je suis un fantôôôôôôôôôôôôôme !... En même temps c’est déjà le cas ! »

Sa blague me fit sourire, chose qui ne m’était pas arrivée depuis bien longtemps.
-Ah, tu vois que je te change les idées ! Mais bon, sans rire, c’est quoi le truc ?
-Tu n’as rien remarqué sur les ^pièces ?
-Pourquoi, elles sont truquées ? J’ai rien vu moi…. A part qu’elles sont de petite taille ?
-Exactement. En fait, elle sont assez petite pour tenir à quatre sur mon gant, dans le creux de ma main. Tu vois où je veux en venir ?
-Ben non… Si elles étaient dans ta main, j’aurais dû les voir, non ? »
Je lui fis un clin d’œil et relançai une pièce, que je rattrapai de mon autre main.
« L’autre truc, c’est que ma pièce est brillante. Ca attire l’œil. »
Et je tournai ma pièce côté pile. Cette face de  la pièce avait été peint en blanc.

« Attends…. T’as toujours eu quatre pièces dans ta main ?
-J’en avais une cinquième dans l’autre.
Et je la lui montrais. Mais celle-ci était normale, brillante des deux côtés.
-Mais j’aurais dû voir les faces blanches quand tu les lançais, non ?
-Eh non ! Comme je commence avec la pièce normale, ton œil se focalise sur l’aspect brillant de ma pièce. Ensuite, j’en rajoute encore et encore et tes yeux sont abusés par le  nombre. Tu n’as ^pas le temps de te concentrer assez pour découvrir le truc que la pièce est déjà retombée et remplacée par une autre ! Il y aussi le fait qu’un œil normal ne « compte » automatiquement que jusqu’à trois. Pour quatre et au-delà, il te faut fournir un effort pour déterminer combien il y a de pièces. Ensuite, j’ai simplement récupéré ma pièce normal avec mon autre main dès que j’ai lancé la première pièce blanche, puis j’ai lancé les autres juste après pour que tu ne découvres pas la supercherie. Et tu étais tellement concentrée sur les autres pièces que tu n’as pas vu le truc. Le reste c’est une question d’entraînement
-Et tu peux expliquer tout ça sur un si petit tour ?
-Il n’est pas si « petit ». Paraître plus riche que l’on ne l’est peut s’avérer utile !

Jester semblait impressionnée. Puis elle fit la moue :
-Mais je sais pas jongler, moi et je peux pas sans bras !
-Pas de bras, pas de jonglage pour toi ! Blague à part, t’as jamais essayé avec ta langue ?
-Avec ma… Langue ?
-Tu peux la solidifier, non ? Ca devrait pouvoir se faire. Tiens, essaie avec cette balle, dis-je en sortant un autre accessoire de ma besace.
-Eh bien merci, mais pas pour le moment, répondit Jester en avalant l’objet. Regarde, ya un mini spectre là-bas que j’avais pas encore vu. TU sais ce que c’est comme espèce ?
-Euhhhh un Pitrouille, je crois ?
-OK ben j’vais lui demander pour Fiesta ! »


Et elle fonça sur le petit spectre. Elle ne s’arrêta qu’à quelques centimètres de lui et lança :
« Salut salut ! Moi c’est Jester ! Dis, t’aurais pas vu un Baudrive qui s’appelle Fiesta passer dans le coin ? Il jour du violon et des maracas ! »

[Faé Fa]

Spoiler:

Le jeune Pitrouille repéré par Jester se trouvait confortablement installé au sommet d’une des nombreuses pierres tombales qui peuplaient le cimetière. Initialement dos au Fantominus, il sursauta en le sentant se rapprocher rapidement et se retrouva dans les airs, à quelques centimètres seulement de l’autre spectre. Un fantôme qui avait peur d’un fantôme au cœur d’un cimetière… C’était assez ironique comme situation. Heureusement, la citrouille reprit son calme rapidement en voyant l’autre se présenter et l’accueillit d’un large sourire, révélant au passage ces deux longues canines supérieures qui donnaient un air presque maléfique à son espèce. Pourtant, celui-ci paraissait aussi gai qu’inoffensif !

Visiblement ravi de rencontrer un camarade spectral, il se présenta à son tour sous le nom de "Boo" et ajouta, via ce langage si particulier des Pokémon, qu’il n’avait pas croisé le moindre Baudrive aujourd’hui… mais qu’il aurait adoré en rencontrer un doté d’un tel talent ! Il précisa même qu’il serait ravi d’aider à le retrouver. Il était rare qu’un spectre soit doué en autre chose que de simples mauvais tours destinés à effrayer les passants. Et il était encore plus rare qu’une douce mélodie ne vienne briser le silence morbide qui régnait sur le cimetière.

Qu’à cela ne tienne ! Puisqu’aucune musique ne souhaitait égayer l’atmosphère des lieux, quelqu’un d’autre s’en chargerait à sa façon. Un rire joyeux s’éleva de l’autre côté de la pierre tombale, révélant la présence de la dresseuse du Pitrouille. Amusée par l’apparition d’un second spectre, l’enfant s’adressa la citrouille d’une voix ravie :

« Eh bien, Boo, tu t’es trouvé un ami ? »

Interpellé par sa dresseuse, le fantôme citrouille se tourna dans sa direction. Les deux s’observèrent dans les yeux un court instant, comme s’ils arrivaient à communiquer par ce simple regard. Presque aussitôt, le rire de l’enfant reprit tandis que le spectre se tournait à nouveau vers le Fantominus.

« Coucou Jester ! Moi c’est Faé ! », Lança-t-elle d’une voix chaleureuse dans la langue de Tenkeï.

D’une façon ou d’une autre, elle semblait avoir suivi la discussion des deux spectres. Elle lui fit un bref signe de la main avant de reporter son attention sur son occupation du moment.
Accroupie au-devant de la pierre tombale, Faé avait étalé quelques affaires sur le sol, parmi lesquelles une résine d’origine Dyrinnienne capable de consolider une grande majorité des matériaux les plus communs. Elle l’utilisait présentement pour réparer l’un des nombreux vases fleuris qui parsemaient le cimetière, et qui s’était retrouvé fracassé sur le sol lors d’une soirée agitée. Une fois la fissure comblée et les deux morceaux de porcelaine réunis, elle replaça des fleurs à l’intérieur du vase avec délicatesse, recréant un bouquet aussi coloré que sa propre tenue.

Lorsqu’elle fut satisfaite, l’enfant afficha un large sourire sur son visage, rangea ses affaires et se redressa en clamant avec ferveur :

« Et voilà, il est comme neuf ! »

Une fois debout, elle épousseta ses vêtements tout en posant son regard sur la pierre tombale afin d’y lire l’épitaphe :

« Ci-git Agnès Lagnasère… », Murmura-t-elle à demi-mot.

Son regard se troubla, tandis qu’elle survolait le restant de la stèle. Cette femme, qui qu’elle soit, avait succombé comme beaucoup d’autres lors du cataclysme provoqué par Mewtwo. Néanmoins, contrairement à la majorité des morts, son corps avait pu être rapatrié jusqu’ici, afin qu’elle puisse être enterrée auprès des siens. Certainement une personne aisée, comme l’on pouvait le deviner en observant la magnificence de la pierre tombale. Il était d’ailleurs amusant de remarquer que Faé la dépassait à peine en hauteur ! Bref, tout ceci éveilla une étrange curiosité dans l’esprit de l’enfant, puisqu’elle ajouta d’une voix perplexe en portant son index à sa bouche :

« Je me demande si elle est là, elle aussi ? »

Suivant ses paroles, Faé observa partout autour d’elle et posa son regard émeraude sur chaque créature qu’elle pouvait percevoir. A savoir, Boo, Jester, et enfin l’autre humain un peu plus loin. Croisant les bras d’un air contrarié, elle secoua la tête avant d’ajouter bêtement :

« Non, non ! Lui, c’est un monsieur… »

Elle s’immobilisa un court moment dans une moue pensive… Puis, comme si elle venait de réaliser ses paroles, elle redressa la tête et sauta sur place en remuant les bras gaiment au-dessus de sa tête pour attirer l’attention de l‘homme :

« Oh, coucou monsieur ! Vivant ou fantôme ? »

Simple, direct, efficace. En tout cas, que cette question soit une blague ou non, la gamine transpirait d’enthousiasme à l’idée de rencontrer une nouvelle personne en ce lieu morbide. L’idée qu’il puisse être un esprit frappeur ou l’origine d’une quelconque hantise sur ce lieu ne lui avait probablement même pas effleuré l’esprit…

[Silver Belister]

Voyant que Jester ne revenait pas, je me rendis à sa rencontre. Peut-être avait-elle obtenu des informations intéressantes. Mais en m'approchant je m'aperçus qu'elle était en train de léchouiller copieusement une jeune fille qui venait d'émerger de derrière une tombe... Probablement la dresseuse de la citrouille. Celle-ci me salua alors en trépignant sur place et me posa une question assez curieuse.

"Je m'appelle Ombre, et je suis bien vivant. Jester peut le certifier
-Je confirme, répondit le spectre, il est vivant. La preuve, c'est qu'il ronfle la nuit!"

Et pour bien marquer a blague, elle me tira la langue. Mais je n'avais aucune raison de relever cette plaisanterie puérile. En revanche, je notai que la gamine m'avait posé a question en Midgardien. Elle était donc native du coin, au sens large du terme.

Heureusement, mes cinq années d'errance à travers le monde m'avaient souvent menées dans des contrées exotiques, et Tenkeï en faisait partie, du moins de mon point de vue de Nalcien. J'avais même eu le loisir d'y apprendre les rudiments de la langue locale, ce qui allait m'être utile pour communiquer avec cette jeune fille.

Mu par une inspiration venue de mon passé, j'abaissai mon parapluie, que je portais jusque là sur mon épaule, et en tapotait le sol. Oh, je n'allais pas me lancer dans un numéro de claquettes! Mais je faisais souvent ça lorsque je débutais un numéro de magie. Cela me permettait de récupérer, d'un mouvement habile, des accessoires cachés à l'intérieur du parapluie. Même si j'utilisais des gants un chapeau et une cape comme la plupart des magiciens, le parapluie restait mon accessoire favori. D'abord parce que le public ne s'y attendait pas. C'était donc un excellent moyen de détourner son attention et e la concentrer sur un objet grand mais "inoffensif" quatre-vingt-dix pour cent du temps. Mais aussi parce qu'il permettait certaines astuces, magiques où autres, bien pratiques... Mais pour pouvoir les utiliser à nouveau, je devais absolument retrouver mes facultés passées.

"Et toi, repris-je à l'adresse de la petite voyageuse, comment tu t'appelles? Et qu'est-ce que tu fais ici? Tu visites?"

Vu son âge, mieux valait ne pas lui demander si elle avait des Pokémon ou des proches enterrés ici... Mais elle ne semblait pas triste ou mélancolique, plutôt curieuse et excitée. Comme si elle s'attendait à découvrir quelque chose de fascinant ici. Emerveillement sans borne de la jeunesse ou véritable trésor caché enfoui en ce lieu? Ou encore les deux...

Mais j'avais dû penser trop fort: Jester s'immisça dans mes pensées et piaffa:
"UN TRESOR? Où ça, où ça?
-J'en sais rien.
-Ben pourquoi tu l'as pensé alors?
-J'ai pensé qu'il y avait PEUT-ETRE un trésor ici. C'est pas la même chose.
-Ben on a qu'à aller voir! Comme ça on pourra questionner les spectres sur Fiesta au passage!
Puis elle se tourna vers la petite citrouille:
-Dis, dis, ça t'intéresse de trouver un trésor, hein?
-Du calme, Jester, intervins-je. Si jamais il y a un trésor par ici, il appartient aux morts. Et je ne pense pas que leurs spectres seront ravis de se faire dépouiller.
-Allez, avoue que t'es curieux toi aussi! Et chuis sûre qu'elle est d'accord avec moi, elle aussi, ajouta-elle en prenant la jeune voyageuse à partie, pas vrai euuuuuuh... Comment tu t'appelles au fait?
-Je suppose qu'on a rien de mieux à faire pour le moment... capitulai-je
-Hé Ombre, regarde là-bas, ya une crypte! Si on allait voir? Chuis sûr que le trésor, il est dans un tombeau ancien!
-Je peux savoir pourquoi les trésors t'intéressent autant tout à coup?
-Bah j'aime bien les trucs mystérieux moi! La magie, les trésors cachés, tout ça! Et les blagues aussi! Et yen a plein ici! Des trésors hein, pas des blagues! Mais je vais y remédier!"

Et comme d'habitude, elle fonça vers la tombe sans attendre personne, avant de s'arrêter soudainement. Alors que j'approchais moi-même de l'entrée de la tombe, je vis pourquoi elle s'était arrêtée: devant l'entrée se trouvait un Sélénox qui était en train de parler avec elle. Lorsqu'il me vit, il arrêta aussitôt sa conversation avec la Fantominus pour me dire d'une voix joyeuse:

"Bonjour! Vous aussi vous venez pour mourir? Remarquez, la mort aussi est un des trésors que vous pouvez trouver ici! Vous verrez, la mort c'est cooooooool! On peut faire ce qu'on veut quand on est mort! Moi je collectionne les cailloux! J'en ai 17 963! Et ils sont tous différents! Vous voyez l'espèce de cairn là-bas? Ben c'est ma collection en fait! Et j'y ai même ajouté des squelettes humains!
-Attends, attends, ne dis rien, coupa Jester. Tu leur as dis qu'il y avait des diamants dans le lot et l'édifice s'est effondré sur eux? demanda-t-elle avec un grand sourire!
-Ouais, répondit le Skélénox en pouffant! Pas mal, hein!
-J'avoue, rit Jester. Mais un peu trop morbide pour moi. Et toi, ajouta-elle en se tournant vers moi, ne t'avise pas de mourir, hein? J'ai besoin de toi pour apprendre la magie. Et j'aime les jolies histoires aussi alors t'as intérêt à survivre et à m'en montrer, hein?
-Tu sais moi et les contes de fée...
-Nan, j'ai pas dit d'en raconter. J'ai dit de m'en montrer!
-Mais de quoi tu parles?
-Tu sais très bien de qui je parle, monsieur le magicien! Hé, Boo, viens voir, ya plein de trucs rigolos par ici! Et dis à ta dresseuse de v'nir!
-Tu es consciente que c'est dangereux?
-Je vous aurais prévenu, ajouta le Skélénox tandis que nous disparaissions sous terre. Bon repos éternel! Revenez me voir un de ces quatre! Et au fait, je connais pas de Fiesta!"

Jester était curieuse et immortelle, puisque déjà morte. Mais moi, pourquoi étais-je descendu ici? Désir de richesses? J'avais vécu comme un ermite, voire un clochard pendant des années. Trouver Fiesta? Ce Skélénox venait de nous apprendre indirectement qu'il n'était pas ici. La gloire? La seule qui m'intéresse est celle de la magie. Mais il y avait autre chose. La voie du magicien. Ce n'était ni un traité mystique, ni une philosophie de vie. C'était une espèce de parcours du combattant situé au plus profond de la forêt d'Agatha à Terros. On racontait que seul un magicien étaient capable de la franchir. J'avais réussi. Au prix de plusieurs côtes brisées. Mais cet exercice avait été extrêmement formateur sur bien des plans, et actuellement, je ne dirais pas non à un petit entraînement ferait l'affaire. Aussi, une tombe piégée géante ferait l'affaire, non? Mais ce n'était pas l'endroit le plus sûr pour une gamine... Si je devais en plus la protéger, alors cette épreuve serait bien, bien plus difficile que la précédente...

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