[ Clos ] Suis-moi, je t'emmenerais loin. [Ellyra]

[Tyla Weathered]

« Mais avant... »

Tyla se laissait entraîner par Ellyra vers la route, souriant. Elle était aux anges de retrouver cette amie, sa meilleure amie avec Reverie. Un sourire aux lèvres, elle laissa Ellyra prendre les devants avant de rétablir l'ordre des choses et de lui demander de la suivre, elle. Quelque chose avait illuminé l'esprit de la jeune femme quelques minutes auparavant et elle souhaitait que son acolyte le découvre. Elles devaient se rendre dans un certain lieu pour voir cette chose à laquelle tenait beaucoup de la championne de la Cité d'Arkan. Elle ne l'avait jamais fait à ses précédents élèves et Ellyra serait donc la première, car elle était aussi la plus méritante de toutes.

« Je te laisse me suivre ! »

L'intonation de la jeune femme laissait comprendre que c'était un ordre mais en fait, c'était bien loin de cela. Elle souhaitait lui montrer cela en toute amitié et rien d'autre. Si Ellyra ne souhaitait pas, elle risquait d'être profondément blessée, mais ce serait son choix et rien d'autre. Malgré tout, la dresseur aquatique savait que son amie allait l'accompagner et accrochant celle-ci par le bras, guidait la route. Elles remontèrent un peu plus haut que la mer et marchèrent pendant au moins deux bonnes heures. La marche avait été longue mais à deux, celles-ci paraissait bien plus intéressante. De plus, un bout du temps, elles avaient souhaité se reposer et elles avaient donc décidé de prendre place sur Oniglali, qui ferait la marche à leur place.

Rapidement, les deux femmes arrivèrent vers les terres entourant Fla'Or. Ellyra, issue du peuple mizuhanien devait connaître les légendes mais pas forcément les lieux et ainsi, Tyla préféra ne rien lui dire. La surprise était encore intacte si Ellyra ne rapprochait pas ce lieu à une légende que de nombreux mizuhaniens racontaient, depuis la nuit des temps. Comme à se première visite ici, elle se souvenait que peu avait réussi à affirmer la véracité de cette légende et elle en faisait partie, depuis peu de temps...

« Nous voilà arrivé. »

La championne marchait tranquillement autour du petit lac qui se trouvait en plein coeur de ces terres enneigées. La brume cachait le paysage au loin et on ne voyait qu'un petit morceau du lac gelé, au loin. Tyla se décida à relâcher Ramoloss car c'était ici qu'il avait rejoint son équipe, pour le meilleur, comme pour le pire. Elle fit part du fait que son pokémon avait été capturé ici à l'autre femme pour lui donner un léger indice de la position où elles se trouvaient si celle-ci n'avait pas encore compris tout cela.

« Maintenant, observe. »

Tyla fit fondre un partie de la glace sous sa main et plongea sa main dans l'eau glacée. Elle ferma les yeux et au travers de l'eau, murmura quelques paroles.

« Montre-toi, j'ai quelqu'un à te présenter... »

Un sourire apparu sur le visage de Tyla, qui ouvrit les yeux a nouveau.
Ellyra devait maintenant observer.
Tyla disparue dans la brume, laissant seule Ellyra.

[Invité]

Échos.

Il faisait froid depuis l’aube et le mercure du thermomètre ne semblait pas vouloir monter. Le soleil continuait de se lever à l’horizon dans des lueurs s’étirant du vert au rouge. Ellyra se délectait toujours des aubes boréales du Grand Nord, à la frontière des rêves.
Tyla la menait depuis près de deux heures à travers les terres enneigées de Fla’or. Ellyra avait les doigts engourdis par le froid et la brise glacée lui piquait les joues. De nombreuses personnes auraient protesté contre la météo souvent rude et très changeante à Mizuhan ; Ellyra, elle avait toujours aimé la neige et le froid et se déplacer dans la neige.

Tyla marchait à un rythme régulier, très sûre d’elle. Elle ne semblait pas perdue, s’arrêtait de temps en temps comme si elle écoutait le vent qui soufflait dans les plaines et repartait, le regard brillant. « Je dois te montrer quelque chose. » avait-elle dit à son élève sans rien ajouter de plus, si ce n’est un sourire retenu. Ellyra savait que la surprise serait belle.
Enfin, elles arrivèrent à proximité d’un lac au-dessus duquel flottait une brume dense et mystérieuse. Elles s’avancèrent jusqu’à la rive. Leurs pas faisaient craquer la neige gelée et brisaient le silence qui s’était abattu autour du lac, comme si tous les êtres vivant là avaient retenu leur souffle pour observer la scène. Tyla se baissa et posa sa main sur la surface gelée du lac. L’eau se liquéfia sous ses doigts et elle plongea son avant-bras dans l’eau glacée. Elle ferma les yeux et murmura quelques mots que la brise emporta avant qu’Ellyra ne puisse les entendre. Tyla se redressa et esquissa un sourire plein de sous-entendus. Elle fit quelques pas en arrière pour inciter Ellyra à s’approcher de l’eau.

« Maintenant, observe. »
« …observe… serve…erve… »

La voix de Tyla se perdit dans le lointain.
Lorsqu’Ellyra se retourna, son mentor avait disparu. Elle voulut l’appeler mais se retint : ce serait tout à fait inutile.
La froid prit Ellyra à la gorge et la brume qui se fit encore plus dense autour l’étreignit de son voile blanc et glaçant. Ellyra eut l’impression de perdre ses sens ; elle ne sentait plus que le sang affolé qui battait contre ses tempes. Elle tenta de scruter la rive opposée mais elle l’apercevrait à peine derrière le nuage argenté.
Elle baissa les yeux, et son cœur se serra dans sa poitrine.
L’eau, glacée lorsque Tyla avait plongé son bras, était à présent totalement liquéfiée alors que le froid ne cessait de s’amplifier. Elle avait l’apparence d’un miroir tant sa surface était dénudée de vagues. Ellyra prit une grande inspiration. Le froid lui brûla la gorge et les poumons.
Un son cristallin, comme produit par une cloche de cristal, sonna à travers le bouillard. Ellyra écouta longuement son écho s’éteindre dans l’air. Cette note, unique, sonna de nouveau en Ellyra et elle fut persuadée de l’avoir déjà entendue quelque part – mais sa mémoire refusait de lui dire où exactement. Une autre note, un peu plus grave et plus soutenue, résonna à sa suite, avec plus d’intensité.
Une ombre se dessina dans les vagues de la brume, d’abord très ténue puis de plus en plus opaque. Ellyra se figea, osant à peine respirer : elle savait qui s’approchait. Comment avait-elle put en douter une seule seconde ?

La créature marchait sur l’eau. A chaque pas, la surface se ridait de petites vagues circulaires avant de redevenir aussi lisse que du verre et la brume semblait s’écarter pour laisser une place.
Deux yeux clairs se mirent à briller dans le brouillard comme deux étoiles.
Le cœur d’Ellyra s’agita dans sa poitrine. L’air semblait se geler tout autour d’elle.
L’eau. Le fluide s’agitait dans son corps avec plus d’intensité encore qu’à la banquise ou à Arkan.

« Suicune… » murmura Ellyra. Sa voix se fit tintement de cristal. Un petit nuage argenté s’échappa de sa bouche.

Suicune apparut comme un mirage, à quelques mètre d’Ellyra, à présent parfaitement visible. Sa crinière mauve flottait derrière lui ; on eut dit une nébuleuse où naissaient les étoiles. Ellyra ouvrit la bouche mais aucun son n’en sortit ; Suicune semblait aspirer toutes les forces autour de lui. Une étrange chaleur émanait de son corps dans une lueur incandescente. Elle fit quelques pas de plus qu’à la rive de manière à ce qu’Ellyra puisse toucher son encolure.
Suicune. Au bout du rêve. Au bout de ses doigts. La perfection à portée de main.
Avant de tendre les doigts, Ellyra s’inclina très bas devant le Légendaire. Il ne cilla pas. Ellyra effleura le front de Suicune, descendit vers son cou. Au contact de la fourrure du Légendaire, un long frisson remonta le long de son bras. Etrangement, Ellyra se trouva bien incapable de dire si elle avait plongé sa main dans de l’eau glacée ou dans un brasier. Une vague indescriptible de sensations et d’émotions s’empara d’elle et la submergea totalement.
Ellyra perdit toute notion du temps ; seuls deux yeux mordorés luisaient devant elle. Son corps était engourdi dans une douce torpeur. Le regard luisant s’emplit soudainement de larmes et Ellyra se sentit irrésistiblement attirée par le Légendaire. Son visage était à peine à quelques centimètres de celui de Suicune. De l’eau ruisselait sur les joues d’Ellyra. Des larmes ? De l’eau douce ou de l’eau salée ? Ellyra fut incapable de répondre.
Tout devint blanc.

« Je t’offre cet instant, Ellyra. N’oublie jamais le pouvoir de l’eau. »
La phrase résonna dans la tête d’Ellyra. Douloureusement. Aucune autre pensée n’arrivait à pénétrer dans son esprit épuré.

« Remercie Tyla pour moi. »

Ellyra se retrouva projetée. Où ? Quand ? Comment ? Autant de questions sans réponses. Lorsqu’elle ouvrit les yeux, elle était étendue dans la neige près de la rive. Elle passa un doigt le long de sa joue.
Il restait le sillage humide d’une larme, petite étoile filante éphémère sur sa peau.

[Tyla Weathered]

Tyla avait disparu dans la brume. Discrètement et grâce à sa maîtrise, elle c'était tranquillement camouflée dans la brume avant de réapparaître, plus loin. Ellyra devait observer et c'est ce qu'elle fit. Suicune effleura les hanches de la jeune femme avant que celle-ci sourisse et caresse délicatement l'encolure du légendaire. L'appel lancé avait maintenant une réponse et la simple présence du légendaire semblait émoustiller la championne, qui ne savait pas vraiment comme elle devait réagir maintenant.

Suicune souffla légèrement, pour lancer entendre qu'il s'occupait de tout. Le légendaire pointait ses yeux dans ceux de la maitresse aquatique. Ce genre de gestes étaient réservés aux personnes l'ayant mérité. Tyla avait obtenu ce mérite, en laissant cette danse aquatique s'exprimait en elle. Elle était effectivement digne de servir à ces côtés et de pouvoir lui demander de l'aide, à tous moments, quand elle le désirait. Aujourd'hui, elle l'avait appelé pour qu'il donne cette offre à Ellyra, son élève et amie, qu'elle soit épaulée par quelqu'un ou quelque chose à tous moments de sa vie, même en l'absence de son mentor.

Suicune s'avança, laissant Tyla seule dans la brume. Elle ne comprit pas ce qui se passait avec Ellyra et finalement, elle marcha délicatement pour réapparaître derrière la jeune femme. Elle savait qu'il lui avait accorder sa grâce et qu'elle était maintenant sa complice, elle aussi. Tyla réapparu soudainement, son pied marchant dans la neige en la compactant sous son poids. Elle n'avait pas souhaité être discrète et avait ainsi préféré être bruyante pour être remarquer. Ellyra resta quelques instants au sol. Il était effectivement difficile de croire que l'on venait de voir un légendaire même si c'était bel et bien le cas. La différence entre rêve et réalité était tellement mince dans ces cas là que tout laissait croire que ce n'était simplement qu'un rêve, qu'un désir refoulé depuis déjà bien longtemps.

« Il veillera toujours sur toi, au même titre que moi. »

Tyla s'installa dans la neige, assise les jambes croisées. Elle ne savait plus quoi faire maintenant et elle ne souhaitait pourtant pas quitter Ellyra comme cela, pas sans avoir fait autre chose. La maîtresse aquatique attrapa simplement un petit filet d'eau du lac, qu'elle ramena tranquillement vers sa paume.

« Suis-moi je te fuirais, fuis-moi je te suivrais. »

Dans son fort intérieur, elle rigola seule. Ce message était spécialement adressé à Suicune, qui berçait ses nuits depuis sa plus tendre enfance. Elle aimait ce pokémon, même s'il ne lui appartenait pas et qu'il ne lui appartiendrait très certainement jamais. Il était l'impossible dans un monde avec tant de possibilités et cela s'arrêtait là.

La championne se tourna finalement vers elle, et attrapa son épaule, pour la serrer contre elle, comme pour la réconforter. L'étreinte était amicale, seulement amicale. Tyla était comblée.

« Que dirais-tu d'un petit match amical, pour me montrer les progrès de Milobellus ? »

Tyla se leva, comme pour forcer la jeune femme. La brume se dissipa et le lac gelé se liquéfia. Le combat pouvait commencer.

[Invité]

Ellyra resta allongée dans la neige fraiche avec la vision des yeux mordorés de Suicune plongés dans les siens. La vision ressemblait à une réminiscence de rêve et, bien que Suicune n’était à présent plus qu’une légende idyllique, Ellyra se demanda si elle n’avait pas été victime d’une hallucination tant l’apparition de Suicune avait été brève et intense. Elle resterait sûrement très longtemps dans le secret de la mémoire d’Ellyra. Elle savait qu’elle garderait cet instant pour elle comme un trésor inestimable. Elle cherchait les mots pour raconter ce qu’elle avait vu, mais des émotions si paradoxales et contradictoires l’avaient envahies qu’elle aurait été incapable de trouver le mot juste.

- Il veillera toujours sur toi, au même titre que moi, dit une voix dans son dos, qu’elle reconnut immédiatement.
- J’espère, répondit Ellyra en se relevant, l’air rêveur.

Tyla s’installa au côté de son élève, face à la rive du lac. La jeune fille eut un sourire en songeant que la veille au soir, elles étaient ainsi devant l’Océan, assises dans le sable blanc au lieu d’une poudreuse fine et immaculée. Elles restèrent silencieuses quelques instants, les yeux perdus sur la surface lisse du lac gelé. A l’horizon, de hauts sapins saupoudrés de neige se balançaient dans la brise. Tyla passa son bras autour des épaules d’Ellyra et sans un mot, elle posa son épaule contre celle de son mentor. Rien de plus, rien de moins. C’étaient des gestes très simples qui, pourtant, réchauffaient Ellyra jusqu’au fond de l’âme.

- Que dirais-tu d'un petit match amical, pour me montrer les progrès de Milobellus ? demanda Tyla à l’oreille de son élève.
Ellyra hésita quelques secondes, repensant à leur tout premier combat à Arkan, lorsque Kohaku n’était qu’un Barpau. A présent, ses chances de gagner étaient bien supérieures et elle n’était pas prête de refaire les mêmes erreurs. Elle hocha donc vigoureusement la tête et esquissa un sourire de défi. Tyla avait dissipé la brume au-dessus du lac et avait fait fondre la fine couche de glace qui couvrait la surface.

- Allons-y ! Je vais me mettre de l’autre côté, pour que l’on ait une partie d’eau sur le terrain.
Ellyra appela Kohaku, qui plongea avec délice dans l’eau glacée du petit lac. Il fit quelques cabrioles, plongea jusqu’au fond du lac – certainement était-il assez profond puisqu’Ellyra ne distingua même plus sa silhouette sombre et ondoyante sous la surface – avant de remonter en piquet pour le spectacle.
- Aku, on va relever un petit défi aujourd’hui ! Si ça s’annonce mal, je t’aiderais, si tu vois ce que je veux dire, ajouta-t-elle avec un clin d’œil.
Alors qu’Ellyra discutait avec Kohaku, Tyla avait appelé son Lanturn ; Ellyra avait eu l’occasion de le voir alors qu’il n’était qu’un Loupio et la jeune fille ne put s’empêcher d’admirer Tyla une fois de plus pour le travail qu’elle effectuait avec ses pokémons – et ils étaient nombreux.
Lanturn rejoignit Milobellus dans le lac ; le match était sur le point de commencer. Ellyra jeta un coup d’œil de chaque côté : à sa gauche, le lac s’étendait encore loin, ce qui ne lui laissait aucune possibilité particulière. A sa droite, sur la terre ferme, il y avait un bosquet de conifères squelettiques et de sapins blancs. Ellyra ne voyait pas encore comment Kohaku pourrait tirer parti de cette partie du terrain, mais les combats laissaient toujours place au suspens

- Kohaku, plonge et utilise Vibraqua pour empêcher Lanturn de te rejoindre et, peut-être même l’éjecter hors de l’eau et l’envoyer sur la beige, sa mobilité sera largement réduite par rapport à la tienne. Il faut tester sa résistance.
Ellyra se méfiait des attaques électriques de Lanturn particulièrement efficaces auxquelles Kohaku était sensibles. L’eau n’étant pas un très bon conducteur, Ellyra pensait avoir une bonne chance de pouvoir éviter les attaques électriques lancées sous l’eau. A moins que… Les eaux des lacs sont toujours douces, n’est-ce pas ?

[Tyla Weathered]

Milobellus pris place dans l'eau alors qu'Ellyra venait de changer de rive pour pouvoir combattre son mentor. Tyla attendait que la jeune femme soit prête pour dévoiler son pokémon, qui, dans cette eau et dans ce lieu, ne pouvait être que Lanturn. Le pokémon moitié aquatique, moitié électrique frôla la surface de l'eau fraîche avant de se perdre dans celle-ci. Une légère minute plus tard, sa tête sortit à nouveau de l'eau pour affronter celle de Milobellus, l'invitant à commencer ce combat dès à présent.

La championne sourit alors qu'elle voyait déjà Ellyra connaissait à échafauder une stratégie pour tenter de mettre en pièce ce pauvre Lanturn. Ce match n'était pas là pour rien. Elle souhaitait montrer à Ellyra qui quelque soit leurs niveaux, il suffisait de comprendre son pokémon pour réussir à gagner un match. De nombreux secrets de victoire étaient à la portée de la championne et elle souhaitait en faire part à son élève qui devait comprendre tout cela, si elle souhaitait devenir une héroïne pokémon, aux côtés de Milobellus et de ses futurs pokémons. Tyla l'avait compris grâce à son maître, des années auparavant et au final, elle avait réussi à monter en grade pour devenir ce qu'elle était à cet instant.

Milobellus s'élança donc vers Lanturn. Il se figea soudainement, dans l'eau gelée et une sphère d'eau apparue devant sa gueule. La sphère grossit, atteignant une taille raisonnable avant qu'un cri ne perfore l'air pour laisser la sphère aquatique se détacher du pokémon, en direction de son adversaire. La maîtresse aquatique regardait la sphère qui frottait au-dessus de l'eau, créant un creux le long de la trajectoire de l'attaque, remuant ainsi de manière importante l'eau du terrain. L'attaque était vraiment impressionnante et Tyla fut même contente de voir que Barpau avait fait de tels progrès en si peu de temps !

« Maintenant. »

La voix sans émotions, s'éleva sur le terrain. Tyla était une guerrière plus qu'autre chose dans des moments de combats comme celui-ci et jamais, elle ne se serait dégonflée devant une telle attaque, même si sa vie en avait dépendu. Lanturn ne bougeait toujours pas et ouvrit simplement la gueule, laissant apparaître un son strident. Le son s'éleva, créant une vague, puis une autre, jusqu'à contrer totalement l'attaque Vibraqua qui se dirigeait maintenant vers son lanceur. En effet, Tyla venait d'utiliser l'attaque Ultrason pour renvoyer la balle à l'envoyeur et ainsi prendre position sur son adversaire, dès la première attaque.

« Chaque attaque à une parade. Et chaque attaque à plusieurs utilités. »

La championne regarda la sphère et l'ultrason qui percutaient de plein fouet le pokémon adversaire alors que quelques secondes auparavant, elle avait fait un signe de la tête à son pokémon. Milobellus n'avait pas eu le temps de réagir aux précédentes attaques qu'un rayon vert lumineux s'approchait de lui. L'attaque Rayon Signal fut fulgurante et rafla l'adversaire, qui recula sous la pression de l'attaque. Lanturn lâcha un petit cri de joie, mais rien n'était fini et ça, il le savait. Tyla elle aussi le savait et il était maintenant temps de faire le point sur la situation actuelle, pour qu'Ellyra comprenne tout cela.

« Une attaque peut en cacher une autre. Ne te déconcentre jamais pendant un match, c'est primordial. »

La jeune femme, contrairement à son habitude, fit signe à Lanturn d'attendre que Milobellus reprenne ses esprits par rapport à la confusion ainsi qu'aux deux attaques fulgurantes, pour que le combat rejoigne un rang d'équité.

[Invité]

Ne t'en fais pas, je suis là.
Toi, moi, nous, en une seule personne.

Ellyra se renfrogna. Pour ne laisser rien transparaître, elle se contenta de croiser les bras sur sa poitrine et de serrer les doigts du plus fort qu'elle pu, jusqu'à ce que même ses phalanges deviennent même blanches. Elle qui était si souvent dans la retenue était une fois de plus bien différente sur le terrain. Elle se découvrait un esprit de compétition et un ardent désir de gagner. Les échecs la piquaient à vif et la poussaient à redoubler d'efforts ; elle devenait combative, même presque hargneuse. Voir ainsi la si belle attaque Vibraqua de Kohaku repoussée contre lui-même l'agaça au plus au point, à la fois parce qu'elle se sentait responsable et coupable de tous les dégâts qu'elle pouvait infliger à Kohaku à cause de ses directives imprudentes – Kohaku avait une confiance aveugle en elle, ce qui ne faisait qu'amplifier son sentiment de culpabilité – et parce qu'elle avait cruellement l'impression d'être retournée des mois plus tôt à l'arène d'Arkan où elle avait essuyée une défaite cuisante.

L'attaque de Lanturn avait été radicale, et Ellyra ne put s'empêcher de remarquer le calme absolu de Tyla bien que l'attaque Vibraqua fusait sur son Pokémon et le menaçait d'être expulsé près d'une dizaine de mètres plus loin. Elle s'était contentée d'un simple signe de tête échangé avec Lanturn, ce qui, une nouvelle fois, plongea Ellyra dans un curieux sentiment de honte et d'humiliation – elle n'arrivait plus vraiment à faire la part des choses. N'avait-elle décidément rien retenu de l'enseignement de Tyla ? Pour parer l'attaque, Lanturn avait utilisé une magistrale attaque sonore ; Ellyra avait du mal à croire qu'il avait pu, par le simple fait d'ouvrir la bouche, produit une vague aussi stridente et, qui plus est, n'avait pas fait que le protéger de l'attaque, mais l'avait aussi renvoyé.

L'offensive était difficile à encaisser, autant physiquement que psychologiquement. Mais tomber n'est pas un échec en soit ; l'échec serait de ne pas se relever. Ellyra y pensait souvent, pour se donner du courage. Une nouvelle fois, elle s'y accrocha. Un combat, bien qu'il puisse avoir une apparence brute et parfois violente, était en réalité bien plus subtil que cela. Ellyra n'avait pas encore trouvé l'équilibre entre l'harmonie et la puissance, qu'elle confondait trop souvent avec stratégie calculée et puissance des attaques. En combat, il y avait autre choses sous les apparences qu'elle ne saisissait pas et qui la rendait très maladroite – et même mauvaise. Étrangement, pour bien d'autres choses, comme la musique ou l'Eau en particulier, Ellyra était bien plus fine et tout en subtilité. Ce sont dans les facettes inconnues des fragments que sont cachées ses véritables trésors : tout n'est que multitude de détails.

Ellyra voulait essayer de s'inspirer de Tyla, toujours imperturbable et silencieuse, qui attendait à présent que son élève lance la nouvelle offensive. Ellyra aurait préféré agir maintenant en défense, mais Tyla devait sûrement avoir une idée derrière la tête ; comme toujours, Ellyra décida de lui faire confiance : Tyla avait toujours su la guider, où quel que soit le lieu, l'endroit où elle se trouvait et la tâche qu'elle devait accomplir. Tyla était la petite lueur qui éclairait les parts d'ombres sur son chemin.
Ellyra jeta un coup d’œil à Kohaku qui s'était redressé de toute sa hauteur. Elle repensa aux dernières paroles de Tyla ; « chaque attaque a un parade, et chaque attaque a plusieurs utilités. Une attaque peut en cacher une autre » Elle tourna et retourna chaque mot dans sa tête, les examinant un à un, cherchant un sens à ces phrases.

- Kohaku, crée un Ouragan, ensuite, ligote-le.
Elle hésita à rajouter : « n'oublie pas de lui clouer le bec. », mais, finalement, elle se retint. C'était une information sûrement inutile à préciser : elle décida que cette fois-ci, c'était à son tour d'offrir pleinement sa confiance à Kohaku.
Milobellus lui rendit un regard entendu et elle cru discerner au fond de ses yeux une petite lueur d'amusement. Ellyra avait décidé de ne pas lui donner trop de directives ; il savait parfaitement ce qu'il avait à faire, et comment. Tous deux se connaissaient sur le bout des doigts et savaient comment l'un et l'autre fonctionnaient. Sans qu'elle ait besoin de prononcer un seul mot, Kohaku devinait toujours ses pensées. A présent, Ellyra était convaincue que leur véritable force résidait dans cette connaissance totale et mutuelle de l'autre.
Elle n'avait plus rien à perdre, tout à gagner.

[Tyla Weathered]

La maîtresse aquatique regardait devant elle. Milobellus se remettait petit à petit des attaques lancées par Lanturn et tentait de réagir par rapport à cela. La mentor sourit car elle voyait que son élève faisait tout pour reprendre la main et reprendre confiance en elle pour réussir à franchir une étape qui selon elle, était très certainement la plus dure. Pour le moment, elle attendait que le Milobellus soit vraiment opérationnel, ayant encore une multitude de choses à apprendre à son élève.

Milobellus reprit finalement ses esprits. Un magnifique ouragan se forma sur l'eau et emporta l'élément dans l'air, se dirigeant tout droit vers Lanturn. Le pokémon aurait pu esquiver ou contrer cette attaque assez facilement mais Tyla avait souhaité qu'il ne réagisse pas... pas encore. Il était vrai que cela pouvait paraître comme un abandon mais en fait, ce n'était absolument pas le cas. Tout cela était à l'effigie d'une stratégie que Tyla souhaitait tester là, pendant ce match, pour apporter une leçon à Ellyra mais aussi pour pouvoir la mettre dans sa liste d'offensives de championne. L'arène était un lieu où elle devait montrer une certaine supériorité et elle n'aimait pas se retrouver à nue, n'ayant plus aucune stratégie dans un quelconque match.

Lanturn vola donc dans cet ouragan, ne cherchant pas à contrer et subissant les dégâts. La surprise fut d'autant plus importante lorsque le pokémon d'Ellyra sauta au travers de celle-ci, pour ligoter totalement le pokémon aquatique-électrique afin de le surprendre dans la confusion installée par l'ouragan. Tyla devait reconnaître que c'était une idée excellente et les dégâts subis par le pokémon de la championne semblaient assez importants... permettant ainsi un avancement assez conséquent dans la mise en place de sa stratégie.

« Mes félicitations pour cette fabuleuse idée, qui correspond exactement à ce que je souhaitais. »

Un léger sourire machiavélique apparu sur le visage de Tyla qui demanda à Lanturn de lancer une attaque Fléau. Cette attaque n'était pas vraiment utile quand le pokémon était plein de vie mais dans son cas, l'ouragan et l'étreinte qui durait encore, l'avait bien épuisé. Le pokémon infligea donc une bonne raclée au Milobellus qui recula, avant de tomber un peu plus loin dans l'eau. Tyla n'était pas super heureuse de blesser un ami mais dans un combat, elle n'était plus ami avec grand monde et ses sentiments ne devaient jamais influer d'une quelconque manière.

La suite était encore plus marrante et alléchante pour la jeune femme, qui demanda à son pokémon d'exécuter une nouvelle attaque. Elle regarda ainsi le sublime Lanturn se mouvoir dans l'eau trouble avant de sortir de l'eau, tel un oiseau et d'utiliser une attaque Coud'Jus sur l'eau, électrifiant ainsi toute l'eau et touchant de plein fouet le pauvre Milobellus qui se trouvait maintenant dans l'eau électrifiée, subissant une décharge constante. L'adversaire devait souffrir mais là n'était pas vraiment le soucis de Tyla qui regardait son pokémon redescendre en piqué jusqu'à l'eau. Tout cela pouvait paraître suicidaire mais était pourtant une stratégie vraiment superbe. En effet, Lanturn possédant le double type eau et électrique, il a la possibilité d'absorber toute l'électricité qu'il souhaite, sans trop d'effort et dans l'optique de se régénérer sans trop de soucis. Dans ce cas présent, il capta toute l'énergie qui c'était décuplé pour pouvoir conquérir l'ensemble du lac. Milobellus n'était donc plus touché et le pokémon de la championne était littéralement blindé, prêt à exploser.

« La surprise fait parti du match. Fais quelque chose car ma prochaine attaque, aussi puissante soit-elle, sera ma dernière. »

Elle préférait donner les faits à son élève plutôt que de lui faire découvrir car il était vrai que l'attaque en préparation était tout simplement époustouflante et vraiment impressionnante...

[Invité]

Ellyra déglutit avec lenteur. Toutes les paroles de Tyla lui semblaient amères et forcées, comme lorsque l’on félicite un gamin qui colorie un dessin, dépasse sur tous les bords mais que l’on finit toujours par féliciter en ajoutant que c’est un chef-d’œuvre, pour ne pas le blesser.
Ellyra ferma les yeux. Les rouvrit presque aussitôt, frappée une nouvelle fois par son incapacité à faire face et la similitude entre ce combat-ci et celui qu’elle avait déroulé à Arkan des mois plus tôt. Une éternité plus tôt. La honte et le désarroi lui tordaient l’estomac, mêlés à la colère qui bouillonnait en elle et qu’elle s’appliquait à contenir pour ne pas la faire exploser. Elle avait si envie de se jeter sur Tyla, de briser ce visage si serein, trop calme, trop dénué de tout sentiment. Comment pouvait-elle faire pour s’isoler ainsi durant un combat ? Ellyra songea aux paroles qu’elle avait entendues, une fois : « ceux qui sont incapables de mettre leurs sentiments de côtés, ceux qui se sentent obligés de les exprimer pour ne pas chavirer, tous ces gens sont des cibles chétives car ils offrent aux autres leur plus grandes faiblesses. »

Ellyra ne voulait pas y croire et, maintenant, elle se sentait naïve. Mais, au fond, ne l’avait-elle pas toujours été ? C’était bien elle, la gamine qui voulait aller toucher les étoiles, qui survivait grâce aux souvenirs perdus de sa mère et aux petits morceaux de musique de son grand-père. Quelle innocence…
Milobellus avait payé, une nouvelle fois. Payé de sa confiance un peu trop totale. Ellyra eut un haut-le-cœur. C’était pathétique. La défaite avait toujours ce même goût acerbe et maussade chargé de culpabilité et de questions sans réponses. Elle n'arrivait toujours pas à comprendre pourquoi, à chaque fois qu'elle combattait contre Tyla, toutes ses certitudes s'ébranlaient, terriblement incertaines. Pourquoi elle ne trouvait incapable de réagir et pourquoi, encore, elle se sentait si faible. Était-ce simplement le fait que Tyla soit son mentor, mais aussi qu'elle était la seule personne qu'elle considérait comme une sœur ? Quelle faiblesse. Il fallait rien se l'avouer. Ellyra fronça les sourcils. Pourquoi, à chaque fois, baissait-elle ainsi les bras ? Cette question fut la plus douloureuse. Elle n'avait pas de réponse.

- Kohaku, soigne-toi.
Contrairement à tout ce qu’Ellyra avait imaginé, sa voix était sèche et sans appel. Claire et sans accrocs. Pas de doutes, non, pas de larmes à ravaler. Ellyra s’étonna elle-même de ce calme presque froid, mais elle ne cilla pas. Obéissant, Kohaku ferma les yeux. Son corps fut parcouru d’un frisson de chaleur qu’Ellyra ressentit jusqu’au plus profond d’elle-même. Les écailles lisses et brillantes qui recouvraient son corps semblèrent briller d’un nouvel éclat, comme un halo de pureté. Lorsque Kohaku rouvrit les yeux, les lueurs au fond de ses yeux luisaient, plus rouges, plus ardentes, comme les braises qui restent très longtemps après un feu, prêtes à être ravivées.

- Bien.
Cette froideur était encore inconnue à Ellyra, trop étrangère. Trop sévère. Était-ce cela, la traduction de la volonté ? Ellyra eut l’incroyable sensation que c’était quelqu’un d’autre qui parlait à travers son corps, déformant les inflexions d’habitude douces et chaleureuses de sa voix, mais elle ne fit rien pour la changer.
En réalité, elle n’avait réellement aucune idée de ce qu’elle allait faire, elle voulait juste gagner du temps, mais Tyla ne semblait pas s’impatienter. Toutes les pensées d’Ellyra s’étaient volatilisées d’un seul coup. Il faisait froid, mais elle ne frissonnait pas. Il ne la dérangeait pas, elle était née entre ses bras : depuis sa naissance elle vivait à Mizuhan et avait appris à faire face aux froids mordants toute l’année dans les zones les plus froides.

- Utilise Ligotage de nouveau, mais cette fois, à distance. Fait de lui un véritable cocon et laisse-le couler comme une pierre.
Ellyra aurait voulu ajouter : « Tu y crois, n’est-ce pas, Kohaku ? Moi, oui, je crois en toi, j’ai toujours cru en toi. Je sais que tu vas y arriver, comme tu as toujours tout réussit à surmonter tant que nous étions ensemble. Tu as mis du temps à évoluer pour quitter, à la manière d’un papillon, le corps maladroit et détesté dans lequel tu étais enfermé. Considère aujourd’hui que c’est le combat de ce papillon, son premier et dernier combat, puisque demain matin il se sera déjà éteint. Ce papillon n’aurait pas voulu avoir d’échecs dans la vie qu’il a toujours désirée. C’est ce désir-là qui fera que le papillon va gagner. Toi, tu n’es pas si éphémère, mais ce combat est celui de notre journée – elle, en revanche, est éphémère – et on ne le refera jamais. Alors, il faut que l’on gagne, ou, du moins, que l’on finisse en beauté. »

Pourtant, Ellyra se retint, parce que tous ces mots étaient bien futiles, et sa bouche était subitement sèche. Kohaku les avaient sûrement entendus. Au fond d’elle-même, elle en restait convaincue que c’était dans ce lien que résidait leur plus grande force. Elle l’espérait très fort. Pourtant, dans les espoirs, il y a toujours des doutes, sinon les espoirs n'existeraient pas. Ellyra leva les yeux vers le ciel cotonneux. Les nuages se bousculaient, s'entremêlant les uns avec les autres selon les désirs des vents. Les premiers flocons, se mirent à tomber très lentement, presque statiques à mi-chemin entre le ciel et la terre. Ellyra sourit lorsqu'ils se posèrent doucement dans la paume de sa main ouverte, restant une fraction de seconde à l'état de neige avant de fondre sur sa peau. La neige ne lui semblait pas froide, même tiède sur ses doigts frigorifiés. Ellyra songea à Suicune et au brasier dans ses yeux ambrés, preuve irréfutable que les regards étaient parfois aussi physiques que des caresses. Cette pensée lui redonna un peu de chaleur bien qu'elle soit totalement étrangère à la situation.
La gorge d'Ellyra se noua dès que son regard se reporta sur le terrain. Elle savait pertinemment que ses chances de réussite étaient bien maigres. Peu importait. De toute façon, même si Kohaku était attaqué une nouvelle fois, elle ne le laisserait pas faire. Elle le protégerait avant qu’il ne soit touché. A l’idée de Kohaku cruellement blessé à cause de son incompétence, Ellyra se sentit réellement malade, et elle n’était plus tout à fait sûre que le froid y soit pour quelque chose.
Milobellus avait déjà plongé, et se dirigeait à vive allure vers Lanturn, assez loin sous la surface pour qu’il soit obligé de plonger à son tour pour le retrouver.

[Tyla Weathered]

Le regard de la championne se perdit finalement dans la brume, à son tour. Elle qui voyait maintenant grand, avait vu si petit lorsqu'elle n'était qu'une « post-adolescente » qui souhaitait devenir la meilleure pour atteindre des sommets inatteignables. Son mentor l'avait guidé sur la voie avant de la détourner vers la subtilité et l'intelligence pour qu'ainsi, elle puisse réaliser son rêve, d'être une dresseur appréciée et acclamée de tous. Il était vrai que l’ascension avait été dure, que les sacrifices avaient été importants mais maintenant, elle était totalement comblé par tout ce qui l'entourait et surtout par des personnes comme Ellyra.

Elle qui n'avait jamais eu de sœur, sa mère étant morte à son plus jeune âge, elle avait vécu seule sous les ordres d'un père dévoué qui aurait donner jusqu'à sa mort pour elle. Le manque de féminité de son foyer avait peut-être créé un vide en elle, qu'elle avait bien vite combler par la présence des pokémons puis de sœurs de cœur comme Ellyra ou Reverie. Comme le ferait une grande sœur, la championne essayait de donner l'ensemble de son savoir et son expérience à sa petite sœur pour qu'elle puisse éviter certaines erreurs et ainsi se confronter à de nouvelles qui lui permettrait d'avancer plus vite et de devenir meilleur.

Ses pensées se tournèrent ensuite vers l'avenir. Elle souhaitait changer un peu de vie, être plus impliquée dans la contrée mizuhanienne... Elle allait très certainement se diriger vers le lac du Dragon, où elle pourrait ainsi trouver des réponses aux questions actuelles, qui se trouvaient encore sans réponses. Elle réfléchissait à la suite des champions d'Arkan : qui la remplacerait lorsqu'elle partira ? Ellyra ? Elle ne savait pas encore si à tout moment, elle pouvait céder sa place à quelqu'un d'assez fort et de confiance ou si elle allait devoir attendre encore d'assurer cette place, qu'elle risquerait de devoir laisser si jamais ses responsabilités devenaient plus importantes.

Vaguant dans ses pensées, la jeune femme ne suivait que d'un œil vide le combat qui continuait à son rythme devant elle. Milobellus reprenait petit à petit ses esprits et la voix sèche d'Ellyra montra qu'elle commençait à devenir meilleure et d'apprendre de ses erreurs. Le pokémon se soigna finalement et patientait dans le bassin, se dirigeant tout droit vers Lanturn, après les dires de sa maîtresse. La stratégie de coincer et de saucissonner le pokémon de la championne n'était peut-être pas la meilleure mais il était vrai qu'elle pouvait s'avérer plutôt efficace, selon la pression 'exercée par le pokémon.

Lanturn se laissa finalement attraper et serrer au maximum, pour voir les limites de l'adversaire. Il déposa ensuite sa corne et sa queue sur deux parties du corps de l'adversaire, toujours coincer, avant de lancer sa folle décharge sur le pauvre pokémon qui n'arrivait pas à enlever les deux sources d'électricité... Tyla restait impassible même si elle n'aimait pas voir un pokémon ami souffrir ainsi dans un match amical. Malheureusement on apprend dans la douleur et ça, la championne en plus d'en être convaincue, en était aussi témoin.

D'un geste fluide de la main, elle rameuta Lanturn vers elle avant de le faire disparaître dans sa pokéball, tranquillement. Elle sourit à Ellyra et fit le tour du terrain pour rejoindre celle-ci. Un filet d'eau s'éleva ensuite et se posa sur Milobellus qui fut ainsi soigné, petit à petit.

« La leçon est terminée, je ne souhaite pas faire plus de mal à Kohaku dans un tel contexte. »

La championne reprit son air joyeux et content, et se laissa rapprocher d'Ellyra. Leur séparation était maintenant imminente et pourtant, l'envie de se séparer n'était pas au rendez-vous.

« Il va bientôt falloir que je parte, petite sœur. »

Sans même sans rendre compte, elle avait prononcé ses mots, pleins de sincérité et de joie.
Un sourire apparu sur son joli visage. Un sourire de fierté.

[Invité]

« Tout ce qui ne tue pas rend plus fort. »

Une douleur l’attrapa tout près du cœur, l’enlaça, l’oppressa, la piqua, en même temps que la terrible décharge électrique qui parcourut tout le corps convulsé de Kohaku. Ellyra aussi ressentit l’irrésistible envie d’hurler la douleur qui la traversa. Pourtant, elle garda la tête haute, les dents étroitement serrées, le regard droit et franc. Elle songea qu’une fois de plus, toute celle douleur n’était pas faite pour elle, mais, contrairement à ses anciens échecs, elle ressentait au fond de son cœur un brûlant picotement vengeance, comme une promesse de retour. Un petit bout d’elle entretenait la colère de ses échecs et attisait sa volonté. La vie n’était faite que de combats à gagner, parfois en solitaire, contre sa propre personne. Bien qu’Ellyra reste toujours très douce et sensible, petit à petit elle s’affirmait, hésitait moins et agissait au lieu de toujours trop rêver, parfois luttant contre sa nature pour se surpasser. « Bientôt, bientôt, nous gagnerons. Ce n’est qu’une question de temps. Nous ne sommes pas éphémères, nous existons toujours. »

Lorsque Lanturn relâcha sa décharge sous l’ordre de Tyla, Ellyra vit Kohaku être attiré inexorablement vers le fond du lac. D’un geste instinctif, elle sentit l’eau se lier du bout de ses doigts jusqu’à son cœur par des liens invisibles, et, telle une marionnettiste, une vague se souleva du fond pour remonter Aku vers la rive enneigée. Lorsqu’il arriva à sa postée, Ellyra s’accrocha à lui pour le tirer du mieux qu’elle pu sur la berge, sa tête posée sur ses genoux, alors que son long corps luisant était encore presque totalement immergé. Elle posa sa joue contre celle humide et lisse de Kohaku, le caressant du bout des doigts. Malgré tout, elle ressentait toujours une petite pointe douloureuse de honte et d’impuissance et avait le besoin de s’excuser auprès de Kohaku dont lui vouait une fidélité aveugle en toute circonstance, et ce depuis le tout début. La plus grande peur d’Ellyra était de le perdre à cause de ses erreurs, ou de la même manière qu’elle avait perdu sa mère, dans un simple combat. L’appréhension avait sur Ellyra l’effet d’un poison qui venait lentement paralyser ses pensées et ses certitudes, immisçant des doutes dans son esprit.
Une douce chaleur remonta le long de ses bras lorsqu’elle le senti tressaillir très légèrement sous ses doigts, et un halo mordoré entoura son corps, faisant miroiter sur chacune de ses larges écailles un éclat coloré. Quant il fut totalement soigné, il finit par se redresser de lui-même et ondula sur la berge. Ellyra elle aussi se releva et Kohaku vint s’enrouler autour d’elle dans une étreinte protectrice qu’elle appréciait tant. Elle lui rappelait toujours la protection douce et impénétrable de sa mère dont elle avait pratiquement tout oublié. Pourtant, une simple étreinte lui rappelait tout ce qu’elle avait oublié et qui s’abandonnait à l’oubli avec le temps. Ellyra plongea son regard émeraude dans celui rougeoyant de Kohaku et ne pu retenir un sourire. Il lui rendit sa joie, et sa dresseuse vit au fond de ses grands yeux vifs des éclats dansants. Le regard en amande de Kokahu était le plus beau de tous les regards, à la fois doux et ferme, brûlant et apaisant. Ellyra voyait au fond de ses pupilles de braise la force d’un feu qui se mêlait à son l’élément opposé, l’Eau. Mais elle était bien la seule à pouvoir admirer ce genre de choses dans les yeux de son Pokémon.

Ellyra adressa un petit signe de tête à Tyla lorsqu’elle s’approcha en annonçant la fin de l’entraînement. De toute façon, Ellyra n’aurait pas laissé Kohaku se battre ne serait-ce qu’une minute de plus, et elle ne put s’empêcher de resserrer davantage l’étreinte de ses bras autour du cou de Milobellus. « Tu es à moi, songea-t-elle. Et je suis à toi. A toi seul. » Elle cru discerner la lueur d’un sourire entendu au fond du regard de son Pokémon, exactement comme s’il avait compris ses pensées. Ellyra ne s’en étonnait plus. Elle aimait Kohaku comme elle n’avait jamais aimé d’autre Pokémon, d’un amour aussi fort que celui qu’elle avait pu ressentir pour sa mère, mais très différent. Il était celui qui l’empêchait de mourir de solitude lorsqu’elle voyait seule, celui qui la protégeait et qu’elle protégeait en retour, celui à qui elle ne pouvait jamais mentir, ni se dérober. Il était sans aucun doute, sa plus grande fierté, comme une étoile du Berger pour guider ses pas, un peu à la manière de Tyla sur la voie de l’Eau.

« Il va bientôt falloir que je parte, petite sœur. »
Petite sœur. Tyla lui sourit, un vrai beau sourire plein de force et de fierté et le cœur d’Ellyra se serra. Dans tout cela, la jeune fille en avait oublié le départ de Tyla. Ainsi, leurs chemins allaient se séparer. Pas très longtemps, mais suffisamment cependant pour qu’Ellyra en ressente un manque qui lui creusait le cœur. Mais il était largement qu’elle prenne un nouveau départ, seule, ailleurs, loin de Mizuhan et de ses souvenirs.
- Moi, je pars vers l'Ouest. Mais je sais que nous nous reverrons bientôt.
Lorsque son regard croisa celui de Tyla, ses yeux verts étaient parfaitement secs, et sa tristesse était mêlée à sa reconnaissance.

[Tyla Weathered]

« Cherche pas le nord alors. »

Comme pour ironiser la situation douloureuse, la championne ne trouva que ça à répondre à Ellyra qui semblait prête à partir vers l'ouest. Même si Tyla était certaine que la découverte solitaire était une excellente chose pour Ellyra, elle savait que de son côté, elle ne souhaitait absolument pas s'éloigner de cette petite soeur – pas si petite que ça – qui lui avait tellement rappeler elle-même mais aussi qui lui avait tellement appris et donner. Intérieurement, elle ressemblait à une fontaine de tristesse qu'elle exprimait que très peu, comme à chaque fois. Rester forte en toute circonstance avait été l'une de ses directives depuis les longues heures qu'elle avait passé à pleurer l'absence de sa mère ou même la disparition de son mentor, lorsque qu'elle venait d'accéder au poste de championne.

Alors que la tristesse montait jusqu'à ses yeux, elle se souvint de la jeune fille pure, innocente et immature qu'elle avait recueilli dans cette eau glacée, prête à quitter la vie. Ce petit bout d'humanité avait tellement grandi que la championne était totalement contente de l'entraînement et de l'évolution qu'elle donnait à Ellyra. Tout cela n'avait pas été vain et à sa connaissance, la jeune femme était contente de nouvelle vie et c'était d'ailleurs ce qu'elle lui souhaitait le plus. Ellyra, si pleine de vie et d'amour n'avait que trop peu de bras pour ce qu'elle pouvait donner. Un cœur plein d'amour, c'était ça !

« Il est temps. »

Tyla était triste. Sa voix venait de se perdre dans l'immensité de l'air et rien n'avait sembler la porter comme si étrangement, elle se retrouvait seule contre tout ce qui avait autour d'elle. La championne se rapprochait discrètement de son amie pour une dernière tendresse ou quelque chose dans ce genre. Ellyra représentait un départ difficile, beaucoup plus dur que d'autres personnes qui, même s'ils manquaient n'avaient pas manqués plus que cela au final. L'élève était quelqu'un d'unique, comme tout être, mais que Tyla portait maintenant au fond de son cœur... comme une petite sœur.

Alors que la championne se retenait, elle attrapa la jeune femme entre ses bras – de manière assez sauvage même – et la serra très fort contre elle, comme pour se rassurer. L'étreinte était tellement importante que la jeune femme risquait de perdre quelques membres avant de s'éloigner de la championne. Une larme puis une seconde coula sur le visage de Tyla, qui utilisa sa simple maîtrise psychique de l'eau pour les faire disparaître, comme elles étaient venues. Quelques minutes après, elle se releva et replaça sa tête bien haute.

« N'oublie pas ce que je t'ai dit : à jamais ensemble. »

Même si physiquement elles n'étaient plus ensemble, l'eau serait leur point de rencontre, de bonne humeur... Tyla savait qu'Ellyra ne l'oublierait... et elle avait d'ailleurs intérêt ! La championne laissant un petit bisou sur la joue de l'autre femme, tourna finalement sur elle-même et vérifiant toutes ses pokéballs à sa ceinture, elle se laissa disparaître dans les méandres de la forêt.

Une nouvelle page se tourne.

[Invité]

Il est temps, oui. Temps de partir, temps de changer, de découvrir les multitudes d’ailleurs, proches ou lointains. Il est temps, une manière un peu de douce de dire que maintenant, il faut s’en aller, un point virgule pour retarder un départ le temps de reprendre son souffle. Tyla, tout comme Ellyra, n’était pas jamais été démonstrative. Il y avait juste ce petit quelque chose dans les traits de son visage, dans l’inflexion de sa voix, dans le coin de son sourire qui laissait transparaître ses sentiments et pensées. Ellyra y était devenue sensible et ne se lassait jamais d’apprendre à décrypter les expressions des visages.
Elle eut un sursaut de surprise lorsque Tyla l’attira contre elle subitement, comme une lionne qui se jette sur son petit pour le protéger. Tyla la retenait prisonnière de son étreinte, presque douloureusement, mais ce n’était pas une douleur qui faisait mal, c’était une douleur pleine de la fureur d’un amour. Ellyra en aurait pleuré, mais elle resta mollement dans les bras de Tyla, la tête appuyée contre son épaule, ses yeux secs, son cœur se débattant dans sa poitrine. En se concentrant un peu, elle sentit celui de Tyla tout près du sien, un peu plus à gauche. Les deux cœurs semblaient dialoguer, l’un répondant avec joie à l’autre, traduisant dans un langage inconnu et corporel tous les mots qu’Ellyra aurait voulu dire. Il lui semblait même que leurs deux cœurs réunis résonnaient dans le silence givré des plaines enneigées. Lorsque Tyla la relâcha, Ellyra était encore étourdie.

« N'oublie pas ce que je t'ai dit : à jamais ensemble. »

A jamais. Le mot avait quelque chose d’effrayant et de merveilleux à la fois, il était scellé entre les sept lettres un pacte tacite d’éternité envers deux personnes. A jamais. Pour toujours. Jusqu’à la mort, et bien plus encore. Jusqu’à la destruction du temps. Jusqu’à la fin de l’éternité, aux confins de l’infini. C’était bien plus qu’une promesse. Les mots ne devraient jamais être jetés par les fenêtres, sans but ni conviction. On ne dit pas « à jamais » à n’importe qui.

- Oui, à bientôt, grande sœur, murmura Ellyra alors que Tyla claquait une bise sur sa joue avant de s’éloigner de sa démarche gracieuse et silencieuse, de plus en plus ténue dans la fine brume qui ne se levait jamais dans les plaines tout autour du lac, presque irréelle au milieu de cet univers de rêve. Même un peu après midi, les ombres des arbres projetaient des ombres violettes sur le manteau blanc de la neige que la neige faisait étincelait dans une lumière miroitante légèrement dorée, comme des feuilles d’or déposées à la surface de la poudreuse. Et, au milieu de ce désert blanc, le lac s’étendait encore loin dans le flou artistique de la brume, vers la bordure sombre des conifères et des silhouettes squelettiques des arbres nus.
Ellyra promena son regard vers l’horizon, avec l’infime espoir de voir apparaître une nouvelle fois l’ombre vive de Suicune pour qu’il la guide encore. En baissant les yeux, elle retomba sur l’endroit où elle était tombée à la renverse après sa rencontre avec la Légende. Il restait imprimé dans la poudreuse l’empreinte d’un ange, comme disait grand-père. « Tu vois bien que ce ne sont pas les ailes qui font les anges »… Ellyra eut le bref souvenir des longues journées d’hiver lorsqu’elle était petite, où elle passait des heures à regarder la neige tomber par la fenêtre et recouvrir tout son jardin.
Kohaku pressa sa joue contre celle d’Ellyra, lui rappelant sa présence. Machinalement, elle fouilla dans la poche de son pantalon à la recherche de la pokéball en coquille de noigrume. Kohaku y retourna sans émettre de résistance. Lui aussi, avait hâte de voyager. De toute façon, il n’était pas bien loin.
Avec un petit brin de nostalgie dans l’âme, elle se retourna, remit son sac en bandoulière sur son épaule, les mains dans les poches, effleurant du bout des doigts la pokéball rassurante de Kohaku et commença sa route vers l’Ouest, tournée vers le soleil déjà déclinant.

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