[ Clos ] La Fange, les Vermines et les Sangsues [Solo]

[Eeva Slanzar]

Cela devait faire des mois maintenant… Non, cela exactement trois mois. Seule avec ses pokémons comme toujours depuis quelques semaines, Eeva était déterminé à remettre les bottes là où elle avait juré de ne pas retourner. Mais il fallait dire que la situation avait changée, qu’elle surtout, avait beaucoup changée et qu’elle ne pouvait s’empêcher de se poser des questions. Cela faisait trois mois que Farfuret et Lokhlass s’étaient enfuies de l’Arène, avaient fuit Eeva. En toute honnêté, elle ne pouvait pas le leur en vouloir, puisque c’était là sa faute et son erreur depuis quatorze ans. Ciel ! Quatorze ans, elle n’était qu’une gamine à cette époque… C’était effrayant, dire qu’elle avait presque trente ans maintenant… Pourtant, elle ne sentait pas vieille et n’y pensait même jamais, elle vivait, un peu au jour le jour, comme elle avait finalement toujours appris à le faire. Maintenant qu’elle pouvait constater ses erreurs et les avouer, sans qu’il n’y ait jamais question de honte car finalement, ce n’était pas un détail qui entrait en ligne de compte dans son caractère, elle ne cessait plus de se demander où pouvaient êtres les deux pokémons. Bien qu’elles ne soient liées que par la fraude et la fourberie d’Eeva, elles étaient très liées et à moins d’un problème, la rousse ne pensait pas qu’elles aient pu se séparer. Mais quand deux pokémons fuyaient leur dresseur, que pouvaient-ils bien chercher ? Retourner à la vie sauvage après plus de dix ans de vie commune avec les humains ? Ou peut-être retrouver leurs anciens propriétaires ? Ca oui, c’était plausible et c’est ce qui avait décidé Eeva. Elle se souvenait fort bien des lieux encore, où elles les avaient dérobées à leurs anciens propriétaires… Et c’est pourquoi l’ex-Pirate avait quitté Mizuhan et prit la première diligence pour retrouver les traces de son passé. Bon d’accord, le lieu exact, c’était peut-être exagéré… Quoiqu’il en soit, si Eeva avait finalement retrouvé le port d’où était partit le navire marchand à l’époque, à qui elle avait dérobé la Farfuret, retrouvé le propriétaire serait bien moins facile. Pourtant, poussée par un je-ne-sais-quoi, accompagnée de la Givrali et du Nosferapti, elle était restée sur les quais à tenter de se souvenir du nom du navire, en vain. Etait-ce le hasard qui l’avait mis sur la route d’un ancien marchand, un vieillard aux chevaux blanchissant qui après quelques instants de discussion plus courtoise qu’intéressée, le vieux avoua s’être fait volé un pokémon, même plusieurs au court de sa vie, mais une fois alors qu’aucun voleur n’avait été aperçut ou signalé. Un pokémon à refourguer, une « sale bête » à l’entendre dire.  Mais il y avait tellement de sales bêtes, de voleurs et de marchands que ce n’était probablement pas lui. Cela aurait été trop beau et trop facile.

Eeva arriva au terme de quelques semaines, à Flamen. Elle quitta le navire qui l’avait transportée, remerciant le Capitaine qui n’aimait pas tant l’idée de faire escale à Tarouga. Et Eeva le comprenait bien. Mais il y avait dans cette ville, autant de fourberies, que de souvenirs et de pistes pour Eeva. Car effectivement au cours des quatorze dernières années, souvent elle et le reste de l’équipage pirate y avait fait escale et on la connaissait là-bas. Les pokémons étaient-ils retournés dans la seule autre ville qu’ils connaissaient ? Pourquoi pas. On la connaissait et c’est pourquoi elle s’emmitoufla rapidement dans sa cape. Elle passa des jours, à se poser dans les coins de la ville, à observer dans l’ombre, ce que le Nosferapti et la Stalgamin une fois sortie semblèrent beaucoup apprécier, l’ambiance sombre et vicieuse de la ville. Tout comme Eeva d’ailleurs. Parfois dans les recoins, la femme s’était elle-même sentie observée. Mais à part un bruit ou une parole étouffée, jamais rien ne se montra. La seconde idée de la rousse était de se rendre dans les abords de la ville, un peu plus loin à l’ouest, là où elle avait dérobé la Lokhlass. Rapidement, les pierres sales de la ville laissèrent place au marais boueux qu’elle connaissait tout aussi bien. La Givrali n’appréciait plus tellement et Eeva la rappela alors qu’elle tentait de longer de la terre saine sans se salir les pattes. Il y avait là la moitié de sa vie, elle s’était soit disant liée d’amitié avec quelques aventuriers de passage pour mieux les voler. Elle se souviendrait toujours, de ce vieil arbre mort et creux où ils s’étaient arrêtés… A cette époque, elle les avait fait tourner en rond pour mieux pouvoir s’échapper dans la ville la nuit et repartir le moment même en mer. Quatorze ans plus tard, le même arbre était toujours là, qui s’était effondré depuis dans sa propre mort. Un murmure attira l’attention de la Championne. Si elle tendait l’oreille, c’était un « polish » qu’elle entendait, un bruit étrange. Mais rien ne semblait venir et Eeva avait à faire, bien que, elle le remarquait, c’était le même « bruit », ne pouvant être qualifié qu’ainsi, qu’elle avait déjà entendu en ville… Mais il fallait continuer. Il n’y avait apparemment aucune trace de Farfuret, Eeva voyant mal Lokhlass se trainer jusqu’ici. Malheureusement, dans un tel marais, les traces ne seraient pas restées très longtemps et d’ailleurs le brouillard se levait déjà. Un brouillard épais, à couper au couteux comme on pourrait le dire. Mais avait-on déjà vu un brouillard couper comme du couteau ? Certes pas, mais Eeva reçut un choc. Elle se retourna, mais elle avait en plus de ne rien voir, perdu la trace de Stagalmin et Nosferapti… la rousse reçut une décharge électrique de plein fouet, au moment où elle perdait l’équilibre dans une horrible flaque boueuse. L’eau conduisit plus que mieux mieux l’électricité et Eeva pour ainsi dire, sentit passer le courant entre elle et son assaillant. A travers le brouillard, elle distinguait mal ce qui semblait être une lueur bleue, très vive pourtant, se balançant d’un côté et semblant sourire. C’était même très inquiétant, car la chose n’était pas humaine !

Si elle ne croyait plus aux monstres depuis longtemps, en revanche, l’angoisse d’un assaillant inconnu était du naturel des humains et le pire, son pouvoir ne lui était d’aucune utilité, sinon de se mettre en plus grande mauvaise position. Relevant la tête, le corps tremblants et traversé d’électricité, où l’on n’en voyait presque les éclats flavescents autour d’elle. Reculant à tâtons, dans la boueuse mixture sentant la décomposition, Eeva retrouva ses pokémons, complètement paralysés. La… Chose les avait donc prit également par surprise… Elle les rappela avant d’envoyer la Givrali. Eeva entendit un net « Tisma », mais n’attendit aucune confirmation, la renarde envoya un vent glace dont les molécules d’eau et d’air dissipèrent le brouillard, formant comme une bulle de brume autour d’eux… Eeva, Givrali et ce qui semblait être un pokémon. Eeva, lâcha une expression et une exclamation soulagée. Mais c’était là un bien étrange pokémon… Jamais elle n’en avait entendu parler, serait-ce donc une nouvelle espèce jusque là inconnue ? La créature était un peu rouge, étrangement faite et avait une sorte d’enveloppe bleuté autour d’elle… Serait-ce un pokémon de glace électrique ? Mais elle le voyait mal survivre à Flamen, non…

« Alors c’est toi qui à  fait ça… j’imagine que tu es bien fier de ton coup ? » maugréa Eeva.
« Mo ! » Lui répondit l’insolant, semblant « sourire jusqu’aux oreilles ».

Eeva soupira de dépit. Elle n’avait pas de temps à perdre avec lui. Elle tourna les talons et comme elle ne tarda pas à s’en apercevoir, la créature la suivait. Quoi encore ? La chose ne semblait pas vouloir la lâcher, prenant soin de titiller le renard et de tenter de l’électrocuter. Si bien, que la renarde lui envoya un éclat glace, attaque apprise récemment. Mais il l’évita en se moquant d’elle. Le temps du chemin, Eeva remarqua le caractère joueur et un peu sombre de la créature et à vrai dire, ce caractère un peu chiant –soyons francs- lui plaisait bien… De même qu’elle appréciait le sombre vampire ou le mystérieux Stalgamin. Quelle créature était-ce ? Elle ne le savait pas, mais la rousse sentait que ce pokémon –si s’en était bien un- n’était pas tout à fait comme les autres. Elle voyait des quantités de pokémons toutes les semaines et pour tout dire aucun ne lui donnait envie de mieux les connaitre et ce n’était pas forcément à cause de l’ambiance des matches. Juste qu’elle les trouvait inintéressants… Mais bizarrement, ce pokémon sauvage l’intéressait, il n’était décidément pas farouche, joueur voir mesquin et s’en amusait sans scrupule… Il avait ce petit côté que la Farfuret avait également. Eeva finit par rappeler la Givrali qui s’énervait et se retourna vers la créature. Celle-ci semblait toujours aussi « souriante » et amusée de son effet… Eeva dut en convenir, elle ne retrouverait pas Farfuret, ni Lokhlass… Erasia était bien trop vaste et seules les deux pokémons pourraient la retrouver si elles le souhaitaient vraiment, mais la femme doutait que cela puisse être le cas.

« Puisque tu sembles tant intéressé, Consends-tu à rejoindre mon équipe ? Moi et mes Champions de l’Arène de Fla’Or ? » Déclara solennellement Eeva.
« Motisma. »

Ce fut là, la seule réponse. Comme il restait planté devant elle, avec le même sourire crochu, tout en ayant visiblement décliné son identité et approuvé par la même occasion, Eeva tira une pokéball et s’approcha de la créature qui lévitait à la même hauteur que son visage. La rousse ne lança pas la pokéball et la garda bien en main. Elle l’ouvrit, la lueur caractéristique engloba la créature et la main bien à plat, Eeva attendit comme tous les dresseurs attendent le son cristallin espéré. Le brouillard avait envahit le marais au point qu’Eeva avait même du mal à distinguer la ball dans sa main tendue. La balle ne remua pas une seule fois et son cœur s’alluma rouge, du son distinctif d’une capture réussie. Et pour la toute première fois de sa vie, une capture sans combat et… Au gré du pokémon. Eeva attacha la pokéball à sa ceinture et rentra vite. Si cela continuait, elle risquait d’avoir quelques problèmes à retrouver son chemin. Heureusement pour elle, elle ne traîna pas et quelques jours après avoir débarqué, elle retrouva le marchand qui s’inquiétait de ne pas l’avoir revue et avoua être sur le point de partir. Eeva le lui pardonna et monta à bord, soulignant elle-même que partir tout de suite était une bonne idée. Le navire, déjà prêt, s’éloigna des quais en bois pourris et prit le large dans la brume. Il ne fallut que quelques secondes à Eeva pour ne plus rien distinguer de Tarouga. Elle se détourna de la ville désormais invisible et rentra dans sa cabine. Dans quelques semaines, elle serait de nouveau à Mizuhan.