[ Clos ] Introspection [Solo/Contrainte]

[Hako]

Post sous contrainte

Hako avait marché, en direction du Sud-Ouest, après avoir laissé Io participer à un évènement organisé par les humains, un tournoi quelconque dans une arène de Flamen. C’était une bonne occasion de le laisser tester ses progrès, et de son côté elle pourrait se concentrer sur l’entrainement des jeunes recrues. La Terrosienne avait choisi de se poser au milieu des Plaines Fleuries, l’endroit étant particulièrement agréable pour les yeux (et le nez), et de plus peuplé de nombreuses créatures contre lesquelles Gaé et Léto pourraient se battre.

Assise dans l’herbe, supervisant l’entrainement de la Médhyena et de l’Embrylex, la jeune femme pensait à l’avenir. C’était quelque chose, elle l’avait remarqué, que les humains faisaient souvent, se soucier du lendemain, pour des choses aussi futiles que savoir quel plat préparer, ou d’autres, plus angoissantes, de se demander s’ils seraient en vie dans un mois, faute de moyens… Mais à elle, ça ne lui arrivait jamais. Hako vivait au jour le jour. Pourtant, tandis que le Soleil descendait lentement à l’Ouest, elle s’interrogeait, observant ses deux sources de tracas. Gaé et Léto. Ils étaient aussi têtus et hargneux que Io était obéissant et calme. Ils avaient tous les deux beaucoup de potentiel, mais un gros manque de discipline, et Hako commençait à se demander ce que leur relation allait pouvoir donner d’ici un mois, un an.

La Hyène, d’abord. Tout montrait, dans son comportement, son regard, qu’elle ne pardonnait pas à sa dresseuse de l’avoir capturée par soumission. Pour le moment, elle acceptait l’entrainement qu’Hako lui proposait, mais quand elle aurait grandi, et gagné en force, alors quoi ? Fallait-il craindre qu’elle se retourne contre elle ? La Terrosienne eut la vision fugace d’une créature, sombre comme la nuit, aux dents longues et tranchantes, ressemblant fort à Léto, mais en plus grande, lui plantant les crocs dans les bras, le torse, le crâne, les yeux brulants d’une haine féroce. Oh, bien sur, ce n’était pas vraiment Léto qu’elle voyait, et quand bien même la hyène devenait suffisamment forte pour s’attaquer à sa dresseuse, Hako aussi aurait eu le temps de progresser, assez pour pouvoir dominer encore la Médhyena. Ce n’était pas tellement la peur de souffrir qui tracassait la Terrosienne dans cette vision, mais celle d’avoir une relation aussi conflictuelle avec une disciple. Elle souhaitait… elle souhaitait inspirer à ses alliés le respect que Iolem lui avait inspiré. Léto serait-elle en mesure de le ressentir ?

D’un autre côté, son jeune âge jouait en sa faveur ; elle-même n’avait-elle pas, durant quelques années, renié l’autorité de son maître ? Si, bien sur, et cela lui avait failli lui coûté la vie. Faudrait-il un accident du genre pour que Léto la reconnaisse comme un maître protecteur avant d’être une dresseuse tyrannique ? Ou bien juste un peu de temps… Pour calmer l’agressivité qui habitait en elle.

L’Embrylex, lui, ne présentait pas cette colère. Non, lui, il ne montrait aucune motivation, c’était tout. Pourtant, il était fort, et savait se battre lorsqu’il le fallait, mais il semblait qu’il ne restait avec Hako simplement pour la nourriture gratuite qu’elle était capable de lui fournir. Souvent, le soir au coucher, la guerrière se demandait combien de temps encore il resterait avec elle. Un jour, peut-être, elle se réveillerait, l’une de ses Pokéballs ouverte, la créature de roche partie pendant la nuit, pour rejoindre un lieu plus agréable, un humain plus gentil et plus généreux. Disparu, simplement comme ça. D’autre fois, Hako envisageait de le punir en le privant de ces baies dont il était si friand, pour le forcer à se mettre au travail, mais elle hésitait, se demandant si cela n’allait pas au contraire accélérer sa fugue. D’une certaine manière, c’était lui qui avait le dessus sur elle, psychologiquement, et cela, c’était intolérable. Une telle relation ne parviendrait jamais à mener à quelque chose. Cela risquait même de donner de mauvaises idées à Léto, pour bafouer son autorité. Pas que la jeune femme aimât se sentir supérieure, maîtresse de la situation, mais, quand même, s’il arrivait que ses disciples se retournent contre elle, elle aurait alors dans la bouche le goût amer de l’échec.

La Terrosienne s’allongea dans les fleurs, sourcils froncés. Elle essaya sans succès de chasser ses sombres pensées, les scènes qui passaient en boucle dans sa tête, lui montrant ses Pokémon en pleine rébellion, soit l’attaquant, soit la fuyant, soit refusant purement et simplement ses ordres. Sans aucune raison extérieure réelle, elle ressentait d’avance une grosse frustration, et même le parfum doux des fleurs, ou la chaleur du soleil, ou la caresse du vent, toutes ces choses simples et agréable ne parvinrent à la calmer, elle qui était pourtant toujours posée dans ses actions. Décidemment, penser à l’avenir, c’était bien un truc d’humain ! A quoi cela avançait de se prendre la tête ainsi ? Cela ne changeait pas la situation…

Une conversation lui revint cependant en tête, quelque chose d’anodin qu’elle avait entendu en inscrivant Io à ce tournoi. Qu’elle avait entendu, et vu, aussi. Parmi les Pokémon qui participaient, et parmi les guerriers se trouvaient certains qui avaient cette relation qu’elle enviait, celle d’un maître et d’un élève, d’un combattant et d’un disciple. Des dompteurs, elle avait entendu ce mot lâché par quelqu’un dans la foule, qui connaissaient leur position par rapport à leurs Pokémon et qui l’avaient fait connaître à leurs créatures. Pas question de rébellion avec eux ! Par une attitude particulière, que la jeune fille n’était pas parvenue à définir, ils avaient affirmé leur domination, mais pas par la violence… Voila ce qu’elle cherchait pour elle, Gaé et Léto. L’idée avait fait son chemin dans la tête de la jeune femme, elle s’en rendait compte maintenant. Pourquoi pas elle ? Elle pouvait bien trouver, d’ici quelques semaines, quelqu’un capable de lui apprendre comment se comporter avec eux pour avoir cette même assurance que les Dompteurs. L’idée d’une entente avec ses Pokémon, basée sur le respect du maître, c’était exactement ça qu’elle cherchait.

Alors, d’ici quelques jours, elle retournerait au Colisée, récupérer Io. Sur place, elle se renseignerait pour savoir comment devenir comme ces guerriers, qui pourrait lui enseigner. Peut-être qu’on la rembarrerait, prétextant un corps trop frêle, un âge trop jeune, une apparence trop faible pour soumettre des Pokémon dont certains pourraient faire plus de deux fois sa taille et sans doute trois fois son poids. Dans ce cas, sans s’énerver, Hako sortirait d’un geste souple son éventail aux bords tranchant, le glisserait gracieusement sous le cou de celui qui aurait osé remettre en doute sa force, son courage, sa motivation, et, sans élever la voix face à cet imbécile qui se serait alors mis à trembler et gémir, elle reposerait sa question. « Je veux devenir dompteuse. Comment puis-je faire ? » Sans doute que cet homme aurait la voix de plus en plus aigue, et lui indiquerait un moyen, une personne à voir, une armée à interroger, un lieu où se rendre. Auquel cas, Hako le remercierait,  rangerait son éventail, et repartirait comme elle était venue, d’un pas calme mais déterminé.

Oui, elle ferait ça.

En ouvrant les yeux, elle nota que le Soleil avait drôlement baissé vers l’horizon. Ses créatures, remarquant qu’elle ne les observait plus, s’étaient arrêtés, essoufflés, et la fixait. Pas avec mépris ou colère, juste avec curiosité, car il était rare qu’elle s’endorme durant un entrainement. En voyant leurs yeux, Hako se dit qu’il y avait encore de l’espoir, quoi qu’elle fasse. Léto n’avait pas tenté de la mordre alors qu’elle était en position de force, et Gaé n’était pas parti manger dans un coin. Oui. Tout irait bien, elle y croyait.

[Contrainte : Se projeter dans le futur]