[ Clos ] Suis-je faible ? [Contrainte/Solo]

[Bahia Nur]

* Bahia, parle-moi un peu. *

Mais il n’eut aucune réponse. Même s’il essayait encore et encore, sa dresseuse était fermée comme une huitre. Chaque fois qu’il tentait de pénétrer son esprit, il se faisait repousser par une vague de colère et de pensées noires tourbillonnantes. Il avait fini par abandonner, l’observant attentivement de loin. Il aurait cru que le voyage serait agité, qu’elle serait malade comme d’habitude. Mais non. Il aurait préféré que ce soit le cas, plutôt que de voir celle-ci fixer l’horizon, ruminant ce qui s’était produit à Palma et à Kamiki. Il savait que c’était tout cela qui la mettait dans un tel état, mais il ne comprenait pas pourquoi elle restait accrochée à ce sujet. Il était frustré lui aussi, mais à pas à ce point. Poussant un profond soupir, il jeta un coup d’œil à la Pokéball posé sur le sac de son amie. Le Floravol avait été récupéré, c’était le plus important. Il était toutefois dans un état peu enviable, la pourriture sur sa fleur était en train de prendre de l’ampleur, lentement mais sûrement. Le Ténéfix espérait qu’ils ne resteraient pas longtemps chez son père, il se doutait que cela n’aidait pas Bahia à se sentir mieux. Il n’aimait pas du tout cet homme et il le savait, quelque part Rubis avait un drôle de pressentiment. Il délaissa la Pokéball et se retourna de nouveau vers sa dresseuse, tentant de voir à quoi elle pouvait penser en ce moment.

* …. Cette vermine, cette larve, j’aurais dû l’écraser sous ma chaussure quand je le pouvais … *

Et cela continuait. Quelque part au fond d’elle, la bête ne voulait pas lâcher prise. Cette chose avait été excitée par ce combat, elle en voulait encore. Plus de colère et de rage. Bahia se mordit la lèvre, plissant les yeux. Elle sentait ce parasite bouger, cherchant à reprendre le contrôle. Elle ne lui laisserait pas cette chance, pas encore. Malheureusement pour elle, la colère et la peur qu’elle ressentait à l’idée de perdre de nouveau le contrôle d’elle-même alimentaient cette bête. Bahia s’appuya contre la rambarde du bateau, les mains crispées sur le bois. Pourquoi ne l’avait-elle pas pourchassé ? Sur le coup elle s’était dit que c’était mieux ainsi, qu’elle ne devait pas perdre de temps avec cette charogne, que le Floravol avait besoin de soin, et ce, le plus rapidement possible. À présent son orgueil se demandait si elle n’avait pas prise la mauvaise décision. Elle avait été si idiote, elle s’était fait avoir aussi facilement qu’un bébé. Bahia referma son poing et cogna la barre en bois, avant de se retourner et de faire les cent pas en rond, s’attirant à nouveau les regards intrigués des matelots sur le pont.

* … même pas foutu de rester seule deux minutes sans faire de gaffes, merde …. *

Les mains jointes derrière le dos, elle fixait le sol en marchant, obnubilée par ses pensées. Elle avait été faible, faible ! À la dernière minute elle avait repris le contrôle, mais avait été incapable de s’attaquer réellement au marchand. Pourtant il ne méritait que cela, une leçon de vie. Elle avait été encore incapable de protéger ce qui lui était cher, Rubis était bien meilleur qu’elle. C’était lui qui avait affronté l’esclavagiste et récupérer Floravol, pas elle. Parce que de son côté, elle était trop occupée à courser un lapin inutile. Sans s’en rendre compte, Bahia tapota à présent du bout des doigts la grande épée qui se trouvait dans son dos, qu’elle ne quittait plus. Cette épée… elle ne la représentait pas. Elle l’avait pris pour affronter Abigaël et elle avait cru qu’elle serait capable de l’utiliser, par orgueil aussi. Mais ce combat avec Illumino avait fini par lui ouvrir les yeux, ce genre d’arme n’était pas pour elle. Si elle voulait maximiser ses chances, elle devait se tourner vers un sabre. La détachant subitement de son dos, Bahia ne laissa même pas le temps à Rubis de réagir : elle balança l’épée à la mer.

Les matelots qui avaient vu la scène n’osèrent pas dire quoi que ce soit, continuant leur travail en faisant semblant de regarder ailleurs. Bahia posa son regard sombre sur la lame qui avait coulé en moins de deux, laissant l’océan l’engloutir à jamais. Elle trouverait autre chose. Elle devait devenir forte, elle devait…

* Bahia ! *

Hum ? La jeune femme resta figée, observant d’un air médusé son compagnon de route. Le Ténéfix lui avait sauté à la figure, collant son nez contre le sien, plongeant son regard brillant dans l’eau agitée des pupilles de sa dresseuse. Ce fut comme un déclic, ces jambes s’effondrèrent sous elle et la jeune femme resta assise. Serrant le Pokémon contre elle, Bahia reprit lentement ses couleurs. Tout ce qui n’avait été que colère et frustration disparue d’un coup, laissant une jeune femme déboussolée et effrayée. Posant son regard tranquille sur le Ténéfix inquiet, elle murmura d’une voix douce.

-‘ Merci, Rubis. ‘