[ Clos ] When the night has come. [Tyla]

[Invité]

“ When the night has come

... And the land is dark
And the moon is the only
Light we'll see,
No, I won't be afraid,
No, I won't be afraid
Just as long as you
Stand, Stand by me. ”
Ben E. King.

Il faisait nuit depuis longtemps maintenant. Ce serait la pleine lune dans trois jours : Ellyra avait appris à compter les jours de chaque cycle. Elle se sentait bien, et le ciel dégageait éclairait la route de ses étoiles si bien que l’obscurité n’était pas aussi effrayante qu’elle en avait l’air. Et puis il y avait Barpau, dans la poche de sa veste. C’était étonnant de voir comme la présence de Barpau était rassurante et chaleureuse. Ellyra connaissait cette présence  bien mieux que n’importe qu’elle autre. Elle n’avait pas besoin de voir Barpau, juste de le sentir. Elle savait que la solitude, la vraie, se ferait bien plus lourde le jour où Barpau disparaitrait.

Son sac tapait à chaque pas contre sa hanche, rythmant sa marche dans un choc étouffé. Tout était silencieux sur la route, et Ellyra commençait à apprécier ce silence reposant dans lequel elle avançait. Elle enfonça ses mains dans ses poches : il faisait bien plus froid qu’elle ne l’avait pensé. Ses doigts rencontrèrent le petit flacon d’encre bleue qu’elle avait utilisé pour écrire la lettre à son père.


« Papa !

J'ai eu du mal à trouver une volière pour te porter cette lettre. Uha était bien meilleure dans ce rôle. Je voulais te dire que Barpau allait bien, et j'ai aussi un œuf maintenant, j'en prends grand soin, comme tu le faisais si bien avec maman, il y a longtemps. Il reste bien au chaud dans mon sac et je le protège de tous les chocs. C'était magnifique l'autre jour, je l'avais posé sur la table de ma chambre dans une auberge où j'ai fait halte, au-delà du Lac du Dragon. Tous les soirs je pouvais voir le soleil se coucher et illuminer toute la chambre de ses rayons dorés. Je voyais une petite silhouette recroquevillée dans l'œuf.

J'ai ensuite traversé les Plaines vers l'ouest vers Comodo et ses plages merveilleuses. J'ai acheté un couteau à Comodo, il est léger et maniable, avec une lame longue mais fine. Je me suis entraînée à le lancer. Malgré l'hiver, il faisait presque toujours beau là-bas et je pouvais marcher pieds nus au bord de l'eau, le pantalon remonté aux genoux. Ça m'a fait penser à quand on partait tous les deux, quand tu me prenais par la main sur la route et qu'on marchait longtemps jusqu'à l'auberge du Dragon Bleu. On y passait la nuit et on repartait à l'aube jusqu'aux plages ; notre plage, tu te souviens ?

Cela faisait presque un mois que je n'avais plus utilisé l'Eau : cela ne me manquait pas autant que je l'aurais cru. Je n'avais plus envie. Je me sentais faible et bien naïve d'avoir cru à tous ces rêves idéaux. Je me sentais niaise. Un jour, j'ai fait tomber mon couteau dans l'eau. Il a été entraîné par le remous avant que je m'en aperçoive. Je l'ai vu flotter un peu plus loin, j'ai tendu la main. J'ai eu un frisson dans la main, comme si mon sang s'était mis à bouillir dans mes veines. L'eau a jaillit, il s'est formé une arabesque d'eau qui a projeté le couteau. Tout droit dans ma main. Je me suis rendue compte qu'on ne renonçait jamais réellement à ce qui est profondément ancré en nous. Il doit juste falloir du temps pour se comprendre. J'ai réalisé, aussi, que si je croyais me connaître, c'était loin d'être le cas. On ne se connait jamais assez.

Marcher seule m'a endurcie, je crois. J'avais bien Barpau dans ma poche, mais il ne pouvait pas être là constamment. J'avais mon couteau dans ma manche et je commençais à apprécier le contact de la lame froide contre ma peau. Une vraie vagabonde ! Mais tracer ainsi un bout de route m'a vidé la tête. Je me sentais capable de faire de nouvelles choses, de quitter tous ses espoirs naïfs auxquels je m’accrochais depuis longtemps. Depuis la mort de maman. Depuis la mort de grand-père.

Je voulais te dire que tu me manquais. Je vais retourner à la Capitale, puis je vais essayer partir du pays, pour sortir de mon cocon. Ecris-moi souvent, s'il te plait. J'y répondrais toujours, où que je sois. Je capturerais un oiseau pour faciliter les choses, les Roucools de Mizuhan sont vraiment idiots, j'ai mis un temps fou à m'assurer qu'il avait compris où était sa destination.
Je t'embrasse très fort. Grand-mère aussi.

Je suis toujours là, comme maman. Loin des yeux, mais près du cœur, tu sais bien. »


Lentement la route laissa place au sable et Ellyra se sentit émerger de la profonde léthargie dans laquelle elle était plongée. Elle marchait, les mains au fond des poches, les doigts engourdis par le froid, insensible aux bruits et au vent, muette. Elle accéléra le pas jusqu’aux dunes qui retombaient sur une longue plage. Elle les dévala en courant, manquant de se tordre une cheville à chaque pas mais cela lui importait peu. C’était la première fois depuis bien longtemps qu’elle ne s’était pas sentie sincèrement heureuse de retrouver l’océan, attirant et, paradoxalement effrayant. Du haut des dunes il ressemblait à un miroir infini qui reflétait le ciel et ses innombrables petites étoiles, agité seulement de quelques petites vagues insignifiantes qui se jetaient sur la côte dans un murmure familier. L’océan avait une voix un peu rugueuse et rocailleuse comme le sable, et profonde comme ses abysses.
Lorsqu’elle était petite, Ellyra avait un gros coquillage enroulé en spirale que sa mère lui avait offert. Il était d’un blanc presque unanime parsemé par endroit de taches aux reflets nacrés.

- Colle-le contre son oreille.

La petite fille s’était exécutée, devant le regard amusée de sa mère. Elle ouvrit de grands yeux écarquillés, la bouche entrouverte. Un drôle d’écho chantait à son oreille, un souffle rauque et sauvage qui se mêlait aux senteurs salées de la mer encore incrustées sur le coquillage.

- C’est quoi ? avait demandé Ellyra émerveillée.
- C’est la voix de la mer.

Et le coquillage était toujours bien rangé dans une poche intérieure de son sac. Parfois, Ellyra le sortait pour écouter sa chanson, en souvenir de sa mère.


Plus Ellyra s’approchait de l’eau, plus le sable se fit dur et humide sous ses pieds. Elle retira ses chaussures et ses chaussettes et les enfonça dans son sac. L’eau vint caresser doucement le bout de ses orteils dans une caresse glacée qui, pourtant, la réchauffa jusqu’au fond de l’âme. Elle en profita pour libérer Barpau. Son corps s’arqua dans l’air et lorsqu’il plongea dans l’eau de nuit, on eut l’impression qu’il avait plongé dans la lune. Barpau ressortit plusieurs fois, comme une étoile filante. Les bains de nuit ne semblaient pas lui déplaire. Ellyra recula vers le sable plus sec et s’y installa en tailleur. Le sol avait conservé un peu de la chaleur du soleil qui avait brillé tout l’après-midi.

Ellyra eut un sursaut de surprise, mais ne se retourna pas. Elle était arrivée comme une ombre pourtant la jeune fille pouvait reconnaitre cette présence entre mille. Ellyra croyait qu’elle était la seule à se promener en pleine nuit sur une plage déserte, puis après réflexion, elle dut admettre qu’en réalité, elles étaient deux. Un sourire étira doucement ses lèvres.

- Bonsoir, Tyla. Cela faisait longtemps.

[Tyla Weathered]

Le sable vibrait sous les pas continus d'une personne. Ses jambes longues et fines laissaient directement comprendre qu'il s'agissait d'une femme. Ne portant qu'un vêtement qui se rapprochait de quelque chose de court – comme un short – la jeune femme laissait donc voir ses jambes dénudés et fortement élégantes. La taille de celles-ci montrait aussi qu'elle était catégorifié comme une grande femme par rapport aux autres femmes. Quand on remontait légèrement, on pouvait apercevoir son haut coloré, de couleur marron ou quelque chose s'y rapportant. Sa forte poitrine se discerna tout juste après, montrant qu'elle avait des atouts qu'elle ne pouvait malheureusement peu ignorer. Sa tête fut la prochaine étape et on pu découvrir une tête fort élégante. Des yeux et cheveux marrons, un visage fin... Tyla était là, sur cette plage.

La nuit était tombée. La jeune femme marchait tranquillement, pas à pas. Elle était là pour une unique raison. Elle marchait en direction de quelque chose, de quelqu'un et restait malgré tout dans un flou total. La championne avait été plutôt mystérieuse ces derniers temps. Elle était aller à Loukaï pour cette mission et depuis, la jeune femme semblait changer. Pendant celle-ci, elle avait été comme outré par le monde qui l'entourait et souhaitait de plus en plus s'isoler et vivre sa vie tranquillement. Elle avait toujours aimer les autres et cette sorte de mission avait été comme un échec pour elle.

Elle était venue ici pour obtenir du réconfort, car elle savait qu'elle allait en obtenir. Elle s'arrêta subitement et freina le pas. Elle ne souhaitait pas trop gênée la personne concernée, mais ne cherchait pas non plus à marcher sans se faire entendre. Une voix familière s'éleva devant elle... Elle avait été rapidement découverte et elle laissa simplement un sourire se discerner sur son visage. Elle s'avança et se mit au même niveau qu'Ellyra, déposant ses pieds dans l'eau. Elle libéra cinq de ses pokéballs libérant ses pokémons aquatiques qui allèrent jouer avec Barpau qui semblait tout content de les revoir. Tyla tourna simplement la tête vers Ellyra et lui déposa un sourire.

« Il est certain que cela fait longtemps. »

L'ambiance était plutôt calme. La championne aimait la compagnie de toutes ses femmes qui l'entourait. Reverie et Ellyra étaient notamment les personnes qu'elle appréciait le plus, comme pour compenser le fait qu'elle aimait sans réciprocité Ishizu... Elle gardait de très bonnes relations avec ces deux jeunes femmes, comme un lien les unissant. Tyla n'avait d'ailleurs pas eu besoin de savoir où était la jeune femme, l'eau lui avait appris tout cela, comme si la connexion entre les deux femmes avait été faite, une fois de plus.

« Nous sommes à jamais relier, comme des âmes-soeurs. »

La jeune femme ne plaisantait jamais à ce sujet et était toujours véridique par rapport à celui-ci. Elle adorait Ellyra qui plus qu'une amie, était devenue une confidente et même une élève, qu'elle prenait joie à entraîner et aider.

Un filet d'eau fin fendit l'air pour entourer la championne. Elle baignait depuis toujours dans cette eau pure et n'était pas prête à tout arrêter.

[Invité]

[Contrainte numéro 2]

« Seul on marche plus vite,
mais à deux on marche plus loin. »

Ellyra tourna la tête et croisa les yeux sombres de Tyla. Elle se rendit compte qu’il lui avait manqué, ce regard qui se posait sur elle avec douceur et qui lui prouvait, une fois de plus, à quel point un regard pouvait être physique, aussi éphémère soit-il. Oui, c’était vrai. Elles étaient reliées par le cœur et par l’âme, quelque chose d’aussi fort que les liens de sang. Un sourire inconscient flottait sur ses lèvres fines, traduisant le calme absolu dans lequel elle était plongée.

- Je sais, Tyla, je sais.

Ils étaient bien futiles, ces quelques mots. Il n’y avait pas besoin d’explication pour ce genre de choses. Ces instants sont comme des étoiles : ils brillent aussi fort dans les corps que dans le ciel nocturne, guidant de leur lumière les marcheurs. Tyla en elle-même était un véritable soleil, malgré la distance, malgré des débuts un peu difficiles. Malgré tout. C’était elle qui mettait Ellyra sur la voie et la jeune élève était prête à repartir après sa période d’isolement. Elle s’était sentie malade, vide, perdue, déstabilisée. Triste, jusqu'au fond de l’âme. Elle n’avait pas d’autre explication, pas d’autre mot qui lui venait à l’esprit. Et elle n’avait aucune envie de revenir sur cette période.

Ellyra détacha le ruban qu’elle avait autour du poignet, remonta ses cheveux sur sa nuque et les noua en queue-de-cheval. Quelques mèches rousses encadraient son visage et tombaient sur son front en une frange trop longue. Elle remonta les manches longues au niveau de ses coudes en se campant devant Tyla, les mains sur les hanches. Son regard avait totalement changé, maintenant déterminé et concentré.

- Il y a un Temple dans les profondeurs de cet Océan. C’est pour cela que je suis venue. Mais je risque de me noyer avant d’atteindre mon but. Surtout si tu n’étais pas là pour me porter secours.

Ellyra eut un sourire en se rappelant de leur première rencontre sur la banquise. Elle n’avait toujours pas compris cet éclat de folie qui l’avait poussée à plonger dans l’eau glacée. C’était un souvenir très net dans son esprit et en même temps tellement irréel qu’elle n’était pas tout à fait sûre de ce qu’elle avait vécu. Chaque cellule de son corps lui hurlait de remonter, mais elle coulait. Elle voyait les rayons chauds du soleil miroiter à la surface sans qu’elle puisse y remonter, et sa cage thoracique lui semblait se resserrer jusqu’à avoir une sensation d’asphyxie totale. La douleur physique était insoutenable jusqu’à ce que sa conscience vacille. Un étrange silence murmurait à ses oreilles. Barpau, partout. Puis du vide. Elle coulait comme une plume est emportée par le vent, maîtrisée par une force trop puissante pour elle.

- Je veux y aller parce que… Le mentor de ma mère l’y emmenait souvent lorsqu’elle n’y arrivait plus. Et moi-même, je suis perdue. Alors à mon tour, je voudrais descendre dans les profondeurs. Son regard se voila une poignée de secondes. Plus le temps passe, plus j’ai l’impression que l’on m’arrache à ma mère. Je perds les souvenirs, je perds son visage. Je me dis que, peut-être, si je descends, alors je serais proche près d’elle.

Ellyra était d’humeur lunatique ce soir-là. Son regard changea à nouveau subitement, beaucoup plus léger, avec une petite pointe d’amusement.

- Alors, tu viens, n’est-ce pas ?

La question n’en était pas une. Ellyra attrapa la main de Tyla et l’aider à se relever, en l’entraînant vers la mer sans jamais la lâcher. Elles se retrouvèrent avec de l’eau jusqu’au milieu des cuisses, au milieu des vagues. Ellyra raffermit la pression de ses doigts contre ceux de son mentor et elle eut l’impression qu’un courant insaisissable et inconscient circulait entre elle. Elle leva les yeux vers le ciel et ses milliers d’étoiles qu’elle aimait tant admirer et leur adressa un « à tout à l’heure » silencieux. Elle n’eut pas besoin de prononcer un mot pour demander à Tyla si elle était prête. D’instinct, elles continuèrent à avancer jusqu’à s’immerger presque totalement. Barpau effleura la taille d’Ellyra pour lui signaler sa présence.
C’était ensemble qu’ils avaient commencé, et ensemble qu’ils termineraient. Et, c’était encore ensemble que cette nuit-là, ils plongeraient dans le temple comme Laylla avait plongé, il y a bien longtemps, avec son propre Barpau. Ils auraient pu aller jusqu’au bout du monde, parcourir les océans à la nage, marcher des journées entières, affronter des tempêtes de neige ou traverser les déserts. C’était peut-être une erreur d’aimer autant, de confier à un seul être sa vie entière. On voudrait tellement vivre heureux qu’on n’ose plus fermer les yeux de peur qu’au moment de les ouvrir, tout se soit envolé. Ce n’était pas de l’amour que ressentait Ellyra pour Barpau, c’était même bien différent : elle le connaissait par cœur, comme s’il portait en lui une part de son âme.

Tout le corps d’Ellyra était engourdi par une délicate torpeur et elle se laissait couler dans l’inconscience en prenant soin de respirer longuement. L’instant semblait à la limite du réel, perdu entre la mer et les étoiles. Elle ne sentait plus rien hormis la main de Tyla dans la sienne et les battements de son cœur dont les échos résonnaient dans sa tête. Puis elle s’immergea totalement et les sons s’obscurcirent autour d’elle. Un frisson de bonheur remonta le long de son dos. Ses paupières se fermèrent. Elle n’avait aucune idée de la manière dont elle allait créer sa bulle mais, jusqu’alors, elle n’avait jamais eu à réfléchir dans ce genre de situation. C’était spontané et instinctif. Et puis Tyla était à côté d’elle. Tout irait bien, tout irait bien. Elle se laissa bercer par cette pensée. Les dernières bulles de son souffle remontèrent à la surface, très lentement, vers le reflet de la lune sur l’eau. Un instant, Ellyra crut que l’air allait lui manquer. Pourtant, non, elle pouvait respirer. Elle ouvrit les yeux lentement, incertaine de ce qu’elle allait découvrir.

Ce fut un autre monde qui s’offrit à elle.

[Tyla Weathered]

Ellyra semblait triste. Elle était très certainement dans le même état psychologique que la championne : tout lui manquait. La championne au sol regardait la jeune femme se lever et changer de position son ruban qui entoura maintenant ses cheveux roux, d'une couleur exquise. Tyla comprenait parfaitement ce que la jeune femme souhaitait faire, avant même qu'elle ne lui parle. Tyla savait depuis longtemps que cette plage était la connexion du monde terrestre avec un temple aquatique qui se trouvait au fond de la mer. La championne acquiesça simplement l'affirmation de son élève, avant de la fixer dans les yeux. Elle n'aimait que très peu que l'on se dénigre et n'aimait pas que son élève le fasse non plus.

Tyla écouta les raisons d'Ellyra pour expliquer cette descente. Tout comme Tyla, elle semblait avoir perdue sa mère et tentait de la retrouver, de partout et dans le plus d'endroits possibles. La championne ne répondit pas directement. Pour elle, cette descente était plus le moyen de tester son élève, tout en découvrant un lieu encore inexploré. Elle aimait les profondeurs de l'océan, plus que tout. Ellyra si elle l'accompagnait et la réponse était tellement évidente que Tyla ne prit pas vraiment la peine de l'extérioriser. Elle laissa simplement un sourire sur son visage pour que son élève comprenne qu'elle pouvait compter sur elle.

Ellyra l'aida à se lever et garda la main de la championne dans sa paume. Le lien qui les unissait devenait maintenant physique, comme s'il grandissait. Tyla se laissa guider par ce lien et avança légèrement, au même rythme qu'Ellyra. Elle trempa de plus en plus son corps dans la mer devenue chaude – Tyla ayant l'habitude de la fraîcheur de celle-ci. Ses jambes furent totalement immergées alors que ses pokémons et Barpau venaient les entourer. Les deux jeunes femmes continuèrent leur ascension et trempèrent la totalité de leur corps. Au contact des oreilles avec l'eau, plus aucun son ne semblait être entendu, simplement le bruit de la mer.

Les jeunes femmes nagèrent vers les profondeurs. Tyla qui avait l'habitude de l'apnée regardait son élève avant de créer sa bulle. Comme leur première rencontre, Ellyra commença à manquer d'air, avant que la bulle n'apparaisse. Tyla n'avait jamais douté de son élève, qui venait de faire un pas de plus dans sa maîtrise. La championne se créa la sienne et se concentra sur la beauté des profondeurs. Le monde aquatique était beau. De nombreux pokémons nageaient dans les abimes de l'océan et ceux-ci créaient ainsi un spectacle de couleurs. Tyla trouvait cette vue magnifique, plus qu'autre chose. Elle se rappelait d'ailleurs des souvenirs similaires, qui l'avaient bercés dans son enfance, ou quelques temps avant ce moment.

Tyla continua à nager, entourer par ses pokémons. Elle descendit vers les plus profondes abimes de la mer et se laissa porter par l'élément. Elle était totalement immergé dans son élément, aux côtés d'Ellyra qui lui lançait un magnifique sourire. La jeune femme était aux anges, tout comme ses pokémons, qui avaient rêvé de prendre du bon temps depuis déjà un petit moment. Ellyra sembla aussi contente de reprendre les traces de sa mère et cela faisait du bien à la championne de le savoir. Tyla se demanda alors si sa mère était venue, elle aussi. Elle qui adorait les légendes mythiques avait très certainement dû se rendre ici, bien avant sa propre fille.

Le temple se discerna finalement et la championne propulsa légèrement le groupe pour qu'elles puissent poser les pieds à terre plus rapidement. Les deux femmes continuaient à nager, assez épuisées. Tyla et Ellyra posèrent les pieds sur la base du temple. Autour d'elles se dressaient de nombreux pilliers qui tenait le bâtiment. L'eau créait le lien entre les pensées des deux jeunes femmes.

*Nous y voilà, Ellyra.*

[Invité]

Ellyra leva les yeux. Elle vit très loin au-dessus d’elle les éclats ondulants de la surface.
On aurait pu croire qu’il ferait totalement noir, si loin sous la surface. Pourtant, non. Une lumière diffuse semblait émaner du Temple, réchauffant tout autour de lui. Il y avait des bancs de poissons de toutes sortes, des plus petits aux plus gros, d’espèces connues ou inconnue, des algues et des bancs de corail colorés tapissaient les roches sous-marines. C’était sous la surface qu’était cachée la véritable âme de l’Océan, là où seuls les Maîtres de l’Eau pouvaient aller, silencieuse et magnifique. Ellyra resta pétrifiée d’étonnement ; son cœur s’emballa dans sa poitrine et ses pensées tourbillonnaient dans son esprit sans qu’elle puisse y mettre de l’ordre. Le temps semblait avoir perdu tout son sens, comme suspendu sous la surface. Barpau nageait aux côtés d’Ellyra et celle-ci perçut à quel point il était heureux ici.

Elle serra la main de Tyla pour ne pas la perdre. Son mentor l’entraîna plus bas vers le Temple. Il ressemblait aux croquis colossaux des livres anciens des légendes de l’Autre Monde. Des colonnes sculptées portaient la voûte à des dizaines de mètres du sol et, tout en haut, gravé sur la pierre étaient inscrites trois mots : KYOGRE, MARIS REX. Le nom de Kyogre s’immisça profondément dans l’esprit d’Ellyra, chaque lettre s’y incrusta, laissant une empreinte indélébile dans son esprit. Elle connaissait trop bien la Légende. On disait qu’il s’était endormi dans les abysses des Océans après avoir fait jaillir l’Eau sur Erasia. Certains disaient qu’à la nuit des temps, Kyogre affronterait à nouveau Groudon et que cet ultime combat leur coûterait la vie.

Tyla tira son élève en avant. Elles rejoignirent l’entrée, tout aussi démesurée que le Temple lui-même. Lorsqu’Ellyra posa un pied sur la première marche, l’écho de son pas vibra dans tout le Temple, déserté. Malgré ses dimensions merveilleuses quelque chose clochait. Il ne semblait plus qu’une ruine, comme un palais déserté d’un royaume perdu et vaincu par le temps. Ellyra dévisagea Tyla d’un air interrogateur. Celle-ci se contenta de lui sourire mystérieusement. D’abord, la voix ne fit effleurer l’esprit d’Ellyra puis elle devint plus claire comme un murmure aux sonorités cristallines. Ellyra eut un sursaut de stupeur. Elle scruta le moindre mouvement des lèvres de Tyla, mais elles restèrent immobiles. Ici, les Maîtres de l’Eau pouvaient se parler par… la pensée ? Ellyra se rendit soudainement compte qu’elle était loin, très loin de connaître tous les secrets d’Erasia et de ses profondeurs. Tout était sûrement devant ses yeux mais trop subtiles pour qu’elle puisse les percevoir.

Une nouvelle fois, devant l’hésitation d’Ellyra, Tyla la poussa en avant, l’invitant à gravir les marches jusqu’au centre du Temple. La surprise serait belle. Ellyra monta, très lentement, un pied après l’autre. Chaque pas avait l’air de demander un effort surhumain. Elle se sentait piégée comme un papilusion piégé dans une toile d’un migalos. Pourtant il y avait toujours la voix de Tyla dans sa tête qui lui soufflait de monter sans s’arrêter, sans regarder derrière elle. Alors Ellyra obéissait. Plus elle montait plus ses jambes se faisaient lourdes. L’ultime marche fut sûrement la plus difficile, puis elle sentit que Barpau était dans son dos, tout près d’elle, et elle se lança.

Ellyra dut s’appuyer à une colonne pour ne pas tomber. La pierre était fraiche sous ses doigts. La pierre vibrait. Impossible. C’était elle qui tremblait. Ellyra se redressa, paniquée. Mais dans les profondeurs de l’Océan, au Temple Sacré de Kyogre, la magie ne s’arrêtait pas ici. Ellyra passa la ligne des colonnes : il n’y avait plus devant elle le temple sans couleurs et délabré qu’elle avait vu quelques minutes mais un temple parfait. La voûte était parée de marbres et de dorures, les courbes des sculptures étaient plus pures et plus lisses et au sommet de chaque colonne était dessiné un fragment de la Légende de Kyogre, racontée en lettre d’or sur tout le périmètre du Temple. Chaque scène représentait Arceus, la naissance du dieu, le combat divin, le début des océans et leurs secrets, la construction du Temple Sacré… L’endroit semblait avoir échappé au temps, comme une brèche vers l’apogée de Kyogre. Chacun des pas d’Ellyra avait un bruit cristallin sur le sol brillant où miroitaient tous les reflets. Elle songea à sa mère, qui devait même ici, à cet endroit même, tout aussi émerveillé et impressionnée. Elle y pensa du plus fort qu’elle put pour se donner du courage. Elle savait qu’elle n’était pas encore tout à fait chez elle ici, après tout elle n’était qu’une apprentie. Elle n’avait pas encore fait toutes preuves. Barpau l’avait rejointe et faisait des cabrioles au-dessus d’elle. Lui aussi semblait changé : son corps était plus svelte, l’eau reflétait sur ses écailles des éclats nacrés et colorés, son regard n’avait plus les mêmes expressions ; il était plus doux et plus expressif, moins globuleux.
Etait-ce un mirage ? Ou un rêve ? Ou peut-être était-ce les prémices de la folie ? Ellyra sentit sa tête lui tourner. Elle resta immobile, tous ses sens en alerte. Ses yeux se fermèrent. Au début, ce ne fut qu’une pulsation minuscule, à peine un frisson qui remontait du sol, puis elle le sentit grandir dans son corps jusqu’à envahir et paralyser toutes ses pensées. De nouvelles sensations montèrent en elle, comme submergée par une immense vague d’émotion.
Boum, boum, boum. Comme un tambour énorme dans son cœur.

- Le Temple, Tyla… Il respire, murmura-t-elle.

[Tyla Weathered]

Le coeur noué de sentiments, les deux jeunes femmes luttaient pour monter les marches, les unes après les autres. D'un naturel battant – bien plus qu'Ellyra – la championne entraînait sa comparse de l'avant, pour ne pas qu'elle se relâche. Ce temple était conté comme un endroit merveilleux et les deux femmes devaient maintenant se rendre compte de la réalité de la chose. Le temple semblait d'extérieur bien triste et terne. Il ne restait par ailleurs, plus que les ruines de celui-ci. Tyla savait que quelque chose se cachait et c'était aussi dans sa nature curieuse de vouloir tout savoir et tout comprendre. La montée enfin terminée, les deux jeunes femmes passèrent les deux piliers principaux qui leur ouvrirent la véritable voie.

L'eau venait de s'arrêter et un temple orné de dorures magnifiques était apparu, devant leurs yeux ébahis. Le temple reflétait la beauté de l'océan tel un mirage. Tyla maintint le lien, tout en étant totalement stupéfaite. Cette première visite n'était pas des plus dérangeante pour elle et d'ailleurs, la maîtresse aquatique appréciait de pouvoir partager ce fabuleux moment avec son élève, qui était aussi son amie. Alors qu'elle tentait de suivre la trame du temple, elle reconnu sur les premiers ornements, la légende crée autour de Kyogre, qui racontait la création des océans erasiens par celui-ci. Tyla avait longtemps entendu cette légende – n'étant pas forcément celle qu'elle appréciait le plus – et arrivait à la retranscrire parfaitement grâce aux différents dessins observés.

Le temple semblait vivre sous les pieds et contrairement à Ellyra, la championne compris aussitôt l'appel de l'eau. Elle avait depuis fort longtemps compris la réelle maîtrise de l'eau et ce temple n'était qu'un exemple même de celle-ci. Elle savait qu'elle n'avait pas de soucis à se faire pour cela et elle devait maintenant faire comprendre celle-ci à Ellyra, comme son mentor le lui avait enseigné, dans des circonstances pourtant bien différentes. D'ailleurs, elle se demandait maintenant pourquoi elle ne c'était jamais rendu dans cet endroit, qui était le coeur de Mizuhan et de sa maîtrise élémentaire.

Une simple affirmation de l'élève fit sourire Tyla. Elle s'approcha tranquillement vers Ellyra et la fixa dans les yeux, tel un regard chaleureux.

« Ouvre tes sens à ce temple, maîtresse de l'eau. »

Un sourire rêveur et main dans la main, la championne entraîna son élève vers la prochaine pièce. Sans connaître l'endroit, elle savait ce qui allait être présenté dans celle-ci, car les temples étaient toujours réalisés de manière conforme.

Elle passa la première dans la seconde pièce qui était aussi lumineuse avec pour simple ajout un immense lac, qui semblait s'étendre à l'infini, telle la mer et son immensité. Tyla se tourna ensuite vers Ellyra et la main dans la sienne, elle la fixa tendrement, à nouveau.

« Voici le bastion de la maîtrise aquatique. Nous tenons cette maîtrise des pokémons. Comprendre l'eau résulte de la compréhension des pokémons. »

Tyla leva ses pokéballs dans le ciel, laissant nager ses petits pokémons qui s'amusèrent comme des petits fous. Elle invita Ellyra à dégager Barpau à l'eau car ce serait très certainement lui qui lui ferait comprendre le véritable intérêt de la maîtrise et ce à quoi elle pouvait servir. Tyla qui s'était positionné dans le même axe que la jeune apprentie, lança un dernier regard avant de lâcher la main de son amie. Elle avança de quelques pas et s'installa dans l'eau limpide du lac, elle s'avança quelque peu, tête en surface avant de se retourner vers son élève. Elle savait que ce moment devait absolument se réaliser seule et savait aussi qu'un soutien devait quand même être installé.

« Tu dois apprendre de toi même maintenant. Ouvre tes sens et tu comprendras. Pense à elle, ta mère. Laisse la te guider dans les joies de l'eau. »

Un sourire s'échappa sur le visage de la jeune femme. Un filet d'eau sortit de l'eau, pour rejoindre le coeur d'Ellyra. Comme précedemment dans l'océan, une voix retentit en elle.

*Le lien n'est pas brisé et ne le serra jamais, Ellyra.*

Tyla plongea dans le lac et nagea tranquillement, admirant les profondeurs du lac. Elle ne s'inquiétait pas, absolument pas.

[Invité]

Little Love.

« Come one dance around,
Shine upon the ground
From me to you
Don't you know I'm strong ?
I could win the world
For you, for you.
I would stop breathin,
For you, for you. »

Tyla avait une assurance impressionnante ; elle se laissait porter par la respiration du Temple comme si c'était son propre cœur qui la guidait. Il n'y avait pas l'Eau et Tyla, c'était l'Eau avec Tyla. Et cette nuance, aussi minime soit-elle, faisait toute la différence. Ellyra resta accrochée à Tyla ; elle était la seule à pouvoir lui offrir une si grande confiance et elle en avait besoin. Elle se sentait si minuscule, si insignifiante dans ce Temple à l'image de Kyogre. Une puissance surhumaine émanait des murs, du sol, de toute la structure du monument ; la force d'Ellyra était dérisoire. Ridicule. Elle était une poussière. Le plus étonnant, dans ce Temple, c'était l'immense bulle d'oxygène, comme une cloche de cristal, qui l'entourait et rendait invisible sa véritable apparence à toute personne n’ayant pas le pouvoir de l’Eau.

La seconde salle était tout aussi merveilleuse que la précédente. Un puis perçait le plafond inondant d'une lumière claire un lac. Un miracle indescriptible. Même si Ellyra aurait voulu parler, elle en aurait été incapable. De toutes les surprises que lui avaient offertes le Temple, ce lac était la plus belle. Ce n'était pas un lac ordinaire, bien sûr. Plus elle avançait, plus les vibrations dans son corps se faisaient puissante. Ellyra en était presque sûre, à présent : elle était au cœur de l'Eau et sa conscience lui murmurait à l'oreille : « Tu vas vivre, Ellyra, tu vas vivre maintenant comme tu n'as jamais vécu. »

Ouvrir ses sens. Ainsi, c'était la clef. Offrir son corps et son âme. Elle se déshabilla lentement et laissa ses affaires sur la berge. Elle arracha le ruban bleu marine de ses chevaux pour les libérer totalement. L'eau était fraiche et piquante lorsqu'elle s'immergea. Elle rejoignit Barpau à la nage alors qu'il l'attendait quelques mètres plus loin. Ellyra chercha Tyla du regard sans la trouver et un éclair d'angoisse la paralysa. Une nouvelle fois, ce fut le contact avec Barpau qui la réchauffa jusqu'au plus profond d'elle-même.

« Ouvre tes sens. »

Mais comment ? Comment faire, lorsque l'on a perdu la clef depuis trop longtemps ? Ellyra se mit à nager à bonne allure. L'effort lui vidait l'esprit, l'obligeant à se concentrer sur son souffle et ses mouvements. Et puis après, que faudrait-il faire ? Elle n'en avait strictement aucune idée. Mais tout irait bien, n'est-ce pas ? Oui, tout irait bien. La jeune fille plongea vers les fonds du lac, ondulant tout son corps pour avancer. Les profondeurs du lac étaient encore plus merveilleuses que celles de l’Océan lui-même. Le fond semblait tapissé de pierres précieuses bleutées du saphir à l’aigue-marine en passant par l’opale et le lapis-lazuli ; c’était comme un ciel qui brillait au fond du lac parsemé de milliers d’éclats brillants comme les étoiles. C’était un véritable chez d’œuvre, un trésor à la valeur inestimable qui se trouvait là. Ellyra se demanda qu’elles merveilles renfermaient les autres Temples Sacrés. C’était sûrement aux limites de l’imagination.

Plus elle avançait vers le centre du lac, là où la lumière tombait parfaitement perpendiculaire à la surface, plus l’eau se faisait froide et oppressante. Ellyra grelottait, à bout de souffle ; ses mouvements se firent plus saccadés et irréguliers. Elle chercha à se reposer, mais elle était loin d’avoir pied. Pire, elle ne ressentait strictement rien. Les portes étaient encore fermées devant elle. Elle chercha Barpau. Ses efforts furent vains.
Alors, elle se laissa couler comme une pierre et lâcha prise.
Laissa la magie inconsciente opérer.
Pensée subtile.
Pensée futile.
Un mot, plaintif et innocent, celui d’un enfant perdu.
Maman !

« - On va faire un jeu, Ellyra. Je parle et tu réponds.
- Maman ?
- Je me souviens de quand je t'ai mise au monde.
- Je me souviens de ton parfum, répondit Ellyra.
- Je me souviens de tes larmes, continua la voix.
- Je me souviens de ton sourire.
- Je me souviens des chansons de la nuit que tu aimais tant, petite.
- Je me souviens de toi, jusqu'au dernier jour.
- Qu'est-ce qu'une Elémentale de l'Eau, Ellyra ?
- Une sirène. Comme toi.
- Je t'ai manqué ?
- Tu as toujours été là. Tu ne m'a jamais quittée.
- Tu as peur ?
- Non, je suis avec toi.
- Qu'est-ce que l'Eau pour toi ?
- Le lien de l'âme.
- Lune ou Soleil ?
- Lune.
- Ouvre tes sens.
- Je te sens, je t'entends, je te vois, je te touche… Reviens-moi... »

La dernière pensée d’Ellyra fut un gémissement de douleur.
L’eau se fit soudainement brûlante au contact de sa peau. Elle voulut hurler mais elle n’émit qu’un pitoyable gargouillis et manqua de s’étrangler. Ses yeux s’ouvrirent, son iris émeraude dilatée par la douleur et l’horreur. Elle sentit chaque pore de sa peau s’ouvrir comme si son corps était en train de se désintégrer. L’émotion s’enfonça comme la pointe d’un couteau dans son cœur. Elle regarda sa vie défiler sous ses yeux, impuissante, comme aux derniers instants. La flûte, la musique, l’Eau, la tombe blanche, son père, les mots, les chansons, le jardin, Arkan, Tyla, la banquise, Barpau... Elle se mit à pleurer mais chaque larme fut comme une goutte d’étain chauffé qui dégoulinait sur ses joues.

« Je ne veux pas mourir ! » La voix dans sa tête fut un cri irrépressible et instinctif à la limite de ses dernières forces. Tant pis ; adieu la vie, tant pis ; tout le chemin effectué, tant pis ; les rêves brisés. Puis, la douleur s’envola comme elle était arrivée. Tout s’évanouit autour d’Ellyra.

Barpeau nageait. Il se sentait fort et invincible. Il n’y avait plus de place au doute dans son esprit, plus d’appréhension. Sa fatigue avait totalement disparue et il ne percevait devant lui que le futur qui lui tendait les bras. Il n’y avait qu’une porte à franchir, qu’il n’avait pas encore osé passer jusqu’alors. Mais là, si proche du Cœur, il se sentait prêt. Sa volonté était un trait, comme une flèche qui file à toute allure vers sa cible. Comme une comète. Il était bientôt au centre du lac ; il passa le voile de lumière, inondé par une pluie d’étoiles filantes. Le temps se figea autour de lui et un puissant éclat l’éblouit subitement. Il mit quelques secondes à réaliser que cette lumière-ci venait de son corps. Barpau n’eut pas peur. Il se sentit plus puissant encore : il quittait enfin ce corps laid qu’il détestait tant. Il allait être beau, il allait être fort. Il allait pouvoir protéger Ellyra comme elle n’avait recueilli. Elle serait sa Licorne et il serait son chevalier ; il aurait pu vaincre le monde pour elle, il aurait voulu arrêter de respirer pour elle. La flèche de sa volonté se planta dans sa cible. Sa dernière pensée alla à Ellyra.

Ellyra ouvrit les yeux avec lenteur. Une douce chaleur avait envahi son corps, le berçant tout doucement. La réalité la rattrapa brusquement et elle plaqua sa main contre sa bouche. Avant de rencontrer ses lèvres, elle perça une bulle d’oxygène qui s’était forcée autour de sa bouche et son nez tel un masque.
En vie. Elle était en vie. Et c’était tout ce qui comptait. Aussi incroyable que cela puisse paraitre, son instinct de survie avait agi pour elle en créant la bulle qui l’avait maintenue en vie. Malgré tout, son corps était encore engourdi par le souvenir des souffrances qu’elle avait éprouvées ; une seconde, elle avait eu l’impression que c’était toutes les douleurs du monde qui étaient tombées sur ses épaules. Les douleurs de la vérité. Peut-être était-ce le prix à payer pour avoir osé s’être baigné dans ce lac sacré.

Ellyra essaya de bouger pour remonter à la surface mais elle réalisa que quelque chose la retenait fermement. Quelqu’un. Elle eut un hoquet de surprise en découvrant le corps entouré autour d’elle qui la soutenait. Le mouvement fut si fluide qu’elle le sentit juste une caresse contre ses côtes. Un regard de braise apparut devant elle. Et ce regard, comme le miroir de l’âme, lui souriait. Ce regard, si changé qu’elle reconnut pourtant. Elle aurait pu le retrouver encore mille.

- Barpau ! s’exclama Ellyra
- Milobellus, fit une voix dans sa tête. Mais ce sera Kohaku, maintenant.
Elle tendit le bras pour s’accrocher à lui mais ils étaient de véritables boulets et elle n’arriva pas à esquisser le moindre geste ordonné. Barpau vint à son aide. Elle se hissa sur son dos, tout près de sa tête et se cramponna autour du cou du Pokémon. Et soudain, elle se mit à pleurer à grosses larmes sans savoir si c’était de la tristesse, du bonheur ou du soulagement. Trop de sentiments se mélangeaient dans son esprit pour qu’elle puisse y faire de l’ordre. Sans qu’elle ait besoin de lui demander, dans une ondulation gracieuse et puissante, Milobellus s’élança vers la surface. Ellyra s’accrocha du mieux qu’elle put. La vitesse rendit ses larmes encore plus grosses et plus abondantes. Elle crut que son cœur allait exploser tant les sentiments qui l’envahissaient la transportaient. Trop de sensations, trop de souvenir. Trop de tout.

Milobellus perça la surface et déposa Ellyra sur la berge, près de l’endroit où elle avait laissé ses affaires. La jeune fille reprit son souffle, prenant soin d’inspirer et d’expirer lentement, mais son cœur avait peine à se calmer. Lorsque le brouillard qui envahissait son esprit se dissipa légèrement, elle ressentit en premier de la déception. Il n’y avait strictement rien de changé. Elle était toujours la même. Elle passa sa main sur son visage. Toujours son petit nez, ses lèvres fines, ses joues creuses et ses cheveux roux collés sur son front. Ses paupières se fermèrent pour retenir les larmes qu’elle ne contrôlait toujours pas.

Ellyra aurait voulu s’endormir et ne plus ouvrir les yeux avant longtemps. Quelque chose n’allait pas. Quoi ? Elle n’arrivait pas à le saisir. Elle chercha un moment la réponse, sans succès. Parfois, c’est en cherchant qu’on ne trouve pas les réponses, car elles doivent venir du secret de l’âme, à la frontière de l’inconscience. Ce fut seulement lorsqu’elle abandonna que la réponse vint à elle tout naturellement. D’abord, ténue. Puis de plus en plus forte, au fur et à mesure qu’Ellyra comprenait.
Il n’y avait plus les battements agités de son cœur et ceux, calmes et réguliers, du Temple. Ils allaient ensemble, l’un avec l’autre, dans un rythme parfait.
Il n’y avait plus son corps et l’Eau. Il y avait seulement son corps avec Eau, liés.

[Tyla Weathered]

Le lac était si beau. Tyla adorait nager et ne souhaitait plus remonter à la surface, celle qui l'empêchait de vivre pleinement une aventure aquatique. Elle adorait prendre du bon temps, continuer à apprécier l'élément et donc ses pokémons, par la même occasion. Tous ceux pouvant nager avaient décider de l'accompagner et elle se retrouvait donc en compagnie de toute une petite tribu qu'elle menait dans les profondeurs de ce merveilleux lac. Elle savait qu'Ellyra n'avait aucun besoin d'elle pour le moment et c'était donc pour cela, qu'elle regardait devant elle, au lieu de rester à attendre que son élève comprenne.

Dans toutes les situations auxquelles elle avait été confrontée lors de son apprentissage élémental, elle avait été seule et c'était cela qui l'avait endurcie. La découverte de nouvelles choses était un fait vraiment intéressant et cette sensation l'avait conduit à pousser sa maîtrise de l'eau et à l'adorer comme elle le faisait maintenant. Un simple sourire se fit voir, dans cette magnifique bulle d'air, laissant comprendre que la jeune femme était heureuse. Elle découvrait encore de nouvelles horizons à sa maîtrise, seule enfin pas tout à fait. Cette fois-ci, elle se faisait accompagnée de ses compagnons pokémons qui ne pouvaient que la chérir maintenant.

Alors qu'elle nageait tranquillement, un pokémon reçu toute son attention. Un simple sourire l'envahi. Un Hypotrempe était là, devant elle. Elle n'avait pas ressenti cela depuis fort longtemps : elle devait capturer ce pokémon. D'un simple regard, elle venait d'être attirer par ce pokémon qui semblait si unique. Elle avait du flair pour ce genre de choses et choississait chacun de ses pokémons parce qu'ils avaient quelque chose de spécial, variant d'un pokémon à un autre. A ce jour, elle avait une bonne dizaine de pokémons ou presque et celui-ci risquait d'être un pokémon de plus qu'elle allait devoir chérir... !

Le pokémon, qui semblait fourbe, se dirigea plus loin dans l'eau, à toute vitesse. La jeune femme demanda à ses pokémons de rester à leurs places. Elle utilisa sa maîtrise pour aller plus vite mais il fallait avouer que ce pokémon était vraiment intelligent. Le magnifique Hypotrempe se jouait de la championne pour lui montrer à quel point la force pouvait être tellement futile... Elle s'amusait à apprendre les défauts qu'elle pouvait avoir et rentrait dans le jeu du pokémon pour tenter de mieux le comprendre. Elle ne savait pas jusqu'où cela semblait la mener et ne cherchait pas à le savoir. L'instant présent était magique et c'était tout ce qui l'intéressait pour le moment.

Une sorte de clin d'oeil du pokémon lui fit comprendre qu'elle devait s'arrêter. Elle se bloqua dans l'élément et regarda le pokémon qui tournait autour pour l'analyser. Contrairement à la normalité des choses, le pokémon semblait chercher à savoir si elle le méritait, ou non. Elle ne bougea pas et ferma les yeux. La bulle sembla se détruire par un simple mouvement de ses doigts. Elle se mit en apnée et ne bougea pas. Elle se laissa tomber vers le fond de l'élément et attendit. Un petit tapement sur l'épaule lui fit comprendre qu'il était tant. Un sourire apparu, sans que ses yeux ne s'ouvrent. Un simple sourire.

Deeou.

La pokéball venait de se refermer sur le pokémon. La jeune femme appuya sur le rond central et libéra l'Hypotrempe qui venait de la rejoindre. La bulle réapparue et ses yeux se rouvrirent pour qu'elle puisse voir la petite merveille qu'elle avait devant les yeux. Elle attrapa Hypotrempe dans ses bras et lui proposa de se diriger vers ses nouveaux amis. Elle présenta chacun de ses pokémons et proposa, cette fois-ci, au groupe entier de se diriger vers la rive. Proche de celle-ci, Ellyra était maintenant entouré d'un magnifique Millobelus, qui devait très certainement être l'évolution de son fidèle Barpau. Un simple sourire s'afficha sur la bouche de Tyla alors qu'elle s'approchait du pokémon pour lui murmurer quelques félicitations.

Elle sortit de l'eau et laissa ses pokémons dans celle-ci, invitant Ellyra à sortir de l'élément.
Un simple regard.

« Comment la trouves-tu ? »

[Invité]

Ellyra garda les yeux fermés. Inspira et expira encore. Prit le temps de sentir toutes les nouvelles sensations qui s'offraient à elle. Elle sentit les pas de Tyla se rapprocher d'elle et l'aider à sortir du lac. Tout son corps était encore tremblant de courbatures mais son bonheur était si grand que toutes les douleurs du monde n'auraient pas pu la toucher : elle se sentait à l'abri de tout. Et puis il y avait Kohaku maintenant. Tant qu'ils seraient ensemble, ils seraient invincibles et rien ni personne ne pourrait les atteindre. Ni les critiques ni les blessures, physiques ou psychologiques.

- Merveilleuse, Tyla. Merveilleuse... souffla-t-elle, et son visage s'illumina d'un sourire rayonnant. Merci de m'avoir accompagnée. Toi aussi, tu es fantastique.

Ellyra se redressa et commença à ranger ses affaires. Elle se rhabilla avec lenteur pour ménager ses muscles endoloris. L’œuf qu'elle avait reçu quelques semaines plus tôt était toujours là, sagement rangé dans son sac. Ellyra eut de nouveau un sourire. Bientôt, Petit Être, qui que tu sois, bientôt, nous serons réunis, pensa-t-elle. Elle referma la boucle de son sac et le hissa sur son épaule. Son regard vogua sur la surface ridée du lac. Elle aurait pu rester ici l’Éternité, à contempler le plus bel endroit qu'elle n'avait jamais vu. Le premier pas en arrière fut le plus difficile. Ellyra remonta la berge en pente douce, suivie de près par Kohaku. Elle sentait sa présence imposante et protectrice tout autour d'elle qui l'enveloppait chaleureusement. Lorsqu'elle arriva à la porte, Ellyra du s'obliger à ne pas regarder derrière son épaule. Elle se promit de revenir, un jour, quand elle en aurait réellement besoin. Puis, dans un ultime pas, elle passa l'arche et retrouva la pièce principale du Temple où était racontée la légende de Kyogre. Son cœur se serra lorsque la porte claqua derrière elle, comme si elle venait de sceller une partie d'elle au fond du lac et qu'elle l'abandonnait. Elle glissa sa main dans celle de Tyla qui marchait à son côté et se laissa entraîner vers la sortie.

- On se retrouve en haut, je remonte avec Kohaku, annonça Ellyra à Tyla lorsqu'elles arrivèrent à l'entrée du Temple.

Puis elle passa les colonnes immenses et se retrouva totalement immergée. Elle créa de nouveau sa bulle, qu'elle faisait maintenant avec beaucoup plus d’assurance et nagea vers Kohaku. Elle s'accrocha à lui et, lorsqu'il se propulsa, Ellyra jeta un dernier regard par-dessus son épaule : elle laissait dans les abysses de l'Océan un Temple délabré à première vue, sans secrets ; Ellyra eut un sourire : elle aimait les mystères. Kohaku filait à toute vitesse, fendant les eaux avec une élégance et une puissance qu'Ellyra avait rarement vue auparavant. Son petit Barpau, si timide et maladroit, avait décidément bien changé. Il avait juste fallu lui laisser une chance, ce que la jeune fille avait bien voulu lui offrir. Les efforts avaient payé. Elle avait l’impression de voler, de n’être plus dans l’eau mais dans l’air, de traverser le ciel et les nuages.

Il y avait, quelque part au milieu du grand Océan d'Erasia, un Milobellus et une jeune fille qui allaient à travers les flots, sans que rien ni personne ne puisse les arrêter. Ils laissaient derrière eux une trace d'écume comme les poussières éblouissantes d'une comète dans l'espace. Ils remontèrent en piquet vers la surface et, lorsqu'ils la percèrent, un fragment de temps s'arrêta. Leur silhouette se découpa dans l'aube qui pointait à l'horizon et, une seconde immortelle, on eut cru qu'ils allaient réellement s'envoler. Le cœur d'Ellyra manqua un battement quand ils sortirent à l'air libre. Déjà, les toutes premières lueurs du soleil montaient derrière l'Océan. Elle s'accrocha du plus fort qu'elle put à Kohaku qui continuait sa course sans s'arrêter puis ils replongèrent, filant droit vers les côtes de Mizuhan.

Kohaku déposa Ellyra sur la plage. Ses jambes manquèrent de se dérober sous elle lorsqu'elle posa un pied sur le sable. Son escapade l'avait bien plus éprouvée qu'elle ne l'aurait cru. Elle était épuisée, certes, mais heureuse comme elle l'avait rarement été. Elle essayait de profiter encore des dernières secondes de la nuit qui touchaient à sa fin : ça avait été la plus belle nuit de toute sa vie, la nuit où elle avait renoué avec ses origines. De toute façon, elle avait toujours préféré la lumière diffuse de la Lune à celle éblouissante du soleil, la subtilité des ombres du soir, la fraicheur de l’obscurité et les lueurs du crépuscule à celles de l’aube. La voix de sa mère effleura son esprit. Une seconde, elle avait été là, dans sa tête. Si vraie... Si proche... Ellyra se laissa bercer par cette pensée et les dernières notes de sa voix qui vibraient dans son esprit et dans tout son corps comme un frisson gigantesque.

Ellyra perçut la présence de Tyla dans son dos et elle eut l'impression de retourner au début de la nuit si lointaine, avant la traversée, avant le temple, avant Kohaku. Mais maintenant le soleil allait bientôt se lever complètement et chasser les rêves nocturnes ; déjà, la lune et les étoiles s'étaient enfuies.

[Tyla Weathered]

Tyla regardait Ellyra qui semblait si heureuse. Un mystérieux bonheur monta en elle : l'amitié était quelque chose qu'elle adorait, par-dessus tout. Tyla s'assit sur le sol orné d'une mosaïque magnifique qui devait très certainement raconté l'histoire de Kyogre ou quelque chose dans le même genre. Elle pensait, réfléchissait et attendait. Elle ferma les yeux, se laissant bercé par l'eau, qui virevoltait autour d'elle. Elle n'attendait plus rien, comme connecté. Elle sentait ses pokémons dans l'eau, jouant. Elle avait beaucoup d'amis et elle se disait que maintenant, elle allait peut-être devoir arrêter de les capturer, pour entraîner ceux qu'elle avait déjà. Elle adorait ses pokémons, son lien avec eux.

Elle entendit Ellyra qui lui fit part de ses intentions. Elle allait remonter avec son Millobellus pour avoir de nouveaux instants gravés avec lui. Tyla baissa simplement la tête, concentré dans ce qu'elle faisait. Elle se cherchait encore, tentant de trouver l'âme de sa mère autour d'elle pour l'aider à avancer vers de nouvelles choses. Entre l'arène ou encore sa maîtrise, elle ne variait que peu. L'entraînement était intense et tout cela la menait vers le plus haut niveau mais rien ne changeait, tout se ressemblait. Le fait qu'Ellyra soit devenue sa protégée incluait une autre envie pour elle. Elle souhaitait absolument la mener jusqu'en haut, certaine qu'elle portait un potentiel important.

Tyla continuait à s'élancer vers l'avant. Elle ne savait ce qu'elle allait trouver devant elle, mais elle cherchait encore. Ses pokémons se rapprochèrent du bord où se trouvait la championne et attendait. Tous étaient si beaux, si forts, si volumineux. Sa petite équipe qui était simplement constitué de Wailmer était maintenant devenue une énorme équipe. Elle avait seize pokémons dorénavant dont sept qui restaient constamment avec elle, suite à la remise d'Oniglali comme monture terrestre. La jeune femme était donc comblé. Beaucoup de ses pokémons restaient dans l'arène et n'attendaient plus qu'à s'élever vers la puissance...

Un nouveau sourire s'afficha sur son visage. Ses yeux s'ouvrirent pour montrer un visage presque parfait. Elle se leva et créa une immense vague qui conduisait les pokémons jusqu'à l'extérieur. Tous sortirent pendant qu'elle ramassait ses dernières affaires, traînant au sol. Elle marcha, ne se retournant pas. Ce n'était absolument pas la dernière fois qu'elle comptait se rendre dans ce lieu et donc, il ne servait à rien d'hésiter à sortir. D'un pas ferme, elle marcha, un pas après l'autre. Comme une femme puissante, elle avait une telle démarche, qu'elle inspirait une supériorité bien que plutôt enfouie...

Elle passa la porte et s'immergea à nouveau dans l'eau chaleureuse de l'océan. Elle monta à la surface, assez rapidement et laissa ses pokémons s'amuser encore quelques instants. Comme attirée par le passé, elle regarda Ellyra qui attendait déjà sur la plage. On aurait presque dit que le scénario se répétait, Tyla arrivant derrière son élève, dans la nuit sombre. Elle s'approcha à nouveau et posa son postérieur au sol, souriant. Elle était contente, plus qu'elle ne l'imaginait elle-même. C'était si bien mais pourtant si complexe à expliquer. Elle tentait d'en faire part à son ami mais ce sentiment était indescriptible.

Tyla tourna la tête en direction d'Ellyra. Un léger sourire apparu sur son visage. Maintenant, il allait falloir se pencher vers l'avenir pour qu'elle puisse voler de ses propres ailes. Tyla savait qu'elle n'avait plus grand chose à lui apprendre et que d'elle même, elle devait trouver.

« Que comptes-tu faire maintenant ? »

[Invité]

{ genre c'est super court, mais là j'avoue que j'ai bien séché. --' }

« S'en aller main dans la main
S'en aller bien avant que l'heure
Oublier qu'ici on n'est rien
Oublier qu'ici on a peur »
Saez, S’en aller.

Ce qu’elle allait faire ? Ellyra n’en savait pas grand-chose, elle avait à peine prévu sa route. Elle n’avait pas peur du futur ni de ce que pouvait lui réserver les routes. Elle n’avait plus peur d’aller de l’avant et de regarder devant elle. La seule chose dont elle était sûre, c’est qu’elle allait retourner sur la route, sa route, là où elle se sentait le mieux : avec l’horizon loin devant elle. Elle avait donc choisit de faire son tour du monde pour voir tout ce qu’elle n’avait vu jusqu’alors qu’en images. De Seian à Alfen en passant par l’I’maï, la forêt d’Agata, le Mont Efferos, les déserts, Omatsu, la Tour du Vent et Eternara… Ellyra voulait tout voir, tout entendre, tout ressentir et tout connaître. Pour la première fois de sa vie, elle était définitivement libre, il n’y avait plus personne pour la contraindre. Il fallait s’en aller maintenant, s’en aller libre, s’en aller sous la lune, pour oublier ses peurs et ses appréhensions, s’en aller avec ceux qu’on aime. Ellyra se sentait prête.

- Je crois que je vais rejoindre Terros, Flamen puis Nalcia. Et je projette passer l’épreuve de Guerrière Elémentale, je ne sais pas quand ni où. Puis nous verrons bien. On a du temps, n’est-ce pas ?

Le regard bleu d’Ellyra se ternit à ces derniers mots, ne sachant plus si elle avait parlé pour se convaincre elle-même ou les autres. Sa mère aussi disait souvent, ne t’inquiète pas, tu as tout ton temps. Mais, malgré les belles paroles, elle était partie. Trop tôt. Ellyra prit une grande inspiration pour ne pas se laisser aller. Savourer une grande bouffée d’oxygène, sécher ses larmes et tout laisser derrière soi. Elle esquissa un sourire pour Tyla.

- Et j’aimerai que tu sois là, bien sûr. J’aurais toujours besoin de toi.

Sans Tyla, Ellyra se sentait comme en équilibre sur un fil, prête à tomber au moindre pas mal assuré ou au premier coup de vent, comme la lune sans ses étoiles, comme des lèvres sans sourire, comme une nuit sans rêves. Le moindre choix lui semblait bien plus difficile à prendre sans la présence rassurante de son mentor derrière elle. Ellyra avait peur de la solitude, peur de perdre à nouveau quelqu’un de cher. Il y a trois catégories de gens dans la vie : ceux qui ont besoin que l’on s’attache à eux, ceux qui n’ont besoin de personne et ceux qui ont besoin de s’attacher aux autres. Ellyra faisait partie de ces derniers. La solitude, la vraie, celle dans laquelle on plonge quand on ne sait plus à quoi ni à qui se rattacher l’effrayait par-dessus tout ; c’est pourquoi la perte de sa mère l’avait tant affectée et la simple idée voir Tyla s’éloigner définitivement l’attristait tant. Heureusement qu’il y avait Kohaku, et bientôt le petit être qui sortirait de son œuf. Ellyra savait qu’ils seraient parmi les seuls à ne jamais la trahir.

- Et toi, tu vas faire quoi, Tyla ? demanda-t-elle avec une pointe d’hésitation.

Elle avait peur qu’elle lui dise : maintenant c’est terminé. Son regard en disait déjà trop. Mais comment pouvait-elle avoir déjà terminé son apprentissage ? Comment pouvait-elle continuer sans pouvoir se dire à tout moment que Tyla arriverait toujours s’il y avait un problème ? Toujours là pour l’épauler et la soutenir, dans toutes les circonstances.

« Oh, Tyla, Tyla, ne me laisse pas… »

[Tyla Weathered]

Tyla regardait le bleu de l'océan. La nuit gardait encore son emprise, indétrônable. La championne savourait ce moment. Ce ne serait pas le dernier, bien loin de là, mais c'était un moment exquis. Ellyra réfléchissait. La question posée par Tyla avait suscité en elle un intérêt. Elle était perdue dans ses pensées, cherchant très certainement ce qu'elle pourrait répondre à la jeune femme. Cette fille était très surprenante : elle paraissait perdue au fond d'elle mais en fait, elle savait parfaitement ce qui l'attirait ou non. Elle était forte psychologiquement comme physiquement et le fait qu'elle ne comprenne pas encore la dure réalité de la vie, permettait de la protéger. Tyla la protégeait, comme elle s'était jurée de le faire lorsque qu'elle avait reçu son grade de défenseur. L'entraînement de son élève permettait de l'endurcir pour qu'elle puisse lutter contre bon nombre de douleurs physiques ou morales. Certaines douleurs étaient à jamais ouvertes, comme celle de la mort de sa mère. Tyla laissa une petite larme bien cachée, coulée de son oreille gauche, qu'Ellyra ne voyait. La douleur de la mort de sa propre mère était restée ancrée en elle et ne partirait jamais. Elle se trouvait dorénavant dans son coeur mais le vide n'était jamais comblé...

Elle écouta Ellyra lui raconter ce qu'elle comptait faire. Tyla ouvrait tranquillement l'oreille, écoutant son élève avec beaucoup d'insistance. Elle souhaitait parcourir l'ensemble des régions et souhaitait aussi passer une épreuve de Guerrière Elementale. Tyla sourit. Avoir de telles ambitions la pousserait très certainement jusqu'à la victoire. Les rêves étaient malgré tout des éléments moteurs d'un humain. Sans ses propres rêves, elle ne serait très certainement pas là où elle était maintenant, c'est à dire une jeune et élégante femme, championne d'arène, défenseur élémental et archère. Elle savait que toutes ses ambitions, sa rage de vaincre l'avait pousser au sommet et quand sans rêves, on peut pas avancer.

« Tu as tout ton temps, mais garde tes ambitions, elles te pousseront vers la gloire. »

Leurs regards se perdirent pendant quelques instants. Ellyra ajouta que sans la championne, elle n'était rien. Tyla eu comme un noeud dans l'estomac. Elle ne lui avait pas encore annoncé qu'elle allait devoir s'absenter, un voir deux mois pour tenter de trouver une nouvelle voie à poursuivre, à son tour. Elle avait envie de lui dire mais chacun de ses mots allait la blesser, peut-être trop profondément. Elle attendit quelques instants et réfléchit à ce qu'elle pouvait dire. Elle savait que leurs liens étaient inaliénables mais malgré tout, elle avait peur. Si elle aussi venait à périr, comment Ellyra pourrait donc réagir ?

« Tu te souviens de notre première rencontre ? »

Petit à petit, Tyla se remémora chaque instant de leur première rencontre, sur la banquise. Ellyra était seule, tentant d'échapper à sa vie. Tout avait changé maintenant. Tyla fit apparaître un filet d'eau qui tourna autour des deux jeunes femmes comme si un dieu tentait de leur parler. L'eau toucha Ellyra, et sa douce mélodie vint prendre part dans son être. L'eau était son nouvel allié. Petit à petit, le filet que la jeune femme contrôlait vint toucher Kohaku puis l'oeuf qui se tenait à ses côtés. Finalement, celui-ci se décomposa en plusieurs branches et se mirent en contact avec les pokémons de la championne.

Une larme coula sur le visage de la championne alors que le filet vint lui toucher le coeur. Elle déposa quelques larmes, triste de devoir partir telle une fugitive.

« Nous sommes tous là, tu ne seras jamais seule. »

Un sourire s'afficha et le lien se rétracta pour apparaître comme une sphère aquatique, juste devant la jeune femme. Tyla attrapa Ellyra dans ses bras et la serra fort contre elle. Un sourire de fierté s'afficha sur son visage. Elle murmura quelques mots à l'oreille d'Ellyra et sourit.

« Pendant quelques semaines, je vais devoir trouver ma voie et donc te laisser. Tu dois découvrir le monde par ta propre vision et non plus par la mienne. »

[Invité]

Leur première rencontre ? Ellyra s’en souvenait comme si c’était hier, et le film passait et repassait en boucle dans sa tête, présent chaque jour, chaque instant, comme inscrit dans toutes les cellules de son corps, comme une deuxième naissance. C’était un souvenir très lointain et très proche à la fois, si intime que, si elle se le remémorait souvent et qu’il restait un mystère pour elle, elle n’en avait jamais parlé à personne, sauf Tyla, bien que ce ne soit que des allusions rapides et sous-entendues. Alors, lorsque son mentor l’invita à se souvenir, une infime partie d’elle-même replongea dans l’eau glacée de la grande banquise du Nord.

Ellyra se retourna pour voir un filet d’eau s’élever d’entre les vagues jusqu’à eux. Il se sépara en deux, puis en trois, puis de nouveau en plusieurs branches comme un arbre, petite graine à l’origine, devient un grand chêne. Un long frisson emporta Ellyra lorsque l’eau se posa sur son cœur avec une force qu’elle ne soupçonnait pas. Le contact, pourtant doux et léger, eut un impact inattendu sur elle. Le choc, en plus d’être physique, fut psychologique, ressemblant à celui qu’elle avait ressenti dans le lac en bien plus atténué. Ses paupières se fermèrent très lentement et elle se concentra uniquement sur le battement de son cœur qui se répercutait dans tout son corps. Elle expulsa le moindre doute et les dernières vibrations de douleur jusqu’à ne plus percevoir que la respiration apaisante de l’eau.

Soudain, son visage se teinta d’étonnement et, dans un sursaut, elle rouvrit les yeux et dévisagea Tyla d’un air interrogateur. En seule réponse, elle obtint un sourire éphémère et une larme, une seule, roula telle une caresse sur la joue de Tyla. Ellyra porta une main à sa joue sans comprendre. Puis la réponse vint d’elle-même, comme toute les autres fois, certaine : ce n’était pas une larme de Tyla, c’était une larme d’eux, tous ensembles. Ce n’était plus simplement le cœur d’Ellyra mêlé à celui de l’Eau, non, c’était un battement bien plus fort, bien plus puissant, celui d’une dizaine d’autres vies : Tyla, Kohaku, et tous les autres aussi.
Et la larme, aussi petite et unique soit-elle, coula, invisible, sur la joue de chacun.
Subtile, futile, éphémère, pour d’infimes instants magiques ; Ellyra aimait ces trois mots.

Ellyra se laissa attirer contre Tyla sans faire le moindre effort. Pour la première fois et peut-être la dernière. Non, non, pas la dernière, bien sûr. Simplement la première d’une multitude d’autre fois. Ellyra aurait voulu rester longtemps, longtemps, longtemps, jusqu’à la prochaine nuit, jusqu’à perdre son souffle, jusqu’à se laisser emporter par la vieillesse et le vent. Elle se laissa bercer par les mots de Tyla à son oreille.
- Je sais, Tyla, je sais, ne t’en fais pas.

Puis elles sourirent et Ellyra se releva. Elle chercha dans son sac le ruban bleu marine qu’elle avait utilisé pour nouer ses cheveux mais réalisa qu’elle l’avait laissé au fond du lac. « Ce serait un souvenir, songea-t-elle. La marque de mon passage. » Elle secoua la tête et laissa ses cheveux retomber sur les épaules sans les coiffer. Elle rehaussa son sac sur son épaule et prit Tyla par la main, pour inverser les rôles. Elle l’entraîna plus haut sur la plage, vers les dunes. Vers la route.
Elles avaient encore un petit bout de chemin à faire ensemble.

Topic clos. ♥

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