Le passé réparé sous la pluie [Juliette/Violette]

[Violette]

Il nous avait fallu une dizaine de jours pour faire la route entre Alfen et Gilnéas, essentiellement parce que j’avais souhaité faire une partie de la route à pied pour me dégourdir les jambes. Si j’étais resté à dos de Lily tout du long, il ne nous aurait pas fallu plus de deux jours pour faire le trajet… Au pris d’un énorme effort de la part de ma Rhinolove et je ne tenais pas à lui imposer ça. Après avoir passé plusieurs semaines d’affilée sans quitter mon arène ou presque, sentir le grand air sur mon visage me faisait le plus grand bien malgré la fine pluie qui s’abattait sur nous !

Roan, mon arbitre, était revenu de son séjour en famille et il gardait désormais l’arène en mon absence donc je n’avais pas à m’en faire de ce côté là. Hugo m’avait dit qu’il resterait à Nalcia, pas trop loin d’Alfen pour pouvoir être dans les parages quand je reviendrai, ce qui était tout à fait légitime de sa part. Quant à mon frère, lui aussi avait quitté la capitale en même temps que moi et même s’il m’avait dit qu’il repartait en tournée pour ses spectacles, j’avais l’intuition qu’il n’était pas très loin, peut-être attablé dans une tavernes d’un des villages voisins… Avec ce qui m’était arrivé lors de mon dernier match d’arène, je comprenais qu’il ait envie de veiller sur moi, même si je lui avais affirmé que je n’avais pas besoin de lui. Oh cela ne voulait pas dire qu’il m’avait menti : il aurait tout simplement pu repartir en tournée non loin de Gilnéas, par le plus grand des hasards…

Lorsqu’enfin mes Pokémon et moi atteignîmes le village, je ne pus masquer ma déception : la première fois que j’étais venue ici, le village de la Nouvelle-Gilnéas m’avait parue tout simplement féerique avec ses centaines, ses milliers de lanternes rougeoyantes qui descendaient aussi lentement que majestueusement le fleuve, éclairant de leur faible lueur le village des morts en lui donnant une allure aussi mystérieuse que solennelle. Mais aujourd’hui, en plein jour et sous la pluie, les maisons de bois d’un marron sombre prenaient une teinte presque sinistre…

Enfin bon, je n’étais pas venue ici pour admirer le paysage ! Pas uniquement en tout cas. J’étais venue pour rencontrer Juliette et Hugo, qui avait communiqué avec elle par courrier, m’avait assuré qu’elle serait au village aujourd’hui. Comme nous n’avions pas convenu d’un lieu de rencontre précis, je me rendis tout simplement sur la plus grande place du village, décidée à l’attendre assise sur le rebord d’une fontaine en pierre. La pluie était trop fine pour me déranger et de toute façon, j’étais trop focalisée sur mes pouvoirs psychiques pour la remarquer. L’esprit de Doc et le mien étaient en alerte, prêt à repérer le moindre esprit qui ressemblait de loin à celui de Juliette. Nous ne nous étions vues qu’une seule fois plusieurs années auparavant, au tout début de mon périple, mais je gardais malgré tout un excellent souvenir de cette rencontre, d’autant plus que Juliette était la première personne que j’avais réellement rencontré après avoir quitté mes montagnes natales pour la première fois de ma vie. J’en avais le souvenir d’une personne agréable et très gentille accompagnée d’un Goupix et d’un Ramoloss, qui se destinait à devenir Guérisseuse. Quant à moi, je n’était ni aérokinésiste, ni lieuse ni championne à l’époque et Doc n’était qu’une Tarsal. Donc on pouvait dire que j’avais pas mal changé depuis… sans parler de mes trois autres Pokémon que je n’avais pas encore capturées !

Alors que Lulu voltigeait au-dessus des toits environnants comme à son habitude, Lily se reposait dans sa Poké-Ball, fatiguée par le voyage. Quant à Flèche, elle aussi était assise sur le rebord de la fontaine, mais à l’opposé de Doc et moi, comme si elle voulait maintenir une distance entre nous… Ce qui était d’ailleurs très exactement le cas, et ce depuis notre dernier match et le retour d’Hugo.

Alors qu’elle avait fui l’arène pour aller ruminer la colère de sa défaite en ville face au Persian de mon ancien petit-ami, j’avais appris la vérité au sujet du vilain tour qu’elle avait joué à ma mémoire. Finalement, ce furent la jeune sœur de Flèche, Félicie et l’Ectoplasma de mon frère, Jester, qui la retrouvèrent en premier et qui lui apprirent ce qu’il s’était passé à l’initiative du fantôme. Est-ce qu’elle avait bien fait de mettre Flèche au courant de la situation avant notre confrontation ? L’idée n’était pas mauvaise mais la chatte avait tellement eu peur de ma réaction qu’elle avait choisi de ne rentrer à l’arène que le lendemain, après avoir passé une nuit dehors, ce qui ne lui arrivait jamais d’habitude. Depuis, elle ne cessait de s’excuser à chaque fois que j’essayais d’engager la conversation avec elle, ne me laissant même pas le temps de lui expliquer que malgré la colère que j’avais pu ressentir et que je ressentais toujours quelque part, je ne lui en voulais pas pour son geste.

Hier, j’avais cru enfin arriver à un progrès quand lors de notre halte pour la nuit, j’avais réussi à lui exprimer d’une traite ce que je pensais de son attitude sans qu’elle ne m’interrompe. Depuis, elle ne cessait de répéter que je ne devrais pas réagir ainsi, que ce qu’elle avait fait était impardonnable, qu’elle avait trahi ma confiance et que même si moi j’arrivais à lui faire de nouveau confiance, elle ne se pardonnerait jamais de m’avoir trahi ainsi, qu’elle se jugeait indigne de notre amitié…

Cet excès de fierté et de droiture contre elle-même au sein de notre amitié avait quelque chose d’extrêmement touchant, malheureusement, elle mettait également à mal toute tentative de communication. Doc et Lily avaient aussi essayer de discuter avec Flèche pour arranger les choses, sans plus de succès que moi. Flèche leur avait même affirmé qu’elles devraient avoir davantage honte d’avoir elles aussi abusé de ma confiance et qu’elles auraient dû se montrer plus repentantes. J’avais aussitôt dissipé le malaise provoqué par ces accusations auprès de mes deux Pokémon en leur réaffirmant que je ne leur en voulais plus du tout, ce qui avait arrangé les choses entre nous trois. Mais pas avec Flèche.

Malheureusement, l’attitude négative de Flèche déteignait sur son physique et sa santé : elle d’habitude si soignait ne se lavait plus et ne se lustrait plus les poils depuis une dizaine de jour si bien qu’elle ressemblait maintenant à une banale chatte de gouttière et la pluie n’arrangeait pas le tableau. Encore plus grave, elle ne mangeait quasiment plus et avait perdu beaucoup de poids. Et elle avait beaucoup plus de mal que d’ordinaire à contenir ses pouvoirs. Du coup, j’espérais vraiment qu’en plus de m’aider avec mes souvenirs, les talents de soigneuse de Juliette allaient pouvoir m’aider avec elle. A vrai dire, vu son état, mon passé était secondaire. Je préférais de loin rester dans le flou sur ma relation passée avec Hugo mais récupérer la chatte qui était devenue mon amie en bonne forme ! S’il restait quelque chose à construire avec Hugo alors ce quelque chose se construirait de tout façon au final, passé ou pas.

Finalement, Doc m’envoya un signal doublé d’un sentiment d’espoir :

« Oui, je l’ai sentie moi aussi ! Ca fait longtemps mais je crois que tu as raison ! Ca doit être elle ! Elle arrive ! »

[Juliette Sevaltico]

Juliette contemplait la lettre qu’elle avait reçu quelques semaines auparavant tandis qu’elle déambulait à travers les rues désertes de la Nouvelle-Gilnéas. L’air était moite, une fine bruine tombant depuis la veille. La ville était morne, comme éteinte. Les auberges étaient fermées et les quelques bars qui ne l’étaient pas étaient vides.

Elle passait ses doigts gantés sur l’écriture d’Hugo qui lui demandait de se rendre à la Nouvelle-Gilnéas dans le mois suivant la réception de ce courrier. La jeune femme avait quitté Arkan depuis peu et logeait à l’auberge du dragon bleue quand elle reçut la lettre. Comment l’avait-elle trouvée ? Elle n’en n’avait aucune idée, toujours est-il qu’elle était arrivée à bon port. Sans savoir les tenants et aboutissants de sa demande, la blonde décida d’honorer la demande d’Hugo et loua un Galopa qui lui permit de travers la distance en quelques jours. Elle était arrivée la veille, un jour avant la date du rendez-vous.

La lettre était courte et mentionnait Violette. Juliette repensa au soir où Hugo se confia à propos de son ancienne petite amie. La soignante avait directement fait le lien avec la jeune femme qu’elle avait rencontré quelques années auparavant, accompagnée de sa Tarsal. Elle avait été d’une douceur infinie. À l’époque, Juliette s’était un peu vue en elle, au moment où elle avait dû quitter la confortable demeure familiale pour échapper à un mariage forcé. Elle se rappela également la vitesse à laquelle elle avait dû s’endurcir pour survivre dans ce monde. Hugo lui avait expliqué que la Nalcienne avait disparu du jour au lendemain, et que malgré ses efforts, il ne l’avait pas retrouvé. La description qu’il en avait fait était celle d’une jeune femme fragile, la même qu’elle avait rencontré. Peut-être ne s’était-elle pas assez endurcie assez rapidement… C’était ce à quoi avait pensé Juliette.

Mais voilà qu’elle était vivante, et qu’elle désirait la revoir ! La blonde était touchée de savoir qu’elle s’en était sortie. Elle l’était d’autant plus de savoir qu’elle souhaitait la rencontrer à nouveau. C’était tout ce que la missive lui avait appris : Hugo était à Alfen, il avait retrouvé Violette qui, par miracle, était vivante et elle souhaitait la revoir à la Nouvelle-Gilnéas dans un mois.

De nombreuses questions se bousculaient dans la tête de la jeune femme. Comment Hugo l’avait-elle retrouvé ? Dans quel était était-elle ? Et lui, dans quel était était-il ? Elle savait à quel point sa disparition l’avait dévasté. Serait-il présent lors de ces retrouvailles ? Quelle était leur relation maintenant ?

« Tu auras les réponses en temps voulu, Juliette. » fit son Roigada qui lisait dans son esprit.

« Je sais, mais ça t’intrigue pas, toi ? Je veux dire, on l’a rencontrée y’a plus de 5 ans, pas très loin d’ici. Des années après, on apprend qu’Hugo a entretenu une relation avec, qu’elle était vraisemblablement morte et là on reçoit une lettre qui nous annonce qu’elle est vivante et qu’elle veut nous revoir. C’est bizarre tout ça, non ? »

« Un peu, mais elle doit avoir ses raisons de vouloir te rencontrer à nouveau… Et tu vas avoir tes réponses bientôt, je pense. Je ressens plusieurs présences psychiques quelques rues plus loin. 2 Pokémon et une humaine, ça doit sûrement être elle. »

Juliette jeta un coup d’œil vers son Roigada qui lévitait à ses côtés, les yeux clos. Sa Feunard était de l’autre côté, marchant au pas. La blonde utilisait sa maîtrise de l’eau pour créer un petit dôme de protection pas plus large qu’un grand parapluie autour d’elle-même et de son renard afin de rester au sec. Le sage, lui, appréciait un peu d’hydratation.

La robe bleu marine de Juliette virevoltait au gré de ses pas tandis que le col de son manteau lui recouvrait le menton. Ses cheveux platine tombaient en cascade dans son dos. Elle ne tenait pas à passer le reste de la journée complètement humide, et espérait que Violette s’était muni d’un parapluie pour se protéger.

Pressant le pas, elle finit par arriver sur la place principale du village. Les images du festival des lumières auquel elle avait assisté il y’a plusieurs années défilèrent dans sa tête. L’ambiance y était mystique, résultant d’un mélange de célébration et de tristesse. La nuit était douce et les lumières colorées des échoppes donnaient l’impression de vivre un rêve éveillé. Rien de tout cela n’était comparable avec la place déserte qui se tenait désormais face à elle.

Seule une personne était présente, assise sur le rebord de la fontaine municipale. Juliette passa l’autre jeune femme en revue d’un coup d’œil avant de se diriger d’un pas pressé vers celle qu’elle reconnut comme étant Violette. Malgré les années et le fait qu’elle ait changé, la soignante la reconnut tout de suite. Certes, ses cheveux n’avaient plus la même couleur, ses traits étaient moins juvéniles et le Pokémon qui se tenait auprès d’elle n’était plus une Tarsal… Cependant, elle avait le même regard qui renvoyait toujours la même douceur, avec juste une pointe de plus d’assurance.

Juliette traversa les derniers mètres qui la séparait de Violette avant d’étendre son dôme de protection au-dessus de la Nalcienne. Elle ouvrit ensuite les bras, offrant une accolade à la jeune femme. Lorsqu’elle brisa l’étreinte, Juliette prit un peu de recul et regarda Violette de plus près.

« Comment tu vas ? » commença-t-elle. « Qu’est-ce qui t’amène ici ? Ça te dit qu’on essaie de trouver un coin au sec pour discuter ? J’ai croisé quelques brasseries sur le chemin, on pourrait peut-être s’y abriter avant que tu m’expliques tout ce que j’ai raté ? » fit-elle alors qu’elle agrippa l’intérieur du coude de Violette à l’aide de sa main droite.

« Allons-y, l’ambiance est morose dehors. Oh, et je suis ravie de te revoir Doc, tu as bien changé. » conclut Juliette avec un clin d’œil.

Juliette entraina ensuite Violette vers la rue qu’elle avait emprunté pour venir jusqu’ici alors que son Roigada resta au niveau de la fontaine. La défenseur avait focalisé toute son attention sur la jeune femme et n’avait pas vu Flèche qui se trouvait de l’autre côté de la fontaine. Mais son Pokémon était plus observateur qu’elle et se permit de rester en retrait tandis que la voix de Juliette emplissait déjà la place vide.

« Suis-nous. Qui sait, avec un peu de chance, on pourra vous aider, Violette et toi. » fit le Roigada à l’adresse de la chatte dont il ressentait toute la détresse et tristesse.

Le pachyderme violacé virevolta et utilisa ses pouvoirs psychiques pour rejoindre Juliette qui avait déjà sélectionné une taverne aux abords de la place.

« Ici, ça te va ? » fit la défenseur à la championne. « Commandons un thé bien chaud et tu me racontes tout, d’accord ? »

[Violette]

L’étreinte de Juliette me fit du bien et je la lui rendis de bon coeur. Mon manque de contact avec Flèche ces derniers temps devait me peser plus que je ne le pensais. Je ne répondis qu’à une seule des questions de la soigneuse :

« Moi aussi, je suis très heureuse de te revoir ! D’accord pour la brasserie. Je répondrai à tes autres questions quand on sera au chaud à l’intérieur ! Cette pluie ne semble pas vouloir se calmer ! »

Entraînée par Juliette, je remarquai pourtant que Flèche n’avait pas suivi le mouvement, et je m’en voulus de la laisser comme ça. Mais je ne voulais pas non plus la forcer à me suivre si elle n’en avait pas envie. Et puis, j’avais vu que le Roigada de Juliette était resté avec elle ce qui me rassurait un peu. Au moins, elle ne serait pas seule. J’avais malgré tout la désagréable impression qu’elle cherchait à se punir en restant comme ça à la merci de la pluie...

Une fois attablée dans ce qui s’avérait être un salon de thé, je commandai un thé vert à la menthe typiquement Nalcien, bien sucré. Je n’avais pas le coeur à me laisser tenter par de nouvelles expériences culinaires propres à la région. Il me fallait quelque chose de sûr et d’efficace pour me revigorer. Je bus quelques gorgées afin de me réchauffer avant d’enfin aborder les raisons de ma présence ici :

« En fait… C’est assez compliqué et long à expliquer, moi-même je ne suis pas au courant de tous les détails… Je pense que tes talents de guérison pourraient m’aider à… débloquer quelque chose. Je ne sais pas exactement ce que Hugo t’a raconté dans sa lettre mais… J’ai fait sa connaissance peu de temps après qu’on se soit rencontrées toutes les deux, il y a cinq ans. Comme on s’est bien entendu, on a décidé de voyager ensemble et… On a fini par s’avouer nos sentiment réciproques après avoir risqué nos vies lors des incidents qui ont secoué le festival des lumières ici même, en 215.

On a été très heureux pendant quelques mois, on a continué à voyager ensemble à travers Terros et mon équipe s’est agrandie avec Lily, ma Chovsourir qui est devenue une Rhinolove. Elle fait la sieste dans sa ball pour le moment mais je pense qu’elle e montrera à son réveil. C’est elle qui m’a amenée jusqu’ici en volant donc elle est assez fatiguée. Doc a évolué en Kirlia et j’ai aussi fait la connaissance de Flèche… Je ne sais pas si tu l’as remarquée tout à l’heure ?

C’est la Mistigrix qui était assise de l’autre côté de la fontaine. Je crois que ton Roigada est resté avec elle. Enfin, c’était une Psystigri à l’époque mais elle a évolué depuis… Bref. Au début de l’année 216, Hugo et moi avons décidé de visiter l’île d’I Maï pour continuer notre périple à Terros. Une journée… Une seule journée, on a décidé de se séparer pour aller faire un peu de tourisme chacun de notre côté et de se retrouver le lendemain. J’ai choisi de me rendre dans le montagnes de l’île.

Et ce jour-là, j’ai eu un accident. J’ai respiré le parfum d’une fleur hallucinogène qui m’a fait voir des hallucinations terrifiantes et je me suis jetée de la falaise la plus proche pour leur échapper. Je me suis brisé les deux jambes et mon coeur a failli lâcher. Je sais pas si tu te souviens mais il était plutôt fragile à l’époque.

Mes trois Pokémon ont été attirées par ma chute qu’elles n’ont pas pu empêcher. Elles ont utilisé leurs pouvoirs pour me remonter et me maintenir en vie mais je ne dois ma survie à une drôle de guérisseuse qui passait par là. Ses traitement étaient…. Peu orthodoxe, des chocs très douloureux à base d’éclairs mais elle a réussi à faire repartir mon coeur et même à lui insuffler un nouveau souffle. Et elle m’a laissée là après avoir veillé sur moi pendant dix jours, jusqu’à ce que je ne nécessite plus sa surveillance constante.

Mais il y a dix jours, Hugo est revenu vers moi et il est apparu que Flèche, ma Mistigrix, avait décidé alors que j’étais inconsciente que c’était de la faute d’Hugo si j’avais fait cette chute mortelle, parce que j’avais passé trop de temps à batifoler avec lui au lieu d’affûter mes talents. Du coup, sans rien me dire, elle a effacé toute trace d’Hugo et le blocage a duré cinq ans. Mes autres Pokémon n’ont pas osé intervenir.

Mes souvenirs me sont revenus grâce à l’intervention d’Hugo et de mon frère, qui est ami avec Hugo et accessoirement lieur de l’esprit. Seulement, j’ai quasiment un an de souvenirs qui m’est revenu d’un coup et c’est encore très en bazar dans ma tête… Sans parler des souvenirs de sentiments que je ne me souviens pas avoir éprouvé pour un homme qu’une partie de moi considère avoir rencontré pour la première fois il y a moins de deux semaines tandis qu’une autre est persuadée d’avoir passé les meilleurs moment de sa vie en sa compagnie il y a plus de cinq ans. Et j’ai encore du mal à assumer cette étrange charge émotionnelle… Du coup si je t’ai fait venir, c’est parce que j’ai besoin de ton aide sur plusieurs points... »

Je me sentais assez mal à l’aise à demander ainsi de l’aide à une jeune file que, tout bien pesé, je ne connaissais pas tant que ça. Malgré tout, il m’apparaissait toujours que Juliette était la seule personne réunissant toutes les qualités nécessaires pour me fournir l’aide dont j’avais besoin, aide que je détaillai :

« Si je me souviens bien, tu te destinais à devenir guérisseuse ? Tu as progressé sur ce plan ? J’aimerais que tu me dises si tu sens des anomalies sur mon crâne au niveau physiologique. Au niveau psychique, je suis moi-même Lieuse psy et plusieurs psychistes m’ont examinée et m’ont dit que tout allait bien mais… Comme je savais qu’on allait se voir, je n’ai pas pris le temps de voir un médecin classique avant de partir... »

Ce qui n’était peut-être pas la décision la plus sage que j’avais jamais prise, mais j’étais tellement abasourdie par ce que j’avais découvert que j’avais décidé de partir au plus vite pour éclaircir tout ça...

« Ensuite, si j’ai fait appel à toi et pas à une autre guérisseuse… C’est parce que pour m’aider à remettre mes souvenirs à leur place, Hugo m’a permis de lire les siens avec mes pouvoirs, pour croiser ce dont je commençais à me rappeler avec ce dont il se rappelait lui. Et c’est là que je t’ai vue, dans ses souvenirs. C’est comme ça que j’ai appris que vous vous connaissiez. Vous vous êtes vus il y a quelques mois c’est ça ? Est-ce que… Tu le connais bien ? »

Ma question pouvait laisser sous-entendre une certaine jalousie mais ce n’était pas du tout le cas et je m’en expliquai :

« Lire ses souvenirs c’est une chose mais j’ai aussi besoin que quelqu’un me parle de lui de vive voix pour que je puisse savoir qui il est maintenant… qui il était il y a cinq ans… Et remettre de l’ordre là-dedans ! » Explicitai-je en pointant ma tête du doigt.

« Et enfin… Ce n’est pas un hasard si j’ai voulu qu’on se retrouve ici. C’est là qu’Hugo et moi on s’est mis ensemble il y a cinq ans. Et je crois que… Que si j’arpente à nouveau les rues et les souterrains de cette ville, certains souvenirs, certains sentiments pourraient remonter. Mais je… Je … Je me sentais pas la force de faire tout ça seule et j’ai besoin du regard d’une tierce personne, quelqu’un qui ne soit pas impliqué dans toute cette histoire pour m’aider à faire le tri dans… Ce que je ressens. C’est pour toutes ces raisons que j’ai fait appel à toi. Alors, est-ce que… Est-ce que tu acceptes de m’aider ? »

Une boule se formait dans ma gorge tandis que j’attendais avec appréhension la réponse de Juliette. Si elle refusait – ce que je pouvais parfaitement comprendre étant donné l’ampleur des services demandés, surtout le dernier – je n’avais plus qu’à repartir sur le champ pour Alfen. Le peu de souvenirs que j’avais déjà identifié dans mon passé correspondant à la Nouvelle-Gilnéas m’avait montré que si Hugo et moi nous étions mis ensemble ici même, il s’était également passé par ici des choses horribles au point que j’avais cru mourir. Et j’avais besoin de savoir si… Si j’étais tombée amoureuse d’Hugo juste parce que je cherchais désespérément de l’aide… Ou s’il s’était réellement passé quelque chose entre nous ce soir-là ! Mais cela impliquerait sans doute de revivre au moins en pensée ces événements…  Et je ne me sentais pas la force de faire ça seule !

Ah et puis il y avait un autre sujet pour lequel Juliette pouvait m’aider, un qui s’était récemment ajouté à la liste :

« Ah et puis aussi… depuis que sa ruse a été éventée, Flèche s’en veut énormément de m’avoir hypnotisée. J’ai eu beau lui dire que je ne lui ne voulais plus, elle ne m’écoute pas et continue à se flageller en permanence. Mes Pokémon n’ont pas eu plus de succès que moi. Est-ce qu penses que tu pourras transmettre le message et lui expliquer -toi ou un de tes Pokémon - que je ne lui en veux plus ? Comme vous n’êtes pas impliqués dans l’histoire, contrairement à nous, elle vous écoutera peut-être… Et voilà, c’est ce que je voulais te demander. Tu acceptes de m’aider ? J’ai conscience que je te demande un énorme service mais je ne voyais personne d’autre vers qui me tourner… Et je te le revaudrai bien sûr ! »

Afin de dissiper ma gêne, je saluai joyeusement la Feunard de Juliette tandis que Doc faisait de même avec sa dresseuse.

« Tu as bien grandi ma belle ! La dernière fois que je t’ai vue, tu étais une petite Goupix ! Et aujourd’hui, tu es encore plus belle ! »

[Juliette Sevaltico]

Juliette entraina Violette à l’intérieur du salon de thé avant de rester plantée dans l’entrée. La blonde recula de quelques pas et prit la liberté de manipuler l’eau qui avait trempé les cheveux et vêtements de Violette afin de l’envoyer valser hors de l’établissement d’un simple geste de la main. Voilà, c’était mieux comme ça. Elle n’avait aucune idée de combien de temps la Nalcienne avait attendu sous la pluie mais suffisamment pour être toute mouillée. Autant éviter qu’elle tombe malade.

La soignante s’installa à une table à proximité, son renard de feu à ses côtés et commanda un thé au jasmin, typique de la région. Des volutes de fumée se dégageaient de la théière en porcelaine tandis qu’elle laissait les fleurs infuser un peu plus longtemps. À la place, elle observait Violette boire son thé à la menthe. Elle était vraiment contente de la revoir, les amis étant rares quand les gens adoptaient un mode de vie itinérant. Elle avait également tellement de questions à lui poser mais elle préféra laisser la lieuse prendre les devants. Et les devants elle prit !

La chanteuse se mit à livrer de nombreuses informations sur son passé. Certaines étaient déjà connues par Juliette qui avait vécu avec Hugo pendant presque une année. D’autres étaient nouvelles. Ainsi, la noble apprit que Violette avait bel et bien échappé de peu à la mort et qu’elle devait sa vie à une soignante manipula… des éclairs ? Notant ce détail dans un coin de sa tête, Juliette se promit d’un jour se rendre à Flamen pour élargir sa vision de la guérison. Elle regrettait un peu le confort de la routine quotidienne qu’elle vivait au centre de soin d’Arkan de Léanne mais cette dernière avait raison, Juliette devait sortir de sa zone de confort pour progresser.

Juliette apprit ensuite les raisons pour laquelle Violette avait réquisitionné sa présence. Et c’était logique. Après tout, elle connaissait Violette, elle connaissait Hugo et elle était formée dans l’art des soins et de la guérison. La Mizuhanienne portait son thé à ses lèvres tandis que Violette conclut sa requête. Elle reposa la tasse délicatement sur sa coupelle avant de prendre la parole à son tour.

« Tout d’abord, je tiens à te remercier pour ta confiance, ça me va droit au cœur. Et bien évidemment que je vais essayer de t’aider du mieux que je peux. » annonça-t-elle tout d’abord, afin de soulager Violette dès le début.

« Hugo ne m’avait pas livré énormément d’informations dans sa lettre, uniquement qu’il t’avait retrouvé à Alfen et que tu cherchais à me revoir ici… Du coup je ne savais pas trop à quoi m’attendre vis-à-vis de cette rencontre. Je connaissais déjà une partie de votre histoire, du moins les souvenirs qu’en avait d’Hugo. Comme tu as pu le voir, j’ai vécu presque une année avec. Quand il a été blessé par un Méga-Elecsprint en 213, il a été soigné par Léanne, la guérisseuse qui est devenue par la suite mon mentor. Les deux sont toujours restés en contact, même après qu’Hugo se soit complètement remis. Elle voit beaucoup de son fils décédé en lui, c’est pour ça qu’elle l’accueillit à bras ouverts quand il lui demanda de l’aide l’année passée. Et comme moi je suis ma formation dans le centre de soin de Léanne… On a appris à faire connaissance comme ça.

Mais vais essayer de répondre à toutes tes questions avant de m’éparpiller dans tous les sens, excuse-moi si j’en oublie. Alors oui, je continue de me former pour devenir guérisseuse. Depuis qu’on s’est rencontré, je suis passée Défenseur reconnue par l’état, ce qui est un pas dans la bonne direction. J’ai passé un examen afin de devenir guérisseuse attitrée il y’a quelques années mais ils ont estimé que je n’étais pas encore prête à l’époque. » fit-elle avant de déglutir difficilement et de plonger son regard dans le thé qui se trouvait dans sa tasse. Elle n’avait toujours pas digéré cet échec. Bien sûr, elle en était ressortie grandie et ce raté lui avait donné la motivation pour continuer à s’améliorer. Elle était bien plus compétente maintenant qu’à l’époque où elle prit part à son épreuve.

« Enfin, c’était il y’a de ça presque cinq ans. Depuis, j’ai soigné tous les jours, je n’ai jamais cessé d’observer, d’apprendre quotidiennement. Je pense faire une demande pour repasser une épreuve dans les mois qui viennent parce que je m’en sens vraiment capable. Du coup si tu me fais confiance, je veux bien t’ausculter ! On peut même faire ça ici, maintenant tout de suite si tu veux. Pas besoin de se retrouver dans un centre de soins. »

Juliette recula sa chaise avant de se lever et de se placer derrière Violette. La blonde regroupa les cheveux de la patiente en arrière avant de les laisser retomber dans son dos. Elle fit en sorte de bien dégager les oreilles avant de se mettre à caresser les tempes de la Nalcienne du bout des doigts. La soignante jeta un regard noir à deux hommes qui se tenaient quelques tables plus loin qui les observaient avec un regard lubrique avant de fermer ses yeux et de faire circuler ses doigts sur le crâne de Violette.

Les doigts de Juliette explorèrent le cuir chevelu de la chanteuse jusqu’à ce que les deux mains de la maîtresse de l’eau ne se retrouvent. Elle n’avait détecté aucune anomalie physiologique, aucun signe de fracture mal cicatrisée, aucune bosse ou creux étrange. Poussant son auscultation un peu plus loin, Juliette se mit à ressentir le flot sanguin cérébral de Violette. Utilisant sa maîtrise du sang, la Mizuhanienne chercha à vérifier si aucune artère n’était obstruée. Aucun caillot n’était à déclarer et aucune poche de sang ne s’était formée sous le crâne de la victime du traumatisme.

« Rien à déclarer, à priori tout va bien, tu peux souffler. Je n’ai rien détecté d’inhabituel. Honnêtement, c’est une chance après une telle chute ! Enfin, chance, c’est relatif hein, je suis d’accord. Mais beaucoup de gens y restent ou alors vivent le reste de leur vie alité car leur crâne ou colonne vertébral prend un coup.

Enfin bref, je vais reprendre si tu veux bien. Hugo… Bah en réalité, je n’ai pas connu le Hugo que toi tu as connu il y’a cinq ans. Comme je te l’ai dit, il est arrivé au centre de soins il y’a une grosse année. Avant ça, je ne l’avais jamais rencontré… Donc pour celui-là, tu devras faire confiance à tes souvenirs… Mais je peux te parler de celui que moi je connais, le Hugo d’aujourd’hui, et que toi tu ne connais pas, du coup. J’ai aucune idée de ce qui s’est passé durant votre rencontre, si c’était positif ou négatif, aucune idée de l’image que tu as de lui mais moi j’en garde une très bonne.

Quand il est arrivé au centre, il errait un peu à travers Terros sans véritable but après avoir été au front lors de la dernière guerre. Il avait été réquisitionné par l’armée car il est plutôt doué avec sa maîtrise de la terre, ce qui en fait un bon élément, même si ce n’est pas un guerrier à proprement parler. C’est d’ailleurs un sujet qui nous a pas mal rapprochés. Aucun de nous deux n’est né avec nos dons et ça nous avait pris du temps et énormément de travail pour les apprivoiser. Bref, il avait besoin d’un peu de stabilité et il est venu au seul endroit où il savait qu’il en trouverait à coup sûr.

Léanne était si heureuse de le voir qu’elle lui offrit une chambre qu’il pouvait occuper autant de temps qu’il le souhaitait. Les premiers jours, je ne l’ai pas vu. Il restait constamment dans sa chambre à dormir, récupérant sûrement d’un style de vie plus décousu. Et après une petite semaine, il a commencé à être plus présent. Bien qu’il n’était absolument pas formé en médecine, il essayait de se rendre le plus utile possible : ça allait de soulever des patients un peu lourds pour moi à entretenir le jardin de plantes médicinales à l’aide de sa maîtrise en passant par construire une extension pour le centre. Il a fini par se rendre indispensable.

Et je pense que c’était ce qu’il cherchait, qu’on ait besoin de lui. Pas de façon mégalomane, loin de ça, mais qu’il se sente important et utile. C’est un garçon avec un bon fond. Il a pas eu une enfance facile : le père qui s’en va, la mère qui meurt pendant la guerre alors qu’il est ado. Un schéma malheureusement bien trop commun. Mais il n’a jamais baissé les bras. Il est reconnu par l’armée, il a quelques Pokémon qui lui sont fidèles, je pense qu’il s’en sort plutôt bien malgré le départ qu’il a eu.

Il t’aimait énormément en tout cas, ça je peux te le confirmer. Il parlait toujours de toi avec une tendresse dans la voix et des étoiles dans les yeux, même cinq ans plus tard. Il parlait de toi comme la femme de sa vie, aussi gros cela puisse paraître. Il s’en était voulu pendant des années de ne jamais t’avoir retrouvé. Je pense que la culpabilité de ne pas pouvoir aider sa mère ne fit qu’empirer celle te concernant qui le rongeait de l’intérieur. Il avait eu des problèmes avec l’alcool après ta disparition, les relations avec ses Pokémon se détérioraient. Je pense que c’est ça qui le rappela à l’ordre.

Sophos et les autres sont tout ce qu’il a et il fait toujours passer leurs intérêts et besoins avant les siens. J’ai rarement vu de gens aussi altruistes que lui... Toujours est-il qu’il a fini par quitter le centre il y’a de ça quelques mois, quand il était sûr qu’on pourrait se passer de lui. La bonne saison revient, le jardin n’a plus besoin de son aide pour produire des plantes. L’extension qu’il a construite est finie. Il avait fait sa part et il avait besoin de reprendre sa vie en main. Son but n’était pas d’entretenir un centre de soins, Léanne et moi on en était bien conscientes. Du coup on l’a laissé partir tout en se promettant de rester en contact. » conclut Juliette.

Elle ne savait pas trop ce que Violette allait penser de tout ça mais elle avait été honnête.

« Pour ce qui est de se balader dans les rues de la ville avec toi, pas de souci. Allons-y tant qu’il fait encore jour ! Pas que j’ai peur d’un éventuel danger, après tout, si on a réussi à échapper à une meute de Grahyena il y’a cinq-six ans alors qu’on était bien moins douées qu’à l’heure actuelle, on devrait pouvoir faire face à n’importe quoi. » fit-elle en adressant un sourire à Violette, faisant allusion aux circonstances de leur première rencontre. « Mais cette ville ne m’inspire rien qui vaille. Je sais pas si c’est le contraste avec le souvenirs que j’en ai, mais elle est déprimante.

Pour ce qui est de Flèche, je ne la connais pas et je t'avoue que je ne l'avais pas remarquée sur la plage mais j’aimerai faire sa connaissance et essayer d’aider si je le peux. Je ne sais pas si je serai d'une grande aide vu qu'elle ne me connait pas, mais je peux essayer de discuter avec elle sans qu'elle ne se sente jugée. Par contre, j’aperçois mon Roigada à travers la fenêtre parce qu'il aime rester sous la pluie mais de signe de Flèche. »

« Elle est toujours sur la fontaine, elle n’a pas voulu vous suivre malgré la petite discussion que j’ai eue avec elle. » répondit immédiatement Roigada dans l'esprit de Juliette alors qu'il suivait la conversation des deux humaines depuis l’extérieur.

« Mon Roigada vient de me dire qu’elle était toujours à la fontaine, sous la pluie. Pauvre petite. Et si on finissait notre boisson et qu’on allait la voir ? »

[Violette]

J’attendis que Juliette ait terminé mon auscultation pour lui répondre :

« Ouah, tu es passée défenseur ? Félicitations ! Et je suis sûre que tu réussiras avec brio ton épreuve de guérisseur ! Vu l’examen parfait que tu viens de me faire, je suis certaines que ça va bien se passer cette fois ! »

Et j’assortis mon compliment flatteur d’un clin d’oeil avant de lui expliquer :

« Bon, je plaisante pour l’examen, j’ai quelques connaissances en herboristerie mais mes compétences en médecine ne vont pas au-delà donc je ne saurais pas juger de ta performance… Mais vu ton assurance, je suis certaine que tu as fais ce qu’il fallait ! »

L’évocation de la mémoire réveilla quelques souvenirs chez moi :

« Moi en cinq ans, je n’ai passé aucune épreuve… Bon, je crois que j’ai maintenant atteint le niveau de lieuse de l’esprit à force d’avoir passé autant de temps avec Doc, Lily et Flèche mais je ne l’ai jamais confirmé. Mais je compte aussi passer Défenseur bientôt, j’aimerais aborder les soins sous un autre angle que les plantes… Maintenant que j’ai mon nouveau métier, je n’ai plus trop le temps de faire les marchés ou de partir en pleine nature pour me fournir… Oups, je crois que j’ai oublié de t’en parler !

Je ne sais pas si tu te rappelles mais il y a cinq ans, je t’avais dit que je voulais devenir une dresseuse professionnelle… Eh bien… Je suis la nouvelle championne de l’arène d’Alfen. Et l’herboristerie n’est pas trop compatible avec cette charge… Donc je pensais m’orienter vers la marche des rêves, cette maîtrise de soin a une dimension spirituelle qui compléterait bien ma maîtrise de l’esprit, je crois... »

Décidément, j’avais toujours du mal à annoncer aux gens que j’étais championne même après plus de deux ans d’exercice… Mais ce poste me paraissait tellement… Inaccessible que je n’avais toujours pas intégré que je l’avais atteint et sans même l’avoir vraiment cherché à la base ! C’était comme si une part de moi vivait ma vie de championne comme un rêve qui pouvait prendre fin à tout moment…

Je fus tirée de ma circonspection par Juliette qui reprit son récit. Apparemment Hugo les avaient beaucoup aidé, son professeur et elle… Comme il m’avait aidé moi à l’époque ? Mon amie évoqua également les douloureux souvenirs d’Hugo qui avaient attiré ma compassion quand je les avais lus dans sa tête… Je notai néanmoins une question cruciale à poser à Juliette au sujet d’Hugo lorsqu’elle aurait terminé. Je crois que j’avais mis le doigt sur le point qui m’inquiétait le plus. J’attendis ensuite que Juliette finisse ses explications pour reprendre la parole :

« Je te remercie de m’avoir raconté tout ça. Vraiment. J’y vois u n peu plus clair maintenant. De ce que tu m’as expliqué, Hugo a très mal vécu ma disparition parce que ça lui a rappelé celle de sa mère. Et tu as dis aussi que tu avais remarqué qu’il cherchait à se rendre important et utile… Du coup, j’ai besoin que tu répondes sincèrement à cette question : selon toi, est-ce que Hugo serait heureux si on se remettait ensemble mais qu’il n’avait plus besoin de me protéger ou de se rendre utile à mes yeux ? Est-ce qu’il serait heureux même en n’ayant pas besoin de veiller sur moi en permanence ?

Etre champion c’est une charge assez solitaire, quand je dispute un match, personne n’est là pour me donner des conseils ! Et cela me prend aussi pas mal de temps, du temps où je serai seule avec mes Pokémon. Même si on se remettait ensemble, je ne pourrais plus voyager autant qu’avant et je ne serai plus aussi disponible… Sans compris que j’ai appris à me débrouiller par moi-même en cinq ans et je n’ai plus besoin qu’on me tienne la main. Tu crois qu’Hugo accepterait tout ça ? Si non, alors il n’est peut-être même pas utile qu’on continue à parler de lui... »

En réalité, je n’attendais pas de Juliette qu’elle confirme ou infirme mon hypothèse au sujet d’Hugo mais plutôt qu’elle m’en apprenne davantage au sujet de ce point de sa personnalité. Car je crois que c’était ça qui me faisait le plus « peur » chez lui…

« En fait j’ai peur qu’il soit toujours amoureux de la Violette d’il y a cinq ans… Mais avec ou sans ma mémoire, je peux affirmer que je ne suis plus cette personne et… J’ai peur de lui faire très mal si jamais il s’en rend compte alors qu’on s’est déjà remis ensemble. Tu crois qu’il l’acceptera ? »

La fille qu’il aimait avait disparu, il la croyait morte, voilà qu’elle réapparaissait comme par magie -merci Silver ! - mais elle avait tellement changé pendant sa disparition qu’elle n’était plus du tout celle qu’il avait aimée… Je ne voyais pas comment cela pouvait bien finir...

Heureusement, Juliette me proposa de retourner à l’extérieur pour s’occuper de Flèche, ce qui était une excellente occasion de changer de sujet.

« Merci pour elle ! J’espère qu’une présence neutre aura plus de succès que moi. Mais attention, elle est très fière, ce qui ne la rend pas forcément la conversation très facile… Le problème c’est que que je lui dise que je lui pardonne ou non, dans les deux cas son orgueil en est tellement blessé qu’elle ne m’entend pas... »

L’évocation de la meute de Grahyena à laquelle nous avions échappée il y a cinq ans m’arracha malgré tout un sourire.

« A l’époque, le monde était beaucoup plus dangereux pour moi mais aussi, paradoxalement, beaucoup plus simple ! Je n’étais qu’une jeune écervelée qui rêvait de devenir Maître Dresseur avec sa Tarsal et aujourd’hui… Je suis une écervelé un peu plus expérimentée qui doit gérer des problèmes qui la dépassent toujours autant ! Mais bon, même si je ne réussis pas toujours, je crois avoir gagné un peu de sagesse au passage ! »

Je finis rapidement ma tasse, payait ma consommation et invitai Juliette à partir :

« Tu es prête ? Dans ce cas allons-y ! »

[Juliette Sevaltico]

Juliette empoigna son manteau qu’elle enfila tandis qu’elle se dirigeait vers la porte de l’établissement. La pluie ne s’était pas calmée le temps que les jeunes femmes prennent leur thé. La bruine avait laissé place à une averse qui emplit l’air d’une odeur d’herbe mouillée et de vieilles pierres. Roigada n’avait pas bougé d’un poil, lévitant toujours à quelques centimètres du sol, les yeux clos.

« Tu devrais vraiment marcher de temps en temps, ça te ferait du bien, tu sais. » fit la blonde à son Pokémon.

Ce dernier ne répondit même pas à la soignante et prit les devants, flottant à travers les quelques ruelles qui séparaient le groupe de Flèche. Depuis qu’il avait évolué et s’était mis à communiquer dans le langage des humains, Roigada jouait le rôle de conseiller de sa dresseuse... Peut-être qu’il estimait ne pas avoir besoin de ses conseils en retour. Juliette ne s’en offusqua pas pour autant et reporta son attention sur Violette. Comme à l’aller, la maîtresse de l’eau utilisa sa maîtrise élémentale pour créer un dôme de protection au-dessus de la tête des deux compères, Doc et Feunard.

« Comme ça on sera au sec. »

Juliette donna l’impulsion au groupe qui se mit à déambuler parmi les rues de la Nouvelle-Gilnéas. La pluie rendait certains chemins glissants, il fallait donc redoubler d’attention. Alors qu’elle fixait le sol pour éviter de marcher dans une flaque de boue, Juliette décida de répondre à la question que Violette lui posa avant de quitter le salon de thé.

« Je ne peux pas te répondre avec certitude quant au fait que vous puissiez vous remettre ensemble et que tout se passe bien. Tu as énormément changé, je m’en rends bien compte. Après tout, tu es devenue championne d’arène, rien que ça !! Et c’est vrai qu’Hugo a ce caractère serviable à l’extrême qui parfois le pousse à s’effacer au profit de l’autre.

Maintenant, est-ce que ça serait compatible avec tes nouvelles fonctions, je ne sais pas. Mais je sais qu’il t’aimait et honnêtement, qu’est-ce que je ne donnerai pas pour trouver un homme qui m’aime de la sorte. Il nous expliquait qu’il passait outre le fait que tu étais une jeune femme plus fragile, il nous expliquait comment il te poussait à t’affirmer, à combattre contre dees inconnus pour te rapprocher de tes objectifs de dresseur Pokémon. S’il voulait que tu restes un petit oisillon à couver sans défense, je ne pense pas qu’il t’aurait poussé de la sorte.

Mais la décision finale t’appartient. Je trouve que c’est une bonne idée que tu viennes ici, au moins tu auras toutes les cartes en main pour décider. Mais dis-toi bien que la seule façon d’avoir la réponse définitive à tes questions c’est d’essayer. Sans ça, ça ne restera que des hypothèses qui ne seront jamais vérifiées.

Enfin, assez parlé de lui ! Pour l’instant, on a d’autres chats à fouetter… » fit-elle à la Nalcienne avant de lui adresser un rapide clin d’œil.

Le petit groupe venait de revenir sur la petite place qu’il avait quitté quelques instants auparavant. Juliette balaya la zone du regard avant de remarquer une petite tâche blanchâtre adossée à la fontaine qui trônait au milieu du square. La défenseur se demanda comment elle avait pu rater Flèche la première fois. Même elle qui n’était pas versée dans l’art de la maîtrise de l’esprit pouvait ressentir le désespoir qui émanait de la petite chatte psychique.

« Tu restes ici ? Roigada, protège-les de la pluie, s’il te plait. Je vais aller voir Flèche. »

Le dôme de protection de Juliette se dissipa avant d’être remplacé par celui de Roigada. Le Feunard de Juliette décida de rester auprès de Violette qu’elle gratifia d’un doux coup de museau sur sa main… Comme si la renarde voulait rassurer la championne.

Juliette avança alors jusqu’à la construction de pierre avant d’arriver à la hauteur de Flèche.

« Tu permets que je m’assois à côté de toi ? » fit la blonde à la chatte. Elle voulait instaurer un climat de confiance avec l’animal, demander sa permission était la première étape naturelle pour la jeune femme.

La maîtresse de l’eau prit alors place aux côtés de Flèche qui ne semblait pas lui accorder beaucoup d’attention jusque-là. D’un geste de la main, le parapluie invisible de Juliette s’élargit, protégeant la féline par la même occasion.

« Je m’appelle Juliette, je suis ravie de te rencontrer. Violette m’a beaucoup parlé de toi. »

La défenseur avait du mal à déchiffrer l’expression qui se cachait derrière les yeux du petit animal. Une pointe d’espoir ? Une culpabilité rongeuse ? Elle n’aurait pu dire. Ainsi, elle décida de continuer prudemment.

« Je suis au courant de ce qui s’est passé ces dernières semaines. J’imagine que ça a pas dû être évident pour toi. Je ne sais pas si tu le sais, mais Violette et moi on s’est rencontré y’a plusieurs années. Tu ne l’accompagnais pas encore à l’époque. Lily non plus d’ailleurs. Doc n’était qu’une Tarsal… Les années passent vite. Elle est maintenant très différente de l’époque où je l’ai connu. J’ai même du mal à croire qu’il s’agisse de la même personne, pour être honnête envers toi. » fit Juliette tandis qu’elle porta son regard vers Violette qui attendait quelques mètres plus loin.

« Je ne sais pas si tu as joué un rôle dans ce changement, mais je pense qu’elle a changé pour le mieux. Toi et moi on sait à quel point ce monde peut être cruel pour les jeunes femmes. J’étais un peu comme Violette quand j’ai dû fuir de chez moi, mais j’ai rapidement dû m’endurcir pour survivre. Peut-être qu’effacer Hugo de la mémoire de Violette était l’évènement qui devait la pousser à s’endurcir…

Enfin… Je dis ça comme ça, je m’avance peut-être. Je ne te connais pas assez pour connaître les intentions que tu avais en tête quand tu as pris cette décision et le raisonnement derrière. Mais ce que je sais, c’est que Violette t’aime profondément, bien plus qu’elle n’aimera aucun homme. Et je le sais parce que j’aime mes Pokémon de la même façon. Rien ne pourra jamais se mettre en travers d’eux et moi, même si un jour ils sont forcés à prendre une décision qui me dépasse.

Mais je sais que c’est difficile de recevoir de l’amour quand on est convaincue qu’on ne le mérite pas. Pareil pour un pardon. Comment concevoir qu’on puisse nous pardonner alors qu’on ne se pardonne pas soi-même ?

Je n’ai pas de conseils à te donner à part que tu devrais essayer d’être gentille envers toi-même, Flèche. Ce que tu as fait il y’a cinq ans ne doit pas avoir autant d’influence sur qui tu es aujourd’hui. Ce n’est pas parce que tu as fait une action que tu considères mauvaise que toi, tu es mauvaise. Le simple fait que tu éprouves des remords aussi intenses me prouve que tu ne l’es pas.

Violette a besoin de toi. Si elle a voulu revenir ici, c’est parce qu’elle voulait revenir sur les lieux qui ont forgé sa relation avec Hugo. Tu as effacé la mémoire de Violette en pensant bien faire parce qu’elle était sur le point de mourir. Mais maintenant elle va bien. Elle est en vie, en bonne santé, c’est une championne d’arène ! Elle est maintenant dans une position où elle peut prendre ses décisions par elle-même, mais je pense que ça lui ferait énormément plaisir que tu l’accompagnes dans ses réflexions, sans la rancœur du passé, ni la culpabilité vis-à-vis de quelque chose que tu ne peux plus changer. »

Juliette laissa le silence flotter dans les airs quelques secondes. Seul le bruit des gouttes se fracassant contre les pavés troublait la sérénité qui émanait de la défenseur. Cette dernière finit par se lever et se mit à se diriger vers Violette et ses Pokémon. Avant d’entamer les quelques mètres les séparant, elle se retourna et s’adressa à Flèche.

« Alors, qu’est-ce que tu vas faire ? »

[Violette]

Je hochai la tête lorsque Juliette me donna sa réponse concernant Hugo. Elle avait raison hélas. La seule façon de savoir si quelque chose éait encore possible entre nous était de lui poser directement la question… Mais avant ça… Est-ce que moi-même j’avais envie de me remettre en couple avec lui ? A l’heure actuelle, je n’étais encore sûre de rien… Mais je mis le sujet Hugo d’un côté. Juliette avait accepté de m’aider avec Flèche et son cas était pour le moment plus préoccupant que mon ex-petit ami.

Nous repartîmes donc sous la pluie – heureusement protégées par le bouclier-parapluie de Juliette – jusqu’à la fontaine où nous nous étions rencontrées un peu plus tôt. Flèche n’avait pas bougé depuis que je l’avais quittée et il pleuvait toujours autant.

Juliette se lança alors dans un récit des événement plein de compassion et de compréhension pour chacun des protagonistes. Cette fille avait décidément de vrais talents de médiatrice ! Ce qu’elle dit, notamment au sujet d’être gentille avec soi-même. Malheureusement, Flèche était aussi indulgente avec les autres qu’avec elle-même. C’est à dire pas du tout. Cette intégrité était tout à son honneur mais elle lui causait beaucoup de tort en ce moment.

Malheureusement, le discours de Juliette, bien que très pertinent et touchant à mon humble avis, n’eut pas plus d’effet sur Flèche que les miens ou ceux de Doc : au regard que Flèche adresse à la Mizuhannaise après sa diatribe, je sus qu’elle n’avait pas changé d’avis. Mais à ma grande surprise, elle ne se contenta pas de nier les arguments de la guérisseuse en bloc, comme auparavent. Sa réponse fut… Plus précise :

« Hugo, Hugo par-ci, Hugo par-là… Mais quand est-ce que vous comprendrez que je m’en fiche complètement de ce garçon ? Qu’il reste ou qu’il parte, cela m’est complètement égal ! Je m’en fiche de ne plus pouvoir rien y changer… Mieux, je SAIS que je ne peux rien changer ! Ca fait cinq ans que je me reproche ce que j’ai fait ! Et je ne disais rien pour ne pas faire plus de peine à Violette !

Si je l’ai effacé de la mémoire de Violette, c’est parce qu’il lui avait dit qu’il serait là pour l’aider en cas de besoin ! Et où il était quand elle a eu un accident qui a faillit lui coûter la vie ? IL. N’ETAIT. PAS. LA ! Je me fiche de savoir s’il avait où non de bonnes raisons d’être absent ! Il avait dit qu’il serait là et il a failli à sa promesse ! Exactement comme mon couard de frère ! »

Intéressant. C’était la première fois que Flèche comparait directement Hugo à son propre frère, ce que elle avait vécu avec ce qu’elle m’avait fait vivre. J’avais de plus en plus l’impression qu’Hugo avait été l’innocente victime collatérale d’une querelle entre deux Pokémon chat. Sur sa lancée, Flèche poursuivit :

« Lui aussi m’avait dit qu’il serait toujours là pour m’aider tant que j’aurais besoin de lui. Et quand j’avais encore besoin de lui, où était-il ? Il avait disparu ! Alors oui, oui j’ai pensé que Violette n’avait pas besoin d’un parasite inutile pareil dans sa vie et qu’il ne ferait que la rendre malheureuse et pire encore, la mettre en danger par son absence ! Alors oui, j’ai effacé les souvenirs de Violette ! Pour la protéger… Et parce que … Parce que… PARCE QUE JE DETESTE TOUS CES MALES QUI NE TIENNENT PAS LEURS PROMESSES ! »

J’avais déjà entendu peu ou prou le même discours ais à l’époque il ne se rapportait qu’à Hugo et pas à Flécheur, le frère de Flèche. Un détail pourtant dans son discours me fit tiquer et j’intervins :

« Il t’a vraiment dit ça mot pour mot ? Flécheur t’as vraiment dit qu’il serait là tant que tu aurais besoin de lui ?
-OUI ! Et ce lâche est parti dès que j’ai eu le dos tourné !
-Mais… Il a peut-être tout simplement pensé que t n’avais plus besoin de son aide ? Que tu étais assez forte pour t’occuper de toi-même et de Félicie ?
-Ah ouais ? Alors si c’est vraiment ce qu’il pensait, pourquoi il me l’a pas dit hein ? »

Je n’avais pas de réponse précise à cette question mais vu l’attitude actuelle de Flèche, je pouvais comprendre pourquoi son frère ne lui avait rien dit si mon idée était la bonne. La sœur aînée n’aurait pas supporté ce qu’elle aurait pris comme une trahison dans tous les cas. A la place, je préférai rectifier un point qu’elle avait mal interprété…. Pour la nième fois :

« Ecoute Flèche, tu dis que tu m’as fait du mal mais… En toute honnêteté c’est faux. Tout simplement parce que je ne peux pas souffrir de quelque chose que j’ignore. Le seul qui a vraiment souffert de ton intervention c’est Hugo. Et tu n’es pas obligée de t’excuser si tu n’y tiens pas. Et même maintenant, je ne ressens aucun sentiment d’horreur face à ce que tu as fait, ou face au temps que j’ai loupé avec Hugo et que nous aurions pu vivre ensemble. Et je crois que je ne connaîtrais jamais ce sentiment. Parce que quoi qu’il se soit passé, c’est le passé, et il n’a plus de prise sur moi. La seule chose qui me fait souffrir, c’est ton attitude et la distance qu’elle met entre nous en ce moment. Est-ce que tu ne voudrais pas… Qu’on redevienne amies comme avant ? Parce que ta façon d’agir en ce moment me fait beaucoup plus mal que l’effacement de ma mémoire ou la perte d’Hugo ! »

Malgré la pluie, les larmes qui coulaient de mes yeux alors que je prononçais cette dernière phrase étaient bien visibles et Flèche ne put faire autrement que de les remarquer. Je crus voir qu’elle aussi se commençait à pleurer mais je n’eus pas le temps d’en dire davantage. Invoquant ses pouvoirs, elle activa sa ball à ma ceinture et se rappela elle-même. Ce n’était pas la première fois qu’elle faisait cela et c’était toujours pour les mêmes motifs : soit elle était trop fatiguée pour rester à l’extérieur, soit elle avait besoin d’être seule pour réfléchir, soit, comme ici, les deux à la fois.

J’essuyais mon visage d’un revers de main – de toute façon, la pluie masquait avantageusement ce qu’il restait de mes larmes – et sourit malgré tout à Juliette pour la remercier, sincèrement heureuse de son geste :

« Merci beaucoup Juliette ! Je crois que tu as eu raison de résumer un peu tout ce qu’il s’est passé en lui expliquant le ressenti de chacun. Ca lui a permis de faire le point et d’enfin nous expliquer d’où venait toute sa rancoeur. Je savais que c’était l’abandon de son frère qui l’avait poussée à se venger sur Hugo, mais vu comment elle a présenté les choses aujourd’hui, je ne serais pas surprise qu’il y ait eu un malentendu entre eux à la base… Comme avec Hugo. A voir si elle pourra accepter cette possibilité. Lui dire que son attitude présente me faisait aussi du mal était aussi une bnone idée. Je crois que c’est le seul moyen de la faire changer sur le court terme. Si elle a fait et fait tout ça pour moi en définitive… Alors j’aimerais qu’elle se pardonne. Pour moi. Et si elle l’a fait pour elle avant tout… J’aimerais simplement qu’elle accepte. Ensuite on pourra reconstruire une relation saine... »

Je fus interrompue dans ma tirade par le bruit d’une autre de mes Pokéball. L’instant d’après, Lily Jaillissait dans le ciel pluvieux et dès qu’elle remarqua – à l’odeur ! - la présence de Juliette et de ses pokémon, elle ne manqua pas de les saluer, à sa manière :

« Oh, bonjour bonjour ! C’était très agréable cette petite sieste ! Toi tu es Juliette, c’est ça ? Ravie de faire ta connaissance, moi c’est Lily ! On t’a déjà dit que tu sentais très bon ? Dis, je peux te faire un bisou avec mon nez ? Par contre, je te préviens, ça laisse une marque qui reste un certain temps ! Mais elle est très jolie, en forme de coeur ! Et vous vous êtes les Pokémon de Juliette c’est ça ? Très heureuse de vous rencontrer ! »

Alors que Lily terminait ses salutations rituelles, mon second Pokémon volant -ou plutôt flottant nous rejoignit non sans avoir dévalé en roulant à toute vitesse le toit de la maison la plus proche ! Je la présentai à Juliette :

« Et voici Lulu, ma petite cascadeuse ! Lulu, je te présente Juliette ! »

La Rondoudou salua Juliette avec une pirouette aérienne dont elle avait le secret accompagnée d’un sourire puis j’en revins à l’autre raison de notre présence à l’extérieur :

« Juliette, ça te va si on part explorer un peu les catacombes maintenant qu’on est dehors ? Je me rappelle qu’Hugo, moi et une autre fille, on a été retenus prisonnier dans une tente à l’ouest de la ville mais cette tente a probablement disparu aujourd’hui. Comme on était venu pour le festival des lumières, il y avait tellement de monde que beaucoup de ces habitations temporaires ont été dressées juste le temps de l’événement. Par contre, je crois qu’ils avaient l’intention de nous emmener dans les catacombes où il s’est passé pas mal de choses louches à ce moment-là et j’aimerais…. Faire le point là-dessus. Enfin comprendre pourquoi et de quoi j’avais s peur de mourir à ce moment-là. De quoi… Hugo m’a protégée. Je pense que Lily pourra toujours sentir s’il y a eu de gros rassemblement d’humains dans ces tunnels même après quelques années ?
- S’ils ne sont venus dans les catacombes que le temps du festival ça risque d’être compliqué… Mais s’ils y avaient installé pendant des mois leur quartier général, alors il me restera des choses à sentir c’est sûr ! Bon, on y va ? »

[Juliette Sevaltico]

Si Juliette avait le malheur de se demander demander si son discours avait eu un quelconque effet sur Flèche, la chatte ne tarda pas à lui répondre. La voix de la Mistigrix résonna dans le crâne de Juliette qui posa une main sur sa tempe droite, peu habituée à une telle violence psychique. Son Roigada perçut l’inconfort de sa dresseuse et érigea une fine barrière autour de l’esprit de sa dresseuse, atténuant le volume des déclarations de Flèche.

La défenseur remercia son compagnon d’un signe de tête tandis qu’elle rejoint Violette tout en restant un peu en retrait. Maintenant plus à l’aise, Juliette observa la scène de loin, ne voulant pas intervenir dans ce qui semblait être un début de dénouement pour le malheureux blocage qui s’était installé entre les deux anciennes partenaires.  

Flèche semblait blessée au plus profond de son être et une conversation avec une inconnue ne suffirait pas à combler ce mal-être. Après tout, il s’agissait de cinq ans de secrets et traumatismes qui avaient rejailli à la lumière du jour. Elle avait sûrement dû compartimenter tous ses souvenirs liés à Hugo et son frère dans un coin de sa tête, bien au loin, là où ils ne pouvaient pas la blesser. Et le fait qu’ils soient exposés à tous et que tout le monde lui donne son avis sur ses actions ne devait pas aider à la jeune chatte à se pardonner elle-même.

Violette n’avait pas tort. Elle ne pouvait pas manquer quelque chose qu’elle n’avait pas connu. Juliette ne put s’empêcher de ressentir un léger pincement au cœur quand elle entendit Violette prononcer sa dernière phrase. Hugo était son ami et elle lui souhaitait d’être heureux, avec ou sans Violette. Elle aurait vraiment aimé que ces deux-là se redonnent une chance, mais Juliette avait du mal à envisager que Violette lui en accorde une si sa relation avec Flèche continuait à se dégrader de la sorte.

Elle-même était catégorique là-dessus. Jamais une relation amoureuse ne prendrait le pas sur celle qu’elle entretenait avec ses Pokémon. Elle espérait juste que Flèche finisse par faire la paix avec son passé tôt ou tard, avec l’aide de Violette, permettant à cette dernière de pouvoir avancer avec l’aide de ses Pokémon. Les deux partenaires avaient besoin du soutien l’une de l’autre, même si la chatte ne semblait pas encore l’avoir compris.

Flèche finit par retourner dans sa Pokéball, à l’abri de la pluie mais surtout des regards. Bon, au moins, les jeunes femmes pourraient continuer leur balade sans avoir à se préoccuper de la Mistigrix sous la pluie. Juliette éprouvait de la compassion pour la chatte même si elle ne la prenait pas en pitié pour autant. Elle devait assumer les conséquences de ses actes et ne pouvait pas fuir dès qu’on lui demandait des explications. Enfin !

Lily sortit de sa Pokéball et l’atmosphère devint beaucoup plus légère. La chauve-souris se mit à tournoyer autour de Juliette tandis que la blonde se rapprocha de Violette, la protégeant à nouveau de la pluie. La défenseur tendit la main vers Lily et caressa le pelage hirsute de la télékinésiste.

« C’est bien ça, moi c’est Juliette, enchantée Lily ! Merci beaucoup pour le compliment mais comme tu peux le voir, il pleut et je suis bien couverte avec mon manteau donc on verra peut-être plus tard pour le bisou, si tu veux bien ? » fit Juliette, un sourire chaleureux au coin de lèvres.

La vérité c’était qu’elle n’était pas certaine d’avoir envie d’un tatouage temporaire en forme de cœur sur le corps, mais elle ne voulait pas prendre le risque de gâcher l’enthousiasme de Lily. Quelques secondes plus tard, ce fut Lulu qui débarqua sur la place via à les airs. La petite boule rose qui semblait se laisser porter par les vents finit par atterrir en face des jeunes femmes.

« Enchantée Lulu, moi c’est Juliette. » fit la défense une nouvelle fois.

« Tu en as une belle équipe, Violette ! Personnellement, depuis qu’on s’est rencontré, je n’ai pas capturé de nouveaux membres. Seuls Feunard et Roigada ont évolué il y’a quelques années. Comme ma vie prenait place autour de mon poste d’apprentie guérisseuse au centre de soins, je n’ai pas vraiment eu l’opportunité de voyager et rencontrer des Pokémon sauvages à capturer. Mais pourquoi pas l’envisager maintenant que je suis repartie sur les routes. »

À vrai dire, elle ne ressentait pas le besoin immédiat d’agrandir ses rangs. Ses deux compagnons lui apportaient tout ce dont elle avait besoin. Feunard lui apportait toute l’affection et protection nécessaire tandis que Roigada était son confident et conseiller. Capturer d’autres Pokémon n’était donc pas sa priorité, mais elle ne se fermait pas la possibilité d’un jour en ressentir l’envie.

En attendant, Violette proposa à Juliette de se rendre dans les… catacombes de la ville ?! Elle lui avait parlé de déambuler dans les ruelles de la ville… La championne avait bien mentionné les souterrains mais Juliette n’avait pas fait le lien avec les sépultures souterraines ! Un frisson traversa l’échine de la noble quand la voix calme de son Roigada se fit entendre dans son esprit.

« Tu ne dois pas t’inquiéter, il fait jour, les spectres devraient vous laisser tranquille. Et puis, je ne ressens pas de convergence d’énergie psychique comme c’était le cas lors du festival il y’a plusieurs années. Les défunts ne sont pas célébrés, ils ne peuvent pas tirer des forces des sentiments des personnes présentes pour les honorer. Et si jamais, on est là pour te défendre. »

Juliette frotta instinctivement son bras avant de reporter son regard sur Violette, affichant son plus joli sourire de façade.

« Allez, on y va ! »

Les deux jeunes femmes se mirent à marcher vers l’église du village qui se trouvait à quelques minutes de la place principale. En toute logique, l’entrée des catacombes devait se trouver près du lieu de culte.

Juliette décida d’occuper le silence qui s’était installé entre les deux jeunes femmes.

« J’avais aussi participé au festival des Lumières, il y’a quelques années. On s’est même peut-être croisée à l’époque, qui sait ! Je me rappellerai toujours cette nuit, deux spectres nous jouaient des tours, à moi et une autre défenseur que je connais. Ils s’amusaient à nous voler nos lanternes et l’éteindre constamment. Rien de très grave tu me dirais, mais j’avais commencé à perdre patience jusqu’à ce que je découvre qu’ils étaient la matérialisation de deux esprits d’enfants, tués par le Pokémon de leur père. C’était un Tortank, si je me souviens bien. Il avait méga-évolué et était entré dans une fureur noire après le passage de Mewtwo et avait tué toute la famille… Rien que d’y penser ça me bouleverse. Ils avaient fini par retrouver les esprits de leurs parents et étaient passés tos ensemble de l’autre côté avec le Passeur. »

Juliette était plongée dans ses pensées, revivant cette soirée si particulière. Les voix de Takato et Rika étaient restées gravées dans l’esprit de la défenseur. Elle se demandait également comment allait Anthere. Peut-être allait-elle aussi un jour la rencontrer à nouveau par hasard.

Quelques minutes de marche plus tard, les jeunes femmes arrivèrent près de l’église du village. Les portes étaient fermées tandis que le perron du temple était vide. Juliette jeta un coup d’œil dans les alentours. L’entrée d’un tunnel se trouvait à proximité de l’église. Assez large pour contenir un petit groupe de plusieurs personnes, la porte était gardée par une grille métallique.

Juliette s’approcha du portail métallique et saisit un barreau avant de tenter de tracter le tout vers elle. Rien ne bougeait, pas un mouvement. Elle fixa l’importe serrure qui se trouvait à gauche de la porte.

« C’est probablement fermé à clé, je suppose que les autorités ne veulent pas que les gens se baladent librement dans les catacombes. Peut-être Doc pourrait nous donner un petit coup de main avec Téléport pour nous faire passer de l’autre côté ? »

[Violette]

Doc, Lily et Lulu rayonnèrent de bonheur lorsque Juliette complimenta notre équipe. Puis elle nous parla de ses précédentes aventures dans cette ville :

« Ah toi aussi tu étais là pour le festival ? »

Malheureusement, je ne pus continuer sur ma lancée car l’histoire du Tortank me coupa l’envie de badiner :

« Pauvres enfants… Ca a dû être vraiment horrible... »

Il me fallut quelques instants pour récupérer des événements qu’elle venait de me raconter avec l’aide de Doc, et je repris sur une note plus légère :

« J’avoue que je ne t’ai pas vu mais ce n’est pas surprenant ! Il y avait tellement de monde ! Mais tu as peut-être croisé mon frère ? Un homme bizarre en costume de magicien avec un chapeau haut-de-forme ? Normalement les gens se rappellent de lui quand il le croise ! Lui aussi était là et il à participé au concours du festival où il a gagné un ruban grâce aux performances musicales de ses Pokémon. Il a même été confronté à une attaque de serpent géant aux abords de la ville ! Heureusement, lui et une autre festivalière ont su gérer ça.. ; Enfin, c’est ce qu’il m’a raconté parce que je ne l’ai pas croisé lui non plus... En fait il y a eu plein d’événements bizarres lors de ce festival et ils ne semblent même pas liés les uns aux autres… A moins que ce ne soient les esprits des morts qui avaient tout orchestré en amont ?… Ahah... »

Ma remarque sur un potentiel complot se voulait ironique et amusante. En fait une part de moi priait de toutes ses forces pour que ce soit effectivement une simple blague. Parce que nous allions justement nous aventurer de nouveau sur le territoire de ces mêmes esprits… Territoire qui était d’ailleurs fermée par une grille en métal elle-même verrouillée. Zut ! Est-ce qu’il était trop tôt ou trop tard pour visiter les catacombes ? Est-ce qu’elles étaient fermées à cause de la pluie ? Aucun panneau à côté de la porte n’indiquait d’horaire ou n’interdisait d’entrer pourtant. Malgré tout, je n’étais pas à l’aise à l ‘idée de franchir cette porte comme le proposait Juliette. D’ailleurs ce comportement me surprenait un peu de sa part, je ne l’aurais pas cru si prompte à se placer dans une possible illégalité ! Et pour ma part, je n’avais pas spécialement envie de me faire coincer alors que j’explorais ces lieux interdit. Une championne – étrangère et nalcienne de surcroît – qui s’amusait à visiter des tombes condamnées, ça faisait mauvais genre.

Mais comme me le rappela Doc en réponse à mon hésitation, j’avais vraiment envie et besoin de savoir ce qu’il s’était passé par ici entre Hugo et moi. Et la source des tourments que nous avions vécus cette fameuse nuit se trouvait précisément derrière cette porte fermée. Ma décision était prise, je ne reculerais pas ! L’idée d’utiliser le Téléport était bonne mais Doc ne pouvait guère téléporter plus d’un être -humain ou Pokémon – avec elle et une seule fois au risque de se vider de ses forces. Et vu ce qui pouvait nous attendre là-derrière… Heureusement, j’avais une solution !

« Doc ne va pas pouvoir tous nous téléporter, ce serait trop fatiguant pour elle surtout si nous devons combattre des fantômes ensuite. »

Ma fée me le confirma par la pensée.

« Mais j’ai une idée ! Juliette, est-ce que tu peux rappeler tes pokémon dans leurs Poké-Ball, juste le temps de franchir l’obstacle ? Doc aura beaucoup moins de mal à les transporter comme ça ! A moins que Roigada ne maîtrise aussi l’attaque Téléport ? »

En tant que championne du type Psy, mes connaissances sur les Pokémon et attaques de ce type étaient assez étendues et je savais par exemple que Ramoloss, Roigada et Flagadoss pouvaient apprendre l’attaque Téléport mais uniquement à l’aide de la mystique CT du même nom. Cependant, cet ouvrage était très rare et malgré tous mes efforts je n’avais pas réussi à en dénicher un même si je ne désespérais pas. Si Doc, qui maîtrisait déjà l’attaque, pouvait combiner ses déplacements instantanés avec ceux d’un partenaire en match doubles, cela rendrait ces combats bien plus intéressants et m’offrirait des tonnes de possibilités tactiques !

Je rappelai donc Lily et Lulu dans leurs Pokéball et les posai auprès de Doc puis laissais Juliette la rejoindre. Je profitais du Téléport de Doc pour sonder les horizons. Personne, ni Pokémon ni esprit ni humain des deux côtés de la grille dans un rayon de vingt mètres. Parfait ! Lorsque le duo fut arrivé sans encombre de l’autre côté des grilles, je sortis ma botte secrète ! Après une brève concentration, mon corps commença à se déformer et mes vêtements disparurent pour ne laisser à la place qu’un grand spectre blanc au corps flasque et au visage triste. Je préférai rassurer Juliette avant de jouer les passe-murailles :

« Tout va bien, c’est moi ! »

Et je franchis la grille sans encombre, en sentant à peine une légère sensation de froid tandis que mon corps spectral passait au travers. Puis je repris forme humaine, vêtements compris, et je donnai quelques explications à Juliette qui n’en menait pas large :

« Ah oui, je ne t’ai pas parlé de ça… Tu as entendu parler l’année dernière de ces personnes qui ont été changées en Pokémon et envoyées dans d’autres mondes peuplés de Pokémon inconnus dont certains géants et très agressifs ? Eh bien je suis l’une d’elles et depuis mon retour, j’ai acquis la capacité de me transformer en fantôme !

A mon arrivée dans ce donjon, j’étais transformée en une sorte de Corayon spectral tout blanc et tout triste mais alors que je combattais le gardien des lieux, une sorte de Corboss en acier géant, avec l’aide d’un curieux insecte, j’ai évolué vers cette forme. Je ne sais pas comment elle s’appelle mais je dois avouer que parfois, c’est pratique d’être un fantôme ! »

Mes explications terminées, je libérai Lily et Lulu de leurs balls respectives et aussitôt la Rhinolove sentit une odeur « intéressante », qui appartenait d’après elle à un groupe d’humain assez nombreux qui s’étaient réunis quelques part par ici un certain temps auparavant.

Très vite, nous nous éloignâmes de l’entrée et fûmes plongées dans le noir. Mes pouvoirs psy me permettaient de localiser sans problème Lily qui elle-même n’avait aucun souci à se réparer grâce à son flair et aux ondes émises par son nez et elle avait également la gentillesse de me prévenir des obstacles. Mais je m’inquiétais quand même pour Juliette qui risquait d’avoir du mal à avancer longtemps dans ces conditions :

« Juliette, est-ce que Feunard peut faire de la lumière ? Sinon j’ai des torches dans le bas de mon sac, tu peux en prendre une au besoin ! »

Finalement, Lily nous mena dans une sorte de salle circulaire dont les murs étaient bordé de tas de crânes -logique pour des catacombes – mais le plus intéressant se trouvait sans doute au milieu. A la lueur de la torche, nous vîmes un drôle de spectacle que Lily aurait eu bien du mal à me décrire. La torche n’était pas une mauvaise idée finalement.

Alors que la salle était assez haute, plus de deux mètres de hauteur, se trouvait en son centre un pilier cylindrique en pierre à l’extrémité pointue qui faisait un peu moins d’un mètre de diamètre pour un mètre vingt de haut. Mais le plus intéressant étaient peut-être les signes gravés sur le pourtour du piliers. Des signes qui appartenaient peut-être à une langue mais une langue que je ne connaissais pas et que je n’avais jamais vue. Pexplexe, je demandais à ma compagne d’aventure :

« Ca te dit quelque chose ? »

[Juliette Sevaltico]

Juliette obtempéra lorsque Violette lui demanda de rappeler ses Pokémon dans leur Pokéball afin de soulager Doc lors de la téléportation. Elle savait que son Roigada avait les capacités pour apprendre cette technique de déplacement instantané mais ce dernier n’avait jamais réussi à la maîtriser, pour l’instant. Après quelques secondes de préparation, la noble se trouva de l’autre côté de la grille aux côtés de Doc. Jetant quelques regards autour d’elle, la maîtresse de l’eau se rendit compte que la championne était toujours de l’autre côté de la grille métallique ! Juliette avait cru comprendre que Violette avait fini par développer quelques pouvoirs psychiques à force de côtoyer des Pokémon psy, mais pouvait-elle carrément se téléporter sans l’aide de sa Kirlia ?

« Et toi, tu vas faire comment ? » s’inquiéta Juliette.

La blonde manqua de lâcher un cri de surprise quand elle vit le corps de Violette disparaitre, se métamorphosant en une espèce de Corayon fantômatique ! La blonde accusa un moment de recul, manqua de peu de trébucher sur une pierre glissante qui se trouvait par terre, se rattrapant de justesse sur une paroi humide des catacombes. Ressentant la surprise et la peur de leur dresseuse, Feunard et Roigada surgirent d’eux-mêmes hors de leur Pokéball pour faire barrage face à Juliette. Le renard avait le poil hérissé et ses neuf queues dressées dans les airs tandis que son Roigada formait déjà une bulle de protection autour de sa  dresseuse.

La voix de Violetta résonna alors dans les esprits de chacun, leur demandant de ne pas s’inquiéter, qu’il s’agissait… d’elle ? Mais comment c’était possible ? Elle n’avait jamais rien vu de tel ! Juliette resta en retrait et Feunard sortit les crocs quand le Corayôme se mis à avancer, traversant la grille métallique comme si de rien n’était. L’apparence de la championne changea une nouvelle fois, cette fois-ci pour reprendre son physique humain.

Feunard resta sur ses gardes tandis que Juliette lui demanda de se calmer, préférant écouter les explications de Violette.

« Excuse-nous pour notre réaction, c’est juste que… que je n’avais jamais vu ça, pour être honnête ! Je n’ai jamais entendu parler de quelque chose de la sorte, à part dans des légendes ou des histoires qu’on raconte aux enfants pour les convaincre de manger leurs légumes au risque de se transformer en Tadmorv… Tu dis que ça t’est arrivé l’année passée et que depuis tu peux transformer en fantôme ? C’était un phénomène mondial ? Je n’en ai vraiment pas entendu parler… C’est vraiment étrange… » fit Juliette, réfléchissant tout haut, sans se rendre compte que ses mots pouvaient s’avérer assez blessant.

« Enfin, quand je dis étrange, je ne parle pas de toi, hein ! Ne le prends pas mal, c’est juste si particulier que ça m’a prise par surprise. Qui sait, ce pouvoir te servira peut-être si on finit par croiser d’autres fantômes dans les environs… »

La blonde espérait vraiment ne pas avoir blessé sa camarade du jour avec sa maladresse. Ainsi, elle ne préféra prendre aucun risque et suivit Violette et Lily sans broncher, dans le silence le plus total. L’obscurité était de plus en plus présente au fur et à mesure que les jeunes femmes avançaient dans les tunnels. Malgré tout, Juliette parvenait à parer à cette perte de vision à l’aide de sa maîtrise élémentale. En effet, en fermant les yeux, elle pouvait ressentir et visualiser le corps de Violette à travers l’eau et le sang qui le composait, et ainsi la suivre sans trop de souci.

Cependant, cette technique avait ses limites, et quand Juliette manqua de trébucher à cause d’une marche qu’elle n’avait pas vu, elle demanda à Feunard d’utiliser ses Feu-Follets. Une multitude de petites boules de feu bleutées se mirent alors à flotter autour de la renarde, illuminant les environs pour le reste du groupe.

Rapidement, les explorateurs finirent par arriver dans une grande salle et Violette se concentra immédiatement sur l’imposant pilier de terre qui se trouvait au milieu de la pièce.

Juliette, elle, faisait preuve d’un peu moins d’aplomb face à cette situation. Imaginer être dans les catacombes et s’y trouver réellement était deux choses complètement différentes. L’ambiance morbide et glauque qui se dégageait des murs recouverts de crânes mettait la soignante vachement mal à l’aise. Elle avait accompagné pas mal de patients en fin de vie au cours des dernières années. En tant qu’apprenti guérisseuse, elle avait fini par accepter que la mort faisait partie de la vie et qu’elle en était la conclusion inévitable.

Cependant, se retrouver dans un lieu chargé de souvenirs et d’énergie comme celui-ci la rendait inconfortable. Roigada sentit le mal-être de sa dresseuse et s’adressa à elle tandis que Feunard se mit à utiliser une Rune protect, cherchant à apaiser la maîtresse de l’eau.

« Je ressens des présences spectrales, un peu plus loin dans les tunnels... Mais si ça peut te rassurer, ils n’ont pas l’air agressifs. Tant que vous respectez les lieux, je pense qu’ils vont laisseront tranquille. »

« Super… C’est sensé me rassurer ? »

« Tu as affronté pire, ce ne sont pas eux qui vont réussir à te mettre à mal. Et puis, Violette est aussi un Pokémon spectre… En quelque sorte. Elle pourra communiquer avec eux et désamorcer la situation si ça part en vrille. »

« Je suppose... J’espère qu’on n’en arrivera pas là quand même. »

La défenseur fut ensuite interpellée par la championne qui l’invita à s’intéresser de plus près aux runes gravées sur le pilier central. La blonde fit glisser ses doigts sur les crevasses qui formaient des symboles qu’elle reconnaissait en partie.

« C’est du Mizuhanien ancien, l’ancêtre de la langue que nous parlons aujourd’hui dans le pays. J’ai appris à le lire quand j’étais enfant, mais ça remonte à quasiment quinze ans, je ne promets rien. »

Juliette posa alors sa main droite sur la paroi du pilier et se mit à tourner autour de la colonne, ne la quittant pas du bout des doigts. Le temps avait fait son effet et certains symboles avaient disparu, effacés par les années. Cependant, elle fut capable de déchiffrer quelques mots-clés et son cerveau fit le reste des connexions.

« Alors, de ce que j’ai compris, la ligne supérieure est une prière adressée à Giratina, le maître de l’au-delà, comme ils l’appellent. Les gens qui ont construit les lieux lui implorèrent sa protection et sa guidance pour les âmes errantes bloquées dans les Limbes, l’entre deux-monde. »

Les doigts de Juliette glissèrent ensuite un peu plus bas, atteignant une deuxième ligne de signes du passé. Cette fois-ci, en plus de l’usure naturelle, un bout de la colonne avait disparu. Le morceau manquant comportant la fin de la deuxième partie du texte. La blonde se remit à tourner autour du pilier, essayant de déchiffrer tant bien que mal le second message malgré le morceau manquant.

Une vague de frissons envahit son échine alors qu’elle déchiffrait le peu du message qui était lisible. Elle n’avait pas toutes les clés en main pour en comprendre la totalité, cependant, le peu qu’elle comprenait suffisait à lui donner la chair de poule.

« Et ici… Ils parlent de sacrifices humains à perpétrer en échange de l’apparition de Giratina. Je pense que le morceau manquant comportait peut-être les conditions de sélection des sacrifiés, mais c’est qu’une hypothèse… Il y’a juste un symbole que j’ai réussi à déchiffrer, un peu plus loin… On peut le traduire par pureté, mais aussi innocence. »  

Juliette eut l’impression de jeter un froid dans la salle. Un silence de plomb s’installa tandis que les feux follets de Feunard doublaient de volume, éclairant la salle davantage. La dresseuse remercia son renard. Se retrouver dans l’obscurité après tout ça était la dernière chose que voulait la noble. Essayant de réfléchir rationnellement, elle se mit à assembler les différentes pièces du puzzle qui étaient présentes dans son esprit.  

« C’est un peu ce qui s’est passé lors du festival des Lumières. Je veux dire, il était organisé pour célébrer l’arrivée de Giratina, pour qu’il vienne en aide aux âmes coincées dans ce monde afin qu’elles puissent traverser vers l’au-delà… Mais si la condition pour que Giratina vienne, c’est que des humains soient sacrifiés… »

Juliette resta quelques secondes, interdite, regardant Violette dans les yeux.

« Tu penses que c’est pour ça qu’on a essayé de vous faire du mal ce jour-là, à toi et Hugo ? Qu’une bande de fanatiques auraient voulu vous utiliser comme sacrifices pour invoquer Giratina… ? Si cette légende raconte vrai… Alors même si vous vous en êtes échappés, ça n’a pas dû être le cas pour d’autres malheureux… »

La défenseur déglutit difficilement, se rapprochant de ses Pokémon. Elle ne savait pas si c’était uniquement dans sa tête, mais l’ambiance des catacombes semblait devenir de plus en plus oppressante, comme si les plafonds rapetissaient et que les murs composés de crânes se rapprochaient d’elle.

« Alors… Tu veux continuer plus loin ? »

[Violette]

En attendant que Juliette ait fini d’examiner le pilier, je repensai à sa réaction lors de ma transformation, ce qui m’arracha un sourire. Bon, c’est vrai que j’aurais pu les prévenir, ses Pokémon et elle, de ce qui allait se passer, mais en toute honnêteté, j’étais assez contente de mon petit effet ! Il faut croire que mon frère et ses Pokémon déteignaient sur moi… Ou alors j’avais eu envie de les surprendre justement parce que j’étais désormais aussi un spectre ?

Quoi qu’il en soit, je n’étais pas surprise de la perplexité de Juliette au sujet de mon aventure dimensionnelle. Mon frère aussi avait tiré une drôle de tête quand je lui avais tout raconté. J’en avais alors déduis que lui non plus n’avait pas fait le voyage et que ce dernier était très loin d’avoir concerné tout le monde sur Erasia. J’étais partie du principe que l’événement, bien qu’assez confidentiel, était mondial suite à quelques articles que j’avais lu dans la gazette d’Erasia qui avait publié quelques témoignages assez proches de ce que j’avais vécu. Mais ces articles ne faisaient pas du tout les gros titre et s’étaient retrouvés dans les bas-fond des pages faits divers, comme si les journalistes eux-mêmes doutaient de la pertinence des événements rapportés, qui étaient malgré tout trop extraordinaires pour ne pas être relatés… Avec toutes les précautions d’usage !

Bref, à part quelqu’un comme moi qui avait d’excellentes raison de chercher activement des témoignages sur un phénomène surnaturel qu’elle avait vécu, très peu de gens avaient dû se sentir assez concernés pour s’informer à ce sujet. Seule l’apparition des trois Pokémon géant dans le ciel avait fait la une mais cette dernière ne mentionnait que très brièvement le lien avec une autre dimension, sans entrer dans les détails fournis par ceux qui l’avaient visités. Pourtant, des personnes venant des autres pays d’Erasia et même de Tenkei avaient affirmé, dans les dernières pages, avoir vécu une expérience similaire à la mienne.

Par contre, d’après les quelques recherches que j’avais faites à ce sujet, le phénomène de transformation d’un humain en Pokémon – hors cas de démon – n’était pas nouveau : il y a une dizaine d’année, un événement similaire s’était produit sur Erasia et l’attribution de ce mystérieux pouvoir à quelques élus avait alors été attribué à Darkrai… Mais mes sources restaient vague sur le pourquoi et le détail de l’action du Pokémon de cauchemars… Ce n’était donc pas étonnant que Juliette tombe des nues en me voyant me transformer !

Mais comme elle était en plein déchiffrage, je me retins de la déranger pour lui faire part de tout cela. Mon récit attendrait que nous soyons dans un lieu plus… hospitalier. Une chance que ma compagne sache déchiffrer ce langage ! Les langues n’avaient jamais été mon fort, comme pour la plupart des Nalciens. L’érasien me suffisait amplement même si mon arbitre me tannait pafois le cuir pour que j’apprenne au moins le Midgardien pour pouvoir accueillir dignement les quelques challengers originaires de Tenkei. Mais je trouvais l’intérêt d’apprendre cette langue assez limité alors que je pouvais communiquer directement à l’esprit de mon interlocuteur et que dans le pire des cas, mes Pokémon pouvaient se charger de la traduction… Sauf peut-être pour apprendre le nom des Pokémon et de leurs attaques, afin de pouvoir anticiper les stratégies adverses !

Finalement Juliette me révéla ce qu’elle avait compris au sujet de ce lieu. Il servait à accomplir un rituel pour invoquer Giratina… Yerk ! Notre aventure prenait un tournant qui me plaisait de moins en moins… Cette histoire de sacrifice me rappelait certains compte-rendus que m’avait fait mon frère au sujet de ses recherches sur les spectres, la magie et le dieu-spectre… Malgré ma répulsion, je ne pus m’empêchait de poser à Juliette la question qui hantait mon esprit :

« Dis-moi, cette pureté et cette innocence… Elles ne pourraient pas faire référence à ses enfants par hasard ? Les sacrifices d’enfants sont souvent associés aux rituels pour faire venir Giratina... »

Je me tus, hésitant à poursuivre. Mon frère non plus n’avait pas voulu me révéler tout ce qu’il savait à ce sujet dans un premier temps. Mais comme j’avais avais la capacité de me transformer en spectre, je lui avais demandé de m’apprendre tout ce qu’il savait sur ces Pokémon, y compris les plus puissants d’entre eux… Au risque de découvrir des choses très sombres ! Voyant que Juliette s’attendait à ce que je continue, je poursuivis, presque à contre-coeur :

« Beaucoup de gens pensent que les sacrifices utilisés pour faire venir Giratina dans notre monde fonctionnent comme les offrandes qu’on fait aux autres légendaires dans tous les pays : on fait un cadeau à Lugia par exemple, ce dernier est content et en retour, il nous accorde sa bénédiction. Et pour Giratina, sa bénédiction serait sa venue… Sauf que ce dieu, pas plus que les autres, ne réclame des sacrifices comme cadeau. S’il est offensé, il peut demander la mort du fauteur de troubles mais les meurtres indéfinis en son nom ne l’intressent pas. Ou en tout cas, ils ne lui font pas plaisir.

Si Giratina vient quand on sacrifie en son nom, c’est surtout parce que l’équilibre entre les vivants et les morts a été rompu : des gens qui n’auraient pas dû mourir ont été tués non pas pour des motifs terrestres mais justement pour des motifs qui ont trait avec le monde des morts, à savoir le faire venir de force. Alors il vient et rétablit l’équilibre en tuant les contrevenants. »

Jusqu’ici, l’histoire, bien que dure, comportait un fond de justice : Giratina était l’esprit vengeur qui punissait les meurtriers et tout rentrait dans l’ordre. Malheureusement, les choses n’étaient pas aussi simples…

« Je ne sais pas si cette théorie est vraie mais beaucoup de personne au fil des âges ont affirmé avoir assisté à ce type de rituels. Mais s’il n’est pas possible de tromper Giratina, on peut toujours tromper des humains… Ainsi, certains pseudo-gourous appartenant à des sectes qui en apparence souhaitaient le retour du roi des spectres étaient en réalité tout à fait conscient des risques et ramener leur dieu dans notre monde ne les intéressaient pas du tout. Mais en faisant croire à leurs fidèles qu’en agissant ainsi, ils gagneraient les faveurs du dieu, ils gagnaient ainsi une main d’oeuvre fanatisée sincèrement acquise à leur cause. Une main d’oeuvre qui ne voyait rien de mal à opérer des sacrifices dont le but ultime n’était pas le retour de Giraina mais… Autre chose… Par exemple, il est possible d’après certains de convertir l’espérance de vie d’une personne en années de vie supplémentaires pour soi-même grâce à un sacrifice et à une bonne maîtrise de l’esprit, raison pour laquelle de jeunes enfants sont souvent préférés… On peut aussi accomplir un rituel sacrificiel pour voler la maîtrise des mourants et se l’approprier pour renforcer la sienne… Le tout sous la prétendue égide de Giratina qui attire les avides et effraie les honnêtes gens... »

Je m’arrêtai là, sur le point de vomir. Heureusement, Doc me revigora avec un Vibra-Soin. Le plus horrible dans cette histoire était probablement que si Silver m’avait parlé de tout cela, c’est qu’il avait de bonnes raisons de croire que ce rituel avait été accompli et que ceux qui l’avaient accompli étaient une menace… Mais il n’était pas entré dans les détails et je lui faisait suffisamment confiance pour ne pas insister. Si la menace était réelle, elle était pour le moment suffisamment éloignée et lui n’était pas assez sûr de son fait pour m’en parler. Sinon il l’aurait fait…

Ayant repris une contenance, je réfléchis à la dernière question de Juliette… Est-ce qu’Hugo et moi, nous avions échappé à ce type de rituel ? Difficile à dire…

« Je ne sais pas trop si les gens qui nous ont capturé ce soir-là voulaient nous sacrifier… A priori, on était trop loin de cet autel pour ça mais comme nos ravisseurs étaient des maître de la terre, ils auraient pu nous faire passer par les sous-sols. D’un autre côté, s’ils étaient géokynésistes, ils auraient tout aussi bien pu être des Terrosiens fomentant un banal complot politique. A cette époque, Terros et Mizuhan étaient encore officiellement opposés même si les tensions s’étaient relâchées... »

Suite à cette déclaration, une pensée me traversa l’esprit :

« Ce qu’on fait ici n’a absolument rien à voir avec ce que j’y ai vécu il y a cinq ans en fin de compte. A l’époque, les ennuis nous sont tombés dessus complètement par hasard et j’étais trop faible pour y faire face. Aujourd’hui, je ne sais pas si je suis assez forte mais quoiqu’il en soit, c’est moi qui cherche le danger et non l’inverse... Donc oui, je vais continuer. Parce que je crois que c’est exactement pour ça que je suis venue... »

Au final, cela avait très peu à voir avec Hugo. Je ne voulais pas revivre ce que j’avais vécu avec lui ce jour-là ou même affronter exactement les mêmes dangers. Je voulais juste savoir si j’étais capable de faire face aux terreurs de mon passé et à celles des autres. Si oui, alors « affronter » Hugo et sa réaction, quelle qu’elle soit ne serait qu’une formalité.

« Et toi, tu veux continuer ? Tu es libre de partir quand tu veux si tu ne le sens pas, tu m’as déjà été d’une aide très précieuse et je ne veux pas abuser de ta gentillesse… Et puis, rien ne nous oblige à foncer sur toutes les sectes qu’on pourrait croiser par ici ! On pourrait par exemple demander aux spectres du coin s’il y a eu des événements louches dans le coin ces derniers temps, c’est moins risqué, qu’est-ce que tu en penses ? »

[Juliette Sevaltico]

« Si ça peut faire référence à des enfants… Oui, probablement. À cause du morceau manquant, c’est difficile à dire avec certitude. Puis mon Mizuhanien antique n’est pas parfait, peut-être que je passe à côté de quelque chose. Mais si c’est le cas… S’il s’agit vraiment d’enfants dont on parle dans ce texte… C’est vraiment terrible. Quelle divinité peut réclamer ce genre d’offrandes pour apparaître ? Ne sont-elles pas censées être au-dessus de nous, bien au-delà de nos pratiques matérielles et humaines ? »

Juliette frottait frénétiquement ses mains l’une contre l’autre, en repensant aux deux petits fantômes qui lui avaient joué des tours lors du festival de la Nouvelle-Gilnéas. La soignante se souvenait encore très bien de leurs voix qui résonnaient encore parfois dans son esprit. En quelques années de pratique quotidienne au centre de soins, Juliette était toujours aussi sensible quand les patients qu’on lui amenait étaient des enfants… Et elle en avait vu défiler pourtant. Des enfants mal nourris, d’autres souffrant de maladies incurables, certains complètement livrés à eux-mêmes, recueillis sur le seuil de la mort. Mais traiter des enfants ne devenait pas plus facile avec le temps ou l’expérience.

Violette tira Juliette de ses pensées et poursuivit ses explications. Elle répondit partiellement à la question que la blonde avait posé quelques instants plus tôt. Ainsi, selon la championne, le sacrifice d’enfants n’était pas quelque chose de nécessaire à la venue de Giratina. Ce dernier ne réclamait la mort que des personnes menaçant l’équilibre entre les morts et les vivants. Mais pour en venir à cette conclusion, plusieurs sacrifices ont dû avoir lieu par le passé et ces derniers avaient probablement attiré Giratina, mais pas pour les raisons attendues. Le Dieu des morts était alors descendu sur terre pour punir les fauteurs de troubles, mais au fil du temps, les gens ont dû associer la mort des enfants à la venue de Giratina… Ce qui finit par créer cette légende…

La Nalcienne poussa le tout encore plus loin quand elle présenta toutes les dérives potentielles dont certains gourous ont pu abuser. Et si tout ça faisait sens, Juliette avait du mal à concevoir comment certaines personnes pouvaient abuser de la crédulité d’autrui de la sorte. Comment quelqu’un pouvait utiliser des histoires si terribles pour manipuler des personnes plus faibles à sa guise ? Tout ceci était terrible.

Juliette se rendit compte que le malaise qu’elle expérimentait était réciproque et que la championne n’en menait pas large non plus. De manière assez égoïste, cela rassurait un peu la blonde qui avait l’impression de ne plus reconnaître la jeune femme qu’elle avait rencontré des années auparavant. Elle avait tellement changé, mais à cet instant précis, l’expression sur son visage lui rappelait l’adolescente avec qui elle avait partagé une après-midi auparavant. Elle ne doutait pas de l’authenticité de son changement, mais la voir si brave, si sûre d’elle culpabilisait un peu Juliette qui, cela arrivait, pouvait encore manquer de confiance en elle… Et voir que la confiance de la championne n’était pas inébranlable la rassura… Elle n’était pas seule.

Violette retrouva sa contenance tandis qu’elle expliqua que la raison pour laquelle elle voulait continuer n’était plus du tout celle de base. Elle ne cherchait plus à revenir sur les évènements traumatisants qu’elle avait vécu lors du festival des lumières, mais plutôt à constater son évolution depuis. Savoir si elle était capable de faire face à des situations qui la dépassaient totalement à l’époque et ainsi avoir la certitude qu’elle pouvait se débrouiller seule.

Juliette envisagea de la laisser quelques instants. Après tout, elle avait rempli sa part du marché. Elle était venue à la Nouvelle-Gilnéas, elle avait écouté Violette, répondu à ses questions concernant Hugo, l’avait accompagné jusqu’à sa destination. Elle aurait pu partir maintenant.  Après tout, si elle souhaitait se jeter dans la gueule du loup toute seule, cherchant les dangers, elle n’avait besoin de l’aide de personne pour le faire.  Et puis, elle avait quelques Pokémon suffisamment puissants pour lui venir en aide si jamais les choses se corsaient.

Cependant, Juliette ne put se résigner à la laisser seule. Pas qu’elle ne la croyait pas capable de se débrouiller seule. Mais la soignante s’en voudrait terriblement si quelque chose devait arriver à Violette en son absence. Après tout, Juliette était défenseur et donc la plus à même à la protéger en cas de problèmes. De plus, bien que leurs deux nations étaient en froid, Juliette avait du mal à imaginer qu’on ne puisse pas la blâmer si quelque chose arrivait à la championne Nalcienne.

« Va pour discuter avec les spectres, si on en trouve ! Et si jamais ça dérape, on saura se défendre, j’en ai aucun doute. »

Juliette se rapprocha alors de la chanteuse et les deux jeunes femmes continuèrent à avancer à travers le labyrinthe que représentaient les catacombes.

« Comment les gens qui ont bâti ça pouvaient bien se repérer… » pensait Juliette à voix haute.

Après quelques minutes de marche, guidées par Feunard et ses feux-follets, les deux exploratrices se retrouvèrent face à un embranchement avec deux tunnels séparés, un allant vers la gauche, l’autre vers la froide.

« On reste ensemble, non ? » fit-elle immédiatement. Ce n’était pas réellement une question mais plutôt une affirmation. Elle voulait bien être courageuse, mais s’aventurer toute seule dans un de ces tunnels, c’était hors de question. « Tu peux demander à Lily d’utiliser son radar pour voir si un des deux tunnels est préférable ? »

Après avoir suivi les recommandations de la chauve-souris, les deux jeunes femmes empruntèrent le tunnel de gauche. Après quelques minutes de marches dans les chemins sinueux des catacombes, un rire d’enfant se fit entendre au loin tandis que les feux follets de Feunard s’éteignirent brusquement, soufflés par un vent froid et humide qui balaya le groupe.

Juliette se raidit instinctivement, ordonnant à sa Feunard d’utiliser l’attaque feux follets à nouveau. La défenseur était occupée à rassembler l’eau qui s’écoulait le long du sol et une fois qu'elle avait amassé assez d'eau, elle forma un bouclier qu’elle érigea face à sa renarde et elle-même tout en se positionnant face à Violette, faisant office de rempart. Quand les feux follets se remirent à illuminer le tunnel, Juliette vit une petite bougie qui flottait dans les airs à travers sa membrane aquatique.

« Woaaaah, c’est trop cool !! On a pas beaucoup de visites ici d’habitude !! Vous êtes là pour faire quoi ? » fit une voix enfantine qui s’adressait directement dans tous les esprits présents dans les souterrains.

Juliette adressa alors un regard appuyé à Violette… Si elle avait des questions à poser aux esprits coincés dans ce labyrinthe souterrain, c’était le moment…

[Violette]

[Anniversaire d'Érasia, le post compte double !]

Un Funéraire… Grâce à mon frère, j’en savais désormais long sur les Pokémon spectre… Sans parler des challenger qui entraînaient spécifiquement un Pokémon de ce type pour m’affronter ! Heureusement celui-là n’avait pas l’air agressif ! C’était même plutôt le contraire !

« Euh bonjour ? Je m’appelle Violette et voici Doc et Lily ! On est venu visiter les lieux.
-Vraiment ? Ya pas grand monde qui vient faire du tourisme ici d’habitude ! A part les enfants du coin ! Mais ils ne viennent plus depuis longtemps...
-Les enfants ? »

Malgré l’air inoffensif et avenant de la petite bougie, cette simple mention suffit à me remettre sur mes garde, ce qui ne manqua pas de troubler la chandelle :

« Bah oui ! Cette partie des catacombes leur est dédiée ! Vous connaissez pas l’histoire ?
-Non… Tu veux bien nous la raconter ?
-Avec plaisir ! Alors en fait, il y a cinquante ans… Ah non ça doit faire cinq cent maintenant… Enfin bref, ya très longtemps quoi, les enfants du voisinage venaient déjà ici pour s’amuser parce que cette partie des catacombes est un petit labyrinthe très amusants ! C’est aussi là que les enfants sont enterrés, c’est ptet pour ça que les fantômes qui vivent ici s’entendent bien avec les enfants ! Enfin bref, un jour, un jeune garçon s’est perdu dans le dédale… Sauf que lui il est jamais ressorti. D’habitude, y’avait toujours un fantôme pour guider ceux qui se perdait mais pas ce jour…

Et à cause de cette disparition, ya eu plein de légendes pas très chouettes sur l’endroit. On disait que les fantômes du coins étaient dangereux, qu’ils enlevaient les enfants qui venaient ou les forçaient à se perdre dans les catacombes. Du coup les enfants furent bientôt interdits de venir… Et depuis on s’ennuie… Mais maintenant vous êtes là alors vous allez jouer avec nous hein ? »

Il y avait une telle innocence enfantine dans la voix du fantôme, un tel désir de trouver un simple partenaire de jeu que son discours était tout à fait touchant. Malgré tout, son histoire était plus triste que lui et surtout, elle confirmait en partie mes craintes. Je lui demandai donc :

« Du coup il y a vraiment des enfants qui ont disparu ici ? Même si ce n’était pas de la faute des Pokémon spectre hein !
-Ben j’en sais rien… J’étais pas né à l’époque ! Je vous ai simplement raconté ce qu’on m’a appris. Mais des fantômes plus vieux pourront peut-être vous le dire ! Je peux vous les présenter si vous voulez… Mais d’abord on joue ! Si vous voulez que je vous guide jusqu’à quelqu’un qui pourra vous renseigner, il vous faudra gagner la partie !
-Une partie ? De quoi ? »

En réponse, la bougie poussa un petit sifflement. En réponse, deux autres Funécire apparemment aussi jeunes et joueurs que le premier nous rejoignirent en traversant le mur situé devant moi. Puis les trois chandelles me lancèrent :

« A cache-cache ! Trouvez-nous si vous pouvez ! Mais on est sympa ! On va changer la couleur de notre flamme pour que vous puissiez nous repérer parmi les autres Funécire ! »

Aussitôt dit, aussitôt fait et la flamme des Pokémon passa d’un bleu violacé à un bleu azur bien plus clair, impossible à confondre avec sa teinte précédente ! Puis les trois Pokémon s’enfuirent par un couloir en nous criant :

« Bonne chance ! Vous en aurez besoin pour nous trouver haha ! »

Aussitôt, Lulu s’engagea dans le même couloir à toute vitesse, apparemment bien décidée à jouer et à ne pas se laisser distancer. Avait-elle compris qu’il ne s’agissait pas d’une course mais d’un jeu d’observation ? En tout cas, sa stratégie pour retrouver les fuyard, à savoir ne pas les perdre de vue, en valait bien une autre ! Et elle n’était pas la seule de mes Pokémon à apprécier ce petit défi puisque Lily me lança :

« Chic ! J’adore jouer à cache-cache ! Et ce Funécire ne le sait pas mais sa cire laisse une odeur très caractéristique ! Avec ça il ne m’échappera pas ! J’arrive ! »

Et elle se lança son tour dans le couloir. Heureusement, j’eus le temps de lui répondre par la pensée :

« Sois prudente d’accord ? On reste en contact !
-Oui, ne t’inquiète pas ! »

Et notre conversation prit fin. Je me tournai ensuite vers Juliette pour savoir ce qu’elle pensait de toute cette histoire :

« Du coup… Ca te dit de jouer un peu à cache cache ? Je n’ai pas pu sonder tout l’esprit de cette bougie pendant qu’elle nous racontait son histoire mais elle n’a pas l’air animée de mauvaises intentions de ce que j’en ai vu. Doc, tu confirmes ? »

Ma fée nous envoya  un sentiment d’assentiment avec le sourire. Elle non plus n’avait rien capté de louche chez le chef du trio.

« Du coup… Tu veux qu’on se sépare et qu’on aille chacune chercher une bougie ? Ou on reste ensemble et on s’occupe des deux qui restent l’une après l’autre ? C’est comme tu préfères ! »

Pour ma part, je n’avais pas de préférence sur la question. Les Funécire m’avaient bien rassuré sur l’ambiance du lieu. Les catacombes pouvaient contenir du danger et des horreurs mais elles ne contenaient pas QUE cela, sinon jamais des Pokémon aussi joviaux n’y auraient élu domicile. Donc je ne sentais pas le besoin d’être accompagnée. D’un autre côté, rester avec Juliette ne me dérageait pas, au contraire, même si cela ferait sans doute durer un peu plus nos recherches. Mais Juliette me semblait plus mal à l’aise que moi ici et elle avait sans doute fait de gros efforts pour m’accompagner aussi loin, aussi je ne tenais absolument pas à la laisser tomber. C’était mon amie après tout !

[Juliette Sevaltico]

[Anniversaire d'Érasia, le post compte double !]

« Et moi c’est Juliette. Elle c’est Feunard et lui Roigada. »  

La blonde se dépêcha de compléter les présentations de la championne. Ainsi, tous les acteurs étaient connus par la petite bougie, ce qui limitait les possibilités pour d’éventuelles mauvaises surprises par la suite. Devant une première impression inoffensive, Juliette laissa son bouclier aquatique s’écrouler au sol sans aucune éclaboussure tandis qu’elle écoutait la discussion entre Violette et le petit Funécire.

De manière assez évidente, ce dernier devait être le fantôme d’un enfant décédé et enterré ici. Cette pensée serra le cœur de la jeune femme. Cependant, cette dernière ne put s’empêcher d’afficher un petit sourire au coin des lèvres devant une telle innocence. Il parlait avec une telle envie de jouer qu’il lui était presque impossible de dire non devant ses supplications. Et puis, Juliette avait du mal à croire qu’il aurait accepté un non comme réponse à sa requête, donc il valait mieux pour les deux jeunes femmes d’abonder dans son sens dans tous les cas. En quelques secondes, le petit chef avait appelé deux de ses acolytes à la rescousse avant de se lancer une partie de cache-cache, talonnés de près par Lily.

Juliette n’était pas particulièrement fan de l’idée de faire une partie de cache-cache dans un tel lieu. Si le Funécire paraissait sympathique aux premiers abords, il n’empêche qu’elle ressentait un certain malaise dans les catacombes. Elle avait l’impression que l’atmosphère était lourde, pesante, comme si cette dernière lui collait à la peau et entravait ses mouvements.

Lorsque Violette lui demanda ce dont elle avait envie, Juliette pouvait très clairement réaliser que son acolyte se sentait dans son élément. Contrairement à elle, la championne était joviale, paraissait à l’aise, prête à s’élancer dans les couloirs à la recherche des petits galopins. Elle aurait voulu rester auprès d’elle et terminer ce petit jeu en deux secondes mais la voix de Léanne résonnait dans son esprit. Avant qu’elle ne quitte le centre de soin, sa mentor lui avait fait promettre de sortir de sa zone de confort, de repousser ses limites et de ne jamais arrêter d’apprendre.

La défenseur prit une profonde inspiration avant de plonger son regard dans celui de la Nalcienne. Il ne lui arriverait rien. Ni à elle, ni à Violette. Les deux jeunes femmes devaient croire en elle-même.

« On peut se séparer, on ira plus vite si on en cherche chacun un. Et puis, Roigada peut contacter Doc en cas de soucis, et inversement. On se tient au courant si on en trouve un, d’accord ? Je vais aller à droite, cette partie du tunnel me semble un peu plus humide, j’aurais de quoi me défendre en cas de besoin. Sois prudente ! »

Juliette gratifia son amie d’un clin d’œil avant de s’engouffrer dans le tunnel qu’elle avait désigné.

« Tu sais, il n’y avait pas de honte à demander à rester avec Violette. »

« J’ai encore un minimum de fierté… »

« Tu sais que ce n’est pas nécessairement une bonne chose. »

La Feunard s’arrêta brusquement dans sa marche, manquant de peu de se faire emboutir par sa dresseuse qui la talonnait. La renarde jeta un regard noir à son compagnon psychique comme pour le prévenir que celui-ci dépassait les limites. Il avait beau être le conseiller de Juliette, ce dernier ne pouvait pas se permettre de pas traiter la jeune femme de manière condescendante comme il le faisait maintenant. Du moins, c’était ce que la renarde pensait.

« Calmez-vous tous les deux. » fit Juliette à l’adresse de ses Pokémon. « Je sais que j’aurais pu demander à accompagner Violette, mais c’est vrai, en se séparant, on couvrira plus de terrain et on retrouvera les Funécire plus rapidement. Pas besoin d’être un Pokémon psy pour remarquer que je suis pas à l’aise ici, mais c’est pas en discuter qui va arranger les choses. Et puis, je dois dépasser mes limites, sortir de ma zone de confort dans laquelle j’étais… Non, nous étions confortablement installés depuis plusieurs années. »

La jeune femme finissait de réprimander ses deux compagnons quand un Funécire à la flamme azur traversa un tunnel perpendiculaire à celui où la soignante se trouvait.

« Allons-y ! »

Juliette s’élança alors à travers le tunnel jusqu’à atteindre le croisement dans lequel elle avait vu sa cible. Alors qu’elle arrivait au carrefour, elle aperçut que de nombreux Funécire se trouvaient dans le couloir qu’avait emprunté celui qu’elle pourchassait. La jeune femme se mit alors à traverser le tunnel tandis qu’elle portait ses bras au niveau de son visage pour éviter d’entrer en collision avec les petits malicieux qui faisaient barrage pour leur semblable.

« Il est déjà parti loin, hihi ! »
« Vous le trouverez jamais, euuuuh ! »
« Il est trop fort au cache-cache vous savez madame ! »

Les voix multiples de toutes les âmes d’enfants s’élevèrent dans l’esprit de Juliette provoquant un brouhaha qui l’assaillait de tous les côtés. Rapidement, le Roigada de Juliette érigea une protection mentale autour de l’esprit de sa dresseuse, permettant de filtrer les bruits opportuns. La défenseur finit par s’extirper de la colonie de Funécire avant de s’engager dans un autre couloir, toujours plus sombre que le précédent.

Celui-ci était désert contrairement au précédent. Ce tunnel était particulièrement humide, à tel point qu’une bonne couche d’eau recouvrait le sol. Sentant l’eau s’engouffrer dans ses chaussures, Amélia utilisa sa maîtrise de l’eau pour trancher l’eau se trouvant au sol et l’ouvrir en deux, offrant une bande de terre sèche sur laquelle elle pouvait continuer son exploration.

Alors qu’elle continuait à marcher prudemment, Juliette manqua d’emboutir sa Feunard pour la seconde fois en quelques minutes. La renarde à neuf queues s’était arrêtée avant un imposant trou dans lequel se trouvait de l’eau plusieurs mètres en contrebas. La fosse devait bien mesurer trois mètres sur trois et prenaient toute la largeur du chemin. Le gouffre était délimitée par quelques vieilles briques et était probablement les reliquats d’un ancien puit qui devait prendre sa source dans une ancienne nappe phréatique en contrebas.

« Tu peux nous faire léviter jusque l’autre côté ? J’ai l’impression que celui qu’on recherche est de l’autre côté. » fit Juliette à son maître psychique.

Ce dernier acquiesça et transporta en premier lieu la renarde de l’autre côté du trou béant. Une fois Feunard de l’autre côté, l’aura rosé typique de Roigada entoura Juliette tandis que les pieds de cette dernière quittèrent le sol. Alors que la blonde survolait l’ancien puit, elle y ressentit une certaine agitation dans l’eau.

Un imposant Léviator en surgit dans un tonnerre fracassant, son cri grave résonnant dans le dédale du labyrinthe. Juliette vit le monstre aquatique s’approcher dangereusement d’elle alors qu’elle était toujours en pleine lévitation, suspendue en l’air comme un snack pour le serpent des mers.

La défenseur mobilisa toute l’eau présente dans les environs et réussit à créer un maillage aquatique qu’elle projeta sur le monstre marin. Dans son ascension, le Léviator transperça le filet comme si de rien n’était et finit par atteindre Juliette. Rappelant à elle l’eau qu’elle maîtrisait, elle créa une épaisse barrière d’eau tandis qu’un faisceau lumineux se formait dans la gueule du monstre marin.

Les yeux de la blonde triplèrent de volume quand elle comprit qu’elle était sur le point de se prendre un Ultralaser à bout portant. Monopolisant toute l’eau possible, elle augmenta la densité de son bouclier avant de voir le rayon blanchâtre quitter la gueule du monstre. Juliette tendait tous ses muscles, toujours dans les airs, prête à encaisser l’impact, quand elle fut aveuglée par une lumière vive. Quand la lumière se dissipa, Juliette constata que l’adversaire enragé avait disparu tandis que l’impact avec l’Ultralaser n’avait jamais eu lieu.

« C’était quoi ça ?? »

Juliette jeta un regard inquiet à son Roigada tandis que ce dernier la déposa enfin auprès de Feunard avant de la rejoindre. Une fois que le sage vint se poser à son tour de l’autre côté du puit, des petits rires se firent entendre un peu plus loin.

« Entrave ! »

La soignante n’avait pas besoin d’adresser son injonction pour que Roigada comprenne immédiatement qu’elle lui était destinée. Les yeux du Pokémon couronné s’illuminèrent d’une teinte blanchâtre tandis que les petits rires éloignés se transformaient en plaintes étouffées et gémissements.

« Danse flamme. »

Une spirale de feu entoura la renarde qui se mit à avancer gracieusement jusqu’à la source de bruits qui était un peu plus loin. Deux autres renards apparurent alors. Ces derniers étaient assez différents de la renarde de feu. Ces deux-là étaient noirs, ou peut-être gris, c’était difficile à dire avec si peu de lumière, avec des touches de rouge sur leur pelage. L’un se tenait sur ses pattes arrière et arborait une impressionnante crinière hérissée dans son dos tandis que l’autre était bien plus petit avec une petite touffe de poils sur le crâne.

« Un Zorua et un Zoroark. » fit mentalement Roigada dans l’esprit de sa dresseuse. « Ils sont capables de prendre l’apparence d’autres Pokémon mais les plus doués d’entre eux savent créer des illusions… Je suppose qu’ils sont de mèche avec les Funécire et qu’ils ont voulu te jouer un petit tour avec une illusion de Léviator. Ils sont connus pour être espiègle et facétieux mais pas méchant. »

« Relâche l’entrave, s’il te plait. »

Une fois les deux goupils libres, ces derniers se mirent à courir dans les profondeurs des catacombes tandis que leurs rires lupins résonnaient dans les tunnels. Juliette en profita pour calmer ses mains qui tremblaient encore un peu. Il lui faudrait quelques minutes pour se remettre de la frayeur qu’elle venait de vivre.

« Pffff… » fit-elle en expirant profondément tout en prenant appui contre une des parois du tunnel. « J’espère que Violette a plus de chance de son côté et qu’ils ne se sont pas tous mis d’accord pour lui causer une crise cardiaque à elle aussi. »

[Violette]

[Anniversaire d'Érasia, le post compte double !]

Je hochai la tête suite à la proposition de Juliette de se séparer. Ce qu’elle disait était tout à fait logique… Et en même temps, je m’attendais plutôt à ce qu’elle choisisse de venir avec moi : je n’étais pas exactement à mon aise dans ces catacombes, mais sa situation me semblait encore pire que la mienne. Mais bon, si elle se sentait d’explorer en solo… Je me devais de respecter sa volonté. Dans le pire des cas, on pouvait toujours se contacter par pouvoirs psychiques.

Je me retrouvai donc seule avec Doc pour aller explorer le dernier couloir qui partait de la salle où nous étions. J’avais beau avoir accepté le défi du Funécire, je ne me sentais pas d’humeur à jouer. C’était seulement la récompense promise par la petite bougie qui m’intéressait. Le lieu n’était pas exactement un parc de loisirs ! Heureusement, j’avais mis au point un petit plan que je révélai à Doc. Très simple, un peu long mais peu coûteux en énergie et avec de bonnes chances de réussite.

Nous nous mîmes donc à arpenter les couloirs des catacombes, moi avec ma torche à la main tandis que Doc utilisait Reflet pour mimer toute une armée de Kirlia qui m’accompagnait. Cette technique avait le double avantage de me faire remarquer par les Pokémon indigènes – essentiellement des types spectre et ténèbres – sans pour autant que ces dernier n’aient envie de se frotter à l’escadron des fées.

Notre exploration se passa donc sans embûches même si de tous les Funécire que nous croisions, aucun n’avait de flamme bleu clair… A supposer que le garnement ait tenu parole ! Mais au moins, cela me laissait le temps de discuter avec Doc de sujets assez tendus que je ne voulais aborder pour le moment, ni devant Juliette, ni devant Lily. Juliette, parce qu’elle était l’amie d’Hugo et Lily parce qu’elle se sentait encore très coupable de ce qui était arrivé au jeune homme et parce qu’elle n’aimait pas les histoires tristes. Ma décision à ce sujet était finalement arrêtée, en quelque sorte.

« Tu sais Doc, plus j’y réfléchis et plus je me dis… Que je n’ai pas de raison de prendre une décision au sujet d’Hugo. J’ai tous ces souvenirs mais… Maintenant je sais que ma moi du passé s’était jetée dans ses bras pour avoir un protecteur puissant. Ce n’est pas très glorieux mais ce n’était pas malhonnête : à l’époque, je croyais sincèrement être amoureuse de lui, et peut-être même que je l’étais. Mais aujourd’hui je sais… Que je n’ai pas envie de passer ma vie avec un homme que j’ai aimé de cette manière. Ce n’est clairement pas ce que je veux désormais. »

Doc parut surprise et me demanda si Hugo m’avait fait mauvaise impression lors du match.

« Non, pas du tout, au contraire ! Pour un challenger, il était très gentil et sympathique ! Même si nous n’avions pas eu de passé en commun, je serais sans doute resté en contact avec lui comme ça, en tant qu’amie. Et il n’aurait été ni le premier, ni le dernier de mes challengers avec qui j’ai sympathisé ! »

Doc éclata de rire et m’envoya mentalement l’image d’un splendide jeune homme d’une petite trentaine d’années au visage grave mais chaleureux et aux longs cheveux noirs. Sa blague commença par me faire rougir instinctivement puis j’éclatai de rire à mon tour ! J’étais bien contente que Juliette n’ait pas assisté à ça, c’était assez gênant !

« Non, lui c’était différent ! »

« Lui » était Vassili Andropov, un Mizuhanien que j’avais eu comme challenger bien des années auparavant, avant que la guerre entre Nalcia et Mizuhan n’éclate et ne tende les relations entre les deux anciens alliés. Lui et sa jeune épouse, Irina, une splendide créature blonde aussi belle que gracieuse – et dont j’avais été instantanément jalouse - étaient en voyage de noces à Nalcia et pour l’occasion, ils avaient décidé de s’offrir un match d’arène pour l’occasion. Nous nous étions donc affrontés en match duo à deux Pokémon de chaque côté et malheureusement pour eux, j’avais remporté la victoire. C’était donc la mort dans l’âme que je leur avais annoncé que je ne pourrai leur remettre le badge. J’aurais tellement apprécié leur faire ce cadeau… Mais les règles étaient les règles. Mais le couple m’avait remercié pour l’affrontement en souriant, nullement déçus d’avoir perdus. Au contraire, ils avaient passé un très bon moment… Et je devais avouer que j’aurais voulu que ce moment avec eux se prolonge… Surtout avec lui en fait. Ce jour-là, j’avais découvert ce qu’était le coup de foudre et les blessures de coeur. IL était bien évidemment hors de question pour moi de tenter d’arracher le jeune homme à son épouse, surtout qu’ils ne restaient à Nalcia que quelques jours… Mais je ne pouvais m’empêcher de jalouser sa femme et de souhaiter être à sa place.

Lorsqu’ils partirent, je ne leur proposai pas de rester en contact comme j’avais pu le faire avec d’autres challengers. La distance n’était pas en cause, je correspondais déjà par courrier avec des dresseurs venus me défier depuis les trois autres pays et même depuis Tenkei. Simplement, je sentais que cela me ferait trop mal de m’accrocher à lui et puisque j’estimais toutes relation sérieuse avec Vassili impossible pour plein de raisons, j’avais simplement coupé les ponts. Aujourd’hui, le temps avait fait son œuvre mais il m’arrivait encore parfois de me demander ce qu’ils étaient devenus. Vassili avait-il persévéré sur la voie du dressage ? Avait-il rejoint l’armée de Mizuhan lors de la guerre ? Etait-il …. ? A ce moment-là,, mon cerveau refusait de pousser les suppositions plus loin et je pensais à autre chose… Tout en gardant l’ombre de son sourire dans un coin de mon esprit…

Hugo était bien différent de Vassili. Je n’avais ressenti aucun coup de foudre en le voyant, ni pour la première fois au temple du volcan, ni lorsqu’il était venu me défier. L’amour que je lui portais, s’il existait, était donc… Différent. Mais avais-je simplement envie de savoir s’il existait ?

Doc me fit alors une remarque des plus judicieuses sur laquelle je butais moi-même depuis un moment : si Hugo était si peu important pour moi et si je doutais autant de l’aimer, pourquoi ne l’avais-je pas déjà oublié pour passer à autre chose ? Pourquoi est-ce que je jouais encore avec l’idée de voir s’il y avait quelque chose de sérieux derrière mon désintérêt poli de façade ? Est-ce que je sentais quelque chose de plus profond ou est-ce que je tenais à continuer une histoire qui n’aurait pas dû se terminer par pur « devoir » ? Il me restait encore à creuser la question…

Finalement, au hasard de nos déambulation, mon armée de Kirlia et moi-même débouchâmes dans une autre salle aussi grande que celle qui contenait les récits effrayant du passé mais point d’inscriptions ici. A la place se trouvait toute une assemblée de petits Pokémon Spectre : des Funécire mais aussi des Skélénox et des Polichombr. Et tous semblaient écouter attentivement un Grodrive plus âgé qui leur racontait mentalement ses aventures à travers le continent. Le tableau était très touchant.

Lorsque nous débarquâmes, la plupart des spectres furent surpris de voir arriver une humaine avec autant de Kirlia. Tous en fait, sauf un, dont les ricanement mentaux étaient assez forts pour que je les entendent. Et comme prévu, sa flamme n’était pas différente de celle de ses condisciples. Quel adorable petit tricheur !

Doc me signifia d’un regard ce qu’elle allait faire et j’acquiesçai d’un hochement de tête. L’instant suivant, les reflets de ma Kirlia se dissipèrent et le Funécire fut frappé d’un Psyko et il lévita vers le plafond, sortant de son petit groupe. Je lui lançai alors d’un ton triomphant :

« Trouvé ! Tu étais un peu trop sûr de ton succès ! »

La bougie se débattit comiquement pendant encore quelques secondes le temps que Doc le relâche. Le spectacle fit éclater de rire les autres spectres. Et tous vinrent vers moi pour me poser des questions ; Qui j’étais ? Qu’est-ce que je faisais là ? Est-ce que beaucoup d’humains avaient les cheveux roses comme moi ?

La curiosité des jeunes fantôme semblait inversement proportionnelle au nombre d’humains qu’ils avaient fréquenté durant leur courte vie. Je tentais bien de répondre au maximum à leurs interrogations mais ils étaient bien trop nombreux pour moi. Au passage, le Funécire joueur me précisa que le Grodrive ici présent avait probablement les réponses à mes questions concernant les enfants. Heureusement, le ballon vint à ma rescousse et leur demanda de me laisser respirer. Les plus jeunes lui obéirent, preuve qu’ils le tenaient en haute estime – ou en tout cas, qu’ils appréciaient ses récits ! La plupart des petits se dispersa, non sans avoir souhaité au revoir au gros ballon… Que je connaissais bien par ailleurs !

« Bonjour Fiesta ! Ca me fait plaisir de te voir ! Qu’est-ce qui t’amène par ici ?
-Bien le bonjour Violette ! Toujours la même chose, j’en ai bien peur ! Je suis encore à la recherche de ma bien-aimée ! Mais cette fois, je pense bien tenir une bonne piste ! Cela fait plusieurs mois que je vais de nids en regroupements de fantômes et ce que j’ai appris ici concernant un certain groupe de Viskuse pas très loin d’ici dans l’océan me donne de l’espoir !
-C’est vrai ? Mais c’est formidable !
-Oui… Désolé si je ne semble pas partager ta joie, mais j’ai subi tellement de revers dans cette quête que je préfère ne pas m’emballer pour rien ! Mais le coeur y est !
-Oh ce n’est rien… Quoi qu’il en soit, je te souhaite bonne chance !
-Merci ! Mais j’ai cru comprendre que tu avais des questions concernant des enfants ? C’est pour ça que tu es ici ?
-Ah oui… Non, je suis juste venue ici… Pour me rappeler le passé… Et pour revoir une amie. Mais j’ai trouvé des textes gravés qui évoquaient des sacrifices….
-Des sacrifices ? Quelle horreur ! S’il y en a eu ici, je peux te dire que c’était il y a très longtemps. Aucun des spectres, et certains sont très âgés, que j’ai rencontré ici ne m’a parlé de ça et ce n’est pas le genre de sujets qui laisseraient les fantômes de marbre… Brrr… Parlons d’autre chose si tu veux bien ! Tu me disais que tu es venue ici sur les traces de ton passé avec une amie ? Où est-elle ?
-Justement, on s’est séparées pour retrouver des Funécire qui nous ont défié à cache cache mais je crois qu’on a gagné et qu’il est temps de nous réunir ! Je vais l’inviter à nous rejoindre si tu veux bien !
-Avec plaisir ! »

Et j’envoyais un message mental au Roigada de Juliette ainsi qu’à Lily et Lulu pour les inviter à nous retrouver ici tandis que Doc saluait joyeusement le Pokémon de mon frère.

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