[ Clos ] [Solo/Anniversaire] Départ en voyage !

[Sherrinford Jones]

Comme chaque nuit ou presque, ce maudit œil bleu géant avait fait irruption dans mes rêves. Et il me regardait fixement, m’éclairant de son éclat irréel. Et comme à chaque fois, sa lueur insolente me donnait des envies de meurtre. Je m’étais vu utiliser tous les moyens possibles pour enfin fermer cette fenêtre maudite : les lames, le feu, le poison, les rochers… Quel que soit le projectile que mon moi onirique lui envoyait, l’œil ne cillait pas et semblait briller davantage, comme pour se moquer de mes échecs. En dehors de lui et moi, rien d’autre dans ce lieu plongées dans les ténèbres.

C’était une nuit de plus, en tout point semblable aux autres. Et pourtant, ce soir là fut complètement différent. L’œil était toujours là, moi aussi. Mais ce soir, je ne ressentais plus l’envie de lui faire face. Je lui tournai donc le dos pour admirer les ténèbres qui se tapissaient derrière moi. Un paysage si uni, si morne et pourtant si prometteur… Comme une toile blanche qui n’attendait que la main de l’artiste qui allait révéler sa vraie valeur… C’était donc ça le pouvoir des ténèbres ? Était-ce grâce à ma fréquentation de Dawson que je le remarquais enfin ? Ou était-ce simplement dû au hasard ?

Quoi qu’il en soit, je ne ressentais plus la moindre colère à l’encontre de l’œil. Mieux, je levai la main et il… S’effaça, comme consumé par les ténèbres. Ou plutôt, comme s’il n’avait jamais existé. Peut-être pour la première fois de ma vie je me sentais en paix. Mieux, je me sentais… Heureux. Comme si un souffle chaud et sombre s’insinuait en moi et me redonnait goût à la vie. Tout était obscur autour de moi et pourtant tout était limpide. Je savais ce que je devais faire là, maintenant, tout de suite. La sécurité de Liz n’était plus une préoccupation. Je savais comment la protéger. Je ne savais pas où aller, mais je savais quoi faire. Mieux, j’avais l’énergie pour le faire. Je ressentis alors le besoin d’extérioriser cette énergie, d’agir sur le monde… Ce qui se manifesta par un grand éclat de rire !

Lorsque j’ouvris les yeux, un sourire étirait mes lèves. Mon premier je crois bien. Sous ma tête, je sentais la douceur de l’oreiller qui la soutenait, mais surtout le souffle chaud de Liz qui s’était endormie en me faisant face. A la voir aussi apaisée, je n’avais pas le cœur à la réveiller. Pourtant, je savais que je devais tenter une petite expérience. Je clignai donc des yeux…. Et rien ne se produisit. Depuis toutes ces années… C’était donc si simple ?

Continuant sur ma lancée, j’eus envie d’enlacer celle qui était ma femme depuis deux ans déjà… Mais tout était si calme… Je risquais de la réveiller… Finalement, mon désir fut le plus fort, mais alors que je posais mes mains autour de sa tête tout doucement, elle se réveilla et marmonna :

« Mmmmh… Silver ? Qu’est-ce que tu fais ?
-C… Comment tu m’as appelé ? »

La surprise me fit relâcher mon étreinte. Sans doute étonnée par ma réaction, Liz m’expliqua d’une voix ensommeillée :

« Tu parles souvent de toi quand tu rêves… A la troisième personne… et tu te nommes Silver…Et t’as jamais l’air très à l’aise… Comme il fait nuit, ça m’est revenu en tête…
-Mais… Tu ne me l’as jamais dit…
-Ouais, et toi t’as jamais demandé ! C’est quoi ce nom ?
-Un pseudonyme que j’utilisais pour des missions il y a longtemps… Très longtemps… »

Futée comme elle l’était, Liz dut comprendre que je ne lui disais pas tout. Mais à mon grand soulagement, elle changea de sujet :
« Qu’est-ce que t’essayais de faire là ? Me faire un câlin ? Sérieux ? Tu sais faire preuve de douceur ? Toi ? Mais c’est quoi qui a changé chez toi ? »

Pour toute réponse, elle eut droit à un « Attends je te montre » avant que mes bras ne retrouvent leur chemin jusqu’à son corps si finement dessiné. L’instant d’après nous ne faisions plus qu’un. Vraiment qu’un. D’ordinaire, lorsque ma femme et moi faisions notre affaire, nous avions tendance à mettre toute notre fougue, toute notre fureur. Pour ma part, cet acte était identique aux combats que je menais. Il fallait être rapide et précis, en un mot efficace. Pour la première fois, nous savourâmes notre plaisir.

***

Une semaine plus tard

« Tu es sûr de vouloir partir, alors ?
-Certain. Déjà parce que je sais qu’ainsi, je vais attirer le tueur qui me colle aux basques loin de toi. Mais surtout parce que je sais que j’en ai besoin. J’ai envie que les gens découvrent eux aussi les joies de la ténèbres et…
-Ouais, ouais, commence pas avec ton délire mystico philosophique ou les gens vont te prendre pour un fou ! »

Mais après cette pique, son visage se détendit et elle me sourit :

« Le plus important, c’est que ça te rende heureux. Je t’aime, mais je peux très bien me passer de toi quelques temps ! Ca me fera du bien à moi aussi ! D’ailleurs tiens, je voulais t’offrir ceci ! »

Elle me tendit un noigrume qu’elle sortit de sa poche

« Qu’est-ce que c’est ?
-Un noigrume spécial, à haut taux de réussite, je l’ai acheté spécialement pour ton voyage ! Je pense qu’un compagnon de plus pour veiller sur toi ne sera pas de trop !
-Merci ma chérie ! »

Dix minutes d’adieux plus tard, je m’éloignais du manoir en compagnie de mes trois Pokémon. C’est alors que Dawson me lança, un sourire aux lèvres :

« Au fait, Carmine voudrait savoir si tu as réussi à bien absorber l’énergie vitale de ta femme quand tu as posé tes lèvres sur les siennes «

Et il s’esclaffa. Aïe ! Comment expliquer à une jeune chauve-souris les mystères des sentiments humains ?

Cadeau demandé: