Le deal à ne pas rater :
Pokémon EV06 : où acheter le Bundle Lot 6 Boosters Mascarade ...
Voir le deal

[Clos] Adieu mes amis ! [Solo/contrainte - contrainte en 2e post]

Voir le sujet précédent Voir le sujet suivant Aller en bas

[Clos] Adieu mes amis ! [Solo/contrainte - contrainte en 2e post] Empty [Clos] Adieu mes amis ! [Solo/contrainte - contrainte en 2e post]

Message par Silver Belister Mer 20 Jan 2021 - 22:15

HRP:

A l’ombre de l’immense tour noire, Jester, Galaxia et moi fixions un espace vide d’environ cinq mètres carrés entre deux tombes richement décorées.

« C’est ici ? » Me demanda le fantôme
« Oui »

C’était la concession que je venais d’acheter pour offrir à mes amis disparus une sépulture et des rites décents. Quelque chose que j’aurais pu faire il y a des années. Mais je n’y étais prêt que maintenant.

A la manière dont Jester m’avait répondu, je sentais bien qu’elle était sceptique quant aux raisons de mon action. Mais bizarrement, contrairement à son habitude, elle n’osait ni plaisanter, ni demander des explications d’un air nonchalant. Et elle n’essayait pas non plus d’aller récupérer les réponses dans mon esprit directement. Comme si… Comme si parler de la mort la gênait !En y réfléchissant, elle semblait différente de d’habitude ces derniers temps… Depuis que je lui avais annoncé mon intention de venir ici suite à une discussion avec Galaxia. Mais je sentais bien qu’elle avait besoin d’en savoir plus. Il était tout à fait sain de sa part de se poser des questions et je le lui fis savoir :

« Pose tes questions si tu en as. Tu as tout à fait le droit de douter de mes actes ! »

Il y eu encore un silence puis l’Ectoplasma se lança enfin :

« Ben je l’aurais pas dit comme ça mais…. Oui c’est ça en fait. Ca fait quoi… Dix non quinze ans que tes Pokémon sont morts et tu décides de les enterrer que maintenant ? Enfin si on peut appeler ça un enterrement parce qu’ils n’ont même plus de corps, ce sera même pas une tombe, juste une stèle funéraire plantée dans le sol… Pourquoi t’en as eu envie tout d’un coup ? »
« Suite à une discussion avec notre petite amie ici présente, j’ai compris beaucoup de chose sur moi-même. Et suite à cette compréhension, certaines actions me sont apparues comme évidentes. Cet enterrement en fait partie ».
« Attends, tu parles de la discussion privée que vous avez eu Galaxia et toi ? Celle où elle t’as expliqué pourquoi elle t’a choisi comme dresseur ? Mais c’était il y a plus de deux mois ! »
« Tout à fait. C’est le temps qu’il m’a fallu pour admettre qu’elle avait raison sur toute la ligne ! »


En entendant ce remerciement déguisé, Galaxia me gratifia d’un sourire. En revanche, Jester était encore plus perplexe.

« Attends, de quoi tu parles ? Raison à quel sujet ? Elle t’a dit que c’était mal de pas enterrer ses amis morts ? Oui bon bah dans ce cas j’aurais pu trouver moi aussi hein ! »

L’agacement de l’Ectoplasma face à cette incompréhension avait quelque chose de touchant. Tout comme la pointe de jalousie que je lui sentais vis-à-vis de Galaxia. Mais n’étant pas Jester moi-même, je m’abstins de me moquer du fantôme. Elle désirait sincèrement me comprendre et elle avait autant que Galaxia le droit de savoir.

« Pour répondre complètement à ta question, il va me falloir faire un retour complet sur mon passé. Tu es prête à m’écouter sans m’interrompre ? »

Jester ne répondit pas tout de suite. Je sentais bien qu’elle hésitait sur la réponse à donner. La connaissant, je savais qu’elle la cherchait elle-même, pour ne pas avoir à s’abaisser à me demander la réponse. Mais je savais aussi qu’elle ne la trouverait pas. Ce n’était pas une question de manque d’intelligence. Je n’avais jamais douté de celle de Jester. Mais elle ne s’était jamais intéressée suffisamment à moi pour deviner la réponse. Ce qui n’était pas du tout un problème. Ma vie n’était pas la réponse à un quizz de culture générale.

Sa réponse fut en demi-teinte :

« Ouais bon, je le connais déjà ton passé… Fin pas tout et pas dans l’ordre mais on en a déjà suffisamment parlé pour que je puisse remettre les morceaux du puzzle à leur place hein ! Je suis pas stupide hein ! »

Face à ce demi-refus, je fis la première chose qui me passait par la tête : je m’agenouillais pour me mettre à la hauteur actuelle de Jester et la prit dans mes bras avant de poursuivre. Pour la première fois depuis le début de notre relation, l’Ectoplasma fut suffisamment surprise par mon approche pour ne pas se dématérialiser et échapper ainsi à mon étreinte. Et pour une fois qu’elle m’écoutait pleinement, je n’allais pas me faire prier pour me faire entendre !

« Sache que je n’ai jamais pensé que tu étais stupide, indigne de ma compagnie ou je ne sais quoi. Au contraire. Tu es la première amie que j’ai eu après trois années de solitude absolue et assurément une des plus précieuses. Et c’est justement parce que tu m’es précieuse que je veux partager ça avec toi. Certainement pas parce que je te juge stupide ! »

Je n’obtins pas de réponse. A la place, je sentis une drôle de substance visqueuse et légèrement irritante se déverser sur mon cou, au niveau des yeux de Jester. Je ne savais même pas qu’elle était physiquement capable de pleurer. Ces larmes étaient probablement constituée du poison qui coulait dans son corps spectral, mais elle n’en restait pas moins une preuve indéniable de l’intensité de ses sentiments. Intensité que je percevais clairement pour la première fois.

Je la laissais pleurer autant qu’elle en avait besoin. Ses larmes silencieuses ne percèrent pas le silence du lieu. Si on jour on m’avait dit que je verrai la dynamique, la si riante, si comique Jester comme ça… Et par mon fait en plus… Pourtant, sa réaction faisait complètement sens avec ce que je savais d’elle et ce depuis le jour de notre rencontre alors que nous nous étions rencontré, moi soldat déchu qui noyait sa peine dans l’alcool d’une rue sombre et elle, petite Fantominus farceur et solitaire qui vivait dans une poubelle et menait la vie dure à tous ceux qui croisaient son chemin avec ses blagues. J’avais compris immédiatement qu’elle agissait ainsi dans le seul but d’attirer l’attention. Parce qu’elle cherchait la chose qui lui manquait par dessus tout. Un ami.

Et ainsi se fit la rencontre entre deux solitaires qui s’accrochèrent l’un à l’autre tels des bouées de sauvetages. Aucun de nous ne savait comment se comporter avec l’autre, elle parce que c’était la première fois de sa vie qu’elle avait un ami, moi parce que j’avais tout fait pendant trois ans pour ne plus en avoir, et pour ne plus en avoir besoin. J’aurais pu lui dire dès le jour de notre rencontre qu’elle n’avait pas besoin de faire des blagues pour que je me soucie d’elle. Qu’elle était bien plus à mes yeux qu’un petit diablotin amusant. Et que l’arrivée de Galaxia dans l’équipe ne changeait absolument rien à notre relation ! Et de son côté, elle aurait sans doute pu me dire que nous étions amis que je sois un grand magicien connu ou non. Tant de choses si évidentes et pourtant si ignorées… Jusqu’à aujourd’hui !

Les pleurs durèrent encore de longues minutes sous le regard attendri de Galaxia. Apparemment, mes propos ne les avaient pas fait cesser, au contraire. Mais je sentais beaucoup plus que de la tristesse dans ces larmes. Il y avait du chagrin bien sûr mais aussi… De la gratitude. Et de la joie. Les mêmes sentiments que ceux que je ressentais en ce moment même. De la gratitude envers celle qui m’avait accepté. Qui me soutenait en ce moment même. Et la joie simple d’être en sa compagnie.

Enfin les larmes se tarirent et après un dernier reniflement spectral, Jester repoussa légèrement mes bras. Je la lâchai alors mais restai à genoux sur l’emplacement de la pierre tombale. L’échange qui allait suivre serait plus riche si nous pouvions échanger directement nos regards. Galaxia aussi écoutait attentivement. Elle m’avait avoué que bien qu’elle ait sondé mes sentiments lors de notre rencontre, elle n’avait pas eu le temps de faire de même avec mon passé. Après tout pour une Tarsal, les faits étaient peu de chose en comparaison des sentiments ressentis !

Même si mes deux Pokémon pouvaient lire dans les pensées, je décidai de parler à voix basse, afin que l’écho de mes propos imprègnent jusqu’à la terre sur laquelle serait posée la stèle. Puis je débutai mon récit :

« Je suis né il y a presque 32 ans dans un petit village des montagnes de Nalcia qui s’appelait Sarab. On raconte qu’il s’agit du village le plus haut du pays, voire de tout Erasia selon les versions.
-Attends attends… Un village ? Mais ta maison était la seule à des kilomètres à la ronde quand on y est allé ! C’est pas ta maison de naissance ? Oups, désolée, je me tais !
-Pas de souci. Effectivement, aujourd’hui ce village n’existe plus. Ce n’est pas pour rien que son nom signifie « mirage » en Erasien. Les premiers voyageurs qui montaient aussi haut dans les monts ne s’attendaient pas à trouver un village qui était une vraie apparition pour eux. Et le nom est resté. La difficulté des conditions de vie aussi haut en montagne et le développement des grandes villes du pays de l’air ont petit à petit poussé la population à descendre sous des altitudes plus clémentes, mais quand je suis né, l’endroit était encore assez peuplé pour mériter le nom de village. Ou de hameau à la rigueur. Mais même du point de vue de Sarab, mon père, ma mère et moi étions des marginaux, des gens étranges qui avaient insisté pour construire une maison en bordure du village malgré le danger que cela représentait. En montagne, un accident est vite arrivé et sans la solidarité des gens du cru, le moindre imprévu peut se transformer en catastrophe. Mon mon père n’a jamais rien voulu en savoir. Il ne voulait dépendre de personne.

C’était un homme… Obsédé par la peur. Il était persuadé que sa famille était victime d’une malédiction et de ma naissance jusqu’à sa mort, chacun de ses souffles était destiné à combattre ce fléau. Et bien sûr, comme cette malédiction était protéiforme, il voyait le mal partout, jusqu’à craindre la moindre interaction avec un inconnu. Je n’ai jamais eu de véritable lien avec lui. Heureusement il y avait ma mère. Elle était… Douce… Gentille…. Gaie… Et pleine d’espoir. Elle seule réussissait à contenir les crises de paranoïa de mon père. Maintenant que j’y pense, Violette lui ressemble de plus en plus en grandissant !

J’ai donc eu bon gré mal gré une enfance à peu près heureuse en compagnie des derniers enfants qui vivaient encore à Sarab. Jusqu’à mon huitième anniversaire. Cette année-là est née ma petite sœur. »

« Hein ? Mais pourtant tu l’aimes bien ta sœur hein ? Je veux dire vous donnez pas du tout l’impression de pas vous entendre, au contraire ! »


Avec un certain étonnement, je notais que bien que Jester m’avait déclaré qu’elle retiendrait ses questions et que visiblement, elle ne tenait pas parole, cela ne m’agaçait pas du tout. Au contraire, j’étais content d’échanger et d’avoir son ressenti. Probablement parce que je ressentais les intentions derrières ces interruptions qui n’était pas du tout les mêmes que d’habitude.

Normalement, Jester me coupait dans mes paroles ou dans mes actes pour attirer mon attention ou pour qu’un autre s’intéresse à elle. Mais aujourd’hui, je sentais bien qu’elle était profondément et personnellement intéressée par mon récit. Peut-être que pour la première fois de sa « vie », elle faisait l’effort -immense pour elle à n’en pas douter – de se mettre sincèrement à la place de quelqu’un d’autre. Dans sa remarque, je sentais plus de la peur que de l’étonnement. Est-ce qu’elle aurait peur… Que je sois un moins bon grand frère qu’elle le pensait ? Que je sois un lâcheur ? A vrai dire… Lorsque j’avais parlé de cette époque avec Violette, elle m’avait qualifié de « Dieu ». Et c’était plus ou moins ce que j’étais à l’époque. Un dieu triste et froid. Après un instant de flottement à repenser à ces souvenirs, je répondis au fantôme avec un petit sourire :

« Notre relation a évolué dans le bon sens avec le temps. Et vu comment j’étais à la base, ce n’était pas gagné.
-Attends… Ca veut dire que t’aimais pas ta sœur quand elle est née ?
-Non je ne l’aimais pas. Ou en tout cas je ne voulais pas l’admettre.
-Mais… Mais… Mais c’est horrible ! Pourquoi ? Elle est super chouette Violette ! »


J’eus un sourire désolé pour la pauvre Ectoplasma, qui semblait de nouveau sur le point de pleurer. Elle avait besoin de connaître la vérité et moi de la dire :

« Ma mère est morte en donnant le jour à ma petite sœur. Ce faisant, elle nous a laissé, elle et moi, seuls aux prises avec la terreur de mon père. Et lui ne s’est pas arrangé avec la mort de ma mère, bien au contraire. Et le pire, c’est que ma mère sentait parfaitement ce qui allait se passer.

Ses dernières paroles pour moi ont eu lieu juste après la naissance de ma sœur, alors qu’elle se vidait de son sang malgré tous les soins que tentait de lui prodiguer la guérisseuse qui l’avait aidé à accoucher.

Elle m’a d’abord demandé pardon. Pardon parce qu’elle allait me laisser seul avec mon père et ma sœur alors qu’elle aurait tellement être là pour me voir et m’aider à grandir. Puis elle m’a demandé… Non, elle m’a supplié de prendre soin de ma sœur. Elle m’a expliqué que mon père ne serait pas en état de s’occuper d’elle alors elle me demandait de le faire, et de lui prodiguer de l’amour comme elle m’en avait prodigué. Puis elle m’a assuré qu’elle m’aimait et qu’elle m’aimerait toujours, ou qu’elle soit. Et elle est morte dans mes bras. Vu mon chagrin à ce moment-là, j’aurais accepté n’importe quelle demande de sa part... »


Je dus m’interrompre pour laisser quelques larmes couler sur mes joues. Encore aujourd’hui, ces souvenirs faisaient partie des plus pénible de ma vie. Cette fois ce fut Jester qui prit l’initiative de m’enlacer, tandis que Galaxia se téléportait sur mon épaule d’où elle commença à envoyer son affection dans mon esprit. Au bout de quelques minutes, la douleur cessa. Il ne restait plus dans mon esprit que le témoignage d’amour de mes Pokémon. Et ma profonde gratitude à leur égard. Je repris donc le récit :

« Extérieurement, j’étais le grand frère idéal, présent, protecteur, qui jouait avec sa sœur et veillait sur elle en l’absence de leur père. Non seulement ma sœur était jeune mais en plus nous découvrîmes vite quelle souffrait de problèmes respiratoires, ce qui l’empêchait quasiment de sortir de la maison et me demandait de m’occuper encore plus d’elle. Dès la mort de ma mère, mon père est devenu encore plus paranoïaque qu’avant puisqu’il n’y avait plus personne pour canaliser sa peur. Sarab disparut quatre ou cinq ans après la naissance de Violette faute d’habitants, mais cela ne motiva pas mon père à partir pour une autre terre plus accueillante. Au contraire. Il était désormais persuadé que l’argent serait la solution à tous ses problèmes, y compris la malédiction familiale. Il est devenu un marchand itinérant très riche grâce à des commerces plus ou moins licites. Mais ce n’était pas quelqu’un de fondamentalement mauvais, et je ne crois même pas qu’il appréciait vendre des produits dangereux. Je crois qu’il pensait qu’avec de l’argent, il pouvait tout s’offrir, une belle maison, une protection armée contre la malédiction familiale qui l’obsédait de plus en plus, une gouvernante pour veiller et éduquer ses enfants et même l’amour de sa fille et de son fils.

Aujourd’hui, je peux dire que malheureusement pour lui, il n’a eu que la belle maison, et encore, elle est bien moins reluisante aujourd’hui qu’autrefois. Tous ses gardes du corps on péri avec lui dans un bête éboulement de montagne. Nelly, la gouvernante qu’il a embauché pour nous élever Violette et moi a fait de son mieux mais elle ne pouvait pas remplacer un père et une mère ni nous empêcher de mal tourner chacun à notre façon. Pour ce qui est de l’amour de ses enfants, mon père a toujours provoqué de la tristesse chez ma sœur qui a longtemps pensé que c’était à cause de sa santé fragile que son propre père l’avait jugé indigne d’elle et abandonnée. Quant à moi, je n’éprouvais que de la haine pour cet homme qui ne méritait même pas de porter le titre de père. Mais bon… Je ne suis pas sûr que je méritais moi-même le titre de frère.

Intérieurement, je traitais Violette comme… Comme mon père traitait la plus précieuse de ses marchandises. Quelque chose de précieux dont il fallait prendre soin – puisque je l’avais promis à ma mère - mais dont l’intérêt ultime était le pactole qu’elle allait lui rapporter. Sauf que pour moi, Violette était… Un poids mort. Une marchandise de qualité mais gâtée. Quels que soient les efforts que je ferais, j’avais le sentiment que jamais je ne pourrais l’aimer réellement, comme j’avais aimé ma mère, et comme ma mère me l’avait demandé. Durant les dernières années que j’ai passé chez mon père, j’avais de plus en plus de mal à supporter sa présence, la présence de cette petite sœur malade,dont il fallait s’occuper constamment et qui n’avait à offrir en retour que la timidité de ses marques d’affection.

Aujourd’hui, je me demande si notre relation aurait évolué vers le mieux si j’étais resté plus longtemps à ses côtés… Et je m’en veux de ne pas l’avoir fait. Mais je ressentais sans cesse ce besoin d’évasion, de partir, des découvrir autre chose, de quitter cette montagne maudite. Et heureusement pour moi, l’unique attraction annuelle de Sarab – du temps où le village existait encore – était un crique itinérant qui avait la particularité de compter en clou du spectacle un magicien mondialement reconnu qui par une chance extraordinaire était justement originaire de ce trou perdu.

C’était ma mère qui m’avait emmené le voir pour la première fois, pour fêter mon quatrième anniversaire. En voyant son spectacle pour la première fois, cela fit instantanément naître une vocation chez moi et je revins le voir tous les ans. Mais ce ne fut qu’à mes huit ans, suite à la mort de mère, que je trouvai enfin le courage de lui demander de me prendre pour apprenti. Était-ce parce qu’il pensait que l’amertume encore visible sur mon visage était incompatible avec la pratique de la magie ou parce qu’il souhaitait tester la résolution du gamin que j’étais qu’il refusa ? Ou simplement parce qu’il était trop occupé pour me prendre en tournée ? Toujours est-il qu’il me proposa, si je le voulais toujours, de revenir lui poser la question l’année suivante, lorsqu’il aurait pris sa retraite. L’année suivante, j’étais au rendez-vous. Il accepta et mon apprentissage commença. Bien sûr, mon père me disputa lorsqu’il apprit ma nouvelle vocation. Un magicien, ce n’était « pas sérieux », et cela ne me permettrait pas de mener une vie décente à l’abri du besoin. Cela ne fit que tendre encore plus nos relations et il n’était de toute façon pas assez présent pour pouvoir m’empêcher de quoi que ce soit. Bien sûr, il chargea Nelly de m’empêcher de suivre cette formation, mais ma chère Nelly vit bien que j’étais résolu et surtout que le pauvre gamin meurtri que j’étais avait absolument besoin de voir des gens et de s’occuper hors de la maison, aussi elle me couvrit toujours lors des rares passages de mon père.

Il apparut très vite que j’étais doué pour la prestidigitation, naturellement doué. Bien sûr, il me fallait travailler un peu pour réussir les exercices les plus difficiles, mais globalement, je n’eus pas à trop forcer pour réussir mon apprentissage. Hormis ma famille, mon maître était la seule personne qui était restée vivre sur les ruines de Sarab car il était très attaché à sa terre natale. Ma formation dure dix ans, de mes neufs à mes dix-neufs ans et en une décennie, je ne déçus vraiment mon maître qu’une seule fois. Enfin je crus l’avoir déçu.

Peu avant la fin de mon apprentissage, mon maître me posa pour la n-ième fois la même question :
« Dis-moi, Silver, pourquoi veux-tu apprendre la magie ? »
Il m’avait déjà posé la question dès notre première conversation alors que j’avais huit ans. A l’époque – et toute la fois suivantes jusqu’à ce jour – mes réponses avaient été enfantines. De simples variantes de « Parce que je trouve ça trop cool ! »
Mais cette fois-là, je savais que la fin était proche. Que je serais bientôt un magicien. Un homme selon mes propres standards. Et un homme se devait de savoir pour quoi il vivait. J’avais bien trouvé des réponses qui m’avaient semblé sincères mais qui étaient fort déplaisantes pour mon ego. Pourtant, je devais la vérité à mon maître :
« Parce que j’ai soif de liberté. Un magicien connaît les tours, les traquenards et les ruses qui peuvent germer dans l’esprit des gens pour les pratiquer lui-même. Et s’il est assez bon, il peut s’en libérer. »

Mon maître patienta un instant avant de me donner sa réponse :

« Je te remercie d’avoir été franc avec moi. Je ne doute pas que tu croies en ta réponse. Mais sache que même si un magicien est par métier un bon fuyard, la fuite n’est pas l’objectif initial de notre art ».

Et ce fut tout. Je m’attendais à un sermon sur ma bêtise, mon incompréhension totale de ce qu’était la discipline que je pratiquais mais rien ne vint. A la place, mon professeur me fit enchaîner sur un autre exercice que je réussis sans problème. Puisqu’il n’insistait pas là-dessus, me dis-je, je devais avoir réussi son test. Aujourd’hui, je sais que ce n’était pas un test. Ce n’était pas un examen de passage mais  un simple moyen de mesurer ma compréhension profonde de ce qu’il avait tenté de me transmettre. A l’époque, je ne l’avais pas encore compris. Je me mentais à moi-même, avec beaucoup de conviction. Aujourd’hui, je crois que je connais la vraie raison. Et je crois aussi que mon maître ne m’en a jamais voulu de cet échec, parce qu’il avait foi en moi. C’est pour cela qu’il a fait graver sur sa tombe : «  Les hommes sont comme les arbres. Ils ont besoin de beaucoup de temps, de soin et d’amour pour bien pousser. » Il savait qu’avec le temps, je trouverais ce qui me manquait à l’époque. »


« Attends, la tombe pas très loin de ta pension sur laquelle tu vas te recueillir parfois quand on passe dans le coin… C’est celle de ton maître ? »
« Oui Jester. Il est né à Sarab, il a formé son apprenti là-bas et il s’y est éteint deux ans après la fin de ma formation, et ce même si le village avait disparu, et même si son apprenti était parti courir les routes pour se faire un nom. C’est Nelly qui l’a enterré. Ces deux-là s’aimaient beaucoup je crois. »
« Mais… Pourquoi tu m’as jamais dit qui il était pour toi ? Tu m’as toujours dit que c’était juste un ami ! »
« Parce qu’avouer qui il était m’aurait fait repenser à mon enfance, qui est une période de ma vie que je souhaitais oublier. Parce que j’avais peur de tes questions… Et surtout des réponses que j’aurais dû y apporter, des réponses qui m’auraient obligé à fouiller au plus profond de moi-même si je voulais être sincère ».
« Bah tu sais, je voyais bien que tu voulais pas en parler. Je sentais quand même que le sujet était sensible alors j’insistais pas. Et je suppose que c’était justement cette souffrance qui rendait cette partie ton esprit si dure à lire. »
« Sans doute... »


J’attendis encore quelques secondes pour être sûr que Jester n’avait plus de questions avant de poursuivre :

« J’étais tellement obsédé par cette idée de liberté, de me libérer de cette fichue montagne et des règles stupides de mon père, que je décidai d’en adopter les emblèmes, à commencer par les Pokémon oiseaux, comme pour me convaincre moi-même à travers des artifices ridicules que ma quête de liberté était la bonne et qu’elle allait me rendre heureux. Comme mon maître avant moi, je devins donc un spécialiste des Pokémon oiseaux, mais ce n’était pas par respect ou volonté d’imiter mon formateur. Non, les oiseaux m’intéressaient car il étaient les rois des airs, les symboles de la liberté ! Après tout, ne dit-on pas que l’air est l’élément de liberté ? Donc plus je m’entourerais de ses représentants, plus je serais libre ! C’est de là aussi que vient mon nom de scène. Je souhaitais vraiment être aussi insaisissable et mystérieux qu’une Ombre.

Et pendant un temps, cette stratégie sembla fonctionner. Mes oiseaux et moi étions libres et heureux. Jusqu’à ce triste jour d’automne 213. J’étais en pleine répétition de mes tours avec mes Pokémon quelque part dans les prairies de Flamen et je m’apprêtais à tester un nouveau liquide inflammable « magique » que j’avais commandé chez un alchimiste de la région pour un de mes tours. A la base, il était censé produire un feu violent en apparence mais qui s’arrêterait à la première bourrasque de vent. Malheureusement, ce fut tout l’inverse qui se produisit : alors que je soufflai pour éteindre le feu qui avait pris devant moi, ma bourrasque déclencha une énorme explosion qui mit le feu à mes vêtements et carbonisa mon premier Pokémon, mon Pijako, qui se trouvait juste à côté des flammes. Voyant que je ne pouvais pas me défaire des flammes qui n’étaient manifestement pas ordinaires, mon Bekipan envoya ses plus puissants Hydrocanon pour tenter d’éteindre le feu qui me dévorait de plus en plus. Sans succès. Mes Pokémon commencèrent alors à paniquer et eurent l’idée de m’amener jusqu’à un lac que nous avions passé quelques heures plus tard pour m’y immerger. Mon Rapasdepic, qui était le plus rapide de mes oiseaux, se chargea de la première partie du voyage. Malheureusement, le feu qui s’était emparé de mon corps et me faisait affreusement souffrir atteint également mon Pokémon qui finit par s’écraser, le crops en flamme. Je n’eus la vie sauve que parce que mon Etouraptor prit sa relève et que mon Bekipan utilisait ses dernières réserves d’eau pour empêcher le feu de brûler la totalité de mon corps. Malheureusement, il ne put rien faire ni pour Haya, ni pour Fakhur et lui aussi finit terrassé par les flammes. Sur les derniers mètres, ce fut Sara, ma Noarfang, qui, malgré son petit gabarit, utilisa toutes ses forces physiques et psychiques pour tenter de me sauver. Elle aussi périt par les flammes et tomba au sol alors que nous étions quasiment au dessus du lac. Ce fut le brave Tuha, mon Bekipan, qui utilisa ses toutes dernières forces pour me porter jusqu’au lac et ralentir ma chute. Il fut le seul de mes Pokémon à ne pas périr directement à cause du feu. Lorsqu’il me sut hors de danger dans le lac, sa volonté de me protéger, qui lui avait seule permit de m’accompagner aussi loin, s’éteignit et il sombra au fond du lac, mort d’épuisement. »


Je dus m’interrompre, sentant une nouvelle bouffée de tristesse s’emparer de mon être tandis que je revivais cet épisode. Heureusement, mes Pokémon étaient toujours là pour me soutenir, ce qui me donna la force de continuer :

« Et moi… Moi… Par je ne sais quel miracle malsain, j’étais non seulement encore en vie mais conscient, et juste suffisamment robuste pour regagner le rivage après que le feu se fut enfin éteint suite à mon séjour dans l’eau. J’étais juste encore assez en vie pour réaliser l’horreur de la scène que je venais de vivre. A ce moment-là, j’aurais voulu mourir, pour qua la douleur cesse et que je puisse rejoindre mes compagnons. Malheureusement, la mort ne voulut pas de moi : alors que je gisais inconscient et gravement brûlé sur la quasi totalité du corps sauf le visage, une caravane passa non loin du lac. Elle comptait dans ses rang un guérisseur qui put me donner les premiers soins et assurer ma survie. Il me fallut presque six mois pour récupérer complètement mais au fur et à mesure que mon corps se rétablissait, c’était mon esprit qui tombait malade.

J’étais obsédé par l’origine de ce feu mortel. Il aurait pu s’agir d’une erreur d’inattention du vendeur, qui m’aurait vendu le mauvais produit. Cela aurait aussi pu être causé par une erreur d’inattention de ma part. Ou simplement par un manque de chance, avec les produits inflammables, un incident tragique est vite arrivé. Mais au lieu de cela, une autre hypothèse enfla dans mon esprit jusqu’à l’obscurcir. Ce qui s’était produit était délibéré. C’était un complot contre mes Pokémon et moi. C’était la fameuse malédiction qu’avait tant craint mon père toute sa vie. Malheureusement, les quelques investigations que je menais pour en avoir le coeur net ne me poussèrent pas à abandonner cette voie : l’alchimiste a qui j’avais acheté le produit abrasif était mort deux mois après ma visite et personne ne sut me dire quelle substance il m’avait vendu. De quoi renforcer ma paranoïa naissante. Une chose m’empêcha de sombrer complètement dans le même univers mental complètement coupé de tout que mon père. C’est à cette époque que je me rendis compte qu’on ne passe pas onze ans de sa vie en compagnie d’une petite sœur qu’on voit grandir et lutter de toutes ses forces contre une maladie qui l’empêche de sortir dehors sans ressentir quelque chose pour elle. Et puis il y avait toujours la promesse faite à ma mère que j’avais envoyé balader lorsque l’envie de fuir l’enfer qu’était devenu la maison familiale s’était faite trop forte. Oui, j’avais failli déjà une fois en laissant mes Pokémon se faire tuer. Mais il était hors de question que j’échoue encore en laissant ma sœur se faire tuer par cette malédiction.

J’avais revu Violette une seule fois depuis mon départ, environ deux ans après pour les funérailles de mon père. Il avait fallu tout ce temps pour que son corps – que personne n’avait réclamé puisque personne ne savait qu’il était mort – soit reconnu grâce à l’identification préalable de ses gardes du corps, puis ramené chez lui. Mais à cette époque, je commençais à avoir des remords de l’avoir abandonné et en définitive, lors du peu de temps que nous passâmes seuls ensemble, je ne sus que lui dire. Mais elle… Elle… En mon absence, elle était devenue herboriste ! Et elle en avait appris suffisamment sur la médecine pour réussir à sortir de son lit ! A vrai dire, je crois que mon père aurait très bien pu lui faire parvenir des remèdes s’il l’avait voulu mais je suis persuadé qu’il préférait sa fille malade mais en « sécurité » dans une maison située dans un des endroits les moins accessibles d’Erasia plutôt que bien portante à courir les campagnes érasiennes, à la merci de ceux qui voulaient détruire sa famille. »

« C’est horrible... »
souffla Jester

« Oui. Et ce n’est pas le pire. Pour moi le pire fut ce qu’elle me dit ensuite. Elle me demanda pardon. Pardon pour m’avoir forcé à rester à ses côtés toutes ces années. Puis elle me parla de notre enfance et de comment elle l’avait ressentie. Pour elle, j’avais été son dieu. Un grand frère qui, contrairement à son père, avait toujours été là pour la protéger et la rassurer lorsqu’elle en avait besoin pendant onze longues années. Et un extraordinaire magicien que les tours – pourtant limités, je n’étais qu’apprenti à l’époque – lui avaient apporté beaucoup de joie pendant ses périodes d’isolement. Je n’avais rien trouvé à lui répondre d’autre que des platitudes pour masquer un lancinant sentiment de honte. Et je me suis donc enfui comme l’expert en évasion que j’étais. Si j’étais resté, peut-être que j’aurais pu empêcher Violette de suivre la même voie que mon père et moi : elle commença dès lors à reprendre à son compte une partie du commerce de mon père, pour gagner plein d’argent dans le but de…
-… de te protéger ?
-Oui! On est donc si prévisible que ça dans la famille ? Elle voulait rembourser la dette qu’elle s’imaginait avoir envers moi ! Alors que je l’avais abandonnée comme le dernier des lâches ! Mais il faut croire que cet instinct de protection face au danger est très présent dans ma famille puisqu’après la mort de mes chers oiseaux, je décidai de rejoindre l’armée pour apprendre vraiment à me défendre et à défendre ma sœur !

A cette époque, je ressentais une haine immense envers nos persécuteurs et je me mis en tête de devenir plus fort pour les écraser avant même qu’ils ne deviennent menaçant. Comme je n’étais pas exactement une montagne de muscles, la puissance et la ruse des Pokémon Ténèbres me semblait tout indiqué pour y parvenir. J’ai également consulté toutes les notes que mon père avaent rassemblé au cours de sa vie sur cette fameuse malédiction, et je suis même allé jusqu’à libérer une Spiritomb pour qu’elle m’aide dans ma quête de vengeance !
-C’est Pénombre c’est ça ? Je comprends mieux pourquoi elle a toujours semblé très déçue par tes choix du coup…
-Et pour cause, elle a eu raison de l’être. Alors que je lui avais promis que comme elle je cherchais à me venger pour protéger les miens, elle a pu constater qu’au premier combat sérieux auquel j’ai été confronté, moi le garde forestier de Nalcia, je me suis fait écraser dès le premier combat sérieux ! Pire encore, devant cet échec, j’ai tout simplement baissé les bras, abandonné mon Pokémon et je me suis réfugié dans l’alcool et une poubelle dans laquelle j’ai rencontré une certaine Fantominus…
-Ah ! On parle de moi là je crois !
-Tout à fait ! Et c’est suite à la discussion que nous avons eue ce soir-là que j’ai réalisé que la magie, c’était mon truc et que je pouvais très bien être un magicien ET défendre ma sœur. En fait mon erreur avait été d’être le même type de soldat que de magicien : extérieurement, j’en avais l’apparence et je passais très bien auprès de la galerie avec ma tunique intégrale à capuche noire et mes deux hallebardes intimidantes. Mais intérieurement, même si j’en avais les capacités, je n’avais compris ce que signifiait être un soldat, tout comme je ne savais pas encore ce qu’était être un magicien. Je n’avais rien du courage et de cette volonté inflexible de protéger les sien qui n’avait rien à voir avec l’ardeur fugace d’une vengeance. Là encore, j’aurais pu acter mon échec, réfléchir sur ses raisons et progresser. Au lieu de quoi, je m’en suis tiré avec la simple idée que cette carrière « n’était pas pour moi » et j’étais revenu à la magie.

En fait, je ne voulais pas être un bon magicien, tout comme je n’avais pas voulu être un bon soldat. Ou plutôt, cela m’importait moins que d’être reconnu comme tel…
-Hein ? Pourtant, pour un artiste, je t’ai jamais trouvé très m’as-tu-vu ou imbu de ta personne.
-C’est normal. Cette reconnaissance n’était pas non plus mon objectif ultime. Mon objectif ultime… C’était d’être aimé grâce à ce que j’étais capable de produire. Grâce à ma réussite. Et j’avais peur qu’en me mettant trop en avant, je sois justement qualifié d’orgueilleux, ce qui aurait fait fuir les gens, et qu’ils m’auraient retiré leur affection. »


Jester sembla sur le point de dire quelque chose mais elle se ravisa. Elle réfléchissait sans doute aux implications de ce qu’elle venait d’entendre. Finalement, ce fut d’une voix très lente et très calme qu’elle déroula sa conclusion :

« Du coup, la magie, les spectacles, les apprentis, les Pokémon, les voyages, les concours, moi… Au final tu as fait tout ça juste pour… Te faire des amis ?
-Oui. Mais j’ai toujours été tellement nul pour lire mes propres émotions et celles des autres qu’il m’a fallu plus de trente ans pour m’en rendre compte, alors que pendant toutes ces années, Violette et Nelly puis tous mes Pokémon n’ont cessé de me manifester leur affection.
-… Moi aussi, c’est ce que je voulais ».

Et Jester éclata de nouveau en sanglots. Une nouvelle fois, je la serrai dans mes bras. Cela faisait beaucoup de fois mais le nombre n’importait pas. Pour la première fois de ma vie peut-être, je ne me sentais pas limité dans les ressources que je pouvais accorder à un autre. J’aurais pu rester avec Jester des jours entier dans cette position s’il l’avait fallu. Parce que… J’aimais ce que je faisais. J’aimais partager mes émotions avec mon Pokémon. J’aimais qu’il me partage les siennes. J’aimais lui fournir l’amour qui lui avait cruellement fait défaut. Et j’accueillais avec la plus garde gratitude celui que Jester me manifestais. Lorsqu’elle se calma, l’Ectoplasma ressentit le besoin d’en dire plus :

« Moi aussi si j’ai fait toutes ces blagues toutes ces années… C’était pour qu’on s’intéresse à moi et qu’on m’aime. J’ai vite compris que les gens n’aimaient pas les Fantominus mais… Je pouvais pas m’empêcher d’essayer de rentrer en lien avec eux…
-Et c’est pour ça que vous êtes resté si longtemps ensemble et encore aujourd’hui. Vous n’avez pas le même caractère donc vos méthodes pour entrer en relation avec les autres n’étaient pas les mêmes mais votre désir le plus cher si. Vous avez déjà réalisé à quel point vous étiez amis et vous vous entendiez bien tous les deux ? »

Je hochai la tête suite à l’intervention de Galaxia. Elle avait parfaitement raison une fois de plus. Savoir ou se douter avec la tête qu’on était ami avec quelqu’un était une chose. En avoir la sensation absolue de tout son être suite au partage que Jester et moi venions de vivre, c’était comme… Comme comparer la lumière d’une bougie à celle du soleil lui-même. Jester hocha la tête en réponse avant de me relâcher une nouvelle fois. Rien qu’à son regard, je savais qu’elle avait ressenti la même chose que moi sans même utiliser ses pouvoirs psychiques.Ce mélange de gratitude, de sérénité et de confiance qu’on appelait « amitié ».

Dès lors, était-il nécessaire de poursuivre mon récit ? L’âme, l’essence même de ce que je voulais dire, de celui que j’étais étaient contenus dans ces quelques mots. Pourtant, il restait malgré tout un dernier point que je souhaitais absolument clarifier.

« J’ai reproduit plusieurs fois les mêmes erreurs. Suite à la mort de mes oiseaux et à l’abandon de Pénombre, j’ai cherché des compagnons qui cette fois-ci, ne pourraient pas mourir et me laisser seul. C’est pour cette raison que je me suis entouré de spectres, un type réputé aussi bon fugueur que moi. Heureusement, cette fois-ci je n’ai pas été assez stupide pour ne pas voir les liens qui m’unissaient à chacun d’entre eux ! Mais il restait malgré tout en moi ce culte du symbole, de l’apparence et de l’appartenance à un groupe auquel m’identifier pour obtenir reconnaissance et affection. Et quand j’ai vu que je ne recevais pas suffisamment d’affection à mon goût, au lieu de simplement en demander davantage à des êtres que je savais être mes amis, j’ai failli... »

Les mots s’étranglèrent dans ma gorge tellement j’avais du mal à faire sortir ce que je considérais être une trahison. Mais Jester avait parfaitement compris où je voulais en venir et elle me posa la question fatidique :

« Donc si la meneuse du petit groupe de mercenaires que tu veux rejoindre t’avait demandé de te spécialiser dans les Pokémon feu… Tu m’aurais abandonné ? Et tu as abandonné Fiesta, Caillou et tous les autres ? »

Je ne sentais ni peur ni colère ni déception dans la voix de Jester. Donc elle devait se douter de ma réponse. Mais elle avait malgré tout le besoin et le droit de l’entendre :

« Non. Jamais. »

La calme assurance avec laquelle j’avais prononcé ces deux mots sembla conforter Jester dans son opinion. Je poursuivis :

« Même avant l’arrivée de Galaxia, j’avais vu ce problème d’abandon et j’avais commencé à y réfléchir. Aujourd’hui, je sais. Je sais que même lors de notre rencontre, si je me suis intéressé à vous malgré les milliers d’autres spectres qui vivent sur Erasia, c’est parce que chacun d’entre vous m’a touché à sa façon. Et chacun d’entre vous a accepté de devenir l’ami d’un pauvre magicien raté. Et je vous serais toujours reconnaissant pour les bons moments que nous avons vécu. Parfois il y eut des périodes difficiles mais… Je ne vous échangerais pour rien au monde !
-Arrête Ombre… T’es tout sauf un raté !
-Même ce nom de scène… Je crois qu’il a fait son temps. Il n’a été que trop vrai.
-Vrai ?
-Il décrit parfaitement ce que j’ai été. L’Ombre de ma propre personne, une version idéalisée, le magicien ou le soldat idéal selon ce que je pensais que les gens voulaient voir. Mais quiconque s’approchait de trop près pouvait voir que ce n’était qu’une façade aussi volatile et fuyante qu’un fantôme.
-Maintenant que j’y pense, on dit les Ectoplasma sont des Pokémon Ombre. Je crois que mon espèce n’est pas un choix du hasard !
-C’est vrai ! Ce nom de scène m’a été utile. Il m’a permis de pouvoir exercer mon activité favorite tout en me protégeant du monde. Mais aujourd’hui…. Aujourd’hui je n’en ai plus besoin. Je ne veux plus me protéger. Plus comme ça ! »


Deux larmes coulèrent sur mes joues tandis qu’un sourire naissait sur mes lèvres. Le même phénomène se produisit sur le visage de Jester, qui me demanda :

« Du coup faut t’appeler maintenant ?
-Silver. Ou Silver Belister. Comme tu veux !
-Et est-ce que ça fait de moi un Pokémon Silver Belister ? »


Je fus pris d’un fou rire en entendant cette blague et Jester ne tarda pas à me rejoindre, suivie de près par Galaxia. Après de longues minutes de gratitude mêlée à la joie et à la nostalgie, je goûtais pleinement le bonheur de ce moment de franche joie partagée. Cela me faisait tellement de… Bien. Et à ce que je sentais, je n’étais pas le seul à apprécier ! Il était temps de conclure mon récit :

« Et voilà toute l’histoire telle que je la vois. Si j’ai décidé de venir enterrer mes Pokémon… Ce n’est pas enterrer mon passé. C’est par gratitude. Gratitude envers mes compagnons décédés qui ont donné leur vie pour sauver la mienne. Mais aussi envers tous mes autres amis passés et présents qui ont été et sont encore à mes côtés pour partager mes joies et mes peines. Et enfin parce que je voulais marquer que j’éprouve aussi, en dépit de ce que j’ai pu dire avant, de la gratitude envers moi-même, envers ce moi du passé qui a malgré tout toujours fait de son mieux pour me protéger et me permettre de survivre. Ombre n’était peut-être pas le personnage le plus heureux ou le plus efficace que j’ai jamais créé, mais il m’a malgré tout toujours permis de me sortir de mes mauvais pas. Et pour cela, je tiens à le remercier. Et à le laisser partir ».

Et tan,dis que je prononçais ces derniers mots, mon coeur était en paix.

Jester répondit la première :

« Je vois… En effet, c’est bien plus profond comme motivations pour l’enterrement que ce que j’avais pensé au début… Bon il me reste une ou deux questions à poser sur ton histoire, mais je vais laisser Galaxia commencer !
-Merci Jester. Bon, j’avais déjà senti la plupart des sentiments que tu as évoqué aujourd’hui lors de notre rencontre donc je ne peux pas dire que je sois surprise. Par contre, je suis très contente que tu aies accepté de te confier à nous comme ça ! C’est un très beau cadeau que tu nous fais à Jester et à moi et je voulais que tu le saches !
-Merci Galaxia. Vraiment.
-Ma seule question concerne un point de ton récit qui n’est pas directement lié à tes sentiments et que tu n’as pas développé. Je n’y avais pas prêté attention jusqu’ici mais puisque cela semble avoir joué un certain rôle dans ton existence, j’aimerais savoir : tu en as appris plus sur la malédiction familiale que craignait ton père ?
-Oui. J’ai découvert que son père à lui et son oncle étaient tous les deux également obsédés par cette même idée qu’une puissance surnaturelle leur voulait du mal. Et comme mon père m’a remis les journaux intimes de mes aïeux ainsi que le sien, j’ai pu recoller les morceaux et comprendre l’histoire. Il y a également de la malice dans l’histoire familiale mais elle n’a rien de surnaturel ».


Je m’interrompis un instant pour organiser mentalement mon récit puis repris :

« L’histoire commence avec mon arrière grand-père qui était un riche agriculteur Terrosien qui avait trois fils. Lui aussi s’appelait Silver, Silver Schwarzberg Mon grand-père, Otto était le benjamin et j’ai également reçu le journal du cadet, Friedrich par mon père. Pas une des plus grandes fortunes du pays mais un notable de sa région. D’après mon grand-père et mon grand-oncle, il était riche mais malheureux dans la vie à tel point qu’un jour, il décida de se faire barde itinérant tout en laissant l’affaire à son fils aîné, Vega. Malheureusement, mon arrière-arrière grand-père décida aussi de scinder ses possessions en trois parts égales entre ses trois fils. Or, la coutume en ce temps-là voulait que l’aîné hérite de tout afin de ne pas disperser le potentiel agricole du domaine.

Lorsqu’il apprit la décision de son père, Vega se sentit lésé au plus profond de son être à tel point qu’il maudit ses frères et son père avant de partir définitivement du domaine familial. D’après ses frèresn, il ne supportait pas qu’on lui refuse la totalité de l’héritage alors qu’il avait dû assumer seul ce qu’il appelait « l’inconséquence de son père ». Ils ne l’ont plus revu depuis. Et c’est tout.  Mais comme ma famille a connu beaucoup de déboire depuis cet épisode, Otto et Friedrich ont commencé à craindre que la malédiction soit vraie, même si leur père, lui, n’y croyait pas. La rumeur inter-générationnelle a fait le reste. Je ne pense pas non plus qu’il y ait malédiction au sens mystique du terme. Mais il y a bien un mal transmis de génération dans ma famille, c’est l’ambition mal assumée. Il suffit de lire quelques pages du journal de mes aïeux pour voir que les Schwarzberg, vieille famille Terrosienne ont toujours été des gens très fiers. Malheureusement, tous n’avaient pas un courage à la hauteur de cette fierté commune et la peur de la malédiction ne les a pas arrangés, les poussant à un comportement schizophrène : d’un côtés ils sont fiers donc ils veulent réussir et ostensiblement mais de l’autre, ils ne souhaitent pas non plus trop attirer l’attention par peur d’attirer la malédiction sur eux. Et je dis « ils » mais je m’inclus dans le lot. Jouer un personnage en public, «Ombre le magicien »  a été un bon moyen pour moi d’essayer de maintenir le plus longtemps possible cet équilibre impossible. Aujourd’hui je vois à quel point c’est impossible alors j’arrête d’essayer. J’assume la personne que je suis et… advienne que pourra.

Par contre, absence de malédiction mystique ne signifie pas absence de danger. Ma cousine Yuu m’a ainsi appris qu’une organisation de mercenaires en voulait apparemment à sa branche de la famille – les descendants de Friedrich, suffisamment pour avoir tenté de les tuer à plusieurs reprises. Mais toujours d’après elle, leurs ennuis sont davantage dus au comportement désastreux des membres de ma famille qui ont pendant des décennies entretenus des haines et des rancœurs aussi réelles qu’humaines, faute de pouvoir assumer pleinement qui ils étaient et leur ambition à cause de la fameuse « malédiction ».

« Je vois. Merci Silver.
-Moi aussi j’ai une question ! Enfin non, deux en fait !
-Je t’écoute Jester.
-Du coup c’était quoi le message que ton maître a tenté de te transmettre ?
-Ah, très bonne question, c’est vrai que je ne l’ai pas expliqué. Je pense qu’il voulait que je n’oublie pas que les prestidigitateurs sont avant tout des artistes. Et un artiste est quelqu’un qui a besoin d’être reconnu, de partager son art pour en tirer tout le potentiel et toute la jouissance. Il voulait sans doute que je réalise que je ne pourrais jamais être un magicien accompli seul, en me coupant des autres. Et c’est vrai que durant toutes ces années, je n’ai jamais été aussi bon que devant un public. Et puis, personnellement, j’ai besoin de ces connexions pour vivre, comme tout le monde, malédiction ou pas. C’est ça la raison profonde pour laquelle j’ai commencé la magie juste après la mort de ma mère. Pas pour me libérer de mes attaches qui me faisaient souffrir mais pour me libérer de ma tristesse en rencontrant des gens via mes spectacles ! Pendant des années, j’ai accumulé tous les signes extérieurs de ma réussite en tant que magicien, j’avais des spectacles, un public, des Pokémon magiciens, un beau costume, des apprenties même et pourtant, je sentais qu’il me manquait quelque chose. Et c’était normal parce que je fuyais l’essence de ce qui m’avait attiré dans la magie.
-Un peu comme moi quand je t’ai rejoint en fait ! Je t’ai dit que c’était parce que j’aimais la magie, et c’est vrai mais ce que je voulais avant tout c’était un ami… Et j’ai pas été déçue du voyage, sur tous les plans !
-Merci Jester. Pour moi aussi tu es une véritable amie… Et ta deuxième question ?
-Ah oui, tout ce que tu nous as raconté sur toi… Violette est au courant ?
-En grande partie oui. On en a parlé lors de mon dernier passage chez elle. Elle n’a presque rien dit. Juste qu’elle comprenait, qu’elle m’aimait et qu’elle m’avait toujours aimé. Puis elle est tombé en larmes dans mes bras. C’est à ce moment là que j’ai réalisé à la fois la profondeur des souffrances qu’elle-même avait vécu, ainsi que celle de son amour. Du coup j’ai pleuré moi aussi. Depuis, tout va bien. Enfin, avant aussi mais maintenant ça va encore mieux ! Et comme elle aussi s’intéresse à mon passé, je l’ai conviée à notre cérémonie de demain. D’ailleurs, il se fait tard, je vous propose qu’on regagne l’auberge si ça vous va.
-Oui
-Oui pour moi aussi. Assez d’émotions pour aujourd’hui, surtout qu’il y en aura pas mal demain aussi !
-Tout à fait. »


Et après un dernier regard sur l’endroit où je poserai demain la stèle à la mémoire de mes chers amis, mes Pokémon et moi quittâmes les lieux. Malgré l’ambiance lugubre, je me sentais léger et heureux d’avoir réussi à partager tout cela.


Dernière édition par Silver Belister le Dim 27 Juin 2021 - 15:45, édité 3 fois
Silver Belister
Silver Belister
Informations
Nombre de messages : 148

Fiche de personnage
Points: 58
Âge du personnage: 32 ans
Pokémon sur soi:

Contact

 Revenir en haut Aller en bas

[Clos] Adieu mes amis ! [Solo/contrainte - contrainte en 2e post] Empty Re: [Clos] Adieu mes amis ! [Solo/contrainte - contrainte en 2e post]

Message par Silver Belister Mer 20 Jan 2021 - 22:24

[HRP : Post soumis à la contrainte n°1,insister sur la description des lieux et des personnages.]

Le lendemain

La pluie qui tombait depuis le lever du jour ne m’avait pas rendu particulièrement optimiste pour cette journée. Heureusement, elle cessa tandis que je chevauchais mon Déflaisan de location pour me rendre de mon auberge, située à Aliphyr, jusqu’au Cimetière des âmes. Je n’avais pas longtemps hésité pour trouver l’habit à revêtir pour la circonstance : le long kimono en lin de couleur noire que j’affectionnais tant ferait parfaitement l’affaire, à la fois en accord avec la solennité et la gravité du lieu et de l’événement et suffisamment simple pour être en accord avec le caractère que je souhaitais pour la cérémonie. Les événements les plus importants de cette commémorations se dérouleraient à l’intérieur des coeurs et des âmes de ceux qui allaient y assister, il n’y avait nul besoin d’alourdir ou d’enjoliver l’ambiance avec des artifices quelconque. Parfois, même un prestidigitateur devait savoir faire preuve de sobriété.

Jester était comme d’habitude, excepté qu’elle laissait transparaître l’aspect gazeux, évanescent de son coprs plus que d’habitude. S’agissait-il d’une métaphore de l’aspect volatile de la vie ? Se montrait-elle ainsi parce que nous étions dans un cimetière ? Ou était-ce moi qui me faisait des idées ? Je choisis de ne pas lui en parler. Quelle que soit les raisons de cette apparence, elles lui appartenaient et je n’avais ni raison ni envie de critiquer son choix. Je croyais en ses motivations et lui poserait peut-être la question plus tard, si je n’avais pas oublié d’ici là.

Galaxia elle avait opté pour un ornement assez original pour cette occasion : elle avait demandé au Déflaisan qui nous avait transporté l’autorisation de lui prendre une des plumes saillantes de son cou. L’oiseau avait accepté et de fait, elle arborait maintenant une petite plume d’un gris foncé qui dépassait de son habituelle coiffe verte. L’hommage à mes amis défunts était discret mais aisément compréhensible, et je lui étais très reconnaissant.

Pour en revenir à moi, j’avais hésité à me raser et à couper ma longue queue de cheval en signe d’humilité et comme le voulait la tradition pour de tels événements qui réprouvaient l’extravagance. Mais après réflexion, je m’en étais abstenu. Je venais avant tout ici pour rendre hommage à mes amis et s’ils pouvaient me voir en ce moment, j’étais persuadé qu’il apprécieraient davantage de voir celui que j’étais devenu plutôt qu’une image bloquée issue de leur passé ou pire encore, le reflet des normes traditionnelles de l’enterrement !

La lourde porte en bois qui permettait de passer à l’intérieur de l’enceinte en pierre usée du cimetière était déjà ouverte malgré l’heure matinale, pourtant, mes Pokémon et moi n’entrions pas. Il nous fallait encore voir deux personnes avant de débuter la cérémonie

Environ dix minutes plus tard, une Rhinolove que je connaissais bien se montra, portant sur son dos Violette et ses deux autres Pokémon psy tandis que sa Rondoudou les suivait en flottant à son rythme. Leur simple apparition me fit chaud au coeur. La présence de ma sœur comptait beaucoup pour moi en cette journée particulière. Pourtant, Violette oblige, je voyais bien sur son visage qu’elle semblait tracassée par quelque chose. Le visage de ma soeur était celui que je lisais le mieux au monde. L’avoir gardée pendant toutes ces années alors que nous étions enfant m’avait permis de la comprendre plus que n,’importe quel être humain.

Mais Violette aussi avait changé avec le temps : alors qu’avant elle n’aurait même pas osé me parler de son problème de peur de m’importuner, cette fois-ci elle se précipita vers moi et m’expliqua d’une voix contrite :

« Ah, je vois que toi aussi tu as mis un kimono de Mizuhan ? Moi aussi je voulais faire pareil mais j’ai entendu dire que les Mizuhanien portaient du blanc pour les cérémonie funèbres… Sauf que je n’ai rien en blanc uni ! Je n’aime pas les habits trop « simples »… Désolée... »

Effectivement, Violette portait un kimono blanc parsemé d’imprimés en forme de fleurs de lotus roses, fleurs dont la couleur s’accordait parfaitement avec celle de ses cheveux, coiffés comme les miens en queue de cheval, et faisait ressortir à la fois sa beauté physique ainsi que celle que je sentais dans son coeur. Il m’était souvent arrivé par le passé de songer à ma sœur comme à une fleur : si belle mais si fragile… Mais aujourd’hui le petit bourgeon avait éclos, révélant toute la puissance et l’harmonie de sa beauté en une femme magnifique. Mais un tel discours n’était peut-être pas des plus simples à comprendre sur le vif, aussi je décidai de faire passer toutes ces émotions dans un sourire rassurant avant de prendre ma sœur dans mes bras.

« Aucun souci avec ça, tu es magnifique et je suis sûre que ta tenue fera plaisir à mes amis ! De belles fleurs leur feront bien plus plaisir qu’un blanc triste, j’en suis sûr ! Et puis, tu m’as regardé ? Moi je suis carrément en noir ! Après tout, ni toi ni moi ne sommes Mizuhaniens, donc nous ne sommes pas tenus de respecter scrupuleusement leurs coutumes vestimentaires. Le plus important, c’est que tu sois là et je te remercie sincèrement d’être venue. Et ça vaut pour vous aussi les filles ! »

Si la Mistigrix de Violette, qui ne m’aimait guère, me salua d’un simple signe de tête, sa Rhinolove et Doc, sa Kirlia, me saluèrent d’un chaleureux sourire amical. Quant à Lulu la Rondoudou, elle était trop occupée à flotter dans tous les sens pour m’écouter. Mais bon, chacun avait sa façon de rendre hommage !

Ma sœur et moi attendîmes encore dix minute devant l’entrée du cimetière en conversant sur ceci et cela. Il manquait encore une personne pour que la cérémonie puisse commencer. Finalement, ce fut un drôle de bruit de combustion qui annonça l’arrivée de la dernière personne que nous attendions : il s’agissait d’un homme de petite taille et à l’embonpoint prononcé, vêtu d’une chemise blanche, d’un pantalon noir et d’une veste en queue de pie noire également. Un haut de forme de la même couleur venait compléter l’ensemble mais le responsable des pompes funèbres ne semblait pas à l’aise dans son costume, comme si ce dernier était trop petit pour lui. Ou peut-être qu’il n’aimait tout simplement pas chevaucher sa Vaututrice ? Pourtant, ce n’était pas l’oiseau de mauvais augure ou son dresseur qui avaient attiré en premier mon attention mais les deux Golemastoc derrière eux qui volaient grâce à de drôles de flammes qui s’échappaient de leur postérieur, tout en transportant à bout de bois une lourde stèle de couleur noire.

Les deux golems déposèrent leur chargement devant ma sœur et moi, et leur dresseur fut très surpris lorsque je lui annonçai, après l’avoir remercié pour la livraison, que je n’avais plus besoin de ses services et que j’allais transporter la pierre moi-même jusqu’au lieu de pause. Bien qu’étonné, il n’insista pas longtemps et s’en retourna avec ses trois Pokémon après m’avoir souhaité une bonne journée...

Je balayai alors du regard tous les êtres, humains et Pokémon, présents à mes côtés et leur demandai : « On y va ? »

Tous hochèrent la tête d’assentiment et l’instant d’après, les deux humains et les cinq Pokémon télépathes présents unirent leurs efforts pour soulever la volumineuse stèle qui devait peser tout de même une bonne trentaine de kilos.

Jester menait la marche. Le brouillard omniprésent à l’intérieur du cimetière ne semblait absolument pas la déranger et elle nous guidait d’un pas sûr. Le chemin que nous avions parcouru hier pour repérer le lieu de pose était gravé dans sa mémoire et je savais qu’on pouvait lui faire confiance. Pendant une dizaine de minutes, notre groupe chemina donc à travers le cimetière. De temps en temps, une tombe plus grande ou proche que les autres perçait la brume, nous permettant d’apercevoir ici un ancien héros de guerre, là un Pokémon bien-aimé décédé et là encore une vieille dame morte à un âge avancé. Nous ne pouvions voir que le sol sous nos pieds, parsemé de pierres aussi noire que la mort.

Pourtant, étrangement, je ne me sentais pas oppressé dans un tel lieu, au contraire. Je me sentais… accompagné par ce que je sentais des défunts qui nous entouraient : leurs souvenirs, leurs aspirations, leurs émotions… Et je ne sentais aucune présence hostile parmi eux, au contraire. Tous me paraissaient content d’avoir de la visite. A l’inverse, les êtres malins qui hantaient le lieu -pour la plupart des Pokémon sauvages – sentait la puissance combinée des sept êtres en train de transporter la tombe et aucun n’osa nous interrompre. Parfois, nous entendions même des bruits de pas qui détalent à notre approche et une fois je vis même à quelques mètres devant Jester un Chacripan qui traversa le chemin que nous empruntions de la gauche vers la droite. Nous l’avions peut-être dérangé en écourtant sa nuit mais il ne nous chercha pas querelle et se contenta de s’éloigner.

Enfin je vis surgir du brouillard telle une apparition horrifique l’ombre de la gigantesque tour noire à laquelle l’emplacement que j’avais acheté était adossé. Cet tout semblait constituée du même matériau que les pierres noires qui jonchaient le sol que nous empruntions, et on racontait plein de légendes effrayantes sur ces bâtiments, des récits d’explorateurs qui seraient partis les visiter en quête de savoir ou de richesses et qui ne seraient jamais revenus. Mais pour l’heure, j’étais plutôt content d’apercevoir cette tour. Hier, lors de notre première visite, je dois avouer qu’elle m’avait surpris et légèrement effrayé par sa stature imposante. Mais aujourd’hui, elle signifiait simplement que nous étions arrivés et que la cérémonie que j’avais tant repoussée allait pouvoir commencer !

Avec d’infinies précautions, ma sœur, nos Pokémon et moi déposâmes donc la stèle, bien droite, sur l’emplacement prévu, recouvrant ainsi le carré de terre fraîchement retourné sur lequel je m’étais épanché hier. Enfin libéré de la concentration nécessaire pour un tel exercice psychokinétique, je pus observer plus attentivement la pierre commémorative que j’avais choisie. Elle était aussi grande et imposante que le vendeur me l’avait promis et elle était d’un noir mat, brut. Sa couleur était en fait très semblable à celle de l’obsidienne que l’ont trouvait en grande quantité dans les monts d’Alyphir et il était possible qu’elle soit taillée dans ce matériau. De forme rectangulaire, elle devait mesurer environ un mètre de haut pour soixante quinze centimètres de large et autant de long. Elle épousait à la perfection son emplacement comme si elle avait été destinée à l’occuper.

La taille du monument était très propre, aucune courbe, aucun accroc ne venait entacher la régularité des lignes de coupe. Le sculpteur qui s’en était occupé était de toute évidence un professionnel. Mais le plus important pour moi étaient les quelques mots qui avaient été gravés dessus à ma demande. L’épitaphe disait ceci :

« A Haya, Fakhur, Sara, Mint et Tuha. Oiseaux majestueux, valeureux compagnons, magiciens de talent et amis très chers. Puisse le vent vous porter vers des cieux paisibles où votre vol gracieux inspirera le monde. »

Tout en lisant l’inscription qui avait été retranscrite selon mes souhaits à la lettre près, je m’approchai lentement du monument jusqu’à ce qu’il occupe intégralement mon champ de vision avant de m’agenouiller au niveau de son sommet. Puis je sortis des poches intérieures de mon kimono quatre objets que je déposai délicatement sur le faîte de la pierre. Il y en avait un pour chacun de mes Pokémon, ultime cadeau du dresseur à ses Pokémon.

Tandis que je m’affairais, Violette, restée en arrière avec ses Pokémon, commença à chanter une chanson en duo avec Doc, sa Kirlia. Apparemment, elle chantait en terrosien mais je ne connaissais pas suffisamment cette lan,gue pour comprendre le sens des paroles. En revanche, je savais que sa mélodie m’inspirait à la fois une grande tristesse et un grand espoir, exactement les émotions que je ressentais en ce moment même. Ma sœur avait bien choisi !

Pour Haya, mon Rpasdepic aussi intrépide que puissant, je déposai un Bec Pointu, symbole de sa vivacité et de sa précision aussi bien durant les tours de magie qu’en combat. Fakhur, mon Etouraptor était lui un Pokémon très fier de son habileté en vol et de sa carrure imposante. Je remis donc sur la pierre un beau foulard de couleur rouge adapté au cou de mon Pokémon et dont la couleur rappelait l’aigrette qui ornait jadis sa tête. Sara, ma Noarfang, était un Pokémon extrêmement observateur, perfectionniste et méticuleux. Je posai donc sur la pierre un petit miroir, qui lui permettrait de surveiller son apparence pour surveiller qu’aucune plume ne dépassait de son poitrail comme elle le faisait de son vivant mais aussi pour qu’il lui serve d’accessoire pour ses tours psychiques à base d’illusions, qui étaient ses tours préférés. Le cadeau pour Mint, mon Pijako et tout premier compagnon avait été le plus facile à trouver. Bon chanteur et blagueur indécrottable, le perroquet bon vivant aimait chauffer l’ambiance et se goinfrer la panse. Je déposai donc sur la pierre une petite sculpture en forme de cookie, sa friandise préférée. J’avais hésité avec un vrai gâteau mais la statue avait emporté mon adhésion puisqu’elle était plus durable que de la nourriture. Et enfin vint le tour de Tuha, mon Békipan, le dernier de mes compagnons à avoir péri ce triste jour. Après beaucoup d’hésitations, j’avais finalement opté pour un objet représentant sa détermination sans faille à me sauver la vie, jusqu’à son dernier souffle. Et je déposai donc une Orbe Vie sur la stèle. Cet objet avait normalement la faculté de puiser dans les forces vitales de son porteur pour augmenter sa puissance. Pour Tuha, c’était sa dévotion sans faille envers moi qui lui avait permis d’aller bien au-delà de ces limites et c’est ce lien et ce don inestimable qu’il avait fait que je souhaitais rappeler par ce cadeau.

Puis je me redressai et rejoignis ma sœur, dont le chant cessa peu après. Elle aussi avait terminé son offrande aux défunts. Elle me sourit. Ce fut au tour de Galaxia et de Jester de s’avancer vers la stèle. La Tarsal détacha alors délicatement la plume qu’elle avait dans sa coiffe puis, en utilisant ses pouvoirs psy, elle la fit décoller jusqu’aux cieux. De même, Jester fit prendre à l’étrange aura gazeuse qui l’entourait la formes d’ailes gigantesques qui décollèrent vers le ciel jusqu’à ce qu’elles disparaissent de ma vue. J’adressai un sourire de remerciement à mes Pokémon qui avaient tenu à rendre hommage alors qu’elles ne connaissaient les défunts qu’à travers mes souvenirs.

Puis je fixai le coin supérieur gauche de la stèle. Il me restait une dernière tâche à accomplir, un dernier hommage à rendre. Celui que Sarab offrait autrefois à ses défunts. Appelant l’Air, je l’enjoignis de rejoindre ma main droite où je concentrai sa puissance pendant quelques secondes. Puis je la relâchai paume tendue en direction de l’angle de la pierre que je visais. Sous la puissance du courant aérien, le coin du monument fut aussitôt arraché sur quelques centimètres et les petits gravats ainsi détachés chutèrent sur le sol.

« Mais… Pourquoi t’as fait ça ? Elle était super la stèle !
-C’est un rituel courant dans les montagnes de Nalcia, Jester. Il signifie que le plus important, ce n’est pas le caillou qui tombe, c’est l’air qui est toujours libre de continuer sa route.
-Ah… Je vois ».


J’adressai un remerciement silencieux à Violette pour avoir bien voulu expliquer cela à Jester car je n’en étais pas capable pour le moment, trop occupé à vivre mes émotions. Et l’Ectoplasma s’approcha de la stèle écornée avant de poser un bras matérialisé sur le coin que j’avais malmené. Avec sa main, elle suivit les contours des accrocs que mon souffle avait créé. Sentait-elle dans cette gravure toutes les émotions que je ressentais au moment de lancer mon souffle et qui avaient inspiré mon geste ? Après son inspection, elle commenta simplement d’un air apaisé :

« Tu as raison, elle est mieux comme ça ! »

Mais je l’entendis à peine. Le visage embuée de larme, je regardai le ciel qui venait subitement d’apparaître au-dessus de nous suite à la disparition mystérieuse du brouillard. Le sourire au lèvres, je contemplais émerveillais le ballet des nuages soumis au caprice du vent. Ces derniers m’évoquaient irrésistiblement des battements d’ailes…

Adieu, mes amis !
Silver Belister
Silver Belister
Informations
Nombre de messages : 148

Fiche de personnage
Points: 58
Âge du personnage: 32 ans
Pokémon sur soi:

Contact

 Revenir en haut Aller en bas

Voir le sujet précédent Voir le sujet suivant Revenir en haut

- Sujets similaires

Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum