[ Clos ] La fée mystérieuse

[Eeva Slanzar]

Les bras croisés, les jambes droites, la brune fit onduler ses multiples tresses noires et bleues. Les autres la regardaient avec un air circonspect.

« Il va bien falloir. Ça fait un moment qu’il est partit, il ne l’a peut-être pas retrouvée, ou alors, il s’est fait tuer. »
« Nous l’aurions su. »
«Tu crois ça ? Comment tu retrouverai un cadavre bien précis, quelque part en mer ? »

N’ayant aucune réponse valable, Hellébore ne dis rien. Au fond d’elle, la créature sentait qu’elle avait raison. Cela faisait de nombreuses semaines que l’on entendait plus parler ni d’Eeva, ni de Peter...

« Je sais exactement ce qu’elle va faire. Je sais de quoi elle a besoin et je sais où elle va. »
« Et donc, tu vas aller la chercher seule ? Tu n’as même pas de bateau ! »
« Je n’ai pas besoin de bateau pour voyager en mer. Mais toi, tu pourrais venir, après tout, on ne pourra pas te tuer une seconde fois. »

Uru laissa échapper un sourire mystérieux. Le fantôme des glaces n’aimait ni le ton, ni les insinuations d’Uru. Pour toute réponse, celle-ci quitta le salon de la Championne disparue, et le domaine. Elle laissa derrière elle Benji et Hellébore en plein doute. Qu’est-ce qu’ils pouvaient bien faire ? Pour l’instant, à eux deux, ils faisaient tourner la boutique, mais qui s’occuperait des matches ? Eeva risquait de perdre sa place.

« Je vais la rattraper. On ne peut pas faire autrement de toute façon… Non ? »

Benji acquiesça et Hellébore sortit à son tour, sur les traces d’Uru. L’histoire que leur avait raconté Uru était rocambolesque… Mais jusque-là, elle avait eu raison sur tout, il était tellement dommage qu’elle ait eu trop confiance en Eeva. Ce qui était triste à dire.


Pister Uru ne fut guère facile. Malgré sa condition de spectre des glaces, Hellébore ne trouva personne sur la banquise… Après plusieurs dizaines de minute, Hellébore dû se rendre à l 'évidence… Elle ne ressentait plus l’énergie vitale de la pirate. Sous elle, en dessous de l’épaisse couche de glace, elle vit passer un Wailmer, accompagné d’un banc de Démanta. Les créatures semblaient flotter, elles aussi, de l’autre côté du miroir que représentait la banquise. Leur peau bleue se fondait parfaitement avec la profondeur de l’océan et bientôt, leur silhouette disparu comme un mirage.

Pour une fois, il ne neigeait pas. Le soleil faisait étinceler la neige. Hellébore quitta le nord en se disant que peut-être, Uru avait rejoint la ville. Elle serait toujours plus rapide qu’elle, ne craignant ni la marche lente dans une épaisseur qui lui arrivait presque aux genoux, ni le froid. Au loin, elle vit un Polagriffe accompagné de ses oursons et plus loin encore, un Kaimorse et son troupeau d’Obalie, dont le corps sphérique se détachait de la blancheur. Bientôt, ils ne devinrent que des petits points étalés sur la neige.

Lisse et plate, la Banquise n’en finissait plus. Ce n'est qu’après une longue lévitation en ligne droite que la Gijinka se rendit compte que subitement, l’immense étendue de glace avait pris une forme inattendue. Des pics se dessinaient ici et là, devenant des corps abruptes dont les multiples pointes étincelantes semblaient tranchantes comme des poignards. A d’autres endroits, la glace formait des crevasses. Ce n’est que lorsqu’elle vit des arbres, qu’ Hellébore sut qu’elle avait dépassé les limites du territoire. Elle se trouvait à présent dans les terres enneigées, la terre ferme, mais le paysage restait le même. Flottant dans le silence le plus absolu, si différent du domaine plein d’une vie agitée, son regard accrocha un détail dans le paysage. C’était un petit point. Le petit point passa devant une masse de rocher sombre, lui dévoilant sa blancheur. Uru ? Le fantôme se précipita. Mais ce n’était pas logique, car le point était très petit et avançait dans sa direction. Résolue toutefois, à ne pas rentrer les mains vides, le mâne funeste décida d’aller à la rencontre de ce point en mouvement, qui sortait de la forêt.

Sa vision se troubla. La neige, subitement, s’était mise à bouger. Pleine de grâce et virevoltant comme une fée dans le vent, la forme se précisa et la Momartik fut obligée de plisser les yeux. Brillant d’une blancheur insupportable, le point blanc, était en réalité une créature d’une rare beauté. Un Feunard; Il galopait, soulevant la neige en gerbe à chaque foulée, qui paraissait presque grise tant son pelage immaculé irradiait avec les rayons du soleil. Il passa devant elle comme une flèche, tenant un oeuf dans sa gueule, sa langue rose pendant, on ne savait comment contre l'œuf.

Hellébore inclina la tête, c’était un drôle de spectacle. Lévitant à sa hauteur, elle lui demanda, dans le langage adéquat, où il courait comme cela et s’il avait un dresseur. Si c’était le cas, il ne survivrait pas seul dans ces terres. La créature mystique ne lui adressa en tout et pour tout qu’un regard, sans cesser de courir. La gueule pleine, le Feunard des neiges ne pouvait répondre, mais un hurlement arrêta sur place le spectre. Une meute de Malosse poursuivait le Feunard. C’était eux qu’il fuyait ? Est-ce qu’elle devait l’aider ? Les six barghest la dépassèrent sans lui prêter attention, lui confirmant qu’il en avait vraiment après elle. En fait, la renarde n’essayait probablement que de protéger son œuf… Un instant pensive, Hellébore se retourna. Les Malosse étaient déjà loin et le Feunard blanc invisible.

Abandonnant Uru à son sort, elle partit à la rescousse de celui de l’isatis. Il lui fallut un certain temps pour retrouver la renarde immaculée. Celle-ci avait déjà atteint les crevasses et les pics et bondissait dessus, sa queue flottant comme une bannière, pour échapper aux chiens des ténèbres. Curieusement, Hellébore cru voir un mouvement, avec un pressentiment étrange, avant de se rendre compte… La glace bougeait. Il n’était pas possible que le Feunard blanc l’ai brisé avec ses pattes délicates, et la réponse àla question silencieuse de la Momartik apparut d’elle-même. D’un coup, une horde de Séracrawl  se mit en mouvement. Un vent mortel se leva et il ne se mit pas à neiger, mais des boules de glace, tels des boulets de canon, fusèrent de partout. La lande déchirée était en fait un nid, dans lequel ils venaient tous de tomber. Si cela eut l’effet de faire faire demi-tour aux Malosse, ce qui était plutôt appréciable, l’autre effet ne fut pas si heureux.

De loin, en évitant la pluie de Ball’Glace, elle vit le corps léger et gracieux du renard effectuer un mouvement qui n’était pas très naturel, en cloche, avant de retomber un peu plus loin. Le renard blanc ne se relevait pas, criblé de projectile et l’oeuf avait roulé. Déployant ses propres pouvoirs, confondant ses ennemis dans des Onde Folie, la Momartik profita de leur confusion pour se glisser entre eux. Le Feunard épuisé releva à peine la tête, ne jetant qu’un maigre coup d'œil à l'œuf qui avait roulé sur plusieurs mètres.  Ses pouvoirs spectraux les sauvèrent. les Séracrawl se retournèrent les uns contre les autres, pendant que la Momartik incita le Feunard à se relever. Le domaine n’était plus très loin et là-bas, il y seraient à l’abri. Là-bas, après avoir reçu des soins et après avoir été sustenté, peut-être le Feunard immaculé consentirait-il à leur raconter son histoire… Et celle de l'œuf dont l’énergie vitale était si différente de la sienne.

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