[ Clos ] Uragirimono no karyûdo [Solo]

[Nina Wang]

[Contrainte : se projeter dans le futur.]

Au sommet d’un pic rocheux, dans un air glacial, une silhouette se découpait, imprécise, dans le brouillard givrant des lieux. Elle semblait en équilibre précaire, mais tenait en réalité parfaitement sur ses jambes entraînées à l’extrême. Mais surtout, il émanait de la créature une aura meurtrière, une aura qui ne laissait aucun doute quant au sort de ceux qui tenteraient de l’approcher. Soudain, un œil ouvert, scrutant le monde qui l’entourait avec toute la rage et la haine dont il était capable. Et une voix, dont les vibrations menaçantes résonnèrent en un monstrueux écho.

« Usotsuki. Usotsuki. Usotsuki. »

La femme ferma les yeux, interdisant à la faible lumière du jour d’y pénétrer. Son esprit fila, furieux, et quitta l’endroit où son corps se tenait, pour parcourir en déchiquetant les possibles qui s’offraient à lui.
Elle rentrait à l’Académie militaire de Fla’Or, pâle, le talon de ses bottines taillées pour elle claquant sur le pavé froid. Sur son passage, les soldats se figeaient, puis la saluaient, sans un mot, terrifiés de voir leur colonel afficher une telle expression. La marche jusqu’à la salle du Conseil, elle, semblait interminable, mais finalement, la jeune femme ouvrait la porte, qui claquait violemment contre le mur immuable, sous les regards à la fois inquiets et surpris des membres qui y siégeaient. Là, un parchemin zébré d’un rouge si ardent qu’on aurait juré que c’était du sang était jeté sur la table, d’un geste brusque, alors que le major Wang, dont l’estomac se tordait de douleur et de chagrin, comprenait que quelque chose avait sorti sa fille de ses gonds, au point de la faire revenir à la base, interrompant son voyage, et que c’était suffisamment grave pour lui avoir ordonné de faire irruption dans la salle dont elle connaissait pourtant parfaitement le caractère quasi sacré. Mais le plus horrible, c’était sans doute son regard, qui n’avait plus rien d’humain. Au fond de la pupille fauve de sa protégée, une bête dansait, prête à jaillir à tout moment, et jamais Sergei n’avait vu une telle haine habiter le colonel. Il s’apprêtait à prendre connaissance du contenu du parchemin maudit, mais Maître Melto, le doyen du Conseil, s’en emparait avant lui… Et la surprise sur son vieux visage laissait place à un masque à la fois neutre et implacable. En hochant la tête, d’un air grave, il autorisait la double-lame émeraude à se mettre au travail… Et elle quittait la pièce, toujours en silence, gratifiant l’assemblée d’un salut militaire que tous lui rendaient, sans un mot.

Alors, la traque commençait. Tantôt juchée sur sa monture, tantôt à pied, le colonel laissait le vent hurler sa hargne à ses oreilles, tandis que le paysage, à la fois acteur et témoin, défilait sous les yeux d’ambre du monstre. Des yeux qui ne cessaient de parcourir ce qui les entourait, sans relâche, cherchant à débusquer leur proie. Une proie qui avait autrefois mêlé son sang à celui de la bête, en prononçant un serment qui n’aurait jamais dû être rompu. Le parjure était désormais son gibier, qu’elle devait attraper à tout prix, pour l’abattre après lui avoir infligé mille souffrances et lui avoir fait connaître la douleur dans chaque parcelle de sa peau impie. Le monstre écarlate n’aurait de repos qu’une fois sa cible mise en pièces, et sa carcasse n’aurait rien à offrir aux charognards qui se presseraient pour participer à un macabre festin.

La fille du major attendit, des heures durant, parcourant encore et encore les quatre contrées d’Erasia, savourant avec délice le frisson de la chasse à l’homme. Mais ses yeux fauves s’ouvrirent soudain, tandis que son bras d’automate se tendait pour accueillir le Pokémon oiseau qui venait régulièrement à sa rencontre. Mais ce jour-là, il eut un léger mouvement de recul, avant de se poser, tremblant, sur le membre porteur de mort. Comprenant qu’il avait tout intérêt à attendre que la destinataire du message ait fini de rédiger sa missive, il s’immobilisa, fixant avec horreur le sang qui coulait de la main de l’humaine. Cette même main qui avait servi à nouer le pacte désormais caduc. Le liquide vital était devenu encre carmin, avec laquelle le colonel scellait son ressentiment. Le fluide vermeil écrivait de lui-même, mû par une main invisible, sans que sa créatrice n’ait besoin de lui indiquer ce qu’il devait coucher sur l’épais papier. Ses émotions, leurs émotions parlaient d’elles-mêmes, et une fois le message achevé, Nina confia la lettre à son émissaire, la mine sombre. Bien sûr, elle aurait pu se rendre en personne à Fla’Or, et réaliser sa vision dans le moindre détail. Mais elle avait mieux à faire, et elle ne devait pas se détourner de sa mission. Néanmoins, la trahison ne resterait pas impunie. « Il » était devenu ennemi des Wang et, par extension, de l’armée mizuhanienne dans son intégralité… Sans parler de la famille royale, dont Nina portait la signature dans ses veines.

La blessure volontaire se referma, lentement, tandis que l’énorme rapace étendait ses ailes pour porter sa maîtresse jusqu’à la capitale de l’Air. Une fois de plus, elle avait été trahie, mais comme pour Gabrielle, la vengeance était remise à plus tard… Et se dégusterait glacée.

[Suite à ce post, Sokka Ask est recherché par le pays de l’Eau pour haute trahison envers l’armée. Considérant que c’est suffisant, je n’étendrai pas le préjudice à la famille royale, dont Nina ne se réclame pas vraiment. L’avis de recherche est plus symbolique qu’autre chose, et rien n’oblige le personnage à se faire attraper. Il est simplement signalé dans le topic en relation avec les Wanted.]